Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – choix de prestations parentales – irrévocabilité – choix de l’autre parent

La prestataire a commencé à recevoir des prestations parentales après la fin de ses prestations de maladie et de maternité. Elle a remarqué que le montant des prestations était faible puisqu’elle avait choisi l’option des prestations parentales « prolongées ». La Commission lui a dit qu’elle ne pouvait pas changer le type de prestation pour des prestations standards à cause de la loi. Comme elle avait déjà commencé à recevoir des paiements, il était trop tard pour changer de type de prestations. Elle a fait appel à la division générale (DG). Celle-ci a accueilli son appel en disant que la prestataire avait simplement fait une erreur. Elle voulait choisir l’option standard, mais n’avait pas compris la différence au moment de faire son choix. Elle était aussi malade à ce moment-là. La Commission a porté la décision en appel à la division d’appel (DA).

La DA était d’accord avec la Commission : le choix initial était irrévocable. Pour invalider son premier « choix », la prestataire devait prouver qu’elle n’avait pas choisi les prestations « prolongées » à ce moment-là. Rien ne permettait de prouver une telle chose et aucune autre décision de la DA n’a permis un changement de prestations sur le seul fondement d’une confusion des prestataires. La décision de la DG voulant que la prestataire avait l’intention de choisir les prestations standards ne correspond pas à la preuve. La prestataire était malade, mais sa mère l’a aidée à remplir le formulaire. Elle voulait aussi recevoir des prestations le plus longtemps possible. La DA a donc conclu que la DG avait commis une erreur de faits. Enfin, elle a également rejeté l’argument selon lequel la prestataire pensait combiner les prestations parentales avec l’autre parent. La DA a accueilli l’appel de la Commission, mais comme il n’y avait aucune preuve au dossier sur la nature du choix de l’autre parent et sur le moment où il a été fait, elle a renvoyé l’affaire à la DG pour qu’elle tranche la question.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c SR, 2021 TSS 213

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-88

ENTRE :

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Appelante

et

S. R.

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Stephen Bergen
DATE DE LA DÉCISION : Le 25 mai 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] J’accueille l’appel et je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] L’intimée, S. R. (prestataire), a demandé des prestations de maladie. Elle a également demandé des prestations de maternité et des prestations parentales. Lorsque ses prestations de maladie et de maternité ont été épuisées, elle a commencé à toucher des prestations parentales. Elle a été surprise de voir que le montant de ses prestations avait été réduit aussi rapidement. Elle a donc communiqué avec [l’appelante], la Commission de l’assurance-emploi du Canada, qui lui a expliqué avoir réduit son paiement de prestations parce qu’elle avait choisi les prestations prolongées.

[3] La prestataire a demandé à la Commission de changer ses prestations parentales pour qu’elle reçoive les prestations standards, mais celle-ci a refusé. La Commission a expliqué que la prestataire avait déjà commencé à recevoir des prestations parentales, ce qui voulait dire qu’elle ne pouvait pas remplacer ses prestations par les prestations standards. La Commission a refusé de modifier sa décision quand la prestataire lui a demandé de faire une révision.

[4] La prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Cette dernière a accueilli l’appel. La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas compris les différences entre les choix de prestations parentales et avait donc fait une erreur. Elle a conclu que la prestataire voulait choisir les prestations parentales standards. La Commission porte maintenant la décision de la division générale en appel à la division d’appel.

[5] J’accueille l’appel. La division générale a compris que la prestataire avait examiné les options de prestations parentales, puis qu’elle avait choisi les prestations prolongées (et sélectionné 61 semaines de prestations) parce qu’elle voulait toucher des prestations le plus longtemps possible. La décision de la division générale voulant que la prestataire a choisi les prestations standards ne découle pas de la preuve.

Quels moyens d’appel puis-je examiner?

[6] Les « moyens d’appel » sont les raisons de l’appel. Pour accueillir l’appel, je dois conclure que la division générale a commis un des types d’erreurs suivantsNote de bas de page 1 :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas statué sur une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a statué sur une question qu’elle n’aurait pas dû trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait choisi l’option standard?

Analyse

[8] Lorsque les prestataires remplissent les conditions requises pour recevoir des prestations parentales, il leur est possible de « choisir » entre les prestations standards et les prestations prolongéesNote de bas de page 2. La Loi sur l’assurance-emploi précise que les prestations standards sont versées au taux de 55 % de la rémunération hebdomadaire des prestataires pour une période maximale de 35 semaines. Les prestations parentales prolongées sont versées à un taux réduit de 33 % de la rémunération hebdomadaire des prestataires, mais pour une période maximale de 61 semainesNote de bas de page 3.

[9] Selon la Loi sur l’assurance-emploi, les prestataires ne peuvent pas changer d’avis et demander un autre type de prestations après que la Commission leur a versé des prestations parentales, peu importe le montant. Le choix des prestataires est qualifié d’« irrévocableNote de bas de page 4 ».

Conclusion voulant que la prestataire a choisi l’option standard

[10] La prestataire a dit à la division générale qu’elle avait mal saisi la nature des prestations. Elle pensait recevoir des prestations au taux le plus élevé pendant 52 semaines, puis au taux le plus faible pendant 9 semaines supplémentaires. Elle a expliqué qu’elle n’allait pas bien à l’époque et qu’elle s’est fiée aux conseils de sa mère.

[11] La Commission admet que la prestataire s’est peut-être trompée sur le montant des prestations qu’elle allait recevoir si elle choisissait les prestations prolongées. Toutefois, la Commission soutient que les renseignements figurant dans la demande de prestations n’ont pas induit la prestataire en erreur. La Commission fait remarquer que ses réponses aux questions du formulaire concordaient. L’option qu’elle a choisie, soit les 61 semaines de prestations prolongées, correspondait également à son intention de s’absenter du travail le plus longtemps possible, suivant sa déclaration.

[12] Je suis d’accord avec la Commission. La division générale a commis une erreur de fait importante. Les éléments de preuve présentés à la division générale n’appuient pas sa conclusion selon laquelle la prestataire a choisi les prestations standards.

[13] La section [traduction] « Renseignements sur les parents » du formulaire de demande explique que l’option standard offre des prestations pendant un maximum de 35 semaines pour un parent (ou de 40 semaines si les deux parents partagent les prestations) au taux de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable. Elle indique que l’option prolongée offre des prestations pendant un maximum de 61 semaines (ou de 69 semaines pour les deux parents) à un taux de 33 %Note de bas de page 5. Tout de suite après cette explication, le formulaire demande aux prestataires de choisir le nombre de semaines voulues.

[14] La prestataire a choisi les prestations prolongées en sélectionnant les 61 semaines de prestations parentales. Les prestataires ont droit à 61 semaines de prestations seulement avec l’option des prestations prolongées.

[15] La division générale a souligné que la prestataire ne comprenait pas qu’il y avait une différence entre les prestations de maternité et les prestations parentalesNote de bas de page 6.

[16] Je reconnais la possibilité que la prestataire ait eu les idées embrouillées sur ce point. Le formulaire ne précise pas clairement qu’il demande aux prestataires de choisir seulement le nombre de semaines de prestations parentales, et non le nombre total de semaines de prestations de maternité et de prestations parentales. On ne sait pas intuitivement que les prestations « parentales » excluent les prestations de maternité.

[17] Toutefois, cela n’explique pas le choix de la prestataire. Les 61 semaines de prestations parentales sont offertes seulement aux prestataires qui choisissent les prestations prolongées. L’option qu’elle a sélectionnée, soit les 61 semaines, ne concordait pas avec son intention de toucher les prestations standards.

[18] Les prestations de maternité durent 15 semaines. Les prestations standards durent un maximum de 35 semaines. Par conséquent, les prestataires peuvent recevoir des prestations de maternité et des prestations parentales standards pendant un maximum de 50 semaines. Si la prestataire voulait vraiment des prestations standards et qu’elle pensait qu’elle choisissait un certain nombre de semaines de prestations durant lesquelles ses prestations de maternité et ses prestations standards seraient combinées, elle n’aurait pas dû choisir 61 semaines. Même si elle avait fait son choix en pensant partager les prestations parentales avec l’autre parent, elle aurait seulement pu recevoir les prestations de maternité pendant 15 semaines plus les prestations standards pendant un maximum de 40 semaines, pour un total de 55 semaines.

[19] De plus, la prestataire a dit elle-même à la division générale qu’elle avait choisi 61 semaines de prestations parce que c’était la période maximale durant laquelle elle pouvait s’absenter du travailNote de bas de page 7. Lorsque je lui ai demandé si la division générale avait bien compris ce qu’elle avait dit, elle a confirmé que oui. Elle a ajouté que ce qui était le plus important pour elle, c’était de recevoir des prestations le plus longtemps possible.

[20] Non seulement le fait que la prestataire a choisi les 61 semaines correspondait à son choix de « prestations prolongées » sur le formulaire de demande, mais il correspondait également à son intention de recevoir des prestations le plus longtemps possible, comme elle l’a déclaré.

[21] La division générale a souligné que la prestataire avait une maladie mentale et qu’elle était suivie par un médecin lorsqu’elle a demandé des prestations. La division générale a précisé que la situation personnelle de la prestataire était pertinente à sa compréhension du choix qu’elle a fait. La prestataire a également dit à la division générale qu’elle n’avait pas bien lu le formulaire de demande.

[22] Toutefois, la division générale a remarqué que la mère de la prestataire l’a aidée à remplir la demandeNote de bas de page 8. La prestataire et sa mère ont toutes deux compris qu’elle pouvait toucher des prestations au taux standard pendant 52 semaines, puis des prestations prolongées à un taux réduit pendant 9 semaines supplémentaires.

[23] Ni le formulaire de demande ni aucun autre élément de preuve présenté à la division générale ne permet de savoir comment la prestataire et sa mère ont pu en arriver à cette conclusion. De même, rien ne montre comment elles ont pu croire que la prestataire pouvait choisir 61 semaines de prestations « standards ».

[24] Le formulaire explique les deux options. L’avantage des prestations prolongées était la période maximale de 61 semaines. L’avantage des prestations standards était le taux de prestations plus élevé. La prestataire a dit à la division générale que sa mère et elle avaient [traduction] « fait le calcul » avant de faire un choixNote de bas de page 9. Je ne sais pas ce qu’elles ont calculé, mais il semble que la prestataire et sa mère ont compris que la prestataire devait choisir l’un ou l’autre des types de prestations parentales. Elles semblaient savoir que ce choix impliquait un certain compromis.

[25] Pour rendre sa décision, la division générale a tenu compte de deux décisions de la division d’appel qui appuient l’idée que les prestataires peuvent faire un nouveau choix en cas de mauvaise interprétation du choix initial. C’est vrai. Il y a des décisions dans lesquelles la division d’appel a conclu que le choix initial était invalide parce que les prestataires n’avaient jamais eu l’intention de choisir la prestation sélectionnée dans leur demande.

[26] Cependant, chacune des décisions de la division d’appel que la division générale a mentionnées découlait des faits propres à chaque affaire. Dans l’affaire Commission de l’assurance-emploi du Canada c TBNote de bas de page 10, la prestataire a soutenu qu’elle avait l’intention de choisir les prestations standards. Elle avait choisi les prestations prolongées, mais avait sélectionné seulement 35 semaines. La prestataire a été en mesure de prouver qu’elle n’avait pas l’intention de choisir les prestations prolongées parce que le fait de sélectionner l’option des 35 semaines correspondait davantage aux prestations standards. Il n’était pas logique qu’elle ait choisi des prestations réduites alors qu’elle aurait pu recevoir des prestations à un taux plus élevé pendant le même nombre de semaines.

[27] Dans l’affaire MH c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 11, la prestataire a choisi les prestations prolongées et elle a sélectionné l’option des 52 semaines de prestations. La prestataire a soutenu qu’elle avait toujours eu l’intention de prendre congé pendant 52 semaines au total, ce qui comprenait ses prestations de maternité et le nombre maximal de prestations standards. Les 52 semaines correspondaient à peu près au nombre total de semaines pendant lesquelles elle aurait reçu des prestations. De plus, la prestataire a déclaré qu’elle avait l’intention de prendre seulement un an de congé. Il y avait aussi d’autres éléments de preuve montrant qu’elle avait dit à son employeur qu’elle prenait un congé d’un an. Par conséquent, son affirmation selon laquelle elle avait toujours eu l’intention de choisir les prestations standards était étayée par des éléments de preuve.

[28] La division générale a compris que le choix des prestataires devient irrévocable dès que des prestations parentales sont versées. À moins que la personne puisse prouver que le choix des prestations parentales ne reflète pas son intention au moment de faire le choix, celui-ci ne peut pas être modifié. Aucune décision de la division d’appel ne laisse croire que les prestataires peuvent changer d’avis parce que leur choix était fondé sur une compréhension imparfaite du montant des prestations qui leur seraient versées.

[29] La prestataire s’est peut-être fiée aux calculs de sa mère pour déterminer le montant des prestations qu’elle pouvait s’attendre à recevoir selon chaque option, mais elle a délibérément choisi 61 semaines de prestations prolongées parce qu’elle voulait prendre le congé le plus long possible. Les éléments de preuve présentés à la division générale ne pouvaient pas appuyer sa conclusion selon laquelle la prestataire avait initialement l’intention de choisir les prestations standards ou qu’elle a effectivement choisi les prestations standards.

[30] Par conséquent, la conclusion de la division générale voulant que la prestataire a choisi les prestations standards était « abusive ou arbitraireNote de bas de page 12 ». Elle a commis une erreur de fait importante.

[31] Comme j’ai jugé que la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a rendu sa décision, je dois envisager ce que je dois faire pour corriger l’erreur (accorder une réparation).

Réparation

[32] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je peux aussi renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine sa décision.

[33] La prestataire aimerait que son appel soit réglé le plus tôt possible, mais elle n’est pas certaine si elle veut que je rende la décision. La Commission suggère que je renvoie l’affaire à la division générale pour un réexamen. Elle précise que l’autre parent a également demandé des prestations parentales.

[34] Je suis d’accord avec la Commission.

[35] La division générale ne connaissait pas la nature ni le moment du choix de l’autre parent, mais ces éléments sont pertinents pour la décision relative au présent appel. Si je devais rendre une décision, je ne pourrais pas tenir compte des circonstances entourant la demande de l’autre parent, car il s’agit de nouveaux éléments de preuve. Toutefois, ces éléments sont pertinents pour l’appel de la prestataire. Le premier parent à demander des prestations parentales fait un choix qui lie l’autre parentNote de bas de page 13. Si l’autre parent a demandé des prestations en premier et sélectionné les prestations standards de la bonne façon, alors la prestataire aurait dû avoir droit aux prestations standards.

[36] Comme je ne suis pas autorisé à recevoir des éléments de preuve supplémentaires ni à en tenir compte, je renvoie l’affaire à la division générale pour un réexamen.

[37] L’article 32 du Règlement sur [le Tribunal de] la sécurité sociale donne à la division générale le pouvoir discrétionnaire de renvoyer des questions à la Commission. La division générale est libre de demander à la Commission de faire enquête et de produire un rapport sur les circonstances du choix de l’autre parent.

Conclusion

[38] J’accueille l’appel et je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

 

Date de l’audience :

Le 20 mai 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

Louise Laviolette, représentante de l’appelante

S. R., intimée

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