Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – hors Canada – exception à l’inadmissibilité – disponibilité – recherche d’emploi

Le prestataire a perdu son emploi en mars 2020. Il a quitté le Canada en juillet 2020 pour chercher du travail et soutenir sa famille pendant la pandémie. Beaucoup plus tard, alors qu’il était à l’étranger, il a demandé des prestations régulières d’AE. La Commission a refusé et la division générale (DG) a confirmé son inadmissibilité parce qu’il se trouvait à l’étranger et n’était pas disponible pour travailler. De plus, le prestataire n’a pas prouvé qu’il cherchait du travail selon les exigences de l’article 9.001 du Règlement sur l’AE.

La division d’appel (DA) a conclu que la DG avait commis les trois erreurs suivantes :
- elle a commis une erreur de droit en appliquant l’article 9.001. Elle n’a pas tenu compte du fait que la Commission n’a jamais demandé au prestataire de prouver sa recherche d’emploi, alors l’article 9.001 ne s’applique tout simplement pas;
- elle a commis une erreur de fait en examinant les exceptions à l’inadmissibilité. Les prestataires ne perdent pas le droit aux prestations à l’étranger pendant 14 jours s’ils font une « recherche d’emploi sérieuse ». Malgré la preuve montrant que le prestataire se trouvait à l’étranger pour trouver du travail, la DG a conclu à l’absence d’une telle preuve;
- elle a appliqué le mauvais critère juridique pour évaluer la disponibilité. Elle a seulement examiné le critère juridique énoncé de façon générale dans Faucher (CAF, A 56 96) et n’a pas tenu compte de l’autre décision de principe Elyoumni (2013 CAF 151). Dans Elyoumni, la Cour a demandé au tribunal d’examiner la disponibilité dans le contexte de l’exception hors Canada, une exception que Faucher ne prend pas en considération.

Pour en arriver à sa propre décision, la DA a examiné les démarches de recherche d’emploi depuis la présentation de la demande. Elle a conclu que le prestataire avait essayé de trouver du travail pour le maximum de 14 jours prévu à la loi. Elle a ensuite examiné si le prestataire était disponible par application du critère de Faucher du point de vue des exceptions hors Canada. Elle a conclu qu’il remplissait le critère de l’exception de 14 jours. La DA a accueilli l’appel en partie et accordé des prestations pour une période limitée à l’étranger.

Contenu de la décision

Décision et motifs

Décision

[1] J’accueille l’appel en partie. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire est admissible aux prestations pendant une période de 14 jours consécutifs où il se trouvait à l’étranger. Il demeure autrement inadmissible aux prestations pendant la période où il était absent du Canada.

Aperçu

[2] L’appelant, H. R. (prestataire), a été licencié le 20 mars 2020. Le 10 juillet 2020 ou vers cette date, il a appris que son employeur ne le rappellerait pas au travail. Le prestataire a quitté le Canada pour se rendre dans un autre pays (P) le 16 juillet 2020. Après avoir passé un certain temps dans ce pays, il a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[3] L’intimée, la Commission d’assurance-emploi du Canada, a rejeté sa demande en déclarant que le prestataire n’était pas admissible aux prestations pour deux raisons. Elle a dit qu’il se trouvait à l’étranger. Elle a aussi dit que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. Le prestataire a demandé une révision à la Commission, qui a refusé de modifier sa décision.

[4] Le prestataire a fait appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté son appel. Il porte maintenant en appel la décision de la division générale devant la division d’appel.

[5] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a décidé que le prestataire n’était pas à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse. Elle a aussi commis une erreur de droit dans sa façon d’appliquer le critère relatif à la disponibilité.

[6] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre et j’ai établi que le prestataire était à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse et qu’il était disponible pour travailler pendant la période du 11 octobre au 13 octobre 2020 [sic]. Cela signifie qu’il est admissible aux prestations offertes au titre de l’article 55(1)(f) du Règlement sur l’assurance-emploi, moins les déductions appropriées.

Quels moyens d’appel puis-je examiner?

[7] Les « moyens d’appel » sont les raisons de l’appel. Pour accueillir l’appel, je dois conclure que la division générale a commis un des types d’erreurs suivantsNote de bas de page 1 :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas statué sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou elle a tranché une question qui dépassait sa compétence.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

Questions en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que le prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance‑emploi parce qu’il était à l’étranger?

[9] La division générale a-t-elle ignoré ou mal interprété la preuve du prestataire selon laquelle il était à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse?

[10] La division générale a-t-elle ignoré ou mal interprété la preuve du prestataire concernant sa recherche d’emploi lorsqu’elle a décidé qu’il était disponible [sic] pour travailler?

[11] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans sa façon d’établir la disponibilité?

Analyse

[12] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que les prestataires ne peuvent pas recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant un séjour à l’étrangerNote de bas de page 2. Cette règle est appliquée rigoureusement; toutefois, le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit certaines exceptions pouvant suspendre l’application de cette règle pendant des périodes limitéesNote de bas de page 3.

[13] L’article 55(1)(f) du Règlement sur l’assurance-emploi décrit l’une de ces exceptions. Il précise que les prestataires ne sont pas inadmissibles aux prestations pendant un séjour de 14 jours consécutifs à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuseNote de bas de page 4.

Question en litige no 1 : Le prestataire était-il inadmissible aux prestations pendant qu’il était à l’étranger?

[14] Le prestataire affirme qu’il n’aurait pas dû être déclaré inadmissible aux prestations pendant qu’il était à l’étranger. Il estime que la division générale a ignoré ou mal interprété sa preuve selon laquelle il cherchait du travail.

[15] Cependant, le fait que le prestataire a quitté le Canada le 16 juillet 2020 ou qu’il était encore à l’étranger au moment de l’audience de la division générale n’a pas été contesté.

[16] Au-delà des exceptions précises et limitées énoncées à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que les prestataires sont inadmissibles aux prestations pendant un séjour à l’étranger. Cela est vrai de façon générale, sans égard à leur disponibilité pour travailler.

[17] La division générale n’a donc pas commis d’erreur en concluant que le prestataire n’était pas admissible aux prestations depuis le 16 juillet 2020, sauf en ce qui concerne la possibilité qu’il soit admissible aux prestations pour faire une recherche d’emploi sérieuse pour une période ne dépassant pas 14 jours consécutifs.

Question en litige no 2 : Le prestataire était-il à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse?

[18] Le prestataire a soutenu qu’il est allé au P pour chercher du travail et qu’il a continué à chercher du travail pendant qu’il était au P. Cet élément de preuve est pertinent pour la question de savoir si le prestataire était admissible aux prestations au titre de l’article 55(1)(f) du Règlement sur l’assurance-emploi. Le prestataire a fait valoir que la division générale avait ignoré ou mal interprété cet élément de preuve.

[19] Le prestataire a dit à la division générale qu’il était allé au P parce que le confinement en raison de la COVID faisait qu’il était difficile de trouver un autre travail au Canada. Il a dit qu’il avait l’impression que ses possibilités d’emploi étaient meilleures au P parce que les restrictions en raison de la COVID y étaient moins strictesNote de bas de page 5. Le prestataire a aussi affirmé qu’il avait commencé à chercher du travail dès que sa quarantaine de 15 jours a été terminée dans le pays qu’il visitaitNote de bas de page 6. Il dit avoir cherché du travail comme tuteur, plus particulièrement comme tuteur d’anglais langue seconde, mais qu’il était cherchait aussi du travail dans le domaine des technologies de l’information.

[20] Le prestataire a dit qu’il prévoyait offrir un soutien moral à sa famille au P, mais il a insisté sur le fait que ce n’était pas la principale raison de son voyageNote de bas de page 7.

[21] Dans la section Aperçu de la décision de la division générale, la division générale a écrit que le prestataire était allé au P pour offrir un soutien moral aux membres de sa familleNote de bas de page 8. Plus loin dans la décision, la division générale a résumé le témoignage du prestataire. La division générale a commencé par rapporter que le prestataire avait affirmé que « le but de son voyage était d’abord de rendre visite à des membres de sa famille au P pour leur offrir un soutien moral »Note de bas de page 9. La division générale a noté que le prestataire avait aussi prévu chercher du travail, mais elle a conclu le paragraphe en disant que [traduction] « [le] témoignage [du prestataire] ne démontre pas qu’il a voyagé pour des raisons qui le rendraient admissible à une exception à la règle visant les prestataires à l’étrangerNote de bas de page 10 ».

Quand le prestataire doit-il faire une recherche d’emploi sérieuse pour demander des prestations au titre de l’exception?

[22] L’utilisation du verbe « voyagé » par la division générale est regrettable, car cela laisse entendre que l’article 55(1)(f) porte sur le motif des prestataires au moment de leur départ du Canada. L’article 55(1)(f) offre en fait aux prestataires qui sont à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse une période d’exemption de l’inadmissibilité d’une durée de 14 jours. La Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi ne prévoient d’aucune façon que les prestataires doivent exprimer l’intention de chercher du travail avant de quitter le pays ou qu’il leur est possible d’obtenir une exemption à l’inadmissibilité seulement dans les premiers jours du séjour à l’étranger.

[23] Cependant, j’estime que la division générale n’avait pas l’intention d’évaluer le but du prestataire au moment où il a voyagé.

[24] Lorsque je lis la décision de la division générale, je constate qu’elle a en fait examiné l’objectif du prestataire lors d’une période ultérieure, après qu’il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. La division générale a énoncé qu’elle examinait la période qui a commencé le 5 octobre 2020, ce qui correspondait selon sa compréhension à la date à laquelle il a présenté sa demande de prestationsNote de bas de page 11. La décision précise que « [l]a liste ne prouve pas qu’il était au P au début d’octobre 2020 pour faire une recherche d’emploi sérieuseNote de bas de page 12 ». À la suite de ces déclarations, la division générale a conclu en disant que le prestataire n’avait pas voyagé dans le but de faire une recherche d’emploi sérieuse.

[25] La mesure dans laquelle le désir de chercher du travail a incité le prestataire à « voyager » au P (au moment où il s’est rendu au P) est hors sujet. La décision de la division générale ne dépend pas de la raison du voyage du prestataire au P. La décision s’appuie plutôt sur une conclusion portant sur la raison pour laquelle le prestataire se trouvait à l’étranger au moment où il a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 13.

[26] Cela est logique. Le prestataire n’avait pas demandé de prestations lorsqu’il a d’abord quitté le Canada pour aller au P en juillet 2020, et il n’a pas établi de période de prestations avant octobre 2020. Il aurait fallu qu’une période de prestations soit établie à son profit avant qu’il puisse être admissible aux prestations. Il devait d’abord être admissible aux prestations pour être déclaré inadmissible parce qu’il se trouvait à l’étranger. Et il devrait être déclaré inadmissible avant de pouvoir bénéficier de l’exemption temporaire d’inadmissibilité au titre de l’article 55(1)(f) du Règlement sur l’assurance-emploi.

[27] J’accepte que la division générale ait été tenue d’examiner la question de savoir si l’article 55(1)(f) s’appliquait au cours d’une période qui a commencé au moment où le prestataire a demandé des prestations.

[28] J’accepte aussi le fait que la division générale a également examiné en quoi l’exception s’appliquait au cours de la période qui a suivi sa demande de prestations.

L’article 55(1)(f) était-il applicable à un quelconque moment pendant la période de prestations du prestataire?

[29] La décision n’explique pas clairement la raison pour laquelle la division générale a conclu que le prestataire ne pouvait pas bénéficier d’une exception concernant l’inadmissibilité au sens de l’article 37. Pour pouvoir tirer cette conclusion, la division générale aurait dû soit rejeter le fait que le prestataire se trouvait à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse ou rejeter le « caractère sérieuxNote de bas de page 14 » de sa recherche d’emploi. Je vais à présent examiner la question de savoir si la division générale aurait pu trancher comme elle l’a fait de l’une de ces deux façons.

La raison pour laquelle le prestataire s’est absenté du Canada

[30] La division générale a reconnu le témoignage du prestataire selon lequel il ne s’était pas rendu au P seulement pour offrir un soutien moral et il avait aussi l’intention de chercher du travail. Si la division générale n’acceptait pas l’argument voulant que le prestataire était à l’étranger pour chercher du travail, elle aurait pu simplement rejeter sa preuve ou conclure que sa recherche d’emploi n’occupait pas une place assez importante parmi les motifs du déplacement du prestataire au P.

[31] Cependant, la décision de la division générale ne laisse pas entendre que la membre n’a pas cru que la recherche d’un emploi au P faisait à tout le moins partie des raisons pour lesquelles le prestataire se trouvait à l’étranger. Aucun élément de preuve ne contredisait le prestataire sur ce point.

[32] Je dois présumer que la division générale n’a pas accepté le fait que la recherche d’emploi du prestataire au P ait été suffisamment importante pour justifier son absence du Canada. Cependant, l’article 55(1)(f) du Règlement sur l’assurance-emploi ne dit pas quelle doit être l’importance d’une recherche d’emploi pour qu’elle soit considérée comme une recherche d’emploi sérieuse. Il ne dit pas si la recherche d’emploi doit être la principale raison pour se trouver à l’étranger ou s’il suffit que ce soit une raison importante ou seulement l’une des raisons du voyage.

[33] La Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il n’est pas nécessaire que la raison donnée pour avoir droit à une exemption au titre de l’article 55(1) soit la seule raison pour laquelle une partie prestataire est à l’étranger. Dans la décision Gibson, la cour a examiné le cas d’une prestataire qui demandait une exception au titre de l’article 55(1)(e). Cette exception concerne les prestataires qui sont à l’étranger pour assister à une véritable entrevue d’emploi. Cependant, la prestataire dans Gibson avait plus d’une raison de se trouver à l’étrangerNote de bas de page 15. Elle avait décidé de faire un voyage à l’étranger pour visiter son fils. Avant de quitter le Canada, la prestataire avait planifié une entrevue d’embauche à destinationNote de bas de page 16.

[34] Malgré le fait que la prestataire avait plus d’une raison de se trouver à l’étranger, la Cour d’appel fédérale a maintenu les décisions des instances inférieures, qui avaient conclu que la prestataire était admissible à l’exception parce qu’elle se trouvait à l’étranger pour assister à une véritable entrevue d’emploi.

[35] Devant la division d’appel, la Commission a soutenu que le prestataire ne pouvait pas bénéficier d’une exception parce que la « recherche d’emploi sérieuse » n’était pas la principale raison pour laquelle il se trouvait à l’étranger. J’ai demandé à la Commission pourquoi elle avait jugé que la recherche d’emploi devait être la raison principale du prestataire, et la Commission a fait référence aux décisions de la cour qu’elle avait fournies dans ses observations écrites. Aucune de ces décisions, à l’exception de Gibson, n’examinait quelle devait être l’importance de la recherche d’emploi pour expliquer le déplacement à l’étranger.

[36] Cependant, la décision Gibson n’exigeait pas que l’exception prévue à l’article 55(1) soit la principale raison du prestataire pour se trouver à l’étranger. La prestataire dans l’affaire Gibson a obtenu l’entrevue d’embauche seulement après avoir décidé d’aller visiter son fils à l’étranger. Les faits dans l’affaire Gibson laissent croire au contraire que l’exception était accessoire à l’intention de la prestataire de visiter son fils.

[37] Il y avait une preuve qui n’a pas été contredite selon laquelle le prestataire est allé au P pour chercher du travail. Il était de toute évidence important pour lui d’offrir un soutien moral à sa famille, mais sa preuve était cohérente. Trouver du travail au P était à tout le moins une raison importante d’avoir quitté le Canada et de demeurer au P.

Le caractère sérieux de la recherche d’emploi du prestataire

[38] La preuve portée à la connaissance de la division générale était que le prestataire s’était rendu au P pour y trouver du travail. Il a aussi convenu qu’il avait espéré offrir un soutien moral à sa famille ainsi qu’une aide financière. Mais il a dit à plusieurs reprises à la division générale que la principale raison pour laquelle il avait quitté le Canada était pour trouver du travail.

[39] Une fois au P, le prestataire est apparemment allé au bout de son intention de trouver un emploi. Il a cherché et obtenu du travail comme tuteur. Le prestataire a fait sa recherche d’emploi en utilisant des méthodes qu’il jugeait appropriées compte tenu de la culture, de la situation liée à la COVID et des moyens auxquels il avait accès au P.

[40] Le prestataire a dit avoir été capable d’obtenir de 15 à 20 heures de travail à la fin août grâce à ses démarches. Le prestataire a perdu ce travail après deux mois et il a recommencé à chercher un emploi. À son audience, il a dit à la division générale qu’il avait récemment réussi à obtenir dix heures de travail par semaine au PNote de bas de page 17. (Le prestataire n’était pas rentré au Canada au moment de son audience devant la division générale.)

[41] Lorsque la division générale a évalué l’admissibilité du prestataire pendant son absence du Canada, elle a examiné s’il se trouvait au P dans le but de faire une recherche d’emploi sérieuse. Elle a dit avoir accordé peu de poids aux renseignements portant sur sa recherche d’emploi après l’audience parce qu’ils n’étaient pas datés et ne précisaient pas si les démarches énumérées avaient été faites pendant la période qui a suivi la perte de ses premiers clientsNote de bas de page 18. Ailleurs dans sa décision, la division générale a examiné si les démarches du prestataire pour trouver un emploi pouvaient être considérées comme « habituelles et raisonnables » ou suffisantes pour montrer sa disponibilité au sens de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[42] Cependant, le caractère sérieux de la recherche d’emploi du prestataire repose sur la sincérité de son intention, et non sur la nature ou la pertinence des démarches qu’il a faites pour trouver un emploi. Si le prestataire avait fait des démarches de recherche d’emploi seulement pour la forme, cela aurait été pertinent pour évaluer sa sincérité, mais ce n’était pas le cas dans la présente affaire. Aucun élément de preuve ne mettait en doute la sincérité de l’objectif ou des démarches du prestataire.

[43] En fait, la division générale semble avoir accepté la sincérité du prestataire quant à sa recherche d’emploi. En examinant la disponibilité du prestataire, elle a établi qu’il avait démontré le désir de retourner sur le marché du travail dès que possible même s’il se trouvait au PNote de bas de page 19. Rien dans la décision ne laisse croire que cette conclusion excluait la période qui a suivi la demande de prestations du prestataire.

Conclusion sur l’applicabilité de l’article 55(1)(f) du Règlement sur l’assurance-emploi

[44] La division générale n’a pas dit que la recherche d’emploi sérieuse doit être l’unique raison pour laquelle le prestataire est à l’étranger. Si elle l’avait fait, elle aurait commis une erreur de droit. Cette interprétation de l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi serait contraire à la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Gibson.

[45] Par conséquent, je dois établir que la division générale a commis une erreur de fait, parce qu’elle a conclu que la preuve ne démontrait pas que le prestataire avait voyagé (ce qui selon moi voulait dire « était à l’étranger ») [traduction] « pour des raisons qui le rendraient admissible à une exception à la règle visant les prestataires à l’étrangerNote de bas de page 20 ». Cette conclusion repose soit sur une ignorance ou une mauvaise interprétation de la preuve du prestataire concernant son intention de trouver du travail au P, ou elle ne concorde pas avec la preuve.

[46] Par ailleurs, la division générale a commis une erreur de droit en fournissant des raisons inadéquates pour motiver sa décision. La division générale n’a pas expliqué d’une manière transparente et compréhensible comment elle avait interprété le « caractère sérieux » au titre de l’article 55(1)(f) ni comment elle avait appliqué son interprétation aux faits. Elle n’a pas expliqué comment elle avait interprété le témoignage du prestataire ni comment elle avait accordé du poids à la preuve du prestataire par rapport aux autres éléments de preuve qui avaient été portés à sa connaissance.

[47] La Cour fédérale a établi qu’une cour qui procède à une révision doit être en mesure de « comprendre le fondement de la décision du tribunal et [les motifs doivent permettre] de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptablesNote de bas de page 21 ». Les motifs de la division générale ne permettent pas une telle détermination.

Question en litige no 3:  Le prestataire a-t-il démontré qu’il était disponible pour travailler tout au cours de sa recherche d’emploi?

[48] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler. Il a affirmé que la division générale avait mal interprété la nature de sa recherche d’emploi au P.

La division générale a affirmé que la recherche d’emploi du prestataire s’était essentiellement limitée à faire de la sollicitation de façon aléatoire

[49] Lorsque la division générale a évalué la disponibilité du prestataire pour travailler, elle a qualifié la recherche d’emploi de ce dernier de démarches « limitées essentiellement à faire de la sollicitation de façon aléatoire dans les résidences pour essayer de trouver du travail d’enseignement privé ». Le prestataire conteste cette affirmation.

[50] Je ne suis pas d’accord pour dire que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a caractérisé ainsi la preuve du prestataire.

[51] D’après le témoignage du prestataire, sa principale méthode pour trouver du travail pendant qu’il était au P consistait à [traduction] « marcher pour aller frapper aux portes » afin d’offrir ses services comme tuteur. Il a aussi fait imprimer des documents promotionnels comme des prospectus.

[52] Le prestataire a dit qu’il s’était aussi inscrit sur deux sites de recherche d’emploi, mais que c’était pour obtenir des emplois au Canada, pas au P. Il dit avoir continué à vérifier ces sitesNote de bas de page 22. Il s’est inscrit au site de recherche d’emploi du gouvernement du Canada, et il a gardé contact avec ses deux anciens employeurs au Canada, au cas où la demande de travail augmenterait et qu’ils pourraient le reprendreNote de bas de page 23. Cependant, le prestataire a aussi affirmé qu’il n’avait posé sa candidature à aucun emploi au Canada. Il a dit qu’il avait vu des postes affichés, mais qu’il avait déjà fait l’expérience de poser sa candidature sur des sites de recherche d’emploi et qu’il ne s’attendait pas à ce qu’on communique avec lui-même s’il postulait pour un emploiNote de bas de page 24.

[53] Après l’audience, à l’invitation de la division générale, le prestataire a présenté des renseignements concernant sa recherche d’emploiNote de bas de page 25. Ces renseignements contenaient une liste de maisons où il s’était rendu dans le secteur Precinct 2, dans la ville ou la banlieue où il faisait ses recherches. Toutes les maisons étaient situées sur la Route 1 ou les rues nos6 à 10. Les numéros des maisons se suivent. Il a eu la confirmation de 11 étudiants sur environ 220 visites. Il a aussi mentionné avoir eu une entrevue pour un poste de directeur d’école.

[54] Par la suite, le prestataire a dit à la division d’appel qu’il avait axé ses activités de recherche d’emploi dans les maisons ou les quartiers où il était probable que les enfants soient à la maison plutôt qu’à l’école en raison de la COVID. Il n’avait toutefois pas fourni cette explication à la division générale. Il s’agit donc d’un nouvel élément de preuve dont je ne peux pas tenir compte.

[55] J’admets que la principale méthode de recherche de travail du prestataire a consisté à faire du porte à porte pour trouver des étudiants. En un sens, il se peut que sa recherche n’ait pas été « aléatoire ». Il semble avoir parcouru les rues de façon systématique. Cependant, sa recherche était aléatoire dans un autre sens. La division générale n’avait aucun élément de preuve selon lequel le prestataire avait fait une étude de marché ou une recherche ciblée auprès des maisons ou des secteurs où habitaient des gens qui cherchaient ou étaient susceptibles de chercher un tuteur à domicile.

La division générale a dit que le prestataire n’avait présenté sa candidature à aucune entreprise

[56] Le prestataire a aussi affirmé que la division générale avait commis une erreur en disant que sa liste de recherche d’emploi ne comportait aucun nom d’« entreprises ». Le seul emploi éventuel nommé dans la preuve du prestataire, outre les maisons où il s’est rendu, est celui de directeur d’école dans une [traduction] « école internationale ». Les écoles sont peut-être considérées comme des entreprises au P, mais ce n’est pas le cas au Canada.

[57] La division générale a noté précisément que le prestataire avait postulé pour un « poste à l’université ». Un « poste à l’université » n’est peut-être pas une description adéquate de l’école internationale. Cependant, il semble évident que la division générale a compris que le prestataire avait présenté sa candidature à l’école internationale, en plus de chercher des clients pour faire du tutorat privé.

[58] Si la division générale a fait une erreur dans sa manière de décrire cet emploi, il s’agit d’une petite erreur. Le moyen d’appel qui concerne une erreur de fait exige que la division générale ait « fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée ». Les conclusions de la division générale ne reposaient pas sur la question de savoir si cet emploi éventuel était auprès d’une entreprise privée, d’une école ou d’une université. Elle n’a pas fondé sa décision sur la nature de l’employeur ou du titre du poste pour cet emploi éventuelNote de bas de page 26.

Question en litige no 4: Le critère juridique relatif à la disponibilité

[59] Le prestataire n’a pas soutenu que la division générale avait commis des erreurs de droit, mais je ne peux pas ignorer des erreurs de droit évidentes.

[60] La division générale a mentionné que le prestataire devait démontrer qu’il était disponible au titre de deux articles de loiNote de bas de page 27. Le premier était l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi. Cet article concerne la capacité de la Commission d’exiger qu’une persone prouve sa disponibilité en démontrant qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail. Les démarches « habituelles et raisonnables » sont décrites à l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[61] La division générale se devait d’examiner la disponibilité du prestataire pour travailler dans le seul but d’évaluer s’il était admissible à une exception précise à cette inadmissibilité. Le fait qu’il se trouvait à l’étranger n’était pas contesté. La loi énonce clairement que les prestataires sont inadmissibles aux prestations au titre de l’article 37 de la Loi sur l’assurance‑emploi pendant un séjour à l’étranger, sauf dans quelques situations précises qui sont décrites à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi.

[62] Par conséquent, je vais examiner les conclusions de la division générale quant à l’inadmissibilité et à leur incidence sur la conclusion selon laquelle le prestataire n’était pas admissible aux prestations au titre de l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi.

Démarches habituelles et raisonnables

[63] La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a établi que le prestataire devrait être déclaré inadmissible aux prestations au titre de l’exception parce qu’il ne satisfaisait pas au critère relatif aux démarches « habituelles et raisonnablesNote de bas de page 28 ».

[64] L’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi décrit les exceptions à l’inadmissibilité. Ces exceptions s’appliquent pendant des périodes limitées et pour des raisons spécifiques. L’une des exceptions prévoit que le fait qu’une personne est à l’étranger pour « faire une recherche d’emploi sérieuse pour une période ne dépassant pas 14 jours consécutifs » ne la rend pas inadmissible aux prestations. Le prestataire a affirmé qu’il était à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse.

[65] Cependant, la personne doit tout de même prouver qu’elle est disponible pour travailler pour être admissible aux prestations, et ce, même si elle était à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse. Toutes les exceptions de l’article 55(1), y compris celle concernant la recherche d’emploi sérieuse, sont applicables « sous réserve de l’article 18 de la Loi ». Cela signifie qu’une personne qui est admissible à une exception de l’article 55 pourrait tout de même être déclarée inadmissible si elle ne répond pas aux critères de l’article 18.

[66] Je ne vois nulle part que la Commission a déjà demandé au prestataire de prouver qu’il faisait des démarches « habituelles et raisonnables » pendant qu’il se trouvait à l’étranger ou qu’elle l’a déclaré inadmissible aux prestations parce qu’il avait omis de fournir la preuve qu’il avait fait de telles démarchesNote de bas de page 29. Le prestataire a été déclaré inadmissible au titre de l’article 37 de la Loi sur l’assurance-emploi, sous réserve des exceptions précises de l’article 55(1).

[67] La loi ne présume pas que les personnes seront capables de démontrer qu’elles ont fait des démarches de recherche d’emploi habituelles et raisonnables pendant la période au cours de laquelle elles seraient autrement admissibles aux prestations au titre des exceptions de l’article 55(1). Les exceptions de l’article 55(1) sont applicables « sous réserve de » l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi. Elles ne sont pas assujetties à l’article 50(1) ou à l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 30.

[68] De plus, il serait déraisonnable d’appliquer les mêmes normes de recherche d’emploi à une personne se trouvant à l’étranger pour l’une des fins décrites dans les exceptions, pendant la période limitée de l’exceptionNote de bas de page 31. Les exceptions offrent une semaine ou deux de prestations afin que les prestataires qui se trouvent à l’étranger puissent explorer des occasions d’emploi, assister à des funérailles, rendre visite à des membres de la famille gravement malades ou les accompagner à l’hôpital.

[69] Par conséquent, la division a commis une erreur de droit lorsqu’elle a appliqué les critères décrits à l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi sous réserve de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi. Le prestataire n’est pas déclaré inadmissible au motif qu’il n’a pas démontré qu’il avait fait des démarches de recherche d’emploi habituelles et raisonnables.

Disponibilité pour travailler

[70] La division générale a aussi dit que le prestataire était inadmissible parce qu’il n’avait pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de l’article 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[71] La division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle a omis de définir la « disponibilité » à l’aide de la jurisprudence qui concerne directement les prestataires qui demandent des prestations au titre des exceptions de l’article 55(1).

[72] La division générale a conclu que le prestataire n’était pas disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi pendant la période où il se trouvait à l’étranger. Elle a analysé la disponibilité du prestataire au sens de l’article 18(1), à l’aide d’un critère formulé dans une décision de la Cour d’appel fédérale intitulée FaucherNote de bas de page 32.

[73] La décision de la division générale a décrit les trois éléments du critère de FaucherNote de bas de page 33, mais je vais les reprendre ci-dessous. Pour prouver qu’elle est disponible pour travailler, une personne doit démontrer trois choses :

  1. qu’elle a un désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable sera disponible,
  2. que ce désir est exprimé par des efforts pour trouver un travail convenable;
  3. qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[74] La division générale a établi que le prestataire n’était pas disponible pour travailler parce qu’il ne satisfaisait pas à deux critères de la décision Faucher. Elle a dit que sa recherche d’emploi n’était pas adéquate et qu’il avait établi des conditions personnelles qui limitaient indûment sa capacité de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 34.

[75] Cependant, la division générale n’a pas tenu compte de la décision Elyoumni, qui a également été rendue par la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 35. La décision Elyoumni aborde directement les circonstances de la présente cause.

[76] J’ai envoyé une copie de la décision Elyoumni au prestataire et à la représentante de la Commission. Je leur ai demandé de me dire si la décision Elyoumni s’applique au présent appel et de quelle façon. Le prestataire a répondu le 21 mai 2021. Il a soutenu que sa situation était différente de celles des autres causes parce qu’il pouvait être disponible pour travailler, peu importe où il se trouvait. Il a dit que les [traduction] « vieilles » lois sur l’assurance-emploi sont dépassées et que je ne devrais pas les appliquer. La Commission a dit au Tribunal qu’elle n’avait rien à ajouter à ses observations antérieures.

[77] La décision Elyoumni se penchait sur la disponibilité d’un prestataire qui était à l’étranger et qui demandait des prestations au titre de l’une des exceptions de l’article 55(1). La cour n’a pas fait référence à la décision Faucher antérieure, et elle n’a pas analysé la disponibilité à l’aide des trois éléments décrits dans Faucher. La cour a plutôt dit dans la décision Elyoumni que la disponibilité d’une personne doit être interprétée dans le contexte de l’exception de l’article 55(1). Elle a mentionné qu’un prestataire qui se trouve à l’étranger doit être capable de démontrer qu’il a pris des dispositions pour pouvoir être joint si un emploi lui est offert.

[78] La décision Elyoumni ne précise pas de norme claire selon laquelle la disponibilité d’un prestataire devrait être évaluée pour bénéficier des prestations au titre de l’une des exceptions. Cependant, la décision reconnaît que la disponibilité doit être évaluée différemment pour cette raison. Une personne pourrait répondre à l’exigence [traduction] « minimale » de la décision Elyoumni, même si elle ne satisfait pas nécessairement à toutes les exigences du critère relatif à Faucher.

[79] La division générale a commis une erreur de droit en évaluant la disponibilité du prestataire sans tenir compte de la décision Elyoumni.

Sommaire

[80] J’ai établi que la division générale avait commis des erreurs de fait et de droit dans sa façon d’évaluer que le prestataire n’était pas à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse.

[81] J’ai conclu que la division générale avait commis une erreur en rendant sa décision. Je dois maintenant examiner ce que je dois faire pour corriger la situation (réparation).

Réparation

Nature de la réparation

[82] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je pourrais aussi renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine sa décisionNote de bas de page 36.

[83] Le prestataire et la Commission s’entendent pour dire que je devrais rendre la décision.

[84] J’admets que le prestataire a eu l’occasion équitable de présenter sa preuve à la division générale et que je détiens tous les éléments de preuve dont j’ai besoin pour rendre la décision. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

Ma décision

[85] La décision de révision rendue par la Commission le 27 novembre 2020 a maintenu sa décision initiale selon laquelle le prestataire était inadmissible aux prestations. Elle a conclu que le prestataire était inadmissible parce qu’il était à l’étranger et aussi parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. D’après la conversation qui a eu lieu le 26 novembre 2020 entre la Commission et le prestataire, il semble que la Commission ait informé le prestataire qu’il n’était pas admissible à une exception au titre de l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 37.

[86] Le prestataire me demande d’accueillir son appel et estime qu’il aurait dû être admissible aux prestations pendant qu’il se trouvait à l’étranger. Il dit qu’il était à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse.

[87] La Commission dit que je devrais conclure que le prestataire était inadmissible aux prestations pendant qu’il était à l’étranger. Elle soutient que le prestataire n’était pas admissible à l’exception qui lui aurait permis de toucher des prestations pendant un maximum de 14 jours. La Commission me demande de rejeter l’appel.

[88] J’accueille l’appel en partie.

[89] La division générale n’a pas commis une erreur de fait lorsqu’elle a établi que le prestataire serait inadmissible aux prestations pendant son séjour à l’étranger pour toute période pendant laquelle une exception au titre de l’article 55(1) ne s’appliquait pas. La loi est claire à ce sujet et il n’existe aucun fondement qui me permettrait d’intervenir dans cette conclusion.

[90] Cependant, j’ai établi que la division générale avait commis des erreurs lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’était pas à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse et dans sa façon d’appliquer la loi pour établir que le prestataire n’était pas disponible.

[91] Cela signifie que je vais maintenant trancher la question de savoir si le prestataire aurait dû toucher des prestations au titre de l’exception de l’article 55(1)(f), c’est-à-dire s’il se trouvait à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse.

L’objectif du prestataire

[92] Le prestataire a dit qu’il était à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse. Il a aussi dit qu’il avait fait une telle recherche et qu’il avait en fait trouvé du travail.

[93] J’accepte la preuve du prestataire selon laquelle il a quitté le Canada le 14 juillet 2020 avec l’intention sincère de trouver du travail. Dans l’ensemble de la preuve, y compris sa demande de prestations, le prestataire a dit qu’il allait au P pour chercher du travail. Il a mentionné qu’il avait également l’intention d’offrir un soutien moral à sa famille, mais aucun élément de preuve ne vient mettre en doute la sincérité de son intention de travailler. Dans son témoignage, il a dit clairement que la recherche d’emploi était le principal objectif de son déplacement au P. La preuve du prestataire est cohérente, et la division générale n’a pas mis en doute sa crédibilité à l’égard de ces questions.

[94] De plus, l’intention mentionnée par le prestataire est plausible en raison du caractère inhabituel du marché de l’emploi à ce moment. Il a affirmé qu’il ne pouvait pas trouver du travail au Canada en raison de la manière dont la COVID touchait le pays. Le prestataire avait de la famille au P et il était d’avis que les mesures de confinement y seraient moins strictes.

[95] J’accepte aussi le fait que le prestataire a maintenu son intention de chercher du travail en arrivant au P. Il a livré un témoignage au sujet de son mode de recherche et de recrutement d’étudiants et étudiantes. Il a aussi fourni une liste des résidences qu’il a visitées au P et une copie de certains documents promotionnels qu’il avait préparés, et il a souligné avoir participé à une entrevue d’embauche pour un poste de directeur d’école. Il a affirmé avoir été le tuteur de plusieurs étudiants et étudiantes jusqu’en octobre 2020.

[96] Cependant, le prestataire devait démontrer qu’il se trouvait à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse après le 11 octobre 2020, lorsqu’il a d’abord établi une période de prestations. Le prestataire a présenté sa demande le 14 octobre 2020. Sa période de prestations aurait commencé le premier dimanche de la semaine de sa demande, soit le 11 octobre 2020. La question de savoir si le prestataire avait l’intention de faire une recherche d’emploi sérieuse avant le 11 octobre n’a pas d’importance. Comme je l’ai déjà mentionné, il n’était pas possible que le prestataire soit admissible à des prestations avant le début de sa période de prestations.

Ma compétence

[97] Je ne peux pas trancher la question de savoir si le prestataire aurait été admissible aux prestations au titre d’une exception à l’article 55(1) compte tenu de ses circonstances après la décision de révision du 27 novembre 2020.

[98] Lorsque je rends une décision en remplacement de celle de la division générale, ma compétence n’est pas plus grande que celle de la division générale. La division générale avait seulement compétence pour examiner la décision de révision, qui était fondée sur les circonstances du moment.

[99] Je ne sais pas si le prestataire est rentré au Canada, mais il se trouvait encore à l’étranger au moment de son audience à la division générale. Si le prestataire cherchait à toucher des prestations au titre de l’une des exceptions de l’article 55(1) au motif que sa situation avait changé après le 27 novembre 2020, il devra demander une décision différente à la Commission.

Recherche d’emploi sérieuse du 11 octobre 2020 au 27 novembre 2020

[100] Le prestataire a affirmé avoir trouvé ses premiers étudiants et étudiantes à la fin du mois d’août et leur avoir enseigné pendant environ deux mois. Il était d’accord avec la membre de la division générale pour dire qu’il avait travaillé jusqu’à la fin du mois d’octobre et qu’il avait demandé des prestations avant de perdre ses étudiants et étudiantes. Il a dit qu’il avait fait cela parce qu’il voulait toucher des prestations comme supplément à son revenu.

[101] Avoir un emploi n’est pas la même chose que chercher un emploi, et la preuve du prestataire sur la question de savoir s’il a continué de chercher d’autres étudiants et étudiantes pendant qu’il faisait du tutorat à temps partiel n’est pas claire. Étant donné que le prestataire n’a pas daté la liste des adresses des maisons où il s’est rendu, je ne connais pas les dates précises auxquelles il a fait sa recherche d’étudiants et étudiantes.

[102] Cependant, j’accepte le fait que le prestataire avait encore l’intention sérieuse de trouver un autre emploi pendant la période où il avait encore des étudiants et étudiantes (jusqu’à la fin octobre). D’après la liste du prestataire, ce dernier avait confirmé la participation de 11 étudiants et étudiantes pendant qu’il était au P, et il a visité plus de 200 adresses distinctes en faisant du porte à porte dans le but de trouver des étudiants et étudiantes. J’en déduis qu’il a probablement trouvé au moins quelques étudiants et étudiantes pendant qu’il faisait déjà du tutorat. Selon moi, ce scénario est plus probable que celui selon lequel il aurait obtenu tous ses étudiants et étudiantes en même temps, puis aurait arrêté ses recherches.

[103] Cependant, il existe peu d’éléments de preuve selon lesquels le prestataire a cherché sincèrement du travail au P entre le moment où il a perdu ses étudiants à la fin octobre et celui où la Commission a rendu sa décision de révision. La seule preuve au sujet des démarches de recherche d’emploi du prestataire après octobre est sa déclaration du 26 novembre 2020 à la Commission, où le prestataire a rapporté avoir commencé à occuper un nouvel emploi au P après octobre 2020Note de bas de page 38.

[104] Je n’accepte cependant pas la déclaration du prestataire selon laquelle il avait cherché ou trouvé du travail au P en novembre 2020. Le prestataire a dit à la Commission qu’il avait trouvé un emploi, mais n’a pas fourni de précisions quant à la poursuite de ses recherches ou à son nouvel emploi. À son audience à la division générale, le prestataire a soutenu que le travail qu’il avait trouvé au P justifiait son admissibilité aux prestations pendant qu’il s’y trouvait. Il a affirmé avoir trouvé du travail de la fin août à la fin octobre. Il a aussi affirmé qu’il venait tout juste de trouver de nouveaux mandats comme tuteur et qu’il allait commencer ce travail le lundi suivant l’audience du 6 janvier 2021. Il n’a toutefois rien dit au sujet d’un autre travail entre ces dates. Si le prestataire avait trouvé un autre travail de la fin octobre 2020 à janvier 2021, je présume qu’il l’aurait mentionné à la division générale.

[105] En fait, le prestataire a dit à la division générale que sa principale inquiétude au P était d’être capable de rentrer au Canada. Il a dit que son vol de retour au Canada était réservé pour le 1er décembre 2020. Lorsqu’il a perdu tous ses étudiants et étudiantes à la fin octobre, son départ était prévu un mois plus tard seulement. Je doute qu’il ait sincèrement cherché à trouver d’autres étudiants et étudiantes à ce moment-là, sachant qu’il allait partir bientôt.

[106] J’estime que le prestataire se trouvait à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse jusqu’à la fin octobre 2020.

[107] Étant donné que la période de prestations du prestataire a commencé le 11 octobre, et qu’il était à l’extérieur du Canada pour faire une recherche d’emploi sérieuse jusqu’à la fin octobre, le prestataire était à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse pendant la période maximale de 14 jours.

Disponibilité pour travailler du 11 octobre 2020 au 27 novembre 2020

[108] Pour que le prestataire reçoive des prestations pour la période de 14 jours de cette exception, il doit aussi démontrer qu’il était aussi en mesure de travailler au titre de l’article 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[109] Une personne qui est incapable de satisfaire au critère de Faucher est habituellement jugée non disponible pour travailler et déclarée inadmissible aux prestationsNote de bas de page 39. Les éléments de Faucher peuvent être pertinents pour la disponibilité d’une personne pendant un séjour à l’étranger. Cependant, la disponibilité d’une personne ne dépend pas de sa capacité à satisfaire au critère de Faucher, lorsque des prestations sont demandées au titre de l’une des exceptions décrites à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi.

[110] Dans la décision Elyoumni, la Cour d’appel fédérale a examiné le cas d’un prestataire qui se trouvait à l’étranger et demandait des prestations au titre de l’une des exceptions de l’article 55(1). La cour a déclaré que la disponibilité d’un prestataire devait être interprétée dans ce contexte, et au cas par casNote de bas de page 40. Elle a dit que le prestataire dans l’appel en question aurait pu être en mesure de prouver sa disponibilité s’il avait été en mesure de démontrer qu’il avait pris des dispositions pour être joint si un emploi lui était offert.

[111] Le cas dans la présente affaire est similaire à celui de la décision Elyoumni. Le prestataire était également à l’étranger et demandait des prestations au titre de l’une des exceptions à l’inadmissibilité.

[112] Certains des faits sont toutefois différents. Le prestataire dans la décision Elyoumni se trouvait à l’étranger en 2011 pour assister aux funérailles d’un membre de la famille proche. Il n’était pas déjà en train de travailler à l’étranger ou de chercher du travail, comme c’est le cas du prestataire dans le cas qui nous occupe. Il n’y avait pas de pandémie ni de mesures de confinement en application dans la décision Elyoumni qui nuisaient aux possibilités d’emploi du prestataire au Canada ou ailleurs.

[113] Le prestataire a affirmé que deux employeurs au Canada l’avaient mis à pied presque au même moment. Il a dit qu’il n’arrivait pas à trouver du travail en raison des restrictions de la pandémie de la COVID. Il a dit qu’au moins un employeur n’avait pas pourvu son ancien poste et qu’il l’embaucherait de nouveau s’il le pouvaitNote de bas de page 41. Il a affirmé qu’il était demeuré en contact avec ses deux anciens employeurs et avec un ancien collègue et qu’ils savaient qu’ils devaient l’appeler si du travail était disponibleNote de bas de page 42.

[114] Le prestataire a donc pris des dispositions en quelque sorte pour être contacté si un emploi était disponible. Cependant, je reconnais aussi que ce contact aurait découlé seulement d’une possibilité d’emploi auprès de l’un de ses deux anciens employeurs. Je ne pourrais pas conclure que le prestataire était « disponible » uniquement sur le fondement de ces dispositions particulières.

[115] Étant donné que j’examine seulement la question de savoir si le prestataire aurait pu être admissible aux prestations au titre d’une exception à la règle générale visant l’inadmissibilité des prestataires se trouvant à l’étranger, je vais adopter l’approche au cas par cas suggérée dans la décision Elyoumni. Ce faisant, je vais aussi évaluer en quoi les éléments de Faucher pourraient s’appliquer dans le contexte de l’exception de l’article 55(1)(f).

Désir de retourner travailler

[116] Le premier élément de Faucher concerne le désir d’une personne de retourner travailler. J’ai établi que le prestataire était au P pour mener une recherche d’emploi sérieuse jusqu’à la fin du mois d’octobre. Cela signifie que j’accepte le fait qu’il cherchait sincèrement un travail.

[117] J’accepte aussi le fait que le prestataire avait le désir de retourner travailler dès qu’un emploi convenable serait offert jusqu’à la fin octobre 2020.

Adéquation des démarches de recherche d’emploi

[118] Le deuxième élément de Faucher exige que les prestataires expriment le désir de retourner sur le marché du travail par des efforts de recherche d’emploi. L’exception énoncée à l’article 55(1)(f) pourrait seulement, dans ce cas, fournir des prestations pendant un maximum de 14 jours. D’après moi, la nature et la portée des démarches de recherche d’emploi dans une période aussi limitée doit être évaluée différemment des démarches entreprises sur une période plus longue. De plus, le caractère adéquat de la recherche d’emploi d’une personne dans un autre pays doit être évalué en fonction de ce qui est raisonnable dans ce pays.

[119] J’estime que la manière utilisée par le prestataire pour chercher des étudiants et étudiantes, en faisant du porte à porte pour se présenter, était appropriée. La pandémie de la COVID est un facteur qui a limité et orienté les démarches de recherche d’emploi du prestataire, mais cela est hors du contrôle du prestataire. Je note aussi que le P est un pays du tiers monde et qu’on ne doit pas présumer que le prestataire et ses étudiants avaient accès aux mêmes outils électroniques qui sont largement utilisés au Canada.

[120] D’après la preuve écrite des démarches de recherche d’emploi du prestataire, ce dernier avait passé une entrevue dans une école, mais ensuite l’école a fermé en raison de la COVIDNote de bas de page 43. Les étudiants et étudiantes du prestataire étaient tenus d’apprendre à partir de leur domicile en raison de la pandémie, et le prestataire a réussi dans une certaine mesure à trouver des étudiants et étudiantes en se rendant à leur résidence. Pour les mêmes raisons que j’ai mentionnées lorsque j’ai examiné la période de la recherche d’emploi sérieuse du candidat, j’admets aussi que le prestataire a continué de travailler et de chercher du travail dès le début de sa période de prestations jusqu’à la fin octobre.

[121] Compte tenu des circonstances, les démarches de recherche d’emploi du prestataire étaient adéquates aux fins d’une demande de prestations au titre de l’exception.

Conditions personnelles limitant indûment ses chances de travailler

[122] Le dernier élément de la décision Faucher concerne les prestataires qui établissent des conditions personnelles qui limitent indûment leur capacité de retourner sur le marché du travail. J’admets que le prestataire cherchait principalement du travail au P. Cependant, dire qu’un prestataire ne peut pas toucher de prestations au titre de l’exception concernant la recherche d’emploi sérieuse parce que sa recherche d’emploi se limite dans le pays qu’elle visite n’a aucun sens. Le but ultime de l’exception est de permettre une courte recherche d’emploi à l’étranger.

[123] Le prestataire a aussi axé sa recherche sur des emplois de tuteur et d’enseignant d’anglais langue seconde. J’estime toutefois que ce type de travail était approprié compte tenu de ses compétences et de son expérience.

[124] J’estime que le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail dans la période de 14 jours de l’exception.

Conclusion sur la disponibilité

[125] Aux fins de l’exception de l’article 55(1)(f) visant l’inadmissibilité des prestataires se trouvant à l’étranger, j’estime que le prestataire était disponible pour travailler du 11 octobre 2020 au 31 octobre 2020.

[126] Le prestataire est admissible à l’exception décrite à l’article 55(1)(f) du Règlement sur l’assurance-emploi. Du 11 octobre 2020 au 31 octobre 2020, le prestataire était à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse et il était également disponible pour travailler au titre de l’article 18(1) de la même période.

[127] Au même moment, le prestataire touchait apparemment une rémunération provenant de son tutorat auprès d’étudiants et étudiantes pendant la période où il était admissible à l’exception. Il a affirmé qu’il travaillait environ 15 à 20 heures. D’après la demande du prestataire, il a gagné 25 $ par semaine, et il n’a pas contredit la membre de la division générale lorsqu’elle a dit qu’il avait gagné 25 $ de l’heureNote de bas de page 44. Je laisse à la Commission le soin de déterminer et de répartir la rémunération du prestataire, s’il y a lieu.

Conclusion

[128] J’accueille l’appel en partie. Le prestataire satisfait aux critères d’une recherche d’emploi sérieuse du 11 octobre au 31 octobre 2020. Il est donc admissible aux prestations permises au titre de l’article 55(1)(f) du Règlement sur l’assurance-emploi.

 

Date de l’audience :

Le 22 avril 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

H. R., appelant

Susan Prud’homme, représentante de l’intimée

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