Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 186

Numéro de dossier du Tribunal: AD-18-460

ENTRE :

R. P.

Appelant (prestataire)

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée (Commission)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Janet Lew
DATE DE LA DÉCISION : Le 7 mai 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire), R. P., est un parajuriste à la retraite. Il fait appel de la décision de la division générale datée du 5 juin 2018. La division générale a rejeté de façon sommaire l’appel du prestataire concernant la décision de révisionNote de bas page 1 de la Commission de l’assurance-emploi du Canada.

[3] La division générale a conclu que le prestataire n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi. Il n’avait pas encore rempli toutes les exigences prévues à l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[4] Plus particulièrement, la division générale a conclu que la Commission avait demandé au prestataire de se présenter à une entrevue en juillet 2016, mais qu’il ne s’y était pas présentéNote de bas page 2. La Commission avait demandé la tenue de cette entrevue [traduction] « pour confirmer l’identité [du prestataire] et pour vérifier l’exactitude de [son] numéro d’assurance socialeNote de bas page 3 ».

[5] Le prestataire affirme que la Commission n’avait pas le pouvoir d’exiger qu’il se présente à une autre entrevue. Il s’était déjà présenté à une entrevue en juillet 2014. Il soutient également qu’il avait déjà fourni à la Commission les renseignements demandés. De plus, il affirme qu’il avait déjà prouvé son identité, et que Service Canada s’est trompé sur la nécessité de valider son numéro d’assurance sociale.

[6] Étant donné que le prestataire ne s’est pas présenté à l’entrevue de juillet 2016, la Commission a décidé qu’elle ne disposait pas de suffisamment de renseignements de la part du prestataire pour établir une période de prestations. Par conséquent, elle a décidé qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[7] La division générale a conclu qu’il revenait à la Commission de décider si le prestataire devait fournir d’autres renseignements. Elle a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire d’annuler ou de modifier l’exigence de la Commission selon laquelle le prestataire devait se présenter à une entrevue. La division générale a également conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire d’accorder les réparations demandées par le prestataire.

[8] La division générale a conclu que l’appel du prestataire était prédéterminé. Les éléments de preuve et les arguments qu’il a pu présenter à l’audience n’ont pas d’importance. La division générale a estimé qu’elle n’avait pas d’autre choix que de rejeter l’appel de façon sommaire.

[9] Le prestataire fait valoir que la division générale a commis des erreurs de procédure, de compétence, de droit et de fait. Le prestataire demande que son appel soit accueilli et que l’on ordonne à la Commission de lui verser des prestations d’assurance-emploi immédiatement, sans aucune condition.

[10] Le prestataire n’a pas établi que la division générale a commis des erreurs de compétence, de procédure ou de droit, ou des erreurs de fait importantes. Je rejette donc son appel.

Questions préliminaires

[11] Le prestataire a soumis de nombreux documents dans le cadre de l’instance dont je suis saisie. Certains de ces documents sont [traduction] « nouveaux », c’est-à-dire que la division générale n’en avait pas de copie lorsqu’elle a rendu sa décision. En règle générale, les nouveaux éléments de preuve ne sont pas admissibles à la division d’appel.

[12] La division d’appel ne tient compte de nouveaux documents que dans des circonstances exceptionnelles. Cependant, les documents doivent se rapporter aux moyens d’appel énoncés à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS)Note de bas page 4. Il peut s’agir d’affaires dans lesquels des documents démontrent que les prestataires n’ont pas eu droit à une audience équitable à la division générale. De nouveaux documents ne donnent pas à une partie la possibilité de plaider à nouveau sa cause ou de renforcer les arguments qu’elle a présentés à la division générale.

[13] Le prestataire se fonde sur les nouveaux documents. Il affirme que ces documents appuient ses affirmations selon lesquelles la Commission n’avait aucune raison de lui demander de se présenter à une autre entrevue en personne.

[14] La Commission a demandé au prestataire de se présenter à une entrevue afin de pouvoir confirmer son identité et l’exactitude de son numéro d’assurance sociale. Le prestataire affirme que les nouveaux documents démontrent, entre autres, que son numéro d’assurance sociale n’était pas dormant. Par exemple, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a accepté les déclarations de revenus qu’il produisait régulièrement. Il affirme que l’ARC n’aurait pas accepté ses déclarations de revenus si son numéro d’assurance sociale n’avait pas été actif.

[15] Le prestataire a fourni une copie d’une lettre de Service Canada datée du 17 juillet 2018Note de bas page 5. La lettre a été écrite un peu plus d’un mois après que la division générale a rendu sa décision. Service Canada a avisé le prestataire qu’il avait enlevé la mention « dormant » (inactif) à son dossier de numéro d’assurance sociale. La lettre précisait que Service Canada avait joint la confirmation de son numéro d’assurance sociale.

[16] Le prestataire affirme que la lettre de Service Canada datée du 17 juillet 2018 prouve qu’il n’est pas nécessaire qu’il se présente aux bureaux de Service Canada pour confirmer l’exactitude de son numéro d’assurance sociale.

[17] Le prestataire se fonde sur les « nouveaux » documents, notamment la lettre du 17 juillet 2018, pour appuyer ses affirmations selon lesquelles la Commission n’avait aucun fondement pour exiger qu’il se présente à l’entrevue de 2016.

[18] Cela ne constitue pas un fondement me permettant de considérer cette nouvelle preuve. Il n’y a pas non plus de circonstances exceptionnelles. Je n’examinerai pas de nouveaux documents et ne considérerai que ceux qui ont été présentés à la division générale.

Questions en litige

[19] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le processus de la division générale était-il équitable?
  2. La division générale a-t-elle omis d’examiner s’il y avait un fondement valide à la demande de la Commission de faire passer une entrevue au prestataire?
  3. La division générale a-t-elle omis de considérer ou d’appliquer la doctrine de la chose jugée?
  4. La division générale a-t-elle mal interprété l’article 50(6) de la Loi sur l’assurance-emploi?
  5. La division générale a-t-elle mal interprété l’article 50(9) de la Loi sur l’assurance-emploi?
  6. La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante?

Analyse

[20] L’article 58(1) de la LMEDS permet à la division d’appel d’intervenir dans les décisions de la division d’appel. Cependant, cela se produit seulement dans certaines circonstances précises. L’article permet à la division d’appel d’intervenir si des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou de fait ont été commisesNote de bas page 6. L’article ne donne pas à la division d’appel le pouvoir de procéder à une réévaluation.

[21] Le prestataire fait valoir que la division générale a commis plusieurs erreurs au titre de l’article 58(1) de la LMEDS.

1. Le processus de la division générale était-il équitable?

[22] Le prestataire fait valoir que le processus à la division générale n’était pas équitable et que la membre a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier, et de manière discriminatoire. Il affirme que le Tribunal de la sécurité sociale manque d’indépendance et qu’il ne fonctionne pas indépendamment de la Commission ou de Service Canada.

a. Le Tribunal a-t-il accordé à la Commission un accès inéquitable à ses dossiers?

[23] Le prestataire affirme qu’en raison de la relation du Tribunal avec la Commission et Service Canada, la Commission bénéficie d’un accès illimité aux données et aux dossiers du Tribunal. Il soutient que la Commission et Service Canada peuvent accéder aux données et aux dossiers sans jamais avoir à les demander au Tribunal. Il affirme que cela est rendu possible grâce à l’utilisation d’un système informatique partagé contrôlé par Service Canada. Les parties prestataires n’ont pas accès au système informatique partagé. Elles doivent s’adresser au Tribunal pour obtenir des documents.

[24] Le prestataire fait aussi valoir que le Tribunal envoie des avis et des documents à la Commission avant de les envoyer aux parties demanderesses.

[25] Le prestataire a écrit au Tribunal au sujet de son processus de dépôt électronique. Le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs (SCDATA) a répondu au prestataire. Le SCDATA est l’organisme de soutien administratif de plusieurs tribunaux administratifs fédéraux, y compris le Tribunal de la sécurité sociale.

[26] Le prestataire prétend que le SCDATA a confirmé que la Commission bénéficie d’un accès direct aux dossiers du Tribunal, accès qui n’est pas offert, ni à lui ni aux autres parties demanderesses. Le SCDATA a répondu ce qui suit au prestataire :

[traduction]

… En ce qui concerne la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (CAEC), nous utilisons la même plateforme TI que le gouvernement du Canada, et nous sommes assujettis aux mêmes paramètres de sécurité des TI. Cela nous permet de communiquer des lettres et des observations à la CAEC à l’aide d’une plateforme de dépôt de fichiers partagée et sécurisée. Ces plateformes ne sont pas accessibles en dehors des réseaux internes du gouvernement du Canada.

Les méthodes offertes à la CAEC pour communiquer avec le Tribunal lorsqu’elle cherche des renseignements concernant les dossiers du Tribunal sont identiques à celles qui vous sont offertes : courriel, poste, téléphone ou télécopieur. Nos coordonnées figurent dans notre site WebNote de bas page 7.

[27] Je ne vois pas la pertinence de ces allégations dans l’appel dont je suis saisie. Même si les allégations du prestataire concernant l’accès de la Commission aux dossiers du Tribunal pourraient être corroborées, elles n’ont aucune incidence sur l’une ou l’autre des questions en litige et ne pourraient pas être une preuve concluante de partialité.

[28] Cela dit, bien que le Tribunal utilise la même plateforme TI et soit assujetti aux mêmes paramètres de sécurité TI, cela ne donne pas à la Commission (ou à Service Canada) un meilleur accès aux dossiers du Tribunal. Si la Commission veut obtenir des renseignements auprès du Tribunal, elle doit utiliser les mêmes moyens que les parties demanderesses. Elle ne bénéficie pas d’un chemin secret pour accéder au Tribunal, et elle ne profite pas non plus de privilèges qui ne sont pas offerts aux parties demanderesses.

[29] Le SCDATA a mentionné qu’il communique des lettres et des observations à la Commission à l’aide d’une plateforme de dépôt de fichiers partagée. En pratique, cela signifie simplement que le Tribunal envoie un courriel à la Commission, au même moment ou environ au même moment où il envoie un courriel à une partie prestataire.

[30] Les courriels du Tribunal visent simplement à informer la Commission que les documents sont disponibles dans le dossier partagé. La Commission peut ensuite obtenir les documents dans la boîte de dépôt des fichiers. Cela améliore la sécurité de la transmission, mais n’offre pas un meilleur accès aux données ou aux fichiers du Tribunal.

[31] Le Tribunal s’efforce d’envoyer les communications aux parties aussi rapidement que possible, c’est pourquoi il encourage les communications par courriel dans la mesure du possible, car il s’agit du moyen de communication le plus efficace.

[32] Certaines parties prestataires n’ont pas accès au courriel ou n’acceptent pas les communications par courriel. Dans ce cas, le Tribunal envoie les documents par la poste ou par service de messagerie, au même moment ou environ au même moment où il enverrait un courriel.

[33] Le Tribunal reconnaît que le service postal est généralement plus lent que les autres moyens de communication. Par exemple, s’il envoie une décision par courriel ou au moyen d’un autre moyen électronique, il juge que cette décision a été reçue le jour ouvrable suivant le jour de sa transmission par le TribunalNote de bas page 8. Cependant, si le Tribunal envoie une décision par la poste ordinaire, il juge que sa décision a été reçue par la partie dans les 10 jours suivant sa mise à la posteNote de bas page 9.

[34] Je ne suis pas convaincue que le Tribunal ou la membre ait agi de mauvaise foi, qu’elle ait fait preuve de discrimination à l’égard du prestataire, ou qu’elle ait accordé un traitement préférentiel à la Commission dans sa façon de communiquer avec les parties.

b. Y a-t-il une perception raisonnable de partialité ou la membre a-t-il agi de mauvaise foi?

[35] Le prestataire affirme qu’il y avait une perception raisonnable de partialité ou que la membre de la division générale a agi de mauvaise foi parce qu’elle n’a pas analysé dans le détail la question de son numéro d’assurance sociale et de sa date de naissance, qu’elle a ignoré la preuve et qu’elle l’a obligé à faire deux appels distincts.

[36] L’un des appels du prestataire concerne sa demande de prestations d’assurance‑emploi, alors que son autre appel concerne sa demande de pension de la Sécurité de la vieillesse et de Supplément de revenu garantiNote de bas page 10. Le prestataire fait valoir que les parties et les faits étaient les mêmes dans les deux affaires, et que la division générale aurait donc dû lui permettre de combiner ses appels.

[37] La mauvaise foi peut exister, selon les circonstances. On peut compter parmi les signes de mauvaise foi, sans s’y limiter, le fait d’ignorer la preuve, de tenir compte de facteurs non pertinents, ou d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire. Le rejet d’une demande ne peut pas, en soi, établir la mauvaise foi. On ne peut pas non plus conclure à la mauvaise foi si la décision d’un décideur ou le rejet d’une demande a été appuyé raisonnablement par la preuve et était fondé sur une interprétation raisonnable de la loi, et si le décideur a agi de façon raisonnable et équitable.

[38] Le critère pour décider s’il existe une perception raisonnable de partialité est le suivant :

À quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur de façon réaliste et pratique? Croirait-elle, selon toute vraisemblance, que la personne qui rendra la décision, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?Note de bas page 11

[39] Le critère exige que la perception soit fondée sur des motifs sérieuxNote de bas page 12. Il ne suffit pas de formuler une simple allégation. Les motifs doivent être sérieux et probantsNote de bas page 13.

[40] Les allégations de partialité ne seront généralement pas admises, à moins que la conduite reprochée, interprétée selon son contexte, ne crée véritablement l’impression qu’une décision a été prise sur la foi d’un préjugé ou de généralisationsNote de bas page 14.

[41] Cependant, il est présumé qu’une personne rend une décision en accord avec le serment professionnel qu’elle a prêté. Cela signifie qu’on peut supposer que la personne qui a rendu la décision était impartiale. Une partie prestataire peut contester ou contredire cette présomption. Une partie prestataire a le fardeau de prouver que la présomption est fausse et que la personne qui a rendu la décision était partiale. La preuve d’une partie prestataire doit être examinée dans son contexte.

[42] Le prestataire a énoncé cinq éléments qui selon lui démontrent la mauvaise foi ou une perception de partialité. Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime qu’il n’y a pas eu perception raisonnable de partialité et que la membre de la division générale n’a pas agi de mauvaise foi.

(i) Analyse par la division générale de l’état du numéro d’assurance sociale et de la date de naissance du prestataire

[43] Le prestataire fait valoir que la division générale a été partiale et a agi de mauvaise foi en n’analysant pas entièrement la question de savoir s’il existait des questions en suspens concernant son numéro d’assurance sociale et sa date de naissance. Il affirme que si la division générale avait analysé ces questions, elle aurait conclu qu’il ne manquait aucun renseignement relativement à sa demande. Il affirme que puisqu’aucune question n’était en suspens, la Commission n’avait donc aucune raison d’exiger qu’il se présente à une autre entrevue.

[44] La division générale n’a pas examiné si le numéro d’assurance sociale du prestataire était inactif, ou si sa date de naissance présentait des inexactitudes. De toute évidence, la division générale n’a pas considéré cela comme des questions qu’elle devait aborder.

[45] Cependant, le fait que la division générale n’a pas abordé ces questions directement ne constitue pas une preuve concluante de mauvaise foi ou de partialité. La membre a expliqué pourquoi elle avait rejeté les arguments du prestataire selon lesquels il avait fourni à la Commission suffisamment de renseignements. La membre a établi qu’il revenait entièrement à la Commission de décider si les renseignements fournis relativement à une demande étaient suffisants.

[46] La membre a établi que les articles 48 à 50 de la Loi sur l’assurance-emploi donnaient à la Commission le pouvoir de décider des renseignements dont elle peut avoir besoin. Il s’agit là d’une interprétation raisonnable. L’article 48(2) précise ce qui suit :

Aucune période de prestations ne peut être établie à moins que le prestataire n’ait fourni, sous la forme et de la manière fixées par la Commission, des précisions sur son emploi et sur la raison de tout arrêt de rémunération, ainsi que tout autre renseignement que peut exiger la Commission.

[47] De plus, un élément de preuve a permis à la division générale de conclure qu’il existait au moins une autre question en suspens qui autorisait la Commission à exiger que le prestataire se présente à une autre entrevue.

[48] La division générale a établi qu’il y avait [traduction] « de nombreuses questions en suspens »Note de bas page 15. La membre a fait référence au rapport d’entrevueNote de bas page 16 et aux trois lettres du prestataireNote de bas page 17. Ces éléments montrent qu’en plus du numéro d’assurance sociale et de la date de naissance du prestataire, la Commission a aussi demandé l’adresse de la résidence du prestataire.

[49] Je ne suis pas convaincue que la preuve démontre que la membre de la division générale était partiale ou qu’elle a agi de mauvaise foi.

(ii) Demande de fusion des appels en assurance-emploi et Sécurité de la vieillesse/Supplément de revenu garanti

[50] Le prestataire fait valoir que la division générale aurait dû instruire conjointement ses appels en matière d’assurance-emploi et de Sécurité de la vieillesse et Supplément de revenu garanti. Cependant, le fait que la membre de la division générale n’a pas fusionné ses deux appels n’est pas une preuve de mauvaise foi, de partialité ou de perception de partialité parce que la membre de la division générale n’était simplement pas au courant de la volonté du prestataire de fusionner ses deux appels.

[51] Le prestataire ne semble pas avoir demandé une fusion à la section de l’assurance-emploi de la division générale. Il a écrit au Tribunal le 16 mai 2018. Cependant, la lettre a été adressée à la section de la sécurité du revenu de la division générale plutôt qu’à la section de l’assurance-emploiNote de bas page 18. Autrement dit, la membre de la division générale qui a instruit son appel en assurance-emploi semble simplement ne pas avoir été au courant de la demande du prestataire visant à fusionner ses deux appels. La membre n’était donc pas partiale en ne tenant pas compte de la demande du prestataire puisqu’elle n’était pas au courant de cette demande.

[52] Je ne suis pas en mesure de décider si la section de la sécurité du revenu de la division générale aurait pu traiter la demande du prestataire. Si ce n’est pas le cas, il aurait fallu que le Tribunal traite la demande de fusion des deux appels du prestataire pour les besoins des audiences au début du processus d’appel. Cela aurait pu nécessiter d’aviser la membre de la division générale qui devait trancher l’appel en assurance-emploi du prestataire. Cette question est toutefois hypothétique puisque le Tribunal a maintenant traité la demande du prestataire.

[53] La division d’appel a rendu une décision en novembre 2020. Elle a décidé que bien qu’il puisse y avoir un élément commun dans les deux appels en ce qui concerne la question de la preuve d’adresse, les affaires concernent des prestations différentes à des moments différents et relèvent de régimes législatifs différentsNote de bas page 19. La division d’appel a aussi décidé que les parties ne sont pas les mêmes dans les deux affaires.

(iii) Demande de fusion des numéros de dossier du Tribunal GE-14-3752 et GE-16-3958

[54] Le prestataire a aussi demandé de fusionner les appels nos GE-16-3958 et GE-14-3752. Le numéro de dossier du Tribunal GE-14-3752 découle de la même demande en assurance-emploi que le dossier no GE‑16‑3958. La différence est que dans le dossier no GE-14-3752, la Commission n’avait pas encore rendu de décision de révision parce qu’elle avait décidé qu’elle n’avait pas encore rendu de décision initiale. Dans le dossier no GE-16-3958, la Commission a rendu une décision de révision.

[55] Cependant, la membre de la division générale n’avait pas le pouvoir de fusionner les deux appels parce qu’une décision finale avait été rendue dans le dossier no GE-14-3752Note de bas page 20. Étant donné que la décision était finale dans le dossier no GE-14-3752, la division générale n’avait rien d’autre à trancher.

[56] La décision de la division générale de ne pas fusionner les appels nos GE-14-3752 et GE‑16‑3958 n’évoque pas la mauvaise foi ou la partialité ou une perception de partialité, car la division générale n’avait pas le pouvoir de fusionner les deux appels.

(iv) Documents dans le dossier d’appel no GE-14-3752

[57] Le prestataire fait aussi valoir que la membre de la division générale a agi de mauvaise foi parce qu’elle a ignoré ce qu’il considérait comme étant un élément de preuve pertinent dans le dossier d’appel no GE‑14‑3752. Il affirme que la membre aurait dû tenir compte de cet élément de preuve. La division générale a toutefois noté que le prestataire s’était fondé sur la preuve du dossier d’appel antérieur parce qu’il affirmait que la membre de la division générale avait conclu dans cette affaire que la Commission avait contourné les règles et qu’il y avait un [traduction] « schéma illicite ».

[58] La membre a examiné la décision de la division générale dans le dossier no GE‑14‑3752. Elle a décidé que la membre de la division générale qui a tranché l’affaire dans le dossier no GE‑14‑3752 n’avait pas tiré de conclusion de cette nature. C’est sur ce fondement que la membre a refusé de tenir compte des documents au dossier no GE‑14‑3752. De toute évidence, la membre a conclu que la preuve contenue dans le dossier no GE‑14‑3752 n’était pas pertinente pour les questions dont elle était saisie.

[59] Malgré cela, rien n’empêchait le prestataire de présenter des documents dans son appel (no GE-16-3958). Il aurait pu soumettre des documents de l’instance antérieure à la division générale (no GE‑14‑3752) dans son plus récent appel à la division générale (no GE‑16‑3958).

(v) Actions de la Commission et de Service Canada

[60] Le prestataire prétend aussi que Service Canada et la Commission ont agi de mauvaise foi à son endroit. Cela ne constitue pas un motif d’appel valide au titre de l’article 58(1) de la LMEDS. Le recours du prestataire contre Service Canada et la Commission doit être porté ailleurs, et non pas auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[61] Les allégations de mauvaise foi contre la Commission et Service Canada peuvent toutefois être pertinentes s’ils n’ont pas exercé leur pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire. Je vais aborder les allégations de perception de partialité du prestataire à l’égard de la Commission dans la section ci‑dessous, dans laquelle j’évaluerai si la division générale a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire.

c. Le prestataire a-t-il eu la possibilité de répondre à la demande de la Commission de rejeter sommairement son appel?

[62] Le prestataire fait valoir que la division générale a rendu sa décision sans lui donner la possibilité de répondre à la demande de la Commission. La Commission a demandé à la division générale de rejeter sommairement l’appel du prestataireNote de bas page 21.

[63] La preuve montre que le prestataire a eu la possibilité de déposer une réponse à la demande de la Commission de rejeter sommairement son appel. Le Tribunal a invité le prestataire à expliquer pourquoi il ne devrait pas rejeter sommairement son appel. Il l’a invité à déposer [traduction] « des observations écrites détaillées expliquant pourquoi [son] appel a[vait] une chance raisonnable de succès »Note de bas page 22.

[64] Le prestataire a présenté des observations le 15 février 2018Note de bas page 23, avec une annexe. Il n’a présenté aucune autre observation avant que la division générale rende sa décision le 5 juin 2018.

[65] Je suis convaincue que la division générale a donné au prestataire la possibilité de répondre à la demande de la Commission de rejeter sommairement l’appel.

d. Le prestataire a-t-il eu une chance équitable de défendre sa cause lorsque la division générale a procédé par rejet sommaire?

[66] Le prestataire soutient que la division générale aurait dû procéder par questions et réponses au lieu de rejeter sommairement son appel. Il affirme que de cette façon, la division générale aurait pu rendre une décision éclairée au sujet des questions dont elle était saisie. Je comprends donc que le prestataire soutient qu’il n’a pas eu une chance équitable de défendre sa cause.

[67] Cependant, si un ou une membre de la division d’appel a la conviction que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, ce ou cette membre n’a pas la compétence d’instruire une audience. L’article 53(1) de la LMEDS oblige la division générale à rejeter sommairement un appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[68] Malgré cela, procéder par rejet sommaire ne prive pas une partie prestataire de la possibilité de défendre sa cause. Avant de rejeter sommairement un appel, la division générale doit donner un avis écrit à la partie prestataire. Elle doit également accorder à la partie prestataire un délai raisonnable pour présenter des observations. La division générale ne peut pas rendre sa décision avant d’avoir fait cela.

[69] Dans la présente affaire, la division générale a envoyé au prestataire un avis d’intention de rejeter sommairement l’appel. Elle a envoyé l’avis au prestataire le 15 janvier 2018. Elle lui a donné jusqu’au 14 février 2018 pour fournir une réponse. Le Tribunal a ensuite prolongé son délai, à la demande du prestataire. Comme je l’ai mentionné plus haut, le prestataire a présenté des observations à l’intérieur du délai du Tribunal. Il a aussi déposé une annexeNote de bas page 24 le 16 février 2018.

[70] Le prestataire n’a pas plaidé directement contre le rejet sommaire de son appel. Il a toutefois écrit qu’il voulait soumettre des motifs et de l’information qui appuieraient [traduction] « à tout le moins de prime abord le fait que [son] appel devrait être instruitNote de bas page 25 ». Il a préparé 13 pages de faits et d’arguments écrits. Cela montre que le prestataire a eu pleinement l’occasion de fournir des éléments de preuve et de présenter des observations.

[71] La division générale a tenu compte des éléments de preuve et des arguments du prestataire. Cependant, tant que la division générale était convaincue que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès, l’article 53(1) de la LMEDS l’obligeait tout de même à rejeter sommairement l’appel, même si le prestataire était d’avis qu’il aurait dû avoir droit à une audience.

[72] Même si l’article n’avait pas obligé la division générale à rejeter sommairement l’appel, il est évident que la division générale avait décidé que des questions ou des réponses n’auraient pas changé le résultat. La division générale a conclu que [traduction] « l’échec de l’appel du prestataire est prédéterminé, quels que soient les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audienceNote de bas page 26 ».

[73] Bien qu’il n’y ait pas eu d’audience orale, je suis convaincue que la division générale a donné au prestataire une chance équitable de défendre sa cause.

e. La division générale a-t-elle omis de donner au prestataire la chance de contre-interroger la Commission?

[74] Le prestataire fait valoir que la division générale aurait dû lui donner l’occasion de contre-interroger les personnes qui représentent la Commission. Dans sa réponse à l’avis d’intention de la division générale de rejeter sommairement l’appel, le prestataire a demandé au Tribunal de tenir l’audience à X. De cette façon, le personnel de X pourrait présenter la preuve sous serment ou affirmation solennelleNote de bas page 27. Il aurait égalementainsi l’occasion de contre-interroger le personnel.

[75] La division générale a cependant établi qu’il serait inutile de tenir une audience et de permettre la présence de témoins. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, la division générale a conclu que [traduction] « l’échec de l’appel du prestataire est prédéterminé, quels que soient les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audienceNote de bas page 28 ».

[76] Le droit absolu à une audience n’existe pas, particulièrement quand la division générale établit qu’un appel est voué à l’échec de toute façon. Étant donné que la division générale a conclu qu’il était inutile de tenir une audience, je ne suis pas convaincue que la division générale ait eu l’obligation de donner au prestataire la chance de contre-interroger quelque témoin que ce soit.

f. La division générale a-t-elle omis de s’assurer que la preuve était sous serment?

[77] Le prestataire soutient que la division générale aurait dû exiger une preuve sous serment des parties (il dit que les parties auraient aussi pu fournir des déclarations). Il fait valoir que la division générale aurait dû rejeter tout témoignage non assermenté de la Commission quand les preuves venant de lui étaient contradictoires. Il dit qu’à sa connaissance, aucune loi ni aucun règlement n’empêche la division générale d’exiger des éléments de preuve, des déclarations, des faits ou d’autres éléments sans serment de la part de la Commission.

[78] La division générale ne fonctionne pas comme une cour de justice. Il s’agit d’un tribunal administratif. Il n’adhère pas aux règles de preuve strictes. Il peut accepter des éléments de preuve, y compris des déclarations non assermentées, qu’une cour de justice exclurait ou jugerait non admissible.

[79] Si la preuve est contestée, cela peut devenir une question de poids. La division générale évalue la preuve qui est portée à sa connaissance et décide du poids à lui accorder. Généralement, elle n’exclut toutefois pas une preuve parce qu’elle n’est pas sous serment.

2. La division générale a-t-elle omis d’examiner s’il y avait un fondement valide à la demande de la Commission de faire passer une entrevue au prestataire?

[80] Le prestataire soutient que la Commission n’avait pas de raison légitime pour l’exiger à se présenter à une entrevue. Je comprends qu’il soutient essentiellement que la division générale aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire en examinant si la Commission avait utilisé son pouvoir de manière judiciaire au titre de l’article 50(6) de la Loi sur l’assurance‑emploi lorsqu’elle l’a obligé à se présenter à une entrevue en juillet 2016.

[81] L’article 50(6) de la Loi sur l’assurance‑emploi permet à la Commission d’exiger qu’une partie prestataire se rende à une heure raisonnable à un endroit convenable pour fournir des renseignements complémentaires au sujet d’une demande.

[82] Le prestataire ne remet pas en question le pouvoir de la Commission d’exiger qu’une partie prestataire se présente à une entrevue, mais il laisse entendre que son utilisation de ce pouvoir doit être justifiée. Autrement dit, la division générale aurait dû examiner la question de savoir si la Commission avait exercé son pouvoir de manière judiciaire.

[83] Cela aurait nécessité d’examiner si la demande faite par la Commission, à savoir que le prestataire se présente à une entrevue, était fondée. Si la Commission demandait à une partie prestataire de se présenter à une entrevue pour fournir des renseignements, par exemple au sujet de son emploi, il s’agirait d’un exercice légitime de son pouvoir. Par contre, si la Commission demandait à cette partie prestataire de participer à une entrevue sans but apparent, ce pourrait être un signe de mauvaise foi. Un tel scénario pourrait représenter une situation dans laquelle la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire.

[84] Le prestataire affirme que la Commission détenait déjà tous les renseignements qu’elle voulait obtenir auprès de lui. Il soutient que son numéro d’assurance sociale n’était pas inactif et que sa date de naissance était exacte, et qu’il n’y avait donc aucune raison de tenir une entrevue. Le prestataire laisse entendre que si la division générale avait reconnu tout cela, la seule conclusion qu’elle aurait pu tirer était qu’il avait rempli toutes les exigences au titre de l’article 50 de la Loi sur l’assurance‑emploi et qu’il était admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[85] Il semble que la division générale n’ait pas saisi l’argument sous-jacent du prestataire selon lequel la Commission n’était pas fondée à exiger qu’il se présente à une entrevue. La division générale n’a pas analysé si le numéro d’assurance sociale était inactif ou si on avait relevé des dates de naissance différentes.

[86] Des éléments de preuve présentés à la division générale montraient toutefois que le numéro d’assurance sociale et la date de naissance demeuraient des questions en suspens selon la Commission.

[87] Les notes de l’entrevue de juillet 2014 montrent que la Commission avait informé le prestataire qu’il pouvait facilement régler les questions du statut inactif de son numéro d’assurance sociale et de sa date de naissance. Pour ce faire, il devait remplir un formulaire de numéro d’assurance sociale viergeNote de bas page 29. Aucun élément de preuve ne montrait que le prestataire avait rempli le formulaire, et rien ne laissait supposer que la Commission avait accepté les affirmations du prestataire selon lesquelles il s’était conformé aux exigences.

[88] Les notes de l’entrevue de juillet 2014 montrent aussi que la Commission avait demandé au prestataire de fournir l’adresse de sa résidence dans le cadre du processus de vérification. Le prestataire devait encore fournir ce renseignement, invoquant des préoccupations quant au respect de la vie privée. La division générale a établi que la question de l’adresse de la résidence du prestataire demeurait en suspens.

[89] La division générale était convaincue que des renseignements étaient toujours manquants après l’entrevue de juillet 2014 et a admis que la Commission avait le pouvoir de décider si des renseignements étaient manquants. Et tant que des renseignements étaient manquants, la Commission avait le droit d’exiger que le prestataire se présente à une entrevue.

[90] Il est donc évident que la division générale a examiné la question de savoir si la Commission avait exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en exigeant la tenue d’une entrevue.

[91] Je ne suis pas convaincue que la division générale ait omis d’examiner s’il y avait un fondement valide à la demande de la Commission de faire passer une entrevue au prestataire.

3. La division générale a-t-elle omis de considérer ou d’appliquer la doctrine de la chose jugée?

[92] En fait, le prestataire n’allègue pas que la division générale a omis de considérer ou d’appliquer la doctrine de la chose jugée. En effet, le prestataire n’a pas soulevé la question de la chose jugée devant la division généraleNote de bas page 30. De plus, rien ne donnait à penser, dans le dossier d’audience, que la chose jugée constituait une question en suspens à la division générale, bien qu’il dise que la division générale aurait dû comprendre que les questions dont elle était saisie étaient les mêmes que celles d’une autre affaire devant la division générale (dossier du Tribunal no GE‑14‑3752). Il fait valoir, sur ce fondement, que la division générale n’aurait pas dû laisser la Commission lui présenter d’autres observations.

[93] Cependant, si la doctrine de la chose jugée n’a pas été mentionnée, la division générale n’a pas pu commettre une erreur en omettant de considérer ou d’appliquer cette doctrine. Il n’y aurait donc aucune raison pour que j’intervienne dans la décision de la division générale pour une supposée omission d’application de la doctrine.

[94] Malgré cela, le prestataire demande à la division d’appel d’appliquer la doctrine de la chose jugée. Si une affaire a autorité de la chose jugée, cela empêche d’instruire ou de plaider à nouveau des questions qui ont déjà été tranchées de manière définitiveNote de bas page 31. En résumé, une instance précédente empêche une personne justiciable de pouvoir plaider une deuxième fois l’affaire.

[95] Le prestataire me demande essentiellement une ordonnance empêchant Service Canada de l’obliger à se présenter à une deuxième entrevue. Le prestataire soutient que Service Canada ne devrait pas avoir l’occasion de lui faire passer une entrevue une deuxième fois pour recueillir des renseignements. Service Canada lui a demandé de participer à une entrevue en juillet 2016. Il affirme avoir déjà participé à une entrevue en juillet 2014 et avoir fourni à ce moment des renseignements à Service Canada. Le prestataire soutient que la doctrine devrait s’appliquer afin que la Commission ne puisse pas faire [traduction] « un deuxième voyage au puits »Note de bas page 32.

[96] Le prestataire fait valoir que la Commission devrait être liée par toute décision antérieure qu’elle a rendue concernant la validité de son numéro d’assurance sociale et tout autre identifiant. Il soutient que la Commission ne devrait pas être autorisée à vérifier encore une fois son identité ni pouvoir examiner à nouveau ses principaux documents originaux attestant de son identité.

[97] Je n’ai toutefois pas le pouvoir d’empêcher Service Canada de demander au prestataire de se présenter à une entrevue ou de fournir des renseignements. La Loi sur l’assurance-emploi autorise expressément la Commission à exiger qu’une partie prestataire fournisse des renseignements complémentaires. La Loi sur l’assurance-emploi autorise également la Commission à exiger qu’une partie prestataire se présente à une entrevue afin de fournir des renseignements complémentairesNote de bas page 33.

[98] De plus, la doctrine de la chose jugée ne s’applique pas dans ces circonstances. Cette doctrine s’applique aux décisions des cours de justice, ainsi qu’aux décisions des tribunaux administratifs. Elle ne s’applique pas aux décisions rendues par la Commission ou par Service CanadaNote de bas page 34.

4. La division générale a-t-elle mal interprété l’article 50(6) de la Loi sur l’assurance-emploi?

[99] Le prestataire soutient que la division générale a mal interprété l’article 50(6) de la Loi sur l’assurance‑emploi et la décision Canada (Procureur général) c VilacaNote de bas page 35.

[100] Pour commencer, le prestataire note qu’au paragraphe 8 de sa décision, la division générale n’a pas résumé adéquatement l’article 50(6) de la Loi sur l’assurance-emploi. La membre de la division générale y a écrit : [traduction] « L’article 50(6) de la Loi sur l’assurance-emploi autorise précisément la Commission à exiger d’une partie prestataire qu’elle passe une entrevue pour fournir des renseignements en personne (mise en évidence pas la soussignée) ».

[101] Le prestataire note que l’article 50(6) de la Loi sur l’assurance-emploi se lit en fait comme suit :

(6) Présence – La Commission peut demander à tout prestataire ou à tout groupe ou catégorie de prestataires de se rendre à une heure raisonnable à un endroit convenable pour présenter en personne une demande de prestations ou fournir des renseignements exigés en vertu du paragraphe (5).

[102] Le prestataire note à juste titre que la membre de la division générale n’a pas énoncé entièrement ou exactement l’article au paragraphe 8 de sa décision. La membre a omis toute référence au fait que la Commission peut demander à toute partie prestataire de se rendre à une heure raisonnable à un endroit convenable « pour présenter en personne une demande de prestations ». De plus, la membre a mal interprété l’article. Elle a mentionné que la deuxième raison était pour « fournir des renseignements », alors qu’en fait, la deuxième raison est pour « fournir des renseignements complémentaires » (renseignements exigés en vertu du paragraphe (5), c’est-à-dire des renseignements complémentaires) au sujet d’une demande.

[103] Le prestataire fait valoir que la distinction est importante. Il soutient que selon l’interprétation de cet article par la division générale, la Commission aurait le pouvoir plus large de l’obliger à se présenter à une entrevue en personne.

[104] Le prestataire fait valoir que le pouvoir de la Commission est beaucoup plus restreint. Il soutient que l’article 50(6) de la Loi sur l’assurance‑emploi confère un pouvoir à la Commission seulement dans deux circonstances : (1) s’il présente une demande de prestations en personne ou (2) s’il fournit des renseignements complémentaires au sujet d’une demande. Le prestataire affirme qu’aucun de ces scénarios n’existe. Et, pour cette raison, il dit la Commission n’avait pas la compétence d’exiger qu’il se présente à une entrevue.

[105] En ce qui concerne la première partie, le prestataire affirme qu’il avait déjà présenté une demande de prestations. La demande de la Commission qu’il se présente à une entrevue n’aurait donc pas pu reposer sur ce fondement.

[106] En ce qui concerne la deuxième partie, le prestataire affirme qu’il a fourni tous les renseignements qui étaient exigés par la Commission. Il dit plus précisément que la Commission avait tous les renseignements concernant son numéro d’assurance sociale et sa date de naissance. Il n’existait donc pas d’autres renseignements qu’elle aurait pu obtenir de sa part.

[107] Le prestataire fait valoir que puisqu’il n’y avait pas de renseignements en suspens, la Commission ne pouvait pas avoir un quelconque pouvoir de l’exiger à se présenter à une entrevue. Il affirme que la division générale a commis une erreur de droit en élargissant le pouvoir de la Commission.

[108] Malgré le résumé incomplet ou inexact qu’a fait la membre de la division générale au paragraphe 8 de sa décision, la membre a décrit correctement les exigences énoncées à l’article 50(6) de la Loi sur l’assurance-emploi. Au paragraphe 17 de sa décision, la membre a noté que la Commission pouvait exiger qu’une partie prestataire se rende à une heure et à un endroit pour [traduction] « fournir des renseignements complémentaires au sujet de sa demande »Note de bas page 36.

[109] Finalement, la membre de la division générale a décidé qu’il revenait à la Commission de décider si elle avait besoin de renseignements complémentaires pour évaluer la demande du prestataire. La division générale a accepté la position de la Commission selon laquelle elle avait besoin de renseignements complémentaires.

[110] Le prestataire soutient aussi que la division générale a mal interprété la décision Vilaca. Cependant, la division générale a simplement fait référence à l’argument de la Commission au sujet de cette décision. La division générale n’a pas accepté ou rejeté l’interprétation de cette décision par la Commission, et n’a pas non plus fait part de sa propre interprétation de cette décision.

[111] Je ne suis pas convaincue que la division générale ait mal interprété la décision Vilaca ou l’article 50(6) de la loi sur l’assurance-emploi.

5. La division générale a-t-elle mal interprété l’article 50(9) de la Loi sur l’assurance-emploi?

[112] Le prestataire soutient que la division générale a mal interprété l’article 50(9) de la Loi sur l’assurance-emploi. L’article prévoit qu’une partie prestataire est tenue, sauf autorisation contraire de la Commission, de fournir l’adresse postale de sa résidence habituelle.

[113] La division générale a énoncé les faits pertinents. La division générale a noté que, lorsque le prestataire a rempli sa demande de prestations d’assurance-emploi, il a fourni seulement une case postale comme étant son adresse postale et de résidence. La division générale a aussi noté que pendant une entrevue, il avait avisé la Commission qu’il n’était pas tenu de fournir une adresse municipale.

[114] Cependant, la division générale n’a interprété ni abordé en aucune façon l’article 50(9) de la Loi sur l’assurance-emploi. En effet, l’interprétation de l’article n’était pas en cause, parce qu’il ne faisait pas partie de la décision de révision de la CommissionNote de bas page 37. Dans sa décision de révision, la Commission a déclaré le prestataire inadmissible aux prestations parce qu’il n’a pas prouvé qu’il satisfaisait aux exigences de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi. Plus précisément, la Commission a écrit qu’elle l’avait déclaré inadmissible aux prestations au titre des articles 50(1), 50(5) et 50(6) de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission n’a pas dit qu’elle le rendait inadmissible au titre de l’article 50(9).

[115] Malgré cela, la Commission a exigé l’adresse de résidence du prestataire. Ce renseignement peut demeurer en suspens et peut continuer d’empêcher le prestataire de satisfaire aux exigences pour être admissible aux prestations s’il ne passe pas une entrevue pour le fournir. C’est que le prestataire dit que l’article 50(9) exige seulement une adresse postale et non une adresse de résidence.

[116] L’article 50(9) de la Loi sur l’assurance-emploi se lit comme suit :

(9) Adresse postale – Tout prestataire est tenu, sauf autorisation contraire de la Commission, de fournir l’adresse postale de sa résidence habituelle.

(mise en évidence par la soussignée)

[117] Bien que l’article fasse référence à l’« adresse postale », cette mention est accompagnée des mots « de sa résidence habituelle ».

[118] Je souligne que les juges-arbitres ont décidé que, pour les besoins de la définition de la phrase « adresse postale de sa résidence habituelle », il est insuffisant de fournir un numéro de case postaleNote de bas page 38. Je fais ce commentaire au passage, bien que je ne rende pas de décision à cet égard, puisque je ne suis pas saisie de cette question.

6. La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante?

[119] Le prestataire affirme que la membre de la division générale a fait plusieurs erreurs de fait importantes. Le prestataire soutient que les conclusions de la membre ne concordent pas avec la preuve qui a été portée à sa connaissance.

a. Date de la demande de prestations du prestataire

[120] Le prestataire affirme que la membre de la division générale a commis une erreur de fait dans sa décision du 8 avril 2016, lorsqu’elle a écrit qu’il avait présenté sa demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 27 juillet 2014. Il avait en fait présenté sa demande le 27 juin 2014.

[121] Rien ne découle de cette erreur. La division générale n’a pas fondé sa décision sur sa conclusion selon laquelle le prestataire avait présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi en juillet 2014. Quoiqu’il en soit, le prestataire fait référence à la décision de la division générale du dossier no GE‑14‑3752. Ce n’est pas la décision de la division générale qui est l’objet du présent appel.

b. Numéro d’assurance sociale et date de naissance du prestataire

[122] Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur factuelle au paragraphe 1. La division générale a écrit que la Commission ne pouvait pas traiter sa demande de prestations d’assurance-emploi parce que son numéro d’assurance sociale était inactif et qu’il avait des dates de naissance différentes.

[123] Le prestataire nie que son numéro d’assurance sociale était inactif. Il nie aussi qu’il y avait des dates de naissance différentes. Il soutient que :

  1. les représentations de la Commission au Tribunal ne mentionnent pas son numéro d’assurance sociale ou sa date de naissance comme étant des problèmesNote de bas page 39;
  2. son numéro d’assurance sociale ne pouvait pas avoir été inactif puisque l’Agence du revenu du Canada avait accepté ses déclarations électroniques en 2014 et en 2015Note de bas page 40;
  3. la date de naissance qui figure sur sa demande de prestations d’assurance-emploi concorde avec celle consignée au dossier du registre d’assurance socialeNote de bas page 41, c’est donc dire qu’il n’y avait aucun problème avec sa date de naissance.

[124] Le prestataire affirme que la Commission a l’information dont elle a besoin à son sujet. Il dit donc que la Commission n’a pas de raison valide de le déclarer inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

[125] Le prestataire formule deux arguments : (1) la division générale a dénaturé la preuve au sujet des raisons pour lesquelles la Commission n’a pas traité sa demande de prestations d’assurance-emploi et (2) la Commission avait tort de toute façon de l’obliger à se présenter à une entrevue parce qu’elle avait déjà tous ses renseignements. Ce deuxième argument ne constitue pas une erreur de fait au titre de l’article 58(1) de la LMEDS. (J’ai abordé la teneur de ce deuxième argument plus haut.)

[126] La division générale ne faisait qu’exposer ce qu’elle avait compris du contexte de l’affaire. Et le dossier d’appel comportait des éléments de preuve qui appuyaient ce que la membre avait compris. Par exemple, le rapport d’entrevue de la Commission daté du 18 juillet 2014 montre que la Commission a repéré un numéro d’assurance sociale inactif et des renseignements différents concernant la date de naissance du prestataire, et qu’il s’agissait de questions en suspensNote de bas page 42. La division générale a mentionné le rapport d’entrevue, ainsi que la lettre du prestataireNote de bas page 43. La division générale n’a pas mal interprété ni dénaturé cette preuve.

[127] Par ailleurs, la division générale n’a pas tiré de conclusions directes d’une façon ou d’une autre sur la question de savoir si le numéro d’assurance sociale du prestataire était inactif ou sur celle de savoir si la date de naissance qui figurait dans son formulaire de demande de prestations d’assurance-maladie concordait avec la date de naissance inscrite dans le registre d’assurance sociale.

[128] La division générale a accepté l’affirmation du prestataire selon laquelle il avait fourni suffisamment de renseignements à la Commission. Cependant, la division générale a établi qu’il revenait à la Commission d’établir si les renseignements dont elle disposait étaient suffisants. C’est pourquoi la division générale a axé son attention sur la demande de la Commission de faire passer en entrevue le prestataire et la non-participation du prestataire à cette entrevue.

[129] Je ne suis pas convaincue que la division générale ait dénaturé le contexte de l’affaire.

c. Demande de révision du prestataire

[130] Le prestataire soutient que la division générale a aussi dénaturé le contexte de sa demande de révision. La division générale a écrit que la Commission a rejeté sa demande de révision parce qu’elle n’avait pas rendu de décision initiale. Le prestataire dit qu’en réalité, la Commission a ignoré sa demande. Il dit aussi que les parties prestataires bénéficient d’un droit statutaire à la révision.

[131] J’estime que rien ne dépend de la question de savoir si la Commission a ignoré ou rejeté sa demande de façon inappropriée. La division générale n’a pas fondé sa décision sur cet argument.

d. Sommaire

[132] Aucun de ces arguments ne constitue une erreur de fait sur laquelle la division générale a fondé sa décision.

Conclusion

[133] L’appel est rejeté.

[134] Le prestataire soutient que les questions concernant son numéro d’assurance sociale et sa date de naissance ont été résolues depuis. La Commission n’a pas été en mesure de confirmer cette affirmation au cours de l’instance. Il est possible que la Commission ait besoin d’autres renseignements, par exemple son adresse de résidence.

[135] Si la Commission décide qu’il reste des renseignements à obtenir auprès du prestataire et que ce dernier doit satisfaire à toutes les exigences de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi, elle peut continuer à exiger que le prestataire se présente à une entrevue à une heure raisonnable à un endroit convenable pour fournir des renseignements complémentaires. Comme la division générale l’a recommandé précédemment, la Commission devrait dresser clairement la liste des renseignements manquants que le prestataire doit lui fournir, et en informer ce dernierNote de bas page 44.

Date de l’audience :

Le 2 février 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

R. P., appelant
Carol Robillard, représentante de l’intimée (au moyen d’observations écrites seulement)

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