Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : IR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 187

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-56

ENTRE :

I. R.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Pierre Lafontaine
DATE DE LA DÉCISION : Le 10 mai 2021

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant (le prestataire) a fait une demande des prestations d’assurance-emploi (AE) le 11 décembre 2020. Il a ensuite demandé que sa demande soit considérée comme ayant été faite plus tôt, soit le 8 octobre 2020. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a refusé sa demande. Elle a maintenu sa décision initiale après avoir procédé à une révision. Le prestataire a ensuite fait appel de cette décision découlant d’une révision à la division générale.

[3] La division générale a jugé que le prestataire n’avait pas pris rapidement des mesures raisonnables pour s’informer de ses droits et obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Elle a estimé que le prestataire avait retardé sa demande de prestations parce qu’il attendait son relevé d’emploi (RE). La division générale a conclu que les circonstances du prestataire n’étaient pas exceptionnelles. Elle a conclu que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations pour toute la période de retard, et que la demande ne pouvait pas être antidatée.

[4] La division d’appel a accordé au prestataire la permission d’en appeler. Il soutient que la division générale a commis une erreur de fait et de droit dans son interprétation de l’article 10(4) de la Loi sur l’AE.

[5] Je dois décider si la division générale a omis de tenir compte de la preuve du prestataire, et si le celui-ci avait un motif valable justifiant toute sa période de retard à présenter sa demande afin de permettre une antidatation conformément à l’article 10(4) de la Loi sur l’AE.

[6] Je rejette l’appel.

Questions en litige

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis de tenir compte de la preuve du prestataire, et plus précisément du fait qu’il avait téléphoné à la Commission et été informé de communiquer avec son employeur afin que celui-ci envoie son RE de nouveau?

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, le prestataire a-t-il prouvé qu’il avait un motif valable pour justifier toute la durée de son retard à présenter sa demande afin de permettre une antidatation pour la période du 8 octobre au 20 décembre 2020, conformément à l’article 10(4) de la Loi sur l’AE?

Analyse

Le mandat de la division d’appel

[7] La Cour d’appel fédérale a établi que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le mandat de la division d’appel lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[8] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale, et elle n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui exercé par une cour supérieureNote de bas de page 2.

[9] Par conséquent, à moins que la division générale ait omis d’observer un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis de tenir compte de la preuve du prestataire, et plus précisément du fait qu’il avait téléphoné à la Commission et été informé de communiquer avec son employeur afin que celui-ci envoie son RE de nouveau?

[10] La division générale devait décider si le prestataire avait prouvé qu’il avait un motif valable pour toute la durée de son retard à présenter sa demande afin de permettre une antidatation pour la période du 8 octobre au 10 décembre 2020, conformément à l’article 10(4) de la Loi sur l’AE.

[11] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il avait téléphoné à la Commission et qu’elle lui avait dit de communiquer avec son employeur pour lui demander de déposer son RE de nouveau. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que la Commission ne lui a pas dit qu’il pouvait présenter une demande immédiatement sans attendre ce document.

[12] La division générale a déterminé que le prestataire n’avait pas communiqué avec la Commission précisément pour obtenir des renseignements sur les prestations d’AE pendant qu’il attendait son RE, et qu’il lui incombait de s’informer de ses droits et obligations au titre de la Loi sur l’AE.

[13] J’estime que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve du prestataire selon laquelle il a effectivement téléphoné à la Commission, qui lui a dit de communiquer avec son employeur pour qu’il dépose son RE de nouveau, et que l’agent initial ne lui avait pas dit de demander des prestations immédiatementNote de bas de page 3.

[14] J’estime également que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon abusive ou arbitraire lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas téléphoné pour s’informer au sujet de ses prestations d’AE parce qu’il avait seulement discuté de son RE avec l’agent.

[15] La seule conclusion raisonnable que l’on peut tirer de la preuve est que le prestataire a téléphoné à la Commission pour s’informer de son RE parce qu’il voulait demander des prestations. Autrement, pourquoi aurait-il téléphoné à la Commission pour s’informer de son RE? C’est pourquoi le deuxième agent a informé le prestataire à juste titre qu’il n’avait pas besoin de son RE pour demander des prestations.

[16] Compte tenu des erreurs susmentionnées, je suis justifié d’intervenir dans ce cas. Puisque les parties ont eu l’occasion de présenter pleinement leur cause à la division générale et que le dossier de preuve est complet, je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre.

Question en litige no 2 : Le prestataire a-t-il prouvé qu’il avait un motif valable pour justifier toute la durée de son retard à présenter sa demande afin de permettre une antidatation pour la période du 8 octobre au 20 décembre 2020, conformément à l’article 10(4) de la Loi sur l’AE?

[17] Le prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 10(4) de la Loi sur l’AE. Il soutient qu’il avait un motif valable pour son retard à présenter sa demande de prestations parce qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances pendant toute la période du retard.

[18] Pour établir l’existence d’un motif valable aux termes de l’article 10(4) de la Loi sur l’AE, une partie prestataire doit pouvoir démontrer qu’elle a fait ce qu’une personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait fait pour s’assurer de connaître ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’AE. La Cour d’appel fédérale a réaffirmé à maintes reprises que les parties prestataires ont le devoir de se renseigner sur leurs droits et obligations et sur les mesures à prendre pour protéger une demande de prestationsNote de bas de page 4.

[19] Le 12 décembre 2020, le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas présenté de demande parce qu’il croyait que son RE arriverait par la poste sous forme de copie papier, mais son employeur a dit qu’ils l’enverraient par voie électroniqueNote de bas de page 5.

[20] Dans sa demande écrite de révision, le prestataire a déclaré que lorsqu’il a fait sa première demande en 2016, il a dû attendre de recevoir une copie papier de son RE par la poste, de sorte qu’il [traduction] « a naturellement présumé que c’était toujours le casNote de bas de page 6 ».

[21] Le 6 janvier 2021, lors d’une entrevue menée par la Commission, le prestataire a réitéré que la seule raison de son retard était qu’il devait attendre son RE avant de demander des prestations. Il croyait cela en raison de ce qu’il a vécu lorsqu’il a fait une demande de prestations en 2016. Le prestataire a ajouté que, pendant ces deux mois, il attendait simplement que son RE lui soit envoyé par la poste, ce qui n’est jamais arrivé étant donné qu’il a été envoyé par voie électronique.Note de bas de page 7

[22] Dans sa demande d’appel de la décision découlant d’une révision à la division générale, le prestataire a répété qu’il attendait que son RE lui soit envoyé par la poste en raison de ce qu’il a vécu lorsqu’il a fait une demande de prestations d’AE en 2016Note de bas de page 8.

[23] Au cours de l’audience devant la division générale, le prestataire a déclaré qu’il avait attendu son RE parce qu’il croyait qu’il en avait besoin pour faire une demande en raison de son expérience de 2016. Il a ajouté qu’il savait qu’il devait présenter une demande le plus tôt possible, mais qu’il n’était au courant d’aucune date limite pour ce faire.

[24] Le demandeur a ajouté qu’au cours de la période pertinente, il était occupé à chercher un autre emploi, à s’occuper de sa mère et à étudier pour passer des examens d’équivalence. Toutefois, il a déclaré que ces circonstances n’avaient pas contribué au retard de sa demande de prestations.

[25] J’estime que la preuve devant la division générale démontre clairement que le prestataire savait qu’il devait présenter une demande le plus tôt possible, mais qu’il a tardé à le faire parce qu’il croyait, à tort, qu’il devait attendre son RE avant de présenter une demande de prestations d’AE en raison de son expérience de 2016.

[26] La Cour d’appel fédérale a établi qu’il est attendu d’une partie prestataire qu’elle prenne des mesures raisonnables et rapides pour vérifier ses hypothèses ou ses croyances auprès de la CommissionNote de bas de page 9.

[27] La Cour fédérale a également clairement établi que l’attente d’un RE ne constitue pas un « motif valable » pouvant justifier une demande d’antidatation des prestationsNote de bas de page 10.

[28] Le prestataire soutient qu’il avait un motif valable au titre de la Loi sur l’AE parce que la Commission lui a demandé de communiquer avec son employeur afin que celui-ci soumette son RE de nouveau. Il soutient que la Commission ne lui a pas dit qu’il pouvait présenter une demande immédiatement sans attendre ce document.

[29] Je conclus que même si le prestataire a reçu des instructions de la Commission lui demandant de communiquer avec son employeur pour que celui-ci soumette son RE de nouveau au lieu de demander immédiatement des prestations, ce qui est regrettable, il n’a pas de motif valable pour toute la période de retard, comme l’exige la Loi sur l’AENote de bas de page 11.

[30] Le prestataire a déclaré avoir communiqué avec son employeur vers la mi-novembre pour savoir pourquoi il n’avait pas reçu son RE. L’employeur lui a répondu une semaine plus tard environ pour lui dire qu’il avait envoyé le RE par voie électronique. Le prestataire a donc communiqué avec la Commission pour la première fois vers la fin de novembre 2020. À ce moment-là, il avait déjà cessé de travailler pour l’employeur depuis le 8 octobre 2020Note de bas de page 12.

[31] J’estime qu’une personne raisonnable et prudente dans les mêmes circonstances que le prestataire, se serait rapidement informé de ses droits et obligations auprès de la Commission après sa cessation d’emploi, et n’aurait pas attendu une période d’environ huit semaines parce qu’elle croyait à tort qu’elle avait besoin de son RE pour présenter une demande de prestations d’AE.

[32] Pour les motifs susmentionnés, je dois rejeter l’appel.

Conclusion

[33] Le Tribunal rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Le 6 mai 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

I. R., appelant

Mélanie Allen, représentante de l’intimée

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