Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 185

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-66

ENTRE :

M. L.

Demanderesse

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Défenderesse


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


Décision relative à une demande de prorogation
de délai rendue par :
Janet Lew
Date de la décision : Le 5 mai 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Je rejette la demande de prorogation du délai pour présenter une demande à la division d’appel puisque la prestataire, M. L., n’a pas de cause défendable.

Aperçu

[2] La prestataire porte en appel la décision de la division générale du 9 juillet 2020. La division générale a conclu que la prestataire avait sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs à la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Pour cette raison, la division générale a conclu que la Commission avait le droit d’imposer une pénalité à la prestataire. La pénalité imposée était un avertissement. La division générale a conclu que compte tenu de toutes les circonstances, la pénalité était adéquate. 

[3] Elle a aussi conclu que la prestataire n’avait pas suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi. Cela signifiait qu’elle devait rembourser toutes les prestations qu’elle avait déjà touchées.

[4] Avant que la prestataire puisse aller plus loin avec son appel, je dois décider si celui-ci a une chance raisonnable de succès. À cette fin, je dois me fonder sur les types d’erreurs énoncés à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Avant même de pouvoir établir si l’appel a une chance raisonnable de succès, je dois établir si la prestataire a présenté sa demande dans les délais prescrits.

[5] Si la prestataire n’a pas présenté sa demande à temps, je dois ensuite décider si je dois proroger le délai pour présenter une demande. Je dois alors examiner plusieurs facteurs et notamment établir si la prestataire a une cause défendable. Si je décide de ne pas proroger le délai pour présenter une demande, le processus d’appel de la prestataire prend fin.

[6] Je conclus que la prestataire a présenté sa demande de permission d’en appeler en retard à la division d’appel. Je conclus par ailleurs que la prestataire n’a pas de cause défendable. Pour cette raison, je n’accorde pas à la prestataire de prorogation du délai pour présenter sa demande à la division d’appel.

Questions en litige

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le prestataire a-t-il présenté sa demande à la division d’appel dans les délais prescrits?
  2. Sinon, devrais-je accorder à la prestataire une prorogation du délai, de sorte que sa demande à la division d’appel ait été présentée dans les délais?
  3. Si j’accorde une prorogation du délai et que j’évalue si je permets ou non à la prestataire d’aller de l’avant avec son appel, est-ce que celui-ci a une chance raisonnable de succès?

Analyse

i. La prestataire a-t-elle présenté sa demande à la division d’appel dans les délais prescrits?

[8] Non. La prestataire n’a pas présenté sa demande à la division d’appel dans les délais prescrits.

[9] Ainsi, elle doit obtenir une prorogation de délai. Si je refuse d’accorder une prorogation du délai, cela met fin à l’appel de la prestataire de la décision de la division générale.

[10] La division générale a rendu sa décision le 10 juillet 2020. Le Tribunal de la sécurité sociale a fait parvenir une copie de la décision à la prestataire et à son représentant par courrier. Ils vivent actuellement à la même adresse. Ainsi, la décision de la division générale est réputée avoir été communiquée le 21 juillet 2020Note de bas de page 1.

[11] La prestataire avait jusqu’au 20 août 2020 pour présenter une demande à la division d’appel à tempsNote de bas de page 2. Toutefois, elle n’a présenté sa demande que le 25 février 2021. Elle avait environ six mois de retard lorsqu’elle a présenté sa demande à la division d’appel.

ii.  Devrais-je accorder à la prestataire une prorogation du délai, de sorte que sa demande à la division d’appel ait été présentée dans les délais?

[12] J’ai le pouvoir d’accorder à la prestataire plus de temps pour présenter une demande à la division d’appelNote de bas de page 3. Toutefois, je dois examiner certains facteursNote de bas de page 4, y compris établir :

  • s’il y a une cause défendable en appel ou si la demande à un certain fondement;
  • s’il y a des circonstances particulières ou une explication raisonnable pour justifier le retard;
  • si le retard est excessif;
  • si la Commission subirait un préjudice si j’accorde une prorogation;
  • si la prestataire avait l’intention constante de poursuivre sa demandeNote de bas de page 5.

[13] Cependant, une partie prestataire ne doit pas forcément répondre à tous les facteurs. La Cour d’appel fédérale a prescrit que par-dessus tout, je devais prendre en considération l’intérêt de la justiceNote de bas de page 6

[14] Le retard n’est pas excessif. Il y a peu de chances que la Commission de l’assurance-emploi du Canada subisse un préjudice si j’accorde une prorogation du délai.

[15] Cependant, la prestataire n’a abordé aucun des autres facteurs. Elle n’a pas fourni de raison pour le retard de la présentation de sa demande à la division d’appel. Il n’y a aucune preuve que la prestataire avait l’intention constante de porter appel à la division d’appel.

[16] Le Tribunal a demandé à la prestataire de fournir des renseignements relatifs à ces facteurs. Il a écrit au représentant de la prestataire le 9 mars 2021. Le Tribunal a remis une copie de sa lettre à la prestataire. Il a demandé à la prestataire d’expliquer son retard et d’expliquer notamment en quoi son appel avait une chance raisonnable de succès.

[17] Le Tribunal a tenté de communiquer avec le représentant de la prestataire par téléphone à plusieurs reprises afin d’obtenir une réponse. Il a aussi tenté d’appeler la prestataire directement. Le Tribunal a laissé un message à la prestataire. Il lui a demandé que soit elle, soit son représentant rappelle au Tribunal.

[18] Le représentant de la prestataire a communiqué avec le Tribunal le 1er avril 2021. Il a demandé la tenue d’une audience plus tard le même mois ou en mai 2021. Plus tard, il a de nouveau communiqué avec le Tribunal. Il a demandé une prorogation du délai pour présenter ses observations. Il a confirmé sa demande par écrit. Il a demandé une prorogation du délai pour présenter ses observations jusqu’à la fin d’août 2021Note de bas de page 7.

[19] La prestataire n’a pas fourni de raisons convaincantes pour sa demande de prorogation du délai de 5 mois pour présenter ses observations. La division d’appel a accordé une prorogation de délai plus courte, jusqu’au 26 avril 2021. Cette date est maintenant passée.

[20] La prestataire n’a pas répondu à la demande d’information du Tribunal au sujet de son appel et de sa demande tardive. Je ne sais pas pourquoi la prestataire a présenté sa demande en retard. Je ne sais pas si elle avait toujours eu l’intention de porter la décision de la division générale en appel.

[21] Ce qui est encore plus important, c’est que je dois décider si la prestataire a une cause indéfendable. Pour décider s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation pour la présentation de la demande à la division d’appel en l’absence d’autres circonstances spéciales, j’accorde généralement le plus de poids au fait qu’il existe une cause défendable. Si la prestataire n’a pas de cause défendable (en d’autres mots, si son appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 8), il n’est pas pertinent d’accorder une prorogation du délai.

[22] Pour qu’une cause défendable existe, elle doit être fondée sur l’un des types d’erreurs énoncés à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS. Les types d’erreurs énoncés à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas offert un processus équitable;
  2. la division générale a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, ou tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher.
  3. la division générale a commis une erreur de droit;
  4. la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante (de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve).

[23] La prestataire ne dit pas que la division générale a commis une erreur. Dans sa demande à la division d’appel, elle a simplement écrit :

[Traduction] Je souhaite porter ceci devant une instance supérieure parce que j’ai travaillé, j’en ai la preuve, et je veux me battre pour mes droits.

J’ai un ami [son représentant] qui m’a aidé à rédiger la présente lettre.

[24] Il semble que la prestataire souhaite que son dossier soit réévalué. Cependant, un appel devant la division d’appel ne permet pas de tenir une nouvelle audience. Ainsi, je ne suis pas convaincue qu’il existe une cause défendable sur le fondement de laquelle l’appel a une chance raisonnable de succès.

[25] Enfin, j’ai examiné le dossier sous-jacent. Je l’ai fait pour m’assurer que la division générale n’avait pas ignoré ni mal interprété des éléments de preuve importants.

[26] Devant la division générale, la prestataire a soutenu que les dossiers prouvaient qu’elle était employée d’une société à numéro. Elle s’est fondée sur les dossiers d’emploi, sur une lettre de son employeur, sur un relevé T4, sur des relevés de paie, ainsi que sur des relevés d’impôts pour appuyer ses diresNote de bas de page 9.

[27] La division générale a abordé les arguments de la prestataire et a pris note de chacun de ces documents. Par exemple, la division générale a pris note de la lettre de l’employeur, dans laquelle on pouvait lire [traduction] : « La présente lettre vise à confirmer que (nom de la prestataire) a été employée par (nom de l’employeur) depuis 2013Note de bas de page 10. »

[28] Toutefois, la division générale a expliqué pourquoi elle avait rejeté ces documents, y compris le dossier d’emploi. La division générale n’a pas contesté l’existence de la société. Cependant, elle a conclu que la prestataire n’avait jamais accompli de tâches ni travaillé pour cette société. Elle a établi que la prestataire et son employeur avaient conspiré. Ils ont conspiré dans le but que la prestataire obtienne des prestations d’assurance-emploi auxquelles elle n’était pas admissibleNote de bas de page 11

[29] La division générale a examiné les dossiers d’entreprise de l’employeur. Elle a découvert des irrégularités dans ces dossiers. La division générale a été incapable de trouver des documents comme des feuilles de temps ou de présence sur lesquelles on pouvait trouver le nom de la prestataire. La division générale a indiqué que l’employeur était pourtant capable de produire ce genre de documents pour d’autres employés.

[30] La division générale a reconnu qu’il était possible que les dossiers de l’employeur ne soient pas [traduction] « complètement précis. » Toutefois, elle a été incapable de repérer le nom de la prestataire dans les dossiers de l’employeur. Cela montrait, selon la division générale, que la prestataire n’avait jamais travaillé pour l’employeur.

[31] De plus, la division générale était d’avis que le témoignage de la prestataire était vague et imprécis. La division générale estimait que la prestataire était incapable de fournir des renseignements au sujet de son emploi. Malgré l’existence d’une barrière linguistique (puisque la prestataire était relativement nouvellement arrivée au Canada), la division générale a conclu qu’il n’était pas plausible que la prestataire soit incapable de répondre même aux questions les plus simples au sujet de son emploi.

[32] La division générale a également rejeté les lettres de l’employeur parce qu’elle considérait que celui-ci n’était pas crédible. L’employeur avait un intérêt dans le résultat de l’appel de la prestataire. La division générale considérait que la lettre de l’employeur servait les intérêts de celui-ci.

[33] La division générale avait le droit de tirer ces conclusions à la lumière de la preuve qui lui avait été présentée ou en l’absence d’autres éléments de preuve.

[34] Je ne suis pas convaincue que la prestataire ait une cause défendable ni que son appel ait une chance raisonnable de succès.

iii. Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

[35] Je n’accorde pas à la prestataire de prorogation du délai pour présenter sa demande à la division d’appel. Ainsi, je ne suis pas tenue de vérifier si la prestataire peut aller de l’avant avec son appel.

[36] Cependant, même si j’avais accordé une prorogation de délai, je n’aurais pas permis à la prestataire d’aller de l’avant avec son appel puisqu’elle n’a pas de cause défendable.

Conclusion

[37] La prestataire n’a pas de cause défendable et en conséquence, je n’accorde pas de prorogation de délai à la prestataire. Cela met fin à l’appel de la prestataire.

 

Représentant :

Dung Van Truong, représentant de la demanderesse

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