Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – Disponibilité – prestations de maladie – études à temps plein – Art. 18(1)(b) de la Loi sur l’AE – présomption – critère Faucher

Le prestataire était en congé de maladie et a présenté une demande de prestations de maladie. Pendant ce temps, il a continué ses études à temps plein à l’université. La Commission a conclu que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations de maladie. Elle a conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler même s’il n’avait pas été malade en raison de ses études à temps plein. Après révision, la Commission a maintenu sa décision.

La division générale (DG) a conclu que le prestataire pouvait recevoir des prestations de maladie. Il avait réfuté la présomption de non-disponibilité alors qu’il était aux études à temps plein. Le prestataire a montré qu’il aurait été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade.

La division d’appel (DA) a conclu que la DG avait commis des erreurs en concluant que le prestataire aurait été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade. La DA a rappelé aux parties que la loi exigeait d’un prestataire qu’il montre qu’il était disponible pour travailler et que d’habitude, les prestataires qui sont aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler. Ceci s’applique au prestataire, parce que sa combinaison de travail à temps plein et de travail d’été ne diffère pas de la situation d’autres étudiants et que sa situation n’a rien de particulier. Selon la loi, le prestataire n’était pas disponible pour travailler en raison de ses études, même s’il n’avait pas été malade. Son horaire d’études n’est pas flexible. Son travail doit adapter son horaire de travail à son horaire d’études. Il a dépensé beaucoup d’argent sur ses études. Le prestataire a dit qu’il n’était pas disposé à quitter ses études pour travailler à temps plein. Il ne se cherchait pas non plus activement un autre emploi. La DA a accueilli l’appel de la Commission et a conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler même s’il n’avait pas été malade en raison de ses études à temps plein.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c AP, 2021 TSS 295

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-107

ENTRE :

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Appelante

et

A. P.

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Pierre Lafontaine
DATE DE LA DÉCISION : Le 24 juin 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’intimé (prestataire) a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi alors qu’il était en congé de maladie autorisé. Il a déclaré qu’il était incapable de travailler pour cause de maladie, mais qu’il poursuivrait ses études à temps plein à l’Université York même s’il était en congé de maladie. Une fois rétabli, il avait l’intention de poursuivre ses études et de reprendre son emploi dans la même mesure qu’avant sa maladie.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu que le prestataire n’était pas admissible aux prestations de maladie parce qu’il suivait un programme d’études universitaires à temps plein et qu’il n’aurait pas été disponible pour travailler à temps plein s’il n’était pas malade. La Commission a maintenu sa décision initiale après révision. Le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait réfuté la présomption selon laquelle il n’était pas disponible alors qu’il était aux études à temps plein. Elle a établi que le prestataire avait prouvé que, n’eût été sa maladie, il était disponible pour travailler du 5 octobre 2020 au 9 décembre 2020. La division générale a conclu que le prestataire était admissible aux prestations de maladie.

[5] La division d’appel a accordé à la Commission la permission de faire appel. Cette dernière soutient que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire aurait été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire aurait été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade, comme le prévoit l’article 18(1)(b) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[7] J’accueille l’appel de la Commission.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire aurait été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade, comme le prévoit l’article 18(1)(b) de la Loi sur l’AE?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a déclaré que lorsque la division d’appel instruit des appels au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), le mandat de la division d’appel lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1 .

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2 .

[11] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire aurait été disponible pour travailler s’il n’avait pas été malade, comme le prévoit l’article 18(1)(b) de la Loi sur l’AE?

[12] La division générale a conclu que le prestataire avait réfuté la présomption selon laquelle il n’était pas disponible alors qu’il était aux études à temps plein. Elle a jugé qu’il avait prouvé que, n’eût été sa maladie, il était disponible pour travailler du 5 octobre 2020 au 9 décembre 2020. La division générale a conclu que le prestataire était admissible aux prestations de maladie.

[13] La Commission soutient que la preuve démontre que le prestataire limite sa disponibilité à un emploi à temps partiel alors qu’il est aux études. Par conséquent, elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’était pas tenu de chercher un autre travail parce qu’il exerçait déjà un emploi convenable à temps partiel. La division générale aurait aussi commis une erreur de droit en concluant que le prestataire avait réfuté la présomption de non-disponibilité qui s’applique aux personnes qui sont aux études à temps plein.

[14] La preuve non contestée révèle que le prestataire travaille chez X depuis juillet 2019. Il travaille à temps partiel lorsqu’il fréquente l’école et à temps plein pendant les congés scolaires. Le prestataire s’est absenté du travail pour cause de stress le 4 octobre 2020 et a recommencé à travailler à temps partiel le 12 décembre 2020.

[15] Le prestataire a déclaré qu’il consacre de 33 à 38 heures par semaine à ses études. Il a dit à la Commission que s’il n’était pas malade, il serait capable de travailler dans les mêmes fonctions qu’avant sa maladie, c’est-à-dire exercer son emploi à temps partiel. Le prestataire a déclaré qu’il travaille toujours 24 heures par semaine lorsqu’il est à l’école, et 40 heures (ou plus) par semaine lorsqu’il est en congé scolaire.

[16] Afin de recevoir des prestations de maladie, une partie prestataire doit établir qu’elle est incapable de travailler et que si ce n’était sa maladie, elle serait disponible pour travaillerNote de bas de page 3 . Pour être considérée comme étant disponible pour travailler, la partie prestataire doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 4 .

[17] En l’absence de définition précise dans la Loi sur l’AE, la Cour d’appel fédérale a maintes fois affirmé que la disponibilité devait se vérifier par l’analyse de trois éléments : le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert, l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable et le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail. Ces trois éléments doivent être pris en compte pour arriver à la conclusionNote de bas de page 5 .

[18] La division générale a noté à juste titre que retourner aux études à temps plein crée une présomption réfutable que la personne qui poursuit de telles études n’est pas disponible pour travailler. La présomption peut être réfutée en prouvant l’existence de « circonstances exceptionnelles ».

[19] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas fixé de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail à compter du 5 octobre 2019. Elle a conclu que le prestataire demeurait disponible pour travailler, étant donné qu’il n’avait jamais mis fin à la relation employeur-employé, qu’il demeurait sur le marché du travail à temps partiel pendant ses études et qu’il commençait à travailler à temps plein pendant les congés scolaires.

[20] La Cour d’appel fédérale a établi que le fait de maintenir le lien d’emploi et de demeurer sur le marché du travail ne rend pas nécessairement une personne disponible pour travailler. De plus, les tribunaux ont toujours déclaré que la personne ne doit pas imposer à sa disponibilité des restrictions qui limitent indûment ses chances d’occuper un emploiNote de bas de page 6 .

[21] La jurisprudence plus récente que celle citée par la division générale a établi que la disponibilité doit être démontrée durant les heures normales pour chaque jour ouvrable et ne peut se limiter à des heures irrégulières découlant d’un horaire de cours qui limite la disponibilité de façon importanteNote de bas de page 7 .

[22] Le prestataire suit un programme de quatre ans en kinésiologie et en sciences de la santé à l’Université York. Il a commencé ses études en septembre 2018 et les terminera en avril 2022. Le prestataire a déclaré qu’il passait 13 heures par semaine en classe et qu’il consacrait de 20 à 25 heures supplémentaires par semaine à ses études à l’extérieur des salles de classe. Les heures de cours ne sont pas flexibles.

[23] De plus, le prestataire n’a pas cherché un autre emploi. Il a déclaré qu’il n’était pas disponible pour travailler à temps plein. Il a aussi précisé qu’il n’abandonnerait pas ses études pour un emploi à temps plein.

[24] La preuve n’appuie pas la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire a réfuté la présomption de non-disponibilité. Les habitudes de travail du prestataire, soient un emploi à temps partiel et un emploi d’été, ne sont pas différentes de celles de toute autre personne aux études. Sa situation n’est donc pas une exceptionNote de bas de page 8 .

[25] De plus, l’horaire d’études du prestataire n’est pas flexible, et l’employeur doit adapter l’horaire de travail du prestataire pour l’accommoder. Le prestataire a investi une somme d’argent considérable dans ses études et a déclaré qu’il n’était pas prêt à les abandonner pour un emploi à temps plein. Il n’a pas non plus cherché activement un autre emploi.

[26] Par conséquent, le prestataire ne satisfait pas aux critères pertinents pour établir sa disponibilité conformément à la jurisprudence récente. Bien que les efforts scolaires du prestataire méritent certainement des éloges, cela n’élimine pas l’exigence de démontrer sa disponibilité au sens de la Loi sur l’AE.

[27] Pour ces raisons, je suis d’avis que la division générale a commis une erreur en appliquant l’article 18(1)(b) de la Loi sur l’AE et le critère établi dans la décision Faucher et en concluant que si le prestataire n’avait pas été malade, il aurait été disponible pour travailler.

Réparation

[28] Étant donné que la preuve n’est pas contestée et que les deux parties ont eu la chance de présenter leurs arguments à la division générale, je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre au titre de l’article 59(1) de la Loi sur le MEDS.

[29] Conformément à l’article 18(1)(b) de la Loi sur l’AE et par application du critère établi dans la décision Faucher, je conclus que si le prestataire n’avait pas été malade, il n’aurait pas été disponible durant la période visée, parce que sa disponibilité était limitée indûment par les exigences liées au programme d’études qu’il suit à l’Université York.

[30] Pour les raisons énoncées ci-dessus, j’accueille l’appel de la Commission.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 17 juin 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

Angèle Fricker, représentante de l’appelante

A. P., intimé

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