Assurance-emploi (AE)

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Citation : RC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 247

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. C.
Représentante ou représentant : Line Lamy
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (409068) datée du 27
novembre 2020 rendue par la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (communiquée par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 avril 2021
Personnes présentes à l’audience : L’appelant
La représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 7 mai 2021
Numéro de dossier : GE-21-349

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteFootnote 1. Son exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 8 mars 2020 est donc justifiée.

Aperçu

[2] Depuis 2013, l’appelant travaille comme ferblantier pour l’employeur 9135-9901 Québec inc. (X ou l’employeur). Du 22 septembre 2019 au 2 mars 2020 inclusivement, il a effectué une période d’emploi pour cet employeur et a cessé de travailler pour lui en raison d’un congédiement.

[3] L’employeur explique avoir congédié l’appelant parce qu’il a effectué son travail sans porter de harnais de sécurité après être monté dans une nacelle. Ce faisant, il a contrevenu à des règles ou des procédures en vigueur en matière de santé et sécurité au travail.

[4] Le 8 avril 2020, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) avise l’appelant qu’il n’a toujours pas droit à d’autres prestations régulières de l’assurance-emploi à partir du 8 mars 2020 parce qu’il a cessé de travailler pour l’employeur, le 3 mars 2020, en raison de son inconduiteFootnote 2.

[5] L’appelant soutient ne pas être responsable de la perte de son emploi. Il explique avoir omis de porter un harnais de sécurité pour effectuer son travail alors qu’il se trouvait dans une nacelle. L’appelant précise qu’il s’agit d’un oubli de sa part. Il fait valoir que son superviseur, qui se trouvait avec lui au moment de l’événement, aurait dû lui signaler qu’il ne portait pas son harnais. L’appelant fait également valoir qu’il en est de même de la personne affectée à la santé et la sécurité au travail sur le chantier où il travaillait. Il soutient que cette personne et son superviseur sont également responsables du fait qu’ils ne l’ont pas averti qu’il ne portait pas son harnais. L’appelant fait valoir que son congédiement n’avait pas lieu d’être. Selon lui, une réprimande aurait pu s’appliquer dans son cas, comme être une semaine sans recevoir de salaire ou de prestations d’assurance-emploi. L’appelant souligne que l’employeur l’a rappelé au travail en mai 2020. L’appelant explique être toujours à son emploi. Le 24 février 2021, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[6] Je dois déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[7] Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?
  • La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi?

Analyse

[8] Le terme d’inconduite n’est pas défini dans la Loi. Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) donnent les caractéristiques décrivant la notion d’inconduite.

[9] Dans l’une de ses décisions, la Cour mentionne que pour constituer de l’inconduite, « l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail »Footnote 3.

[10] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. C’est-à-dire qu’elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleFootnote 4. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle « frôle le caractère délibéré »Footnote 5, c’est-à-dire qu’elle est presque délibérée. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable, c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de malFootnote 6.

[11] Il y a inconduite si un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonFootnote 7.

[12] Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailFootnote 8.

[13] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilitésFootnote 9. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteFootnote 10.

Question no 1 : Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[14] Dans le cas présent, le geste reproché à l’appelant est d’avoir omis de porter un harnais de sécurité pour effectuer son travail alors qu’il se trouvait dans une nacelle, à plus d’une dizaine de pieds du sol.

[15] Les déclarations de l’employeur à la Commission indiquent les éléments suivants :

  1. L’appelant a travaillé sur un chantier de l’aluminerie X à Sept-Îles où l’employeur y réalisait un contrat obtenu en sous-traitance. Alors qu’il travaillait sur ce chantier, l’appelant est monté dans une nacelle sans porter de harnais de sécurité. En effectuant son travail, il est sorti de la nacelle, y laissant un pied dans celle-ci et plaçant l’autre sur la structure du bâtiment pour effectuer ses tâches. L’employeur explique que l’appelant s’est ainsi trouvé « à moitié dans le vide », à 11 pieds du sol, sans être attaché à son harnais. Le contremaître de l’appelant se trouvait avec ce dernier dans la nacelle lors de l’événementFootnote 11;
  2. Le geste de l’appelant a été constaté par une personne de la santé et de la sécurité au travail affectée à la surveillance du chantier de l’entreprise X. À la suite de ce constat, le chantier a cessé ses activités pendant une semaine et demieFootnote 12;
  3. L’employeur affirme que l’appelant a avoué que son contremaître l’avait avisé de s’attacher. Il explique que l’appelant a reconnu que c’était de sa faute s’il n’avait pas suivi les règles de santé et de sécurité au travailFootnote 13;
  4. L’employeur explique que le geste posé par l’appelant était « inacceptable » et que celui-ci a commis une « faute grave », ce qui a provoqué son congédiement. Il affirme que c’était un manque de jugement de la part de l’appelant et que celui-ci n’a pas suivi les procédures. Il savait qu’il ne pouvait pas faire cela et il l’a reconnu. L’appelant savait que le fait de ne pas suivre les règles ou les procédures en matière de santé et de sécurité au travail pouvait mener à des sanctions pouvant aller jusqu’au congédiement. L’employeur souligne que l’appelant a mis sa vie en dangerFootnote 14;
  5. L’employeur explique ne pas avoir appliqué une gradation de sanction à l’endroit de l’appelant pour le geste posé. L’employeur indique avoir pris sa décision en fonction des dirigeants du chantier de l’entreprise XFootnote 15;
  6. L’appelant a reçu plusieurs formations en santé et en sécurité au travail. Il avait tout l’équipement nécessaire pour suivre les règles en cette matièreFootnote 16;
  7. Au moment de leur embauche, les employés, dont l’appelant, signent un engagement concernant leurs obligations en matière de santé et de sécurité au travailFootnote 17. L’appelant a signé ce document le 17 mars 2017Footnote 18;
  8. L’employeur explique avoir dû rembourser les frais des autres entrepreneurs travaillant au chantier parce qu’il a été tenu responsable de sa fermeture en raison du geste de l’appelant, étant donné que celui-ci était son employé. Il précise que cette « erreur » lui a couté plus de 25 000,00 $ après négociation avec l’entreprise X. L’employeur indique que cette entreprise refuse que l’appelant, et le contremaître qui se trouvait avec lui travaillent sur leurs chantiers. L’entreprise X lui a demandé que ces deux personnes soient congédiées. L’employeur pense que cette entreprise a voulu donner un exemple. L’employeur souligne que son entreprise est maintenant qualifiée « d’entreprise à risque » et que cela a des répercussions pour luiFootnote 19;
  9. L’employeur déclare avoir réembauché l’appelant, avec « certaines conditions », après que celui-ci soit revenu le voir et ait reconnu son erreurFootnote 20.

[16] De son côté l’appelant explique avoir perdu son emploi pour ne pas avoir porté son harnais de sécurité après être monté dans une nacelle pour effectuer ses tâches.

[17] Son témoignage et ses déclarations à la Commission indiquent qu’il a été congédié pour cette raisonFootnote 21. L’appelant fait valoir qu’il s’agissait d’un oubli ou d’une erreur de sa part.

[18] La représentante de l’appelant dit comprendre que l’employeur ait indiqué qu’il avait congédié l’appelant. Toutefois, selon elle, il ne s’agit pas d’un congédiement, mais plutôt d’une mesure disciplinaire prise contre l’appelantFootnote 22. Elle explique que l’appelant a été rappelé au travail en mai 2020 suivant la fin des mesures de confinement en vigueur, associées à la pandémie de COVID-19Footnote 23. La représentante précise que ces mesures avaient entre autres fait en sorte d’interrompre les activités du secteur de la construction à compter du 15 mars 2020.

[19] Malgré les arguments de la représentante sur ce point, je considère que l’appelant a bien été congédié par l’employeur le 3 mars 2019. L’appelant reconnaît que l’employeur l’a congédié, bien qu’il soit en désaccord avec cette décision.

[20] Le relevé d’emploi émis par l’employeur indique bien que l’appelant a été congédiéFootnote 24. Les déclarations de l’employeur à la Commission sont également claires sur ce pointFootnote 25.

[21] Je considère que la perte d’emploi de l’appelant résulte du fait qu’il n’a pas porté son harnais de sécurité lorsqu’il est monté dans une nacelle pour effectuer ses tâches sur un chantier de construction où l’employeur y réalisait un contrat.

[22] Je dois maintenant déterminer si le geste reproché à l’appelant constitue de l’inconduite au sens de la Loi.

Question no 2 : La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi?

[23] Je considère qu’en omettant de porter un harnais de sécurité pour effectuer son travail après être monté dans une nacelle, l’appelant a délibérément perdu son emploi. Il s’agit d’un geste représentant de l’inconduite au sens de la Loi.

[24] Je considère qu’en regard de ce geste et malgré les explications qu’il fournit à cet effet, l’appelant a manqué à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.

[25] L’appelant fait valoir qu’il n’est pas responsable de la perte de son emploi. Son témoignage et ses déclarations à la Commission indiquent les éléments suivants :

  1. L’événement ayant mené à la fin de son emploi s’est produit le lundi 2 mars 2020 alors qu’il travaillait sur un chantier de l’aluminerie X. Il s’est présenté au travail avec tout son équipement et outillage, incluant ses outils « EPI »Footnote 26. L’appelant souligne que lorsqu’il traverse la barrière à l’entrée d’un chantier comme celui de l’entreprise X, il doit avoir avec lui tout le matériel requis pour accomplir son travail ;
  2. Lors de sa journée de travail du 2 mars 2020, son superviseur était avec lui. Celui-ci l’a dirigé et lui a donné les consignes pour le travail à effectuer. Pour accomplir ses tâches, l’appelant a dû monter dans une nacelle (« cisolift »). Avant d’y monter, l’appelant avait sorti tout son équipement pour assurer sa sécurité. Il souligne que « tout était là ». L’appelant explique que son superviseur lui a demandé d’aller prendre des mesures. Il déclare avoir alors dit au superviseur : « […] Attends un peu, je vais mettre mon harnais […] », mais celui-ci lui a dit : « […] Viens ici, on va aller mesurer […] »Footnote 27. L’appelant explique que c’est le superviseur qui mène (« run »). L’appelant est alors monté dans la nacelle sans mettre son harnais. Son superviseur lui a ensuite dit : « Tiens le « tape » et va le porter un peu plus loin […] » ;
  3. L’appelant explique avoir oublié de porter son harnais à ce moment et que tout s’était produit « vraiment vite ». Il dit connaître les règles en matière de santé et de sécurité au travail, dont celle de devoir porter un harnais pour faire la tâche qu’il effectuait. Ce fut vraiment un oubli de sa part de ne pas le porter à ce moment. Il précise avoir commis une « erreur » et que tout le monde peut en faire. L’appelant affirme qu’il n’était pas obligé de porter un harnais en montant dans la nacelle, mais qu’il a oublié de le faire par la suite pour effectuer le travail demandéFootnote 28. Dans sa déclaration du 8 avril 2020 à la Commission, l’appelant explique que même s’il ne portait pas son harnais et qu’il n’était pas attaché alors qu’il se trouvait dans la nacelle, c’était impossible, selon lui, de tomber de l’endroit où il est sorti. Il déclare aussi qu’il reconnaît sa « faute », car il savait qu’il aurait dû être attaché, mais qu’il avait le droit de ne pas l’être lorsqu’il se trouvait dans la nacelle, mais non pour en sortirFootnote 29;
  4. L’appelant explique qu’une inspectrice ou une agente de prévention en santé et sécurité au travail de l’entreprise X a constaté sa manœuvre alors qu’il se trouvait dans la nacelle sans son harnais. L’inspectrice lui a alors dit de descendre de la nacelle. L’appelant explique qu’elle lui a ensuite demandé de quitter les lieux du chantier et l’a ainsi « mis dehors » du chantier ;
  5. L’appelant dit ne pas croire l’affirmation de son superviseur selon laquelle celui-ci lui aurait dit à trois reprises de porter son harnais. L’appelant affirme que si cela a été le cas, il ne l’a pas entendu. Selon l’appelant, son superviseur a fait cette déclaration pour se défendre ;
  6. L’appelant soutient que s’il était en faute parce qu’il ne portait pas son harnais, il revenait à son superviseur de lui dire ou de faire en sorte qu’il redescende de la nacelle pour le mettre, avant de poursuivre le travail. L’appelant souligne que c’est son superviseur qui menait les opérations et c’est lui qui avait le contrôle de la nacelleFootnote 30;
  7. Dans sa déclaration du 12 novembre 2020 à la Commission, l’appelant indique qu’il a « omis de mettre son harnais et [que] lorsqu’il [l’]a réalisé, il était déjà tout installé donc il a fait la manœuvre »Footnote 31. Dans cette déclaration, il affirme aussi être sorti de la nacelle sans son harnais de sécurité et que selon lui, il n’y avait pas eu de dangerFootnote 32. L’appelant affirme également qu’il savait qu’il ne devait pas faire ça. Il déclare aussi que si son contremaître l’avait prévenu de mettre son harnais, il ne l’avait pas entenduFootnote 33. Lors de l’audience, l’appelant déclare ne pas se souvenir avoir dit ce qui a été rapporté par la Commission dans cette déclaration. L’appelant soutient qu’il y a eu une mauvaise interprétation de ce qu’il a déclaré à la Commission ou il s’est fourvoyé dans les mots qu’il a utilisés. Selon lui, il y a eu une erreur ou une « ambiguïté » dans le résumé de cette déclaration. L’appelant explique que lorsqu’il a parlé à une représentante de la Commission, le 12 novembre 2020, il se trouvait sur un chantier et son employeur attendait qu’il reprenne le travail. L’appelant explique ne pouvoir dire exactement ce qu’il a déclaré à la représentante de la Commission à ce moment, mais lui avoir dit qu’il avait oublié de mettre son harnais. Il explique que personne ne lui a dit qu’il avait oublié de mettre son harnais, malgré ce qui est rapporté dans sa déclaration du 12 novembre 2020. Selon l’appelant, il est faux d’affirmer qu’il a continué de travailler en sachant qu’il devait mettre son harnais ;
  8. L’appelant affirme que l’employeur a décidé de le congédier sous le « coup de la colère ». Selon l’appelant, une semaine après l’avoir congédié, l’employeur s’est ravisé et voulait toujours l’employer. L’appelant fait valoir que son congédiement n’avait pas lieu d’être, mais qu’une réprimande aurait pu s’appliquer dans son cas. Cette réprimande aurait pu se traduire par une semaine sans salaire ou une semaine sans avoir le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi. L’appelant ne voulait pas perdre son emploi pour le geste qui lui a été reprochéFootnote 34;
  9. L’appelant dit savoir ce que le geste qu’il a posé a coûté à l’employeur. L’appelant explique s’être excusé auprès de lui pour ce geste et lui avoir précisé qu’il ne l’avait pas posé « exprès » ;
  10. L’appelant explique qu’il ne peut plus travailler sur un chantier de l’entreprise X, car cette entreprise l’a « banni à vie ». Il mentionne que son patron a également été « sorti » de cette entreprise. Ce n’est pas l’entreprise de son patron qui a terminé le contrat à l’aluminerie, mais un autre sous-traitant. Selon l’appelant, c’est pour cette raison que l’employeur ne l’a pas repris une semaine après l’événement ayant mené à son congédiement ;
  11. L’appelant explique être retourné travailler pour l’employeur le 11 mai 2020 après la fin des mesures de confinement mises en place dans le secteur de la construction en raison de la pandémie de COVID-19 et la reprise des activités dans ce secteurFootnote 35.

[26] La représentante de l’appelant fait valoir les éléments suivants :

  1. La représentante fait valoir que l’appelant n’est pas l’unique responsable du geste qui lui a été reproché de ne pas avoir porté son harnais. Cette responsabilité revient aussi au superviseur de l’appelant et à l’inspectrice ou l’agente de prévention en santé et sécurité au travail de l’entreprise X qui se trouvaient tous deux sur le chantier lorsque ce geste a été posé. Ces deux personnes avaient la responsabilité de signifier à l’appelant qu’il ne pouvait travailler sans son harnais et de lui dire d’aller le chercher pour le porter avant de poursuivre son travail. Ces deux personnes ont fait preuve de négligence à cet égard. La représentante explique que l’appelant est peut-être fautif de ne pas avoir porté son harnais, mais son superviseur était sur place et ne lui a pas signalé son oubli ;
  2. La représentante fait valoir que dans le secteur de la construction, en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, si un employé ne porte pas son harnais, il n’est pas congédié « sur le coup » pour cette raison. On lui demande d’aller le chercher. Qu’il s’agisse des inspecteurs de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) qui se rendent sur les chantiers de construction, de l’employeur ou du superviseur immédiat d’un employé, ceux-ci vont signifier aux employés fautifs d’aller chercher leur harnais s’ils ont omis de le porter et de revenir travailler par la suite après avoir corrigé le problème ;
  3. Dans le cas de l’appelant, celui-ci a été congédié « sur le coup » parce qu’il ne portait pas son harnais. Considérant le geste reproché à l’appelant, il n’y avait « pas matière à congédiement » selon elle. Son congédiement n’était pas justifié ou a peut-être été « un peu trop abusif ». La représentante émet l’avis que l’employeur a subi de la pression, soit de la part de l’entreprise X ou de la part de l’entrepreneur ayant donné le contrat de sous-traitance à l’employeur, afin que l’appelant soit congédié ;
  4. L’employeur aurait pu donner une mesure disciplinaire à l’appelant, comme une suspension de quelques jours ou d’une semaine, au lieu de le congédier, en tenant compte des années de service de ce dernier et du fait qu’il détient un certificat de compétence de la Commission de la construction du Québec (CCQ) indiquant qu’il est un « travailleur préférentiel ». La mention indiquant que l’appelant est un « travailleur préférentiel » signifie qu’il travaille depuis longtemps pour l’employeur, soit plus de sept ans dans son cas, et qu’il peut se déplacer n’importe où au Québec pour le travail. L’appelant est un bon employé. Il n’a jamais été suspendu auparavant parce qu’il ne portait pas son harnais ;
  5. L’appelant a recommencé à travailler pour l’employeur le 11 mai 2020. La représentante émet l’avis que l’appelant n’a pas repris le travail plus tôt pour l’employeur parce que du 15 mars 2020 au 10 mai 2020 inclusivement, les activités du secteur de la construction ont été interrompues, étant donné les mesures de confinement en vigueur, en lien avec la pandémie de COVID-19.

[27] Je considère qu’en omettant de porter son harnais de sécurité pour accomplir la tâche qu’il devait faire à partir de la nacelle dans laquelle il se trouvait, l’appelant a consciemment choisi de ne pas tenir compte des normes de comportement que l’employeur avait le droit d’exiger de lui.

[28] L’appelant a passé outre une exigence fondamentale liée à son emploi. En agissant de la sorte, il a brisé le lien de confiance qui l’unissait à son employeur.

[29] Je suis d’avis que l’appelant avait la possibilité d’éviter de compromettre son emploi en portant son harnais, comme il aurait dû le faire.

[30] L’appelant connaissait les règles en matière de santé et de sécurité au travail et savait qu’il devait s’y conformer. Il a signé un document à cet effetFootnote 36. Ce document donne la précision suivante : « Lors de travaux en hauteur dans une plate-forme élévatrice ou nacelle, l’employé doit obligatoirement porter son harnais et longe. Il doit s’attacher avant même d’embarquer dans l’équipement. »Footnote 37.

[31] L’appelant avait tout son matériel et tout l’outillage nécessaires pour accomplir son travail de façon sécuritaire sur le chantier où il a travaillé, le 2 mars 2020.

[32] Je ne retiens pas l’argument de l’appelant selon lequel son omission de porter son harnais après être monté dans une nacelle pour effectuer la tâche demandée relève d’un oubli de sa part.

[33] Je trouve d’ailleurs contradictoire cette affirmation, étant donné que dans son témoignage, l’appelant explique que lorsque son superviseur lui a demandé d’aller « prendre des mesures », avant de monter dans la nacelle, il a dit à ce dernier ce qui suit : « […] Attends un peu, je vais mettre mon harnais […] » et que celui-ci lui a ensuite dit : « […] Viens ici, on va aller mesurer […] »Footnote 38.

[34] Je considère que cette déclaration démontre que juste avant de monter dans la nacelle et d’accomplir une tâche en hauteur, à plusieurs pieds du sol, l’appelant savait qu’il devait porter son harnais. Il a volontairement décidé de ne pas porter le porter.

[35] J’estime que cette déclaration corrobore aussi la déclaration qu’il a faite à la Commission, en date du 12 novembre 2019, dans laquelle il indique qu’il avait omis de mettre son harnais et que lorsqu’il l’a réalisé, il était déjà installé et est sorti de la nacelle pour poursuivre sa tâche sans le porterFootnote 39.

[36] Malgré les explications que l’appelant donne aussi lors de l’audience selon lesquelles sa déclaration du 12 novembre 2020 n’a pas été rapportée correctement, il n’en fait pas la démonstration. En effet, étant donné sa déclaration voulant que juste avant de monter dans la nacelle, il ait dit à son superviseur d’attendre un peu pour qu’il puisse mettre son harnais pour ensuite y monter sans le porter, ne démontre pas qu’il avait simplement oublié de le faire.

[37] Je souligne également que dans sa déclaration du 8 avril 2020, l’appelant a aussi expliqué qu’il savait qu’il aurait dû porter son harnais et être attaché pour sortir de la nacelle dans laquelle il se trouvait, qu’il reconnaissait la faute qu’il avait commise, mais que selon lui, c’était impossible de tomber à partir de l’endroit où il était sortiFootnote 40.

[38] Je ne retiens pas l’argument selon lequel le superviseur de l’appelant ou l’inspectrice, ou l’agente de prévention en santé et sécurité au travail pour l’entreprise X, doivent assumer une part de responsabilité pour ne pas avoir signifié à l’appelant qu’il ne pouvait travailler sans son harnais et ne pas lui avoir dit qu’il devait le porter avant de poursuivre son travail.

[39] Je considère qu’il appartenait avant tout à l’appelant de s’assurer qu’il allait accomplir ses tâches en respectant les règles et procédures en vigueur en matière de santé et de sécurité au travail. Toutefois, celui-ci a choisi de ne pas le faire et de ne pas tenir compte d’une exigence légitime de l’employeur.

[40] J’estime que l’appelant ne peut se soustraire de la responsabilité du geste qu’il a posé de façon volontaire en attribuant cette responsabilité à son superviseur ou à l’inspectrice ou l’agente de prévention en santé et en sécurité au travail.

[41] Je ne retiens pas non plus l’argument de la représentante selon lequel un avertissement est d’abord donné à un employé s’il enfreint une règle en matière de santé et de sécurité, comme le fait de ne pas porter un harnais. Rien n’indique que dans le document « Engagement entre l’employé et l’employeur »Footnote 41, que l’appelant a signé, ou qu’en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, celui-ci ne pouvait pas être congédié en raison du geste qu’il a posé et qu’il aurait d’abord dû recevoir un avertissement pour corriger le problème que représentait le fait qu’il ne porte pas son harnais pour sa santé ou sa sécurité. Rien n’indique non plus que l’appelant a contesté son congédiement pour cette raison.

[42] Je considère que l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite allait à l’encontre de ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié, s’il ne portait pas son harnais.

[43] Je suis d’avis que le geste posé par l’appelant était d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir que ce geste pouvait entraîner son congédiement.

[44] Je ne retiens pas non plus l’argument selon lequel l’employeur aurait pu imposer une mesure disciplinaire à l’appelant, autre qu’un congédiement, soit une suspension de quelques jours ou d’une semaine, sans traitement, ou encore que celui-ci soit privé de ses prestations d’assurance-emploi pendant une semaine.

[45] Sur ce point, je précise que mon rôle comme membre du Tribunal n’est pas d’évaluer si la sévérité de la sanction imposée par l’employeur était justifiée ou non, ou si le geste posé par l’appelant constituait un motif valable de congédiement, mais plutôt d’évaluer si ce geste représente une inconduite au sens de la LoiFootnote 42.

[46] Le fait que l’appelant soit retourné travailler pour l’employeur en mai 2020 ne change rien à la nature du geste qu’il a posé et qui a mené à la perte de son emploi.

[47] En résumé, je considère que le geste posé par l’appelant en omettant de porter un harnais de sécurité pour effectuer son travail alors qu’il se trouvait sur une nacelle avait un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant être associé à de l’inconduite.

[48] Je suis d’avis que dans le cas présent, la Commission s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si le geste posé par l’appelant représente de l’inconduite.

[49] La Cour nous informe que la Commission doit prouver l’existence d’éléments de preuve démontrant l’inconduite d’un prestataireFootnote 43.

[50] La preuve recueillie par la Commission démontre que l’appelant a volontairement enfreint les règles et procédures en matière de santé et sécurité au travail en vigueur chez l’employeur, en décidant de ne pas porter son harnais pour accomplir ses tâches lorsqu’il se trouvait dans la nacelle. L’appelant aurait pu continuer d’occuper son emploi en respectant cette règle de base en matière de santé et de sécurité au travail.

[51] Je suis d’avis que le lien entre le geste posé par l’appelant et son congédiement a été démontré.

[52] La Cour nous indique aussi qu’il doit être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataireFootnote 44.

[53] La preuve démontre que le fait que l’appelant n’ait pas porté son harnais, comme il devait le faire, représente la cause réelle de son congédiement. L’employeur a expliqué avoir congédié l’appelant pour cette raison. L’appelant a indiqué avoir été congédié pour ce même motif.

[54] Selon la Loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite.

Conclusion

[55] L’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[56] En conséquence, la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 8 mars 2020 est justifiée.

[57] L’appel est rejeté.

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