Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – inconduite – preuve incohérente – concession

Le gestionnaire de la prestataire l’a prévenu qu’elle serait congédiée si elle n’assistait pas à une séance de coaching cédulée. Cependant, il ne lui a pas dit ce qui se passerait si elle était en retard à la séance. Elle est arrivée en retard et a été congédiée pour inconduite. Elle ne pouvait donc pas compter sur ses heures travaillées dans le cadre de cet emploi pour appuyer sa demande d’AE. La Commission a donné raison à l’employeur et confirmé l’inconduite. La division générale (DG) a également donné raison à l’employeur et à la Commission en confirmant l’inconduite. La prestataire a fait appel à la division d’appel (DA).

La DA a conclu que la DG n’avait pas traité des incohérences dans les éléments de preuve et qu’elle en avait négligé d’autres. L’employeur a fourni des éléments de preuve contradictoires, ce qui aurait dû affecter sa crédibilité. Compte tenu de cela, la DA a eu du mal à comprendre pourquoi la DG a déterminé que l’employeur était plus crédible que la prestataire. La DG aurait dû aborder cet aspect de la preuve. Ne pas le faire est une erreur qui permet à la DA d’intervenir. Mais ce n’est pas tout : la DA a également expliqué que pour qu’il y ait inconduite, un prestataire doit au moins savoir que son comportement pourrait l’empêcher de faire son travail et entraîner son congédiement. La Commission a reconnu devant la DA qu’elle n’avait pas réussi à prouver l’inconduite selon les critères juridiques pertinents. Il n’est pas clair si la prestataire savait qu’elles seraient les conséquences d’un simple retard, plutôt que de ne pas se présenter du tout au coaching.

Après avoir constaté des erreurs dans la décision de la DG et accepté la concession de la Commission, la DA a conclu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite dans cette affaire. Elle a accueilli l’appel et déterminé que les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi peuvent être utilisées dans le cadre de la demande de la prestataire.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JS c Commission de l’assurance-emploi du Canada et X, 2021 TSS 153

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-860

ENTRE :

J. S.

Appelante / Prestataire

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée / Commission

et

X

Partie mise en cause / Employeur


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Janet Lew
DATE DE LA DÉCISION : Le 14 avril 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale n’a pas abordé certaines incohérences dans la preuve. Elle a négligé certains éléments de preuve. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Ni l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, ni l’employeur, X, ont établi que la prestataire, J. S., a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Aperçu

[2] La prestataire porte en appel la décision de la division générale. La division générale a conclu que la prestataire a perdu son emploi dans le domaine de la restauration rapide en raison d’une inconduite. Son employeur exigeait qu’elle participe à une séance de coaching avec son directeur général.

[3] Le directeur général a averti la prestataire que si elle ne participait pas à la séance, il allait la congédier. La prestataire est arrivée en retard à la séance, et l’employeur l’a donc congédiée pour inconduite. En raison de cette inconduite, la prestataire ne pouvait pas utiliser les heures accumulées dans le cadre de cet emploi pour demander des prestations d’assurance-emploi.

[4] La prestataire nie avoir fait preuve d’inconduite. Elle soutient que la division générale a commis diverses erreurs qui l’ont menée à conclure qu’elle avait commis une inconduite. La Commission est d’accord avec le fait que la division générale a commis plusieurs erreurs. La prestataire et la Commission me demandent d’accueillir l’appel et de rendre ma propre décision. L’employeur continue de soutenir que la prestataire a fait preuve d’inconduite. L’employeur soutient que l’appel devrait être rejeté.

[5] Je conclus que ni la Commission ni l’employeur n’ont établi qu’il y a eu inconduite ou que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La déclaration de la prestataire selon laquelle elle est arrivée à l’heure est tout aussi plausible que la déclaration de l’employeur selon laquelle elle est arrivée en retard. De toute façon, il ne semble pas évident que la prestataire savait ou aurait dû savoir que même si elle arrivait en retard à la séance, elle pouvait être congédiée.

Questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Y avait-il des incohérences dans la preuve présentée par l’employeur? Dans l’affirmative, la division générale a-t-elle omis de les aborder?
  2. La division générale a-t-elle négligé des faits importants sur lesquels elle a fondé sa décision?

Analyse

[7] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social permet à la division d’appel d’intervenir dans une décision de la division générale. Toutefois, la division d’appel ne peut intervenir qu’en présence de circonstances particulières. Cet article ne donne pas à la division d’appel le pouvoir de tenir une nouvelle audience ni de recueillir de nouveaux éléments de preuve.

[8] La division d’appel peut intervenir s’il y a eu erreur de droit. La division d’appel peut aussi intervenir si la division générale a fondé sa décision sur des erreurs de fait sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle peut également intervenir si la division générale a excédé sa compétence, ou si elle n’a pas offert un processus équitable.

La division générale n’a pas abordé certaines incohérences dans la preuve

[9] La division générale n’a pas abordé certaines incohérences dans la preuve présentée par l’employeur.

[10] La prestataire soutient qu’il y avait des incohérences dans la preuve du directeur général. Elle affirme que la preuve montre que le directeur général a dit à la Commission qu’elle ne s’était pas présentée à la séance de coaching. Puis, lors de l’audience devant la division générale, le directeur général a dit quelque chose de complètement différent. Il a déclaré que la prestataire s’était en fait présentée, mais en retard. Il y avait des incohérences dans la preuve.

[11] La prestataire soutient que si la division générale avait tenu compte des incohérences, elle aurait conclu que le directeur général n’était pas un témoin crédible. Elle affirme que la division générale aurait pu choisir de rejeter la preuve de l’employeur et y préférer la sienne.

[12] La Commission est d’accord avec la prestataire qu’il existe des incohérences dans la preuve présentée à la division générale.

[13] La Commission soutient que lorsque la preuve est incohérente, la division générale a le devoir d’évaluer la crédibilité de la preuve avant de décider à quels éléments de preuve elle donne préséance. La Commission soutient que la division générale ne peut pas simplement ignorer des éléments de preuve. La Commission affirme que si la division générale ne se fonde pas sur certains éléments de preuve dans sa décision, ou si elle ne leur accorde que peu de poids, elle doit à tout le moins expliquer pourquoi.

[14] Selon la Commission, la division générale a omis de relever les incohérences dans la preuve de l’employeur. Pour cette raison, la Commission affirme que la division générale a commis une erreur de droit.

[15] L’employeur n’a pas abordé les arguments de la prestataire ou de la Commission au sujet de ces incohérences. L’employeur continue de soutenir que la prestataire était en retard. Selon lui, il ne pouvait pas modifier son agenda pour l’accommoder. Il avait d’autres engagements. Il continue de soutenir qu’il y a eu inconduite.

[16] La division générale a pris note des arguments de la Commission, selon lesquels il y avait des incohérences dans la preuve de l’employeurNote de bas de page 1. Pourtant, elle n’a tiré aucune conclusion d’un sens ou de l’autre sur le fait qu’il existait ou non des incohérences dans la preuve de l’employeur.

[17] La division générale n’a pas abordé les observations de la Commission. Elle n’a pas non plus décidé s’il existait des incohérences dans la preuve de l’employeur.

[18] Je conclus que l’employeur a donné des éléments de preuves contradictoires. L’employeur a préparé un rapport d’incident environ une semaine après la séance qui était prévue. Le directeur général a écrit que la prestataire [traduction] « ne s’était pas présentée à sa première et seconde séance de coaching malgré les rappels qui lui avaient été donnésNote de bas de page 2 ». Dans son avis d’appel, l’employeur a écrit que la prestataire [traduction] « ne s’était pas présentée à la deuxième séanceNote de bas de page 3 ». À une autre occasion, le directeur général a déclaré que la prestataire s’était présentée en retardNote de bas de page 4. Comme la division générale l’a indiqué, le directeur général a déclaré lors de l’audience que la prestataire s’était présentée en retardNote de bas de page 5.

[19] Les éléments de preuve contradictoires étaient importants. Ils pouvaient avoir une incidence sur la crédibilité du directeur général. Il est difficile de comprendre pourquoi la division générale a estimé que l’employeur était forcément plus crédible. Après tout, il y avait des éléments de preuve contradictoires de l’employeur également.

[20] Les éléments de preuve contradictoires étaient importants parce qu’ils avaient un rapport direct avec le congédiement de la prestataire. L’employeur a congédié la prestataire en invoquant l’inconduite comme raison. Il a dit à la prestataire qu’il était [traduction] « obligatoire qu’elle se présente à la séance, sans quoi, elle serait congédiéeNote de bas de page 6 ». 

[21] Toutefois, l’employeur n’a jamais dit à la prestataire ce qui arriverait si elle se présentait en retard. Sans avertissement explicite, on peut penser que la prestataire ne pouvait pas s’imaginer que son employeur la congédierait si elle arrivait en retard. Si la prestataire ne connaissait pas les conséquences possibles de son geste, ou qu’elle ne pouvait pas les connaître, on ne peut pas conclure qu’il y a eu inconduite.

[22] Il est possible que l’employeur ait douté qu’il puisse invoquer l’inconduite pour justifier le congédiement de la prestataire, puisqu’elle s’était présentée en retard au rendez-vous au lieu de s’en absenter. La prestataire a laissé entendre que l’employeur avait l’intention de la congédier. Si tel est le cas, cela pourrait expliquer pourquoi l’employeur a initialement déclaré à la Commission que la prestataire ne s’était pas présentée à la séance de coaching, sans mentionner qu’elle s’était simplement présentée en retard.

[23] En raison de l’importance de ces contradictions dans la preuve, la division générale aurait dû les aborder.

La division générale n’a pas abordé certaines incohérences dans la preuve

[24] La division générale a négligé certains faits importants.

[25] La prestataire affirme que la preuve montrait qu’elle avait dit à son employeur qu’elle ne pouvait pas arriver à 17 h 30 et qu’elle serait en retard. Elle dit que son directeur général lui avait dit qu’il l’attendrait un autre 10 minutesNote de bas de page 7. Elle prétend que cela explique raisonnablement pourquoi le directeur général était toujours au restaurant après 17 h 30. Elle affirme que la division générale aurait dû tenir compte du fait que le directeur général est resté sur place jusqu’à 17 h 40.

[26] La Commission est également d’accord avec la prestataire sur le fait que la division générale a omis de tenir compte de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance.

[27] Le directeur général n’a pas réagi aux arguments de la prestataire et de la Commission selon lesquels la division générale avait négligé des éléments de preuve. Toutefois, il soutient que la preuve montre qu’il n’a jamais reçu d’appel de la prestataire après 17 h.

[28] Le directeur général affirme qu’il aurait attendu la prestataire si elle l’avait effectivement appelé. Il affirme aussi que le fait que la prestataire soit arrivée ou non alors qu’il était toujours au restaurant n’est pas pertinent. Il soutient qu’il y a inconduite si la prestataire était en retard ne serait-ce que d’une minute. Il s’attendait à ce qu’elle arrive à l’heure parce qu’il lui avait écrit par message texte qu’il ne l’attendrait pas [traduction] « une minute de plus ».

[29] La division générale a rejeté la preuve de la prestataire selon laquelle :

  1. elle a avait appelé son employeur pour lui dire qu’elle serait en retard et qu’elle n’arriverait pas à la séance pour 17 h 30;
  2. le directeur général a accepté de rester 10 minutes de plus, jusqu’à 17 h 40.

La division générale a conclu qu’il était évident que le directeur général ne l’attendrait pas. Après tout, il avait écrit à la prestataire par message texte : [traduction] « Je vais attendre jusqu’à 17 h 30, mais pas une minute de plusNote de bas de page 8 ».

[30] La division générale a accepté la preuve du directeur général selon laquelle il avait dit à la prestataire qu’il ne l’attendrait pas [traduction] « une minute de plus ». La division générale a aussi accepté sa preuve selon laquelle elle ne l’a jamais appelé.

[31] Pourtant, la preuve montre que le directeur général l’a attendue jusqu’à 17 h 35 au restaurant, puis un autre cinq minutes dans son véhiculeNote de bas de page 9. Son message texte à la prestataire confirme qu’il a quitté les lieux à 17 h 40Note de bas de page 10

[32] La division générale avait en main la preuve du directeur général selon laquelle il a quitté les lieux à 17 h 40Note de bas de page 11. Malgré cela, la division générale n’a pas abordé le fait que le directeur général a attendu la prestataire après 17 h 30, même s’il lui avait dit plus tôt dans un message qu’il ne l’attendrait pas [traduction] « une minute de plus ».

[33] La division générale aurait dû tenir compte du fait que le directeur général n’a quitté les lieux que 10 minutes après 17 h 30. Ce fait semble appuyer la déclaration de la prestataire selon laquelle l’employeur lui a dit qu’il l’attendrait un autre 10 minutes lorsqu’elle l’a appelé pour lui dire qu’elle serait en retard.

[34] La division générale a conclu que la prestataire avait été insouciante de ne pas avoir appelé le directeur général pour l’aviser qu’elle serait en retard. Si la division générale avait tenu compte du fait que le directeur général a attendu la prestataire après avoir initialement dit qu’il ne l’attendrait pas après 17 h 30, elle aurait peut-être accepté la preuve de la prestataire. La prestataire avait déclaré qu’elle avait communiqué avec son directeur général. Elle l’a appelé pour lui dire qu’elle serait en retard et qu’elle avait besoin de plus de temps pour se rendre à la séance. Comme l’affirme la prestataire, cela aurait pu expliquer pourquoi le directeur général est resté après 17 h 30.

[35] Si la division générale avait accepté la preuve de la prestataire selon laquelle elle avait appelé le directeur général, elle n’aurait peut-être pas conclu qu’elle avait agi de façon si insouciante que son geste frôlait le caractère délibéré. Et si elle avait conclu qu’elle n’avait pas agi de façon insouciante, elle n’aurait peut-être pas conclu qu’il y avait eu inconduite.

[36] Je conclus que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, plus précisément, le fait que l’employeur est resté après 17 h 30.

Réparation

[37] La division générale a commis une erreur de droit. Elle a aussi fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Ainsi, je dois établir quelle serait la réparation appropriée. J’ai diverses optionsNote de bas de page 12. Je peux rendre ma propre décision, renvoyer l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen avec des directives, ou encore confirmer, infirmer ou modifier la décision de la division générale en totalité ou en partie.

[38] La prestataire demande à ce qu’une nouvelle personne tranche son appel. La Commission me demande d’annuler la décision de la division générale. L’employeur me demande quant à lui de rejeter l’appel.

[39] Je rejetterais l’appel seulement si après avoir examiné l’ensemble de la preuve, j’en arrivais à la même conclusion que la division générale et établissait qu’il y a eu inconduite.

[40] Pour qu’il y ait inconduite, la prestataire doit avoir agi de façon délibérée. En d’autres mots, les gestes ayant mené au congédiement d’une partie prestataire doivent avoir été conscients, voulus ou intentionnels. Cela comprend également une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré.

[41] La Commission affirme qu’il n’est pas évident qu’il y a eu inconduite. Elle soutient que dans ce cas-ci, c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre. Autrement dit, les preuves de chacune des parties s’équivalent en ce qui a trait au fait que la prestataire soit arrivée à la séance de coaching à l’heure ou non. Si on ne sait pas exactement si la prestataire est arrivée à la séance de coaching à temps, on ne peut pas conclure qu’il y a forcément eu inconduite.

[42] La prestataire et l’employeur ne sont pas d’accord sur la question du moment auquel la prestataire aurait dû arriver pour être à l’heure. La preuve entourant le fait que la prestataire soit arrivée « à l’heure » ou non est conflictuelle. Il est donc impossible de conclure que la prestataire était en retard ni qu’elle était arrivée à l’heure.

[43] D’un côté, le directeur général affirme que d’aucune façon il n’aurait pu accepter de la rencontrer après 17 h 30 parce qu’il avait une autre réunion peu après. Il était fermement décidé à tenir la réunion au plus tard à 17 h 30. Pourtant, le directeur général a également déclaré qu’il avait quitté les lieux à 17 h 40. D’autre part, la prestataire insiste sur le fait que l’employeur a accepté sa demande de déplacer l’heure de la réunion à 17 h 40. Ainsi, les preuves sont contradictoires quant à savoir si l’employeur s’attendait à ce que la prestataire arrive à 17 h 30 ou si, comme le prétend la prestataire, l’employeur lui a donné jusqu’à 17 h 40.

[44] La division générale a conclu que la prestataire avait agi de façon si insouciante que cela frôlait le caractère délibéré. Elle a conclu que la prestataire avait agi de façon insouciante parce qu’elle ne s’était pas assurée d’arriver à l’heure. Toutefois, le problème avec cette conclusion, c’est qu’elle tient pour acquis que la prestataire devait arriver à 17 h 30. Pourtant, la preuve n’est pas claire sur ce point. 

[45] Comme la Commission l’a déjà postulé [traduction] « le caractère délibéré de l’acte n’est pas présent dans cet incident ultimeNote de bas de page 13 ». La prestataire a déclaré qu’elle savait que son employeur la congédierait si elle ne se présentait pas à la séance de coaching. Elle a tenté d’arriver à l’heure, mais a été prise dans un bouchon de circulationNote de bas de page 14. La Commission affirme que le retard de la prestataire n’était pas délibéré, puisqu’elle n’avait aucun contrôle sur le bouchon de circulation.

[46] Je ne peux pas conclure que la prestataire a agi de façon insouciante simplement parce qu’elle a peut-être été en retard. Il n’y a aucune preuve indiquant par exemple combien de temps il a fallu à la prestataire pour se déplacer à partir de son point de départ ni combien de temps elle a prévu pour son déplacement. Il n’y a pas d’éléments de preuve montrant si des circonstances extraordinaires ont provoqué le retard de la prestataire. Il s’agissait de renseignements manquants qui auraient peut-être été nécessaires pour établir si la conduite de la prestataire avait été insouciante. Lorsque de tels renseignements sont manquants, il est habituellement justifié de renvoyer l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen.

[47] Toutefois, considérant la preuve contradictoire et irréconciliable entourant le fait que la prestataire soit arrivée « à l’heure » ou non, il n’y a aucun avantage et aucune utilité à renvoyer l’affaire devant la division générale. Les éléments de preuve contradictoires seraient toujours présents. Renvoyer l’affaire devant la division générale ne réglerait pas les préoccupations entourant la preuve.

[48] De plus, il y a des préoccupations relatives à la preuve des deux parties. On ne peut se fier ni au récit de la prestataire ni à celui du directeur général.

[49] Les deux parties ont changé leur récit en ce qui concerne d’autres questions. La division générale a soulevé les incohérences dans la preuve de la prestataire. Le récit du directeur général entourant le fait que la prestataire se soit présentée ou non à la séance a changé au fil du temps. Rien n’indique que les témoignages de l’un ou de l’autre seraient plus fiables.

[50] Les deux témoins n’ont pas présenté de preuve pour appuyer leur version des faits. Par exemple, la prestataire affirme qu’elle a appelé le directeur général. Elle aurait facilement pu imprimer un registre d’appels téléphoniques pour appuyer ce fait, mais elle ne l’a pas fait. Elle affirme que ces registres ne sont plus disponibles. Ainsi, tenir une autre audience ne permettrait pas forcément aux parties de présenter de nouveaux éléments de preuve qui pourraient être pertinents aux questions les plus cruciales.

[51] Il y a aussi la question de savoir si la prestataire était au courant des conséquences possibles de son retard. Il y a inconduite lorsqu’une personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution des tâches dues à son employeur, et qu’elle savait ou aurait dû savoir que le congédiement était une possibilité réelle. Le message texte envoyé par l’employeur à la prestataire ne communiquait aucune conséquence d’un retardNote de bas de page 15. Ainsi, la prestataire ne pouvait pas savoir que le congédiement était une possibilité réelle si elle arrivait en retard.

[52] Comme la Commission l’a indiqué, le fardeau de la preuve revient à l’employeur et à la Commission. C’est à eux de prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission soutient que ni l’employeur ni la Commission n’ont été en mesure d’établir qu’il y a eu inconduite.

[53] En gardant cela en tête, la Commission prétend que ni l’employeur ni la Commission ne se sont acquittés du fardeau de prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission prétend qu’en conséquence, la perte d’emploi de la prestataire ne peut pas constituer une inconduite. Ainsi, les heures d’emploi assurable découlant de cet emploi doivent être considérées dans le calcul de sa période de prestations.

[54] Les déclarations de la prestataire sont aussi plausibles que celles du directeur général. La prestataire prétend qu’elle est arrivée à l’heure, qu’elle n’a pas fait preuve d’insouciance, et qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait être congédiée pour son retard. Le directeur général nie avoir reçu un appel de la prestataire ou qu’il ait accepté de déplacer l’heure de la rencontre à 17 h 40. Ultimement, cela signifie que ni la Commission ni l’employeur n’ont réussi à prouver qu’il y a eu inconduite.

Conclusion

[55] L’appel est accueilli. Ni la Commission ni l’employeur n’ont établi qu’il y avait eu inconduite. La prestataire peut utiliser les heures d’emploi assurable accumulées dans le cadre de cet emploi pour établir sa période de prestations d’assurance-emploi.

 

Date de l’audience :

Le 23 mars 2021

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparutions :

J. S., appelante

S. Prud’homme, représentante de l’intimée (par observations écrites)

Waseem Mobashar, représentant de la partie mise en cause (par téléconférence)

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