Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – inconduite – règles COVID-19 – renseignements médicaux privés

La prestataire travaillait dans une maison de soins de longue durée. Elle devait déclarer tous symptômes de la COVID-19 à son employeur, et, le cas échéant, ne pas se rendre au travail et s’isoler. Elle s’est toutefois présentée au travail malgré ses symptômes, sans le dire à personne. Elle a été congédiée pour inconduite. La Commission et la division générale (DG) étaient d’avis qu’il y avait inconduite et elle a fait appel à la division d’appel (DA). Devant la DA, elle a soutenu que l’employeur avait découvert ses symptômes après qu’une infirmière lui ait révélés, mais celle-ci aurait dû garder ce renseignement médical confidentiel. La prestataire affirme que puisque l’employeur n’était pas censé connaître ses symptômes, il n’aurait pas dû conclure à l’inconduite.

La DA a décidé qu’il n’est pas pertinent que l’employeur ait appris l’inconduite grâce à des renseignements qu’il n’était pas censé connaître. Il n’est pas pertinent non plus que ses symptômes soient des allergies, que ses tests de dépistage soient négatifs, ou qu’il n’y avait aucune preuve qu’elle ne se soit pas isolée. La prestataire a enfreint des règles mises en place par son employeur et la santé publique; cela constitue une inconduite. Elle n’a pas prouvé que son appel avait des chances de succès, la DA lui a donc refusé permission d’en appeler.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : KD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 168

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-135

ENTRE :

K. D.

Demanderesse/prestataire

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Défenderesse/Commission


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


Décision relative à une demande de
permission d’en appeler rendue par :
Janet Lew
Date de la décision : Le 29 avril 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La demande présentée à la division d’appel est rejetée, car l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Aperçu

[2] La prestataire, K. D., fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi dans un établissement de soins de longue durée en raison d’une inconduite. La division générale a conclu que la prestataire avait délibérément enfreint les politiques de l’employeur et les ordres de l’autorité de santé publique. En effet, elle s’est présentée au travail avec des symptômes de la COVID-19 et n’a pas informé son employeur de ses symptômes. En raison de cette inconduite, la prestataire a été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire soutient que la division générale a commis quelques erreurs et qu’elle devrait être admissible à des prestations d’assurance-emploi. Elle affirme qu’il était impossible que son employeur sache qu’elle avait des symptômes, sauf s’il y avait eu une violation de la confidentialité de ses renseignements médicaux. Elle fait valoir que son test de dépistage de la COVID-19 était négatif et que ses symptômes étaient attribuables à des allergies. Elle soutient que son employeur n’avait aucune raison de la congédier.

[4] Je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès en me fondant sur l’un des types d’erreurs énumérés à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Une chance raisonnable de succès est synonyme d’une cause défendable en droitNote de bas de page 1.

[5] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je rejette la demande de la prestataire présentée à la division d’appel, ce qui met fin à son appel.

Questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Peut-on soutenir que la division générale a outrepassé ses pouvoirs lorsqu’elle a décidé s’il y a eu une inconduite?
  2. Peut-on soutenir que la division générale a négligé le fait qu’il y avait eu une atteinte à la vie privée concernant les renseignements médicaux de la prestataire?
  3. Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé si la conduite de la prestataire constituait une inconduite?

Analyse

[7] La plupart des appels sont traités en deux étapes par la division d’appel. À la première étape, une partie demanderesse doit obtenir l’autorisation de la division d’appel avant de pouvoir procéder à l’étape suivante et finale du processus d’appel. Si la division d’appel accorde la permission d’en appeler, elle rendra ensuite une décision sur le fond de l’appel.

[8] Avant qu’une partie demanderesse puisse passer à la deuxième étape de l’appel, elle doit démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès en se fondant sur l’une des erreurs énumérées à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS. La division générale a commis l’un des types d’erreurs si elle :  

  1. a) n’a pas veillé à ce que le processus soit équitable;
  2. b) n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) a commis une erreur de droit, ou;
  4. d) a fondé sa décision sur une erreur de fait importante (abusive, arbitraire ou qui ne tient pas compte de la preuve).

[9] La prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur de compétence en tranchant une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher. Plus particulièrement, elle soutient ce qui suit :

[traduction]
[…] l’infirmière de santé publique a transmis ses renseignements médicaux à son employeur, ce qui constitue une violation de la confidentialité. De plus, on l’a accusée de ne pas avoir respecté l’auto-isolement, ce qui n’a pas été prouvé. L’inconduite n’est pas une conclusion exacte, car les allergies ne sont pas synonymes de résultat positif à la COVID-19Note de bas de page 2!

[10] La prestataire affirme également que la division générale a négligé la question de la violation de la vie privée. De plus, elle affirme que la division générale n’a pas appliqué correctement le critère juridique relatif à une inconduite.

i. Peut-on soutenir que la division générale a outrepassé ses pouvoirs lorsqu’elle a décidé s’il y a eu une inconduite?

[11] La prestataire soutient essentiellement que la division générale n’avait pas le pouvoir de décider s’il y avait eu une inconduite dans le cas où son employeur n’avait été mis au courant de sa conduite qu’au moyen d’une violation de sa vie privée. Autrement dit, s’il n’y avait pas eu de violation de la vie privée, son employeur n’aurait pas su qu’elle présentait des symptômes. Puis, si son employeur ne savait pas qu’elle avait des symptômes, il ne l’aurait pas congédiée.

[12] En fait, la prestataire soutient que son employeur ne devrait pas être en mesure de se fonder sur cette violation pour pouvoir la congédier. Par extension, elle affirme donc que la division générale ne devrait pas être autorisée à décider s’il y a eu une inconduite si sa conduite a été révélée par une violation de la confidentialité de ses renseignements médicaux.

[13] La prestataire soulève un nouvel argument, mais celui-ci n’est pas fondé et n’a aucun fondement juridique. Je ne connais aucune loi qui empêche la division générale d’examiner s’il y a eu une inconduite lorsqu’un employeur découvre l’inconduite par le biais d’une violation de la vie privée ou par d’autres moyens, tout particulièrement lorsqu’il n’est pas responsable de cette violation. De plus, rien dans la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) ou dans la jurisprudence ne protège l’emploi d’une personne pour des raisons de protection de la vie privée lorsqu’il y a eu une inconduite.

[14] La division générale tient son pouvoir de la Loi sur le MEDS et de la Loi sur l’AE. L’article 113 de la Loi sur l’AE prévoit qu’une partie qui se croit lésée par une décision de révision de la Commission peut faire appel de la décision au Tribunal de la sécurité sociale.

[15] La décision de révision énonçait la question que la division générale avait le pouvoir de trancher. Dans la présente affaire, la décision de révision de la Commission portait sur la question de l’inconduiteNote de bas de page 3. Ainsi, la division générale avait le pouvoir de trancher la question de l’inconduite, indépendamment du fait que l’employeur puisse avoir découvert l’inconduite à la suite d’une atteinte à la vie privée.

[16] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a outrepassé ses pouvoirs lorsqu’elle a décidé s’il y avait eu une inconduite.

ii. Peut-on soutenir que la division générale a négligé le fait qu’il y avait eu une atteinte à la vie privée concernant les renseignements médicaux de la prestataire?

[17] La prestataire soutient que, tout comme dans le cas de son argument relatif à la compétence, la division générale ne devrait pas être autorisée à examiner la question de l’inconduite parce que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il y avait eu une violation de la confidentialité de ses renseignements médicaux.

[18] La division générale a reconnu les arguments de la prestataire concernant la violation de la vie privée. Néanmoins, la division générale a noté que l’atteinte à la vie privée ne changeait pas le fait que la prestataire avait admis qu’elle avait faussement rempli la liste de dépistage et qu’elle n’avait pas informé son employeur qu’elle avait des symptômes ni qu’elle avait été en contact étroit avec quelqu’un qui avait des symptômes.

[19] Autrement dit, la division générale a établi que la violation de la vie privée était un facteur non pertinent lorsqu’il s’agissait de décider si les actions de la prestataire pouvaient être considérées comme une inconduite. La façon dont l’employeur a pris connaissance des actions de la prestataire n’a pas d’importance.

[20] Lorsqu’il s’agit d’évaluer s’il y a eu inconduite, ce qui compte, c’est la conduite de la prestataire et si cette conduite était délibérée, c’est-à-dire si cette conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.

[21] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a négligé de prendre en compte la violation de la vie privée. La division générale a pris en compte la violation de la vie privée, mais a jugé qu’il s’agissait d’une question non pertinente.

iii. Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé si la conduite de la prestataire constituait une inconduite?

[22] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a évalué si ses actions constituaient une inconduite. Elle fait valoir que, d’une part, il n’y avait aucune preuve selon laquelle elle n’avait pas réussi à s’auto-isoler, et que, d’autre part, ses symptômes étaient attribuables à des allergies, et non à la COVID-19. Elle a également obtenu des résultats négatifs aux tests de dépistage de la COVID-19.

[23] Les arguments de la prestataire laissent entendre que la division générale aurait conclu qu’elle avait été congédiée parce qu’elle était atteinte de la COVID-19 et qu’elle ne s’était pas isolée.

[24] Cependant, la division générale n’a pas conclu que la prestataire était atteinte de la COVID-19, qu’elle ne s’était pas isolée ou que son employeur l’avait congédiée pour l’une ou l’autre de ces deux raisons.

[25] La division générale a plutôt conclu que l’employeur de la prestataire l’avait congédiée pour d’autres raisons. Comme indiqué au paragraphe 8 de sa décision, la division générale a conclu que la prestataire a perdu son emploi « parce qu’elle n’a pas respecté les politiques de l’employeur relatives à la COVID-19 et les ordonnances provinciales de la santé publique en se présentant au travail avec des symptômes de la COVID-19 et en n’informant pas son employeur comme il se doit ».

[26] Au paragraphe 23, la division générale a confirmé avoir conclu qu’une inconduite avait eu lieu parce que la prestataire avait « faussement rempli la liste de dépistage et n’a pas informé son employeur qu’elle avait des symptômes ou qu’elle avait été en contact étroit avec quelqu’un qui avait des symptômes ». La division générale a conclu qu’il s’agissait d’une violation délibérée des politiques de l’employeur et des ordres de l’autorité de santé publique.

[27] En concluant à l’existence d’une inconduite, la division générale n’a rien dit sur la question de savoir si la prestataire s’était isolée ou si elle était réellement atteinte de la COVID-19.

[28] Le fait que la prestataire était convaincue qu’elle avait des allergies et non la COVID-19 ne l’a pas libérée de ses obligations de signaler ses symptômes. Son employeur s’attendait toujours à ce qu’elle signale tout symptôme, même si la prestataire soupçonnait qu’elle avait des allergies et que le test de dépistage de la COVID-19 s’est révélé négatif par la suite.              

[29] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a appliqué le mauvais critère juridique pour établir s’il y a eu une inconduite ou qu’elle a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé si les actions de la prestataire constituaient une inconduite.

Conclusion

[30] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La demande présentée à la division d’appel est rejetée.

 

Représentante :

K. D., non représentée

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