Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – choix des prestations parentales – erreur de droit – erreur de compétence – Karval

La prestataire a choisi des prestations parentales prolongées. Elle est retournée au travail après un an, comme prévu. Elle a ensuite reçu un autre versement de prestations auquel elle ne s’attendait pas. Elle a communiqué avec la Commission et a appris qu’elle avait choisi les prestations prolongées. La Commission ne pouvait pas modifier son choix parce qu’elle avait déjà reçu le premier paiement de prestations parentales prolongées. Après révision, la Commission a maintenu sa décision.

La division générale (DG) a accueilli son appel. Elle a conclu qu’il était plus crédible que la prestataire avait choisi les prestations parentales standards.

La Commission a fait appel devant la division d’appel (DA) et a soutenu que la DG n’avait pas correctement appliqué la loi. La Commission a affirmé que l’article 23(1.1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) exigeait d’une prestataire qu’elle choisisse entre les prestations parentales standards ou prolongées. Aussi, l’article 50(3) de la Loi sur l’AE énonce qu’une prestataire doit utiliser le formulaire de demande et suivre les instructions fournies par la Commission pour recevoir des prestations. Cela signifierait que le choix de la prestataire sur le formulaire est le seul choix qui compte. La DA n’était pas convaincue. Même s’il n’est pas possible de modifier le choix de prestations parentales, la DG peut quand même examiner si le choix d’une prestataire indiqué sur le formulaire correspond à son intention réelle. Le choix de la prestataire sur le formulaire peut être examiné, mais ce n’est pas la seule chose qui compte. La DG peut examiner d’autres éléments de preuve pour décider si la prestataire avait indiqué sur le formulaire le choix qu’elle avait réellement l’intention de faire. Une prestataire devait penser avoir fait ce choix pour qu’il soit valide. La DG avait le droit de conclure que la prestataire n’avait pas fait un choix valide sur son formulaire de demande. En faisant cela, la DG n’a pas décidé que la prestataire devrait toucher un différent type de prestation que celui qu’elle avait choisi. Le fait que la DG a examiné le choix que la prestataire avait l’intention de faire n’est pas contraire à la décision du législateur d’empêcher les prestataires de modifier leur choix.

La DA a aussi conclu que la DG n’a pas commis d’erreur quant au sens du mot « irrévocable » dans la loi. La DG n’a pas examiné le choix de la prestataire dans le but de la sauver d’une mauvaise décision. La DA a conclu que le choix « réel » devait être un choix délibéré entre des options raisonnables et compréhensibles. La DG devait décider si la prestataire avait intentionnellement choisi les prestations parentales prolongées. Elle n’avait aucune raison d’exiger de la prestataire qu’elle prenne des mesures additionnelles pour comprendre le type de prestations qu’elle avait choisi. La DA a rejeté l’appel de la Commission. La DG n’a pas commis d’erreur de droit ni de compétence lorsqu’elle a décidé que le choix de la prestataire n’était pas valide. La DG pouvait décider si la prestataire avait indiqué le choix du type de prestations parentales qu’elle avait l’intention de choisir sur le formulaire de demande.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c JH, 2021 TSS 292

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-86

ENTRE :

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Appelante

et

J. H.

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Stephen Bergen
DATE DE LA DÉCISION : Le 22 juin 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Je rejette l’appel de la Commission.

Aperçu

[2] L’intimée, J. H. (prestataire), a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales parce qu’elle attendait un bébé. La prestataire a choisi de recevoir des prestations pendant 52 semaines et elle a choisi les prestations parentales prolongées. Elle est retournée travailler après un an, comme prévu. Elle a toutefois reçu ensuite un autre versement de prestations auquel elle ne s’attendait pas. Elle a communiqué avec l’appelante, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, pour savoir pourquoi elle recevait encore des prestations alors que son congé parental était terminé. C’est à ce moment qu’elle a appris que le congé parental de 52 semaines qu’elle avait demandé n’incluait pas les 15 semaines de prestations de maternité. Elle a aussi appris que les prestations parentales qu’elle avait touchées étaient inférieures à celles qu’elle aurait reçues si elle avait choisi l’option des prestations parentales standards.

[3] La prestataire a demandé à la Commission de recalculer ses prestations au taux des prestations parentales standards, mais la Commission a refusé en lui disant qu’elle n’était pas autorisée à modifier son choix de prestations parentales. La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais elle a maintenu sa décision.

[4] La prestataire a ensuite fait appel de la décision de révision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. (Je vais parfois faire référence au Tribunal de la sécurité sociale, y compris à la division générale et à la division d’appel, comme étant le « Tribunal ».) La division générale a accueilli son appel. Elle a décidé qu’il était plus probable (qu’il y avait plus de chances) que la prestataire ait choisi l’option des prestations parentales standards.

[5] La Commission est en désaccord avec la décision de la division générale et fait maintenant appel à la division d’appel. La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a annulé le choix de la prestataire.

[6] Je rejette l’appel de la Commission. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en décidant de la validité du choix de la prestataire. La division générale a le droit d’évaluer si une prestataire a bel et bien choisi l’option de prestations parentales qu’elle a cochée sur le formulaire de demande.

Affaires préliminaires

Ce que je dois examiner

[7] Lorsque la Commission a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale, elle a soutenu que la division générale avait commis une erreur de fait importante en interprétant la preuve. Elle a aussi soutenu qu’elle avait commis une erreur de droit en permettant à la prestataire de révoquer son choix des prestations parentales prolongées.

[8] J’ai accueilli la demande de permission d’en appeler en précisant que la Commission avait une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de fait. Je n’ai pas évalué la question de savoir si la Commission avait aussi une cause défendable concernant l’erreur de droit.

[9] Cependant, à l’audience de la division d’appel, l’avocate de la Commission a mentionné que l’appel portait essentiellement sur l’erreur de droit et une erreur de compétence connexe. Elle a dit qu’il n’était pas nécessaire que j’examine la possibilité d’une erreur de fait.

[10] Je n’examinerai donc pas la question de savoir si la division générale a commis une erreur de fait.

Nouvel élément de preuve

[11] La prestataire a présenté une lettre de son employeur datée du 10 mai 2021 avec ses observations écritesNote de bas de page 1 . La prestataire a convenu, à l’audience de la division d’appel, que cette lettre n’avait pas été portée à la connaissance de la division générale. La date de la lettre est également postérieure à la décision de la division générale.

[12] Je ne tiendrai pas compte de la lettre de l’employeur que la prestataire a jointe à ses observations. La lettre est un nouvel élément de preuve. La Cour d’appel fédérale a confirmé à plusieurs reprises que la division d’appel n’étudie pas de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 2 .

Quels moyens d’appel puis-je considérer dans le cadre de l’appel?

[13] Les « moyens d’appel » signifient les motifs d’appel. Je peux seulement évaluer si la division générale a commis l’un de ces types d’erreursNote de bas de page 3  :

  1. Le processus d’audience devant la division générale était injuste d’une certaine manière.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a jugé une chose qu’elle n’avait pas le pouvoir de juger.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit au moment de rendre sa décision.

Questions en litige

[14] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou de compétence lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’avait pas choisi l’option des prestations parentales prolongées, cochée dans sa demande de prestations?

[15] Plus précisément, les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le choix de la prestataire est-il un [traduction] « fait » que la division générale peut établir? Autrement dit, la division générale a-t-elle commis une erreur de droit en établissant que la prestataire a choisi des prestations parentales autres que celles qu’elle a sélectionnées dans le formulaire de demande?
  2. La division générale a-t-elle dépassé sa compétence en rendant une décision que la Commission elle-même n’aurait pas pu rendre?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en interprétant sa capacité d’annuler le choix d’une manière contraire à l’intention du législateur de rendre le choix irrévocable?
  4. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en interprétant mal le sens du mot irrévocable?
  5. La division générale a-t-elle dépassé sa compétence en appliquant des principes d’équité, ou en accordant une réparation en equity?
  6. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’obligation de la prestataire de se renseigner au sujet de ses droits et de ses responsabilités?

Analyse

Question en litige no 1: Est-ce une erreur de droit que d’établir que la prestataire n’a pas choisi les prestations prolongées, contrairement à ce qu’elle a indiqué sur son formulaire de demande?

[16] La Commission a soutenu que la sélection faite dans le formulaire de demande de l’une ou l’autre option de prestations parentales est obligatoirement le choix de la prestataire. La Commission note que l’article 23(1.1) de la Loi sur l’assurance-emploi exige que les prestataires choisissent les prestations parentales voulues et que l’article 50(3) prévoit que les prestataires doivent demander des prestations conformément aux instructions de la Commission. Selon cet argument, la sélection des prestataires dans le formulaire est la seule chose qui importe. L’action de cliquer sur le [traduction] « bouton » des prestations parentales prolongées du formulaire de demande électronique suffit à elle seule à faire un choix.

[17] La Commission a exprimé son désaccord avec une récente tendance jurisprudentielle de la division d’appel, qui traite la sélection des prestations comme étant une preuve du choix fait par les prestataires, mais non comme une preuve concluante du choix. Dans plusieurs cas, la division d’appel a relevé d’autres éléments de preuve qui ont eu prédominance sur le choix présumé d’après le formulaire de demande. Selon la Commission, les éléments de preuve relatifs à la capacité, à la compréhension ou à l’intention de la prestataire n’ont pas lieu d’être considérés pour le choix de la prestataire.

[18] À mon avis, les articles 23(1.1) et 50(3) n’appuient pas l’argument de la Commission voulant que la sélection faite dans le formulaire de demande est la seule chose qui importe. Évidemment, les prestataires qui demandent des prestations doivent choisir un type de prestations parentales, et la Commission a le pouvoir de les obliger à utiliser le formulaire qu’elle fournit et approuve. Les prestataires ne recevront pas de prestations parentales si aucune demande de prestations parentales n’est présentée.

[19] Cependant, peu importe le type de prestations de l’assurance-emploi, les prestataires doivent toujours fournir tous les renseignements exigés sur le formulaire approuvé par la Commission. Cela ne signifie pas que la Commission ou la division générale doive systématiquement rejeter une preuve montrant que la personne a mal rempli sa demande parce qu’elle en a mal compris une partie.

[20] Je comprends que le choix des prestations parentales est irrévocable et qu’il est différent en ce sens des autres renseignements fournis par les prestataires dans le formulaire de demande. Ce choix est même différent des autres choix que doivent faire les prestataires, comme celui des prestations régulières ou des prestations de maladie. Par contre, la question de savoir si le choix des prestations prolongées est irrévocable est différente de la question de savoir si un ou une prestataire a choisi les prestations parentales prolongées en premier lieu. Le fait que la Commission demande aux prestataires de faire le choix dans le formulaire de demande n’empêche pas d’examiner si le choix écrit dans le formulaire reflète un choix délibéré de la part des prestataires. Cela n’exclut pas l’examen d’autres éléments de preuve concernant l’intention des prestataires. Les articles 23(1.1) et 50(3) ne précisent pas et ne laissent pas entendre que le choix indiqué dans le formulaire doit être considéré de façon concluante comme étant le choix réel d’une personne.

[21] Je ne suis pas convaincu que le choix des prestations parentales d’une personne puisse être uniquement déterminé à l’aide de la sélection qu’elle a faite dans son formulaire de demande.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle dépassé ses compétences en révisant une décision qui n’aurait pas pu être rendue par la Commission parce que la décision quant au choix appartient aux prestataires?

[22] Le deuxième argument de la Commission était que les seules personnes à pouvoir choisir les prestations parentales qu’elles désirent sont les prestataires. Ce choix est la « décision » des prestataires et non celle de la Commission.

[23] La Commission mentionne qu’elle ne peut pas évaluer le choix de la prestataire parce qu’elle est seulement autorisée, selon l’article 48(3), à décider si la prestataire remplit ou non les conditions requises pour recevoir des prestations. La Commission a fait remarquer que la division générale peut, en vertu de l’article 54(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, « rendre la décision que la Commission aurait dû rendre ». La Commission soutient qu’étant donné que la Commission n’a pas le pouvoir de « décider » du choix, la division générale n’a pas non plus ce pouvoir.

[24] Je considère que l’article 48(3) ne présente pas les pouvoirs de la Commission de façon exhaustive. De toute évidence, la Commission doit aussi décider si les personnes sont admissibles au type de prestations d’assurance-emploi particulier qu’elles ont choisi. La Commission peut également rendre des décisions au sujet du taux de prestations et du nombre de semaines de prestations approprié. Je note que la Loi sur l’assurance-emploi établit une distinction entre les prestations parentales standards et prolongées en fonction du taux de prestations et du nombre de semaines de prestations offertes.

[25] De plus, l’article 48(3) s’intitule « Notification ». Il énonce que la Commission décide si le prestataire remplit ou non les conditions requises pour recevoir des prestations « et lui notifie sa décision ». À mon avis, l’article 48(1) [sic] ne vise pas à définir les limites des pouvoirs de la Commission.

[26] Cependant, je conviens que la Commission ne peut pas changer le choix d’une personne ou interpréter son choix d’une manière qui est contraire à l’intention de la personne. Il appartient aux personnes de décider quelles prestations parentales elles veulent recevoir. J’admets aussi que la Commission n’a pas l’obligation juridique d’examiner les circonstances entourant le choix des prestataires. Généralement, la Commission peut présumer que le choix figurant dans le formulaire de demande est le choix du ou de la prestataire.

[27] Cela ne signifie pas que la décision des prestataires est toujours évidente ou que la Commission n’a pas la capacité de découvrir l’intention d’une personne en utilisant des éléments de preuve à l’extérieur de la demande en soi. Rien n’empêche la Commission de vérifier l’intention d’un ou une prestataire lorsque les circonstances le justifient, par exemple lorsque les prestations parentales choisies dans le formulaire ne concordent pas avec d’autres éléments de preuve disponibles.

[28] De la même façon, lorsque la Commission refuse de modifier le type de prestations parentales et que la personne fait appel, l’analyse de la division générale ne se limite pas à confirmer qu’une personne a cliqué sur le bouton correspondant à un type de prestations ou à l’autre. La division générale doit aussi évaluer quelle était l’intention initiale de la personne selon ses dires et les autres éléments de preuve disponibles à partir desquels elle peut conclure l’intention initiale de la personne. La division générale doit déterminer si le choix figurant dans le formulaire représentait la véritable intention de la personne. Elle peut établir que le « choix » figurant dans le formulaire de demande n’était pas un choix valide. Elle peut établir que la personne a en fait choisi l’autre option de prestations parentales.

[29] Ni la Commission ni la division générale ne peut faire un choix pour une personne. Cependant, une personne doit avoir eu l’intention de faire le choix pour qu’il soit valide. La Commission et la division générale ont le pouvoir d’évaluer la preuve pour décider de l’intention d’une personne.

[30] La division générale n’a as dépassé sa compétence en établissant que la prestataire n’avait pas fait un choix valide dans le formulaire de demande. Elle a interprété le choix de la prestataire et tiré une conclusion de fait selon laquelle la sélection figurant dans le formulaire de demande n’était pas le choix qu’avait fait la prestataire. Cependant, elle n’a pas décidé que la prestataire devrait recevoir un type de prestations différent de celui qu’elle avait choisi.

Question en litige no 3 : L’annulation d’un choix est-il contraire à l’intention du législateur?

[31] La Commission a soutenu que l’approche du Tribunal a [traduction] « effectivement créée une exception que le législateur a expressément exclueNote de bas de page 4 . »

[32] Elle a soutenu que le législateur n’avait pas l’intention de donner à la Commission la flexibilité de modifier le type de prestations parentales versées à une personne après que la personne a reçu le premier versement des prestations parentalesNote de bas de page 5 . D’après la Commission, le législateur voulait aussi que la sélection d’une personne dans son formulaire de demande soit considérée de façon concluante comme étant son choix. D’après la Commission, lorsque la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’un choix est irrévocable après le premier versement des prestations parentales, la Loi fait référence au choix figurant dans le formulaire.

[33] Ce faisant, la Commission laisse entendre que le législateur voulait qu’en aucune circonstance le choix réel d’une personne ne soit différent de celui qu’elle a fait dans le formulaire de demande. Selon la Commission, le législateur ne voulait pas seulement empêcher une personne de changer d’idée relativement à son choix de prestations parentales. Il voulait en toute circonstance empêcher la Commission de conclure qu’une personne n’a pas choisi un type de prestations parentales sur la base d’une preuve démontrant que cela n’avait jamais été l’intention de la personne.

[34] Si la Commission avait raison de dire que le législateur voulait que le « choix » se résume à la sélection faite dans le formulaire, cela voudrait certainement dire que le Tribunal ne pourrait pas conclure que le choix est invalide. L’intention des prestataires au moment de remplir le formulaire de demande ne serait absolument pas pertinente.

[35] Selon cette interprétation, il ne ferait aucune différence si la Commission avait clairement incité une personne à choisir des prestations contraires au désir qu’elle a exprimé. Il importerait peu qu’une personne ne sache pas lire ou ne comprenne pas le français ou l’anglais, et qu’elle soit accompagnée d’une personne incompétente pour l’aider ou lui servir d’interprète. Il n’importerait même pas que la personne sélectionne le mauvais « bouton » de prestations parentales dans le formulaire électronique en raison d’un tremblement qu’elle n’aurait pas remarqué. Si la personne ne remarquait pas l’erreur avant de recevoir le premier versement de prestations parentales, son formulaire de demande trancherait complètement et définitivement sa contestation.

[36] Il n’existe pas d’autorité juridique qui dit que la sélection du formulaire de demande doit être considérée de façon concluante comme étant le choix de la personne. Dans la décision Karval c Canada (Procureur général)Note de bas de page 6 , la Cour fédérale a maintenu la décision de la division d’appel rejetant une demande de permission d’en appeler d’une prestataire qui était déçue de ne pas pouvoir changer son choix. Cependant, la décision Karval n’a pas exclu la possibilité que le « choix » initial d’une personne dans son formulaire de demande puisse être annulé plus tard. Au contraire, elle a laissé entendre qu’il existait au moins une circonstance où le choix initial peut être modifié. La Cour a dit qu’aucune mesure de réparation juridique ne s’offrait à la prestataire parce qu’elle n’avait pas [traduction] « été induite en erreur ».

[37] À l’appui de son argument voulant que le législateur n’ait jamais eu l’intention que le choix d’une personne soit jugé invalide, la Commission a fait référence à un procès-verbal du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Dans ce procès-verbal, le Comité a discuté de modifications à la Loi sur l’assurance-emploi. Comme le formule la Commission, le législateur [traduction] « a choisi de ne pas permettre » aux prestataires d’annuler leur choixNote de bas de page 7 .

[38] Il est évident que le Comité a refusé d’adopter un critère provenant de la Loi sur l’assurance parentale, qui régit le Régime québécois d’assurance parentale. La Loi sur l’assurance parentale du Québec empêche les prestataires d’annuler leur choix de prestations parentales « à moins de circonstances exceptionnelles ». Après avoir discuté de la Loi sur l’assurance parentale, le Comité a décidé de ne pas inclure une exception similaire dans la Loi sur l’assurance-emploi.

[39] La Commission a fait valoir que le Tribunal administratif du Québec a interprété la disposition des « circonstances exceptionnelles » de la Loi sur l’assurance parentale et a décidé qu’un choix fait sur la base de renseignements incorrects ou incomplets n’est pas une circonstance exceptionnelle. La Commission a fait valoir que la Loi sur l’assurance-emploi ne permet pas les « circonstances exceptionnelles », et que la division d’appel a tout de même interprété la capacité d’une prestataire à modifier son choix d’une façon plus généreuse que le Tribunal administratif du Québec n’interprète la Loi sur l’assurance parentale.

[40] Je remarque la décision du Tribunal administratif du Québec qui est citée était fondée sur l’autorité de ses propres décisions antérieures selon lesquelles « [l]’erreur d’un agent n’est pas créatrice de droit ». Bien que je comprenne que la Commission soit en désaccord avec la façon dont ce tribunal évalue la validité du choix d’une personne, je constate que la division d’appel a interprété d’une façon différente les répercussions de la transmission de renseignements erronés par des agentes ou agents autorisés de la Commission.

[41] Lorsqu’une personne s’est fiée à un conseil explicite de la Commission au sujet de la nature de son choix de prestations parentales, la division d’appel a établi que le choix de la personne est invalideNote de bas de page 8 . Elle a aussi établi que le choix d’une personne est invalide si cette personne a été en mesure de prouver qu’elle a choisi des prestations parentales en raison d’une mauvaise compréhension des renseignements contenus dans le formulaire de demandeNote de bas de page 9 .

[42] Dans un autre type de situation où les prestataires avaient retardé leur demande initiale de prestations, le Tribunal de la sécurité sociale a aussi établi que le fait que les prestataires s’étaient fiés à des renseignements incorrects fournis par des agentes ou agents de la Commission était un « motif valable » justifiant le retardNote de bas de page 10 . La Cour d’appel fédérale, dans la décision Canada (Procureur général) c Pirotte, a confirmé qu’une erreur faite par les personnes qui représentaient la Commission était un « motif valable » justifiant le retard Note de bas de page 11 .

[43] Quoi qu’il en soit, la décision du Tribunal administratif du Québec à laquelle la Commission fait référence ne portait pas sur la question de savoir si le choix était invalide dès le début. Elle portait sur la question de savoir si les circonstances du requérant étaient exceptionnelles au point de lui permettre d’annuler son choix. La décision du Tribunal administratif du Québec a présumé de la validité du choix sous-jacent sans réellement examiner si le choix en soi était valide. Pour rendre cette décision, le Tribunal administratif du Québec a apparemment suivi d’autres de ses décisions dans lesquelles il avait établi que des renseignements erronés fournis par une ou un agent du régime de prestations du Québec n’étaient pas un élément pertinent.

[44] Bien que les motifs de décision du Tribunal administratif du Québec ne permettent pas de le savoir clairement, il est possible que ce dernier ait considéré que « des renseignements incorrects ou incomplets » étaient insuffisants pour annuler le choix. Par ailleurs, il est possible le membre n’ait pas traité la question essentielle de la validité du choix.

[45] Le raisonnement du Tribunal administratif du Québec ne me convainc pas. La façon dont il a interprété les « circonstances exceptionnelles » au terme de la Loi sur l’assurance parentale a peu à voir avec le présent appel. La façon dont le Tribunal administratif du Québec décide si un choix devrait être annulé au titre de la Loi sur l’assurance parentale n’aide pas le Tribunal de la sécurité sociale à interpréter si un choix est valide au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[46] La Commission laisse entendre que la division d’appel a créé une [traduction] « fiction juridique » qui a comme conséquence d’annuler l’intention du législateur ou que la division générale s’en tient à une fiction juridiqueNote de bas de page 12 . Je ne suis pas d’accord.

[47] Le procès-verbal n’appuie pas l’opinion de la Commission selon laquelle le législateur voulait empêcher toute investigation sur l’intention réelle d’une personne ni qu’il voulait exclure toute contestation de la validité du choix. D’après le procès-verbal, un membre du Comité a proposé un amendement à la Loi sur l’assurance-emploi qui permettrait d’annuler le choix, et le Comité a rejeté l’amendement. Cependant, je remarque que l’amendement a été proposé dans le but de donner aux personnes plus de flexibilité si leur « situation change en cours de route et [qu’elles] peuvent revenir au travail plus rapidementNote de bas de page 13  ». Rien dans le procès-verbal ne laisse croire que la Commission ne devrait pas pouvoir évaluer si un ou une prestataire avait vraiment l’intention de choisir des prestations parentales particulières au moment de remplir sa demande. Pris dans son contexte, le procès-verbal auquel la Commission fait référence laisse entendre que l’intention du législateur était que les prestataires ne puissent pas changer d’idée après avoir fait un choix.

[48] Il arrive souvent que la situation personnelle des prestataires change après avoir fait un choix. Il arrive aussi que les prestataires réévaluent laquelle des prestations parentales était la plus avantageuse. Si la division générale avait annulé le choix de la prestataire parce qu’elle avait changé d’idée, elle aurait agi contrairement à l’intention qu’avait le législateur en adoptant l’article 23(1.2).

[49] La division générale n’a toutefois pas décidé que la prestataire devrait être autorisée à changer d’idée. Elle n’a pas établi que le choix de la prestataire était « invalide » afin de pouvoir offrir une mesure de réparation pour que la prestataire puisse revenir sur son choix.

[50] La division générale était en droit d’interpréter le choix de la prestataire pour confirmer qu’elle avait l’intention de faire ce choix. Cela n’est pas contraire à la décision du législateur d’empêcher les prestataires d’annuler leur choix.

Question en litige no 4 : La division générale a-t-elle mal interprété le sens du mot irrévocable?

[51] La Commission a fait valoir que la division générale a mal interprété l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi, qui stipule que le choix des prestataires est irrévocable. Elle a noté que la division générale a dit que l’article 23(1.2) a « pour effet d’empêcher les prestataires de passer d’une option de prestations parentales à l’autre, soit des prestations standards aux prestations prolongées et vice versa. »

[52] Je ne pense pas que la division générale voulait laisser entendre que le choix [sic] est [traduction] « interdit seulement lorsque des prestataires sont indécis ou ont changé leur choix plusieurs fois », comme le suggère la CommissionNote de bas de page 14 . Lorsque je lis la décision en entier, je suis convaincu que la division générale a compris que l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi ne permet pas de modifier n’importe quel choix valide. La division générale abordait plutôt ce que la prestataire avait compris au moment de remplir sa demande de prestations parentalesNote de bas de page 15 et la question de savoir si l’option sélectionnée dans son formulaire de demande représentait bel et bien le choix qu’elle avait faitNote de bas de page 16 .

[53] Je suis certain que la Commission sait que le Tribunal est engagé dans une vaste initiative en matière de langage clair et simple. Cette volonté de rédiger des décisions en langage clair signifie parfois que le Tribunal doit renoncer à certaines précisions afin que ses décisions soient plus faciles à lire. En conséquence, il est possible que trop d’importance soit accordée aux choix de mots particuliers du Tribunal.

[54] Je comprends l’argument de la Commission voulant qu’autoriser les contestations de la validité d’un choix occasionne certaines difficultés pour la Commission, et peut-être aussi pour d’autres instances. La Commission a noté qu’un choix irrévocable l’aide de plusieurs façons. Cela l’aide à administrer les prestations parentales d’une manière ordonnée et efficace, à coordonner les prestations parentales de l’assurance-emploi et les différentes modalités de congé des employeurs et à éviter le recouvrement inutile de trop-payés. D’après la Commission, ces éléments faisaient partie des objectifs du législateur lorsqu’il a rendu le choix irrévocable.

[55] J’admets qu’il serait plus simple de considérer de façon concluante que le choix d’une personne est celui qui figure dans son formulaire de demande et que cela éviterait probablement des complications. Cependant, en évaluant la validité du choix d’une partie prestataire, le Tribunal n’empêche pas la Commission d’atteindre ses objectifs.

[56] Je présume qu’il existe d’autres outils que la Commission peut utiliser pour réaliser son objectif d’efficacité administrative qui n’exigent pas que les personnes acceptent des prestations parentales qu’elles n’ont jamais eu l’intention de choisir. Par exemple, la Commission pourrait envoyer systématiquement un relevé à tous les prestataires avant de verser le premier paiement de prestations parentales. Ce relevé pourrait confirmer la date à laquelle elle versera les premières prestations parentales, le nombre de semaines pendant lesquelles les prestations parentales seront versées ainsi que le taux et le montant de chacun des paiements à venir.

[57] En l’état actuel des choses, la sélection de prestations parentales figurant dans le formulaire de demande d’une personne concorde avec son choix réel dans la grande majorité des cas. Cela demeure vrai, même si le Tribunal a la capacité d’examiner si une personne a fait un choix valide dans son formulaire de demande. Autrement dit, dans la plupart des cas, les prestataires auront fait leur choix dans leur formulaire, et ce choix demeurera irrévocable après le premier versement de prestations parentales.

[58] De plus, le Tribunal n’invalide pas systématiquement le choix dès qu’une personne prétend qu’elle n’avait pas l’intention de choisir les prestations parentales versées par la Commission. Il oblige les personnes à prouver qu’elles n’avaient pas l’intention de choisir l’option de prestations parentales cochée dans le formulaire. La preuve doit être suffisante pour avoir prédominance sur ce qui est en fait une présomption selon laquelle la personne avait l’intention de choisir les prestations parentales choisies dans le formulaire de demande.

[59] Dans toutes les affaires où la division d’appel a rejeté la sélection de prestations parentales faite sur le formulaire de demande, cette sélection a été jugée incompatible avec d’autres éléments de preuve concernant l’intention des prestataires au moment de la demande. Généralement, ces autres éléments de preuve étaient d’autres renseignements contenus dans ce même formulaire ou des renseignements qui ont été fournis à la Commission en même temps que la demande ou à peu près au même moment.

[60] En vertu de l’article 64 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le Tribunal peut trancher toute question de fait qu’elle juge nécessaire pour statuer sur l’appel. Il est généralement simple de décider quelle est l’option choisie par une personne sur le formulaire de demande. Il est beaucoup plus difficile d’évaluer la preuve et de cerner l’intention ou l’objectif d’une personne autrement que par son formulaire. Malgré cela, cette investigation est nécessaire si on veut que les personnes reçoivent le type de prestations qu’elles avaient l’intention de choisir.

[61] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en interprétant mal le sens du mot irrévocable à l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance‑emploi.

Question en litige no 5 : La division générale a-t-elle dépassé sa compétence en appliquant des principes d’équité?

[62] La Commission soutient que le Tribunal ne dispose d’aucun pouvoir qui ne lui a pas été accordé expressément par la loi. Il n’a pas de compétence en equity, et il ne devrait donc pas appliquer de principes d’équité. D’après la Commission, le Tribunal utilise son pouvoir de façon inappropriée pour trancher des questions de fait dans le but de [traduction] « réparer une injustice qui découle selon lui de l’application de l’article 23(1.2)Note de bas de page 17  ».

[63] Appliquer des principes d’équité n’est pas la même chose que d’accorder une mesure de réparation en equity. Une « annulation » est une réparation en equity, toutefois la division générale n’a pas annulé un choix valide après qu’il a été fait. Elle a plutôt établi que la prestataire n’avait pas réellement fait le choix qui figurait sur la demande de prestations.

[64] Quoi qu’il en soit, je n’admets pas que la division générale a appliqué des « principes d’équité », et encore moins qu’elle a accordé une mesure de réparation en equity. À mon avis, la division générale a examiné la validité fondamentale du choix, sans tenir compte des répercussions de ce choix sur la prestataire. Elle n’a pas examiné le choix dans le but de réparer une injustice découlant de l’incapacité d’une prestataire à changer son choixNote de bas de page 18 .

[65] En vertu de l’article 64(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division générale est en droit d’établir ces faits, qui sont nécessaires pour statuer sur le choixNote de bas de page 19 . L’intention de la prestataire est l’un de ces faits. En fait, lorsqu’une partie prestataire conteste le choix, le Tribunal doit alors examiner son affirmation et tirer une conclusion au sujet de l’intention de cette partie prestataire.

[66] La division générale peut ainsi décider s’il y a eu un choix valide auquel l’article 23(1.2) peut même s’appliquer. Si n’y a pas eu de choix valide, le Tribunal doit décider quel choix la personne avait l’intention de faire (en supposant que la preuve dont il dispose soit suffisante). Ce sont des questions de fait qui doivent être résolues pour trancher l’appel. Aucune de ces questions ne mine le caractère irrévocable d’un choix valide.

[67] Pendant l’audience de la division d’appel, j’ai interrogé la Commission sur son affirmation selon laquelle la division générale appliquait des principes d’équité. Pendant l’audience à la division d’appel, la Commission a parlé de la doctrine du choix comme étant une forme de préclusion, et aussi de fiducie par interprétation et d’enrichissement sans cause.

[68] Je ne vois pas en quoi la fiducie par interprétation, l’enrichissement sans cause et la doctrine du choix en equity s’appliquent dans la présente affaire. La Commission fait valoir que la division générale ne peut pas ou ne devrait pas appliquer la doctrine du choix ou la préclusion. Toutefois, le « choix » est une doctrine qui lie en fait une personne à son choix. Je ne comprends pas comment la division générale a appliqué cette doctrine pour invalider le choix de la prestataire. Je pense que son application aurait appuyé la position de la Commission (si les principes d’équité étaient applicables). Après tout, c’est la Commission qui insiste pour que la prestataire accepte son choix initial de prestations parentales prolongées figurant dans le formulaire de demande.

[69] La Commission a peut-être raison de dire que le choix est une doctrine en equity, qui est [traduction] « une question d’intention fondée sur la connaissanceNote de bas de page 20  ». Cependant, la Cour, dans l’affaire Findlay c Findlay (citée par la Commission), devait d’abord examiner l’intention de l’intimée, afin de décider si la doctrine du choix s’appliquait. La Cour a établi que la doctrine du choix ne s’appliquait pas parce que l’intimée dans cette affaire n’avait pas eu l’intention de choisir ce que la partie demanderesse affirmait qu’elle avait choisiNote de bas de page 21 .

[70] Autrement dit, une personne doit d’abord avoir l’intention de faire un choix avant qu’elle puisse être empêchée de faire un autre choix en equity. Cela ne signifie pas que seule l’« équité » peut permettre à une personne d’éviter les répercussions d’un choix qu’elle n’avait pas l’intention de faireNote de bas de page 22 . Cela ne signifie pas que la division générale a appliqué un principe d’équité lorsqu’elle a établi que la prestataire n’avait pas eu l’intention de choisir les prestations qu’elle a sélectionnées dans sa demande.

[71] Si la Commission avait explicitement mal orienté la prestataire pour qu’elle fasse un choix inapproprié, elle aurait pu formuler un argument selon lequel on devrait empêcher la Commission d’insister pour que la prestataire soit liée par ce choix. La prestataire n’a toutefois pas été mal orientée explicitement dans cette affaire, et elle n’a pas invoqué la préclusion.

[72] Les décisions de la division générale et les décisions de la division d’appel auxquelles la division générale a fait référence n’ont pas analysé la validité du choix de la prestataire sous l’angle de la « préclusion ».

[73] La Commission a aussi soutenu que l’analyse du Tribunal ne devrait pas être influencée par la doctrine de la « fiducie par interprétation » en equity. Elle a discuté de l’affaire Moore c SweetNote de bas de page 23 dans laquelle la cour a imposé une fiducie par interprétation en faveur d’une ancienne épouse pour contourner une désignation irrévocable de bénéficiaire d’assurance‑vie en faveur de la nouvelle épouse du défunt.

[74] Une fois de plus, je ne vois pas quelle est la pertinence de la « fiducie par interprétation » dans l’analyse de la division générale ou une quelconque décision de la division d’appel concernant la validité du choix. Pour la division générale, la question essentielle était celle‑ci : quelle option la prestataire avait-elle l’intention de choisir? Dans la décision Moore c Sweet, il ne faisait aucun doute que la personne décédée, qui avait désigné la bénéficiaire, avait réellement l’intention de désigner la bénéficiaire qu’il avait choisie.

[75] La division générale et la division d’appel (dans les décisions que la décision générale a trouvées convaincantes) n’ont pas fait une analyse de la fiducie par interprétation. La division générale n’a pas établi que la Commission avait détenu en fiducie les prestations parentales qui auraient été payables à une personne si cette personne avait choisi les prestations qui reflétaient son intention réelle. Elle n’a pas établi que la Commission avait été enrichie injustement en retenant une portion des prestations parentales que voulait la prestataire.

[76] À l’audience, et en réponse à l’argument de la Commission selon lequel la division d’appel appliquait des principes ou des doctrines en equity, j’ai fait remarquer que la doctrine de l’erreur pourrait s’appliquer davantage que les doctrines en equity évoquées par la Commission. La Commission m’a demandé si j’aimerais avoir des observations complémentaires sur l’applicabilité d’une analyse fondée sur une erreur. J’ai laissé la Commission en décider. J’ai toutefois remarqué que cela avait soulevé des préoccupations à propos du manque de cohérence de la division d’appel dans ses décisions concernant le choix des prestataires. La Commission m’a dit que la division d’appel devrait dire clairement si elle fonde ses décisions sur une quelconque analyse des erreurs. En guise de réponse, j’ai dit que les observations de la Commission pourraient être utiles si j’établis que je dois formuler un critère de validité plus structuré.

[77] Le 15 juin 2021, la Commission a fourni des observations détaillées et réfléchies sur la doctrine de l’erreur.

[78] Cependant, dans l’introduction de ces observations, la Commission a mentionné que j’avais laissé entendre que la division d’appel se fonde sur la doctrine de l’erreur du droit contractuelNote de bas de page 24 . Cette affirmation est incorrecte. Je n’ai pas laissé entendre que la division d’appel se fonde sur le droit contractuel ou sur la doctrine de l’erreur pour décider de la validité du choix des prestataires.

[79] J’ai mentionné à l’audience qu’il existait des erreurs tant en common law qu’en equity et qu’une « erreur » n’est pas nécessairement une doctrine en equity. J’espérais que la Commission développerait sa position selon laquelle le Tribunal exerçait de façon inappropriée une compétence enequity en concentrant son attention sur la question de savoir si la sélection des prestations parentales figurant dans le formulaire était bel et bien la véritable intention de la prestataire.

[80] Selon un des premiers arguments de la Commission, dans ses observations du 15 juin 2021, le Tribunal ne devrait pas appliquer la doctrine de l’erreur en common law.

[81] Je suis d’accord avec la Commission. L’analyse du Tribunal ne devrait pas intégrer la doctrine de l’erreur en common law, ni les diverses conditions et subtilités qui s’y rapportent. Les tribunaux ont élaboré des principes juridiques pour les erreurs dans les contrats dans le contexte des relations contractuelles dont les modalités sont généralement négociables ou dans les cas où les parties peuvent choisir librement de conclure un contrat avec d’autres personnes. Ces principes ne s’appliquent pas facilement aux demandes de prestations prévues par la loi, parce que les « modalités » des prestations d’assurance-emploi sont prescrites par la loi et non négociables. De plus, les prestataires de l’assurance-emploi ne peuvent pas chercher à obtenir de meilleures modalités auprès d’autres fournisseurs de prestations.

[82] Cela ne signifie toutefois pas que le Tribunal devrait considérer que l’erreur d’une prestataire n’est pas pertinente. Cela ne signifie pas que la division générale ne peut pas examiner la question de savoir si la prestataire a choisi des prestations parentales qu’elle n’avait pas l’intention de choisir.

[83] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas précisément ce qu’on entend par le « choix » des prestations parentales. Dire que la sélection  que les prestataires indiquent dans leur formulaire de demande correspond à leur choix de prestations parentales ne devrait pas causer de controverse. Pour faire ce choix, les personnes évaluent le soutien financier dont elles ont besoin et pendant combien de temps. Les personnes doivent ensuite choisir l’option de prestations qui répond le mieux à leur intention. En même temps, les personnes ne doivent pas oublier que les semaines qu’elles choisissent seront combinées aux semaines de prestations de maternité, s’il y a lieu. Il se peut aussi que la personne doive déduire les semaines réclamées par l’autre parent.

[84] Il s’agit d’une décision beaucoup plus complexe que celle de cliquer sur un bouton électronique ou sur l’autre bouton qui se trouve juste au-dessus du premier. À mon avis, le « choix » réel doit être un choix délibéré entre des options raisonnables et compréhensibles.

[85] La prestataire contestait qu’elle ait eu l’intention de demander le type de prestations qui a été le résultat de sa sélection dans le formulaire de demande. Par conséquent, la division générale a dû évaluer si la prestataire avait réellement choisi délibérément les prestations parentales prolongées. Cet exercice de collecte de données était approprié et nécessaire.

[86] La division générale n’a pas excédé sa compétence en appliquant des principes d’équité ou des mesures de réparation en equity.

Question en litige no 6 : La division générale a-t-elle ignoré le devoir de la prestataire de s’informer de ses droits et de ses responsabilités?

[87] La Commission affirme que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse. Elle affirme que les prestataires ont l’obligation de faire des démarches raisonnables pour comprendre leurs droits et responsabilités au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[88] Les tribunaux ont confirmé que les prestataires de l’assurance-emploi ont l’obligation de faire des démarches raisonnables pour comprendre leurs droits et responsabilités. Ces décisions ont été rendues dans le contexte de demandes de prestations en retard. Elles ne traitent pas de la révocation d’un choix de prestations parentalesNote de bas de page 25 . Néanmoins, je conviens que les prestataires ne peuvent pas simplement prétendre ne pas connaître la loi ou ses répercussions. La question est de savoir quelles sont les « démarches raisonnables » dans les circonstances.

[89] La Commission a fait valoir que le formulaire de demande et les instructions sont clairs. Elle s’appuie sur la décision Karval, dans laquelle la Cour fédérale a dit que les questions contenues dans le formulaire de demande n’étaient pas « objectivement nébuleuses ». La Cour a affirmé que les choix de la prestataire étaient clairs, et qu’il était évident que le taux des prestations parentales serait réduit si l’option prolongée était choisieNote de bas de page 26 .

[90] Cependant, ce n’était là qu’une des conclusions de fait dans la décision Karval. Dans cette décision, la Cour s’est aussi appuyée sur plusieurs autres facteurs. Elle a tenu compte du fait que la date de retour au travail de la prestataire était inconnue. Elle a tenu compte du fait que la prestataire avait choisi 61 semaines de prestations (ce qui excède le total du nombre maximum de semaines de prestations régulières plus les semaines de prestations de maternité). Elle a aussi tenu compte du fait qu’elle a reçu les prestations prolongées au taux réduit pendant six mois avant de demander à la Commission de changer son type de prestations. La Cour a conclu que la division d’appel avait agi raisonnablement en rejetant la demande de permission d’en appeler, en raison de l’ensemble de ces facteursNote de bas de page 27 .

[91] La décision Karval ne conteste pas la capacité du Tribunal de décider de la validité du choix. La Cour, dans l’affaire Karval , a dit qu’une prestataire que le formulaire rend « perplexe » a l’obligation de demander des clarificationsNote de bas de page 28 . Cela signifie qu’on ne peut pas présumer qu’une personne a choisi une option par erreur parce qu’elle dit qu’elle était confuse en raison du formulaire de demande.

[92] Toutefois, les personnes ne savent pas nécessairement ce qu’elles ne savent pas. Elles peuvent penser qu’elles comprennent l’information et agir en fonction de cette compréhension, à tort ou à raison, sans même penser qu’elles doivent demander des précisions.

[93] La Commission fournit ce qu’elle considère comme des instructions complètes sur la demande de prestations parentales. Ces renseignements sont interprétés différemment selon les prestataires. Cependant, il est possible qu’une prestataire croie comprendre les instructions et qu’elle soit tout de même dans l’erreur. Si les instructions peuvent être interprétées raisonnablement d’une manière qui correspond à la compréhension de la prestataire, c’est donc dire que la lecture des renseignements contenus dans la demande répond à son obligation de faire des démarches raisonnables pour comprendre ses droits et responsabilités. Il serait absurde d’imposer l’obligation de faire encore d’autres demandes de renseignements.

[94] La prestataire prévoyait prendre un congé d’un an pour donner naissance à son bébé et en prendre soin. Elle a compris, en lisant les renseignements contenus dans la demande, que les prestations parentales comprenaient les prestations de maternité. En fonction de cette interprétation, la prestataire a choisi les prestations prolongées dans le formulaire de demande, ce qui était la seule façon pour elle de choisir plus de 35 semaines de prestations. De nombreuses autres décisions du Tribunal font état de situations similaires à celle de la prestataire, comportant des malentendus similaires. La prestataire n’est pas la première personne à mal comprendre l’information du formulaire de demande et la signification du choix de prestations parentales.

[95] La division générale a conclu que la prestataire a interprété raisonnablement la question [traduction] « Combien de semaines voulez-vous demander ?» comme une question lui demandant pendant combien de semaines elle voulait prendre congé et toucher des prestations. Cela l’a motivée à choisir 52 semaines parce que cela correspondait aux 12 mois de congé qu’elle voulait prendre, comme elle l’avait dit à son employeur. La division générale a dit que rien dans la question ne précisait que les semaines demandées concernaient les prestations parentales seulement, et que rien dans la page ne précisait que ces prestations parentales s’ajoutaient aux 15 semaines de prestations de maternité. La division générale a estimé que les questions avaient causé de la confusion et elle a trouvé crédible que la prestataire ait fait une erreur en faisant sa sélectionNote de bas de page 29 .

[96] La conclusion de la division générale est soit une conclusion de fait (que je n’ai aucune raison de modifier) ou une question mixte de fait et de droit (que je n’ai pas le droit de modifierNote de bas de page 30 ). Par conséquent, la division générale n’avait aucune raison d’exiger que la prestataire fasse d’autres démarches pour comprendre les prestations parentales qu’elle avait choisies.

Sommaire

[97] La division générale n’a pas commis une erreur de droit ou de compétence lorsqu’elle a établi que le choix de la prestataire était invalide.

Conclusion

[98] Je rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Le 1er juin 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

Hillary Perry, ministère de la Justice, avocate de l’appelante

J. H., intimée

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