Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – choix des prestations parentales – irrévocabilité – formulaire de demande – liste déroulante

La prestataire a remarqué que le paiement de ses prestations parentales était moins élevé que celui de ses prestations de maternité. La Commission lui a dit que c’était parce qu’elle avait choisi les prestations parentales prolongées. Elle ne pouvait pas modifier son choix puisqu’elle avait déjà reçu le premier paiement de ses prestations parentales prolongées. La Commission a maintenu sa décision après révision.

La division générale (DG) a accueilli l’appel de la prestataire. La DG a conclu que la prestataire avait voulu choisir une année de prestations parentales et de maternité combinées. C’est ce que la prestataire pensait faire lorsqu’elle a choisi 52 semaines de prestations dans la liste déroulante du formulaire de demande.

La Commission a demandé à la division d’appel (DA) la permission de faire appel de la décision de la DG. La Commission a dit que la DG n’a pas examiné le contenu du formulaire de demande concernant les prestations parentales. La DA a rejeté cet argument. Le formulaire ne précise pas que les prestations parentales sont complètement distinctes des prestations de maternité. Les prestataires doivent faire la différence en lisant le formulaire, mais elles peuvent finir par comprendre autre chose. La prestataire a dit à la DG qu’elle avait rempli le formulaire le lendemain de la naissance de son enfant et qu’elle n’avait pas dormi. Selon elle, soit elle avait choisi les prestations parentales prolongées sans le savoir, soit le système avait automatiquement corrigé son choix pour les prestations parentales prolongées. La DG peut examiner la preuve pour décider si la prestataire a volontairement choisi une option plutôt qu’une autre au moment de faire son choix. La DG a conclu que la prestataire n’a jamais voulu choisir les prestations parentales prolongées. La DA a refusé d’accorder à la Commission la permission de faire appel de la décision de la DG, parce que la Commission était incapable de soutenir que l’appel avait une chance raisonnable de succès.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c RW, 2021 TSS 299

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-200

ENTRE :

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Demanderesse

et

R. W.

Défenderesse


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


Décision relative à une demande de
permission d’en appeler rendue par :
Stephen Bergen
Date de la décision : Le 25 juin 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Je rejette la demande de permission d’en appeler de la Commission de l’assurance-emploi du Canada.

Aperçu

[2] La défenderesse, R. W. (prestataire), a arrêté de travailler le 26 novembre 2020 parce qu’elle allait accoucher. Elle a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi le 4 décembre 2020. Dans un menu déroulant de son formulaire de demande, elle a choisi 52 semaines de prestations.

[3] La Commission, ici demanderesse, a commencé à lui verser des prestations parentales le 9 avril 2021. La prestataire a téléphoné à la Commission le 19 avril 2021, dès qu’elle a remarqué une forte baisse du montant de ses prestationsNote de bas de page 1. La Commission lui a expliqué que ses prestations parentales étaient moins élevées que ses prestations de maternité puisqu’elle avait choisi des prestations parentales de type prolongé. La prestataire a dit à la Commission qu’elle n’avait jamais voulu choisir les prestations parentales prolongées.

[4] La Commission a informé la prestataire qu’elle ne pouvait plus changer son choix comme ses prestations parentales avaient déjà commencé à lui être versées. La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais celle-ci est demeurée inchangée.

[5] La prestataire a alors fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a accueilli son appel. La division générale a conclu que la prestataire avait toujours eu l’intention de choisir une année de prestations en tout, à la fois pour ses prestations de maternité et ses prestations parentales, et qu’elle avait véritablement choisi l’option standard. La Commission demande maintenant à la division d’appel la permission d’appeler de la décision de la division générale.

[6] Je lui refuse la permission d’en appeler. Il n’est pas défendable que la division générale n’ait pas tenu compte du formulaire de demande de prestations ni qu’elle ait commis une erreur de droit en concluant que la prestataire avait choisi des prestations parentales standards.

Quels sont les moyens d’appel que je peux examiner?

[7] Pour permettre à l’appel de se poursuivre, je dois conclure qu’au moins un des « moyens d’appel » prévu par la loi confère à l’appel une « chance raisonnable de succès ». Un appel a une chance raisonnable de succès s’il soulève une cause défendable. Autrement dit, la Commission devrait invoquer un argument grâce auquel elle pourrait gagner son appelNote de bas de page 2.

[8] Les « moyens d’appel » sont les raisons pour lesquelles une partie fait appel. Je peux seulement tenir compte des erreurs suivantesNote de bas de page 3 :

  1. La division générale a tenu une audience inéquitable d’un certain point de vue.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.  
  3. La division générale a basé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

Questions en litige

[9] Est-il défendable que la division générale ait commis une erreur de fait importante parce qu’elle aurait ignoré l’information contenue dans le formulaire de demande de prestations expliquant les différentes options de prestations parentales?

[10] Est-il défendable que la division générale ait commis une erreur de droit en concluant que la prestataire avait choisi un autre type de prestation que celui qu’elle a demandé dans son formulaire de demande?

Analyse

[11] Une partie prestataire qui est admissible aux prestations parentales peut choisir entre des prestations parentales standards et des prestations parentales prolongéesNote de bas de page 4. La Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) explique que les prestations parentales standards correspondent à 55 % de la rémunération hebdomadaire de la personne et sont versées pendant un maximum de 35 semaines, tandis que les prestations parentales prolongées sont limitées à 33 % de sa rémunération hebdomadaire, mais sont versées sur une période maximale de 61 semainesNote de bas de page 5.

[12] Conformément à la Loi sur l’AE, une partie prestataire ne peut pas changer d’avis et demander un type de prestations parentales différent une fois que la Commission a commencé à lui verser ces prestations. Ce choix est alors dit « irrévocable »Note de bas de page 6.

Question en litige no 1 : La division générale n’a pas tenu compte de l’explication sur les prestations parentales fournie dans le formulaire de demande

[13] Il n’est pas défendable que la division générale ait commis une erreur de fait importante parce qu’elle n’aurait pas tenu compte de l’explication donnée à même le formulaire de demande en ce qui concerne les types de prestations parentales et le choix à faire à cet égard.

[14] Je conviens que la division générale n’a pas énoncé dans sa décision les informations données dans le formulaire de demande de prestations. Toutefois, la division générale connaissait ces explications et a voulu savoir si la prestataire en avait pris connaissance et les avait comprisesNote de bas de page 7. Durant l’audience, la membre de la division générale a dit à la prestataire que les prestations parentales étaient décrites dans le formulaire de demande. Elle a aussi expliqué que les prestations parentales standards étaient plus élevées, mais payées moins longtemps, tandis que les prestations parentales prolongées étaient d’un montant moindre, tout en étant versées plus longtempsNote de bas de page 8.

[15] La prestataire a attesté avoir lu les descriptions des types de prestations contenues dans le formulaire de demande. Elle a affirmé qu’elle avait compris la différence entre les deux modalités de prestations parentalesNote de bas de page 9. Par contre, elle a aussi affirmé ne pas reconnaître qu’on lui verse les prestations réduites puisqu’elle avait choisi les prestations standards [traduction] « dans sa tête »Note de bas de page 10.

[16] La Commission a soutenu que la division générale a fait fi des informations données dans le formulaire de demande, qui auraient dû permettre à la prestataire de comprendre la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales. La Commission a précisé qu’une section du formulaire explique aux prestataires qu’elles peuvent recevoir des prestations parentales après leurs prestations de maternité, et qu’une autre section leur demande de préciser si elles souhaitent recevoir des prestations parentales immédiatement après leurs prestations de maternité.

[17] Pourtant, la division générale n’a pas conclu que les informations dans le formulaire prêtaient à confusion d’un point de vue objectif ou qu’elles avaient confondu la prestataire. Sa décision ne s’est pas jouée sur la question de savoir si la prestataire avait compris la nature du choix qu’elle devait faire. La division générale a plutôt évalué l’intention de la prestataire, d’après les circonstances liées à son travail et d’après l’option que la prestataire croyait avoir sélectionnée en remplissant son formulaire.

[18] La prestataire a sélectionné l’option de 52 semaines dans le menu déroulant parce qu’elle savait qu’elle prendrait environ un an de congé, en tout. Elle a affirmé qu’elle ne pouvait être certaine de la date exacte de son retour au travail. Toutefois, elle s’attendait à recommencer à travailler dès octobre ou novembre 2021Note de bas de page 11. Elle a affirmé avoir eu une conversation à cet effet avec son employeur, qui lui avait signifié qu’un préavis de quatre semaines serait suffisant avant son retour au travailNote de bas de page 12.

[19] Dans son témoignage, la prestataire a aussi dit qu’elle avait rempli le formulaire le lendemain de son accouchement, alors qu’elle était en manque de sommeil. Elle a [traduction] « juré » à la division générale avoir choisi les prestations standardsNote de bas de page 13, comme elle l’avait fait après la naissance de son enfant précédentNote de bas de page 14. Elle a expliqué à la division générale qu’en cliquant sur le bouton pour sélectionner le nombre de semaines, elle avait été étonnée qu’on lui propose 35 semaines. Elle avait été capable de changer le nombre de semaines à 52, soit le nombre total de semaines de prestations qu’elle voulait. Elle se demandait si le système aurait remplacé par défaut sa sélection par l’option prolongée, du fait qu’elle avait choisi un nombre de semaines supérieur à celui des prestations standards.  

[20] Bref, la prestataire croit que l’une de deux choses est arrivée : soit elle a sélectionné les prestations prolongées par accident, soit elle n’a pas remarqué que le système a changé automatiquement sa sélection pour l’option des prestations prolongées.

[21] Le formulaire de demande ne spécifie pas que les prestations parentales sont complètement distinctes des prestations de maternité. Il faut le déduire d’après les informations fournies, et cette déduction n’est pas la seule possible. De toute façon, même si les informations avaient été aussi claires que le prétend la Commission, elles n’auraient pas été décisives au point que je m’attende à ce que la division générale les cite explicitement. Il est présumé que la division générale connaît les éléments de preuve dont elle dispose. Elle n’est pas obligée de mentionner expressément chacun de ces élémentsNote de bas de page 15.

[22] Aucune erreur de fait importante n’a été commise par la division générale du fait qu’elle n’a pas énoncé les instructions ou les explications contenues dans le formulaire de demande de prestations.

Question en litige no 2 : La division générale a commis une erreur de droit en permettant à la prestataire de changer son choix

[23] Il n’est pas défendable que la division générale ait commis une erreur de droit en permettant à la prestataire de changer le choix indiqué dans son formulaire de demande.

[24] En vertu de l’article 64(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division générale peut se prononcer sur les questions de droit et de fait nécessaires pour statuer sur un appel. Elle est donc habilitée à évaluer la preuve relative à l’intention qu’avait une partie prestataire en remplissant sa demande et, par conséquent, à décider si un choix a véritablement ou légitimement été fait.

[25] La question de savoir si une partie prestataire a véritablement choisi les prestations parentales prolongées n’est pas la même que celle de savoir si son choix peut être changé. Je reconnais que la Commission demande aux prestataires de faire un choix dans leur formulaire de demande, et que ce choix est irrévocable. Toutefois, cela n’empêche pas la division générale d’examiner d’autres éléments de preuve pour décider si la partie prestataire a fait un choix délibéré en sélectionnant un type de prestations parentales dans son formulaire de demande. Il n’est ni mentionné ni sous-entendu dans la Loi sur l’AE que la sélection faite dans le formulaire est décisive à elle seule du véritable choix des prestataires.

[26] Dans l’affaire qui nous occupe, la prestataire n’a pas choisi des prestations prolongées puis changé d’avis et décidé qu’elle préférait des prestations standards. La division générale a conclu et considéré comme fait établi qu’elle n’avait jamais voulu choisir les prestations parentales prolongées et qu’elle avait cru avoir choisir les prestations parentales standards.

[27] La division d’appel a conclu, dans de nombreuses décisions, que le type de prestations parentales véritablement choisi par une partie prestataire peut différer du type sélectionné dans son formulaire de demande. La sélection dans le formulaire a été considérée comme preuve, sans pour autant être décisive du choix de la prestataireNote de bas de page 16. Même si je n’ai pas l’obligation de suivre les autres décisions de la division d’appel, la Commission ne me donne aucune raison d’y déroger.

[28] La Commission n’est pas parvenue à soutenir que ces décisions passées soient incorrectes sur le plan du droit ni que la division générale aurait commis une erreur de droit en se rangeant à l’avis de la division d’appelNote de bas de page 17.

[29] L’appel de la Commission n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] Je rejette la demande de permission d’en appeler.

 

Représentants :

Angele Fricker, pour la demanderesse

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