Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. L’intimée n’a pas démontré que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Les actes reprochés à l’appelant étaient plutôt une excuse pour le congédier.

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé pour une entreprise pendant environ neuf ans. Sa grand-mère est tombée malade en août 2017 et est décédée en juillet 2018, ce qui a eu une incidence importante sur son bien-être mental. L’appelant est parti en arrêt de travail pour cause de maladie en mars 2018 et a reçu 15 semaines de prestations de maladie de l’assurance-emploi. Il est retourné au travail le 23 juillet 2018, mais a été congédié le 10 août 2018 parce qu’il serait arrivé en retard au travail et aurait fait preuve d’insubordination et d’agressivité envers son gestionnaire.

[3] Le 12 août 2018, l’appelant a demandé de convertir ses prestations de maladie en prestations régulières. Toutefois, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) a décidé qu’il n’était pas admissible aux prestations régulières parce qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. L’appelant a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale, soutenant qu’il a été congédié pour d’autres motifs, et non en raison d’une inconduite.

Questions en litige

[4] Question en litige no 1 : Quel est le motif de la cessation d’emploi?

[5] Question en litige no 2 : L’appelant a-t-il commis les actes reprochés? Est-il arrivé en retard au travail le 9 août 2018 et a-t-il fait preuve d’insubordination et d’agressivité envers son gestionnaire?

[6] Question en litige no 3 : Les actes reprochés constituaient-ils une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi?

Analyse

[7] Les prestataires sont exclus du bénéfice des prestations lorsqu’ils perdent leur emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1. L’inconduite n’est pas définie dans la Loi, mais elle doit « être consciente, délibérée ou intentionnelleNote de bas de page 2 ». L’intimée doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 3. Le Tribunal doit être convaincu que l’inconduite était la raison et non l’excuse du congédiementNote de bas de page 4.

Question en litige no 1 : Quel est le motif de la cessation d’emploi?

[8] Je conclus que l’appelant a été congédié le 10 août 2018 et que son arrivée en retard au travail et la confrontation avec son gestionnaire le 9 août 2018 n’étaient qu’une excuse pour le congédier.

[9] Les parties ne s’entendent pas sur le motif du congédiement.

[10] L’intimée soutient que l’appelant a été congédié en raison du fait qu’il est arrivé en retard au travail et d’une confrontation avec son gestionnaire le 9 août 2018 (page GD4-2).

[11] L’intimée s’est appuyée sur les déclarations que l’employeur lui a faites (pages GD3-27, GD3-55 ainsi que GD3-60 et GD3-61). L’employeur a dit à l’intimée que l’appelant venait de revenir d’un congé de maladie et qu’il a été congédié en raison d’une inconduite parce qu’il était arrivé en retard au travail et avait fait preuve d’agressivité envers son gestionnaire le 9 août 2018. On a signalé que le gestionnaire a parlé avec l’appelant pour l’informer qu’on allait consigner le retard à son dossier, et que l’appelant était devenu irrité et avait été verbalement et presque physiquement agressif envers le gestionnaire. Le lendemain, le 10 août 2018, l’appelant a été congédié en raison de son comportement, car ce n’était pas la première fois qu’il se comportait de manière douteuse et des incidents semblables avaient été consignés à son dossier depuis 2004.

[12] L’intimée s’est également appuyée sur une déclaration de l’assureur de l’employeur, une entreprise tierce (page GD3-61). L’agente de l’assureur a fait remarquer qu’aucune note médicale n’avait été fournie indiquant que l’appelant devait rester en congé. Elle a dit qu’on l’avait encouragé à retourner au travail. Son retour au travail avait été progressif pour l’aider à s’habituer à travailler plus tôt dans la journée. Il n’avait travaillé que quatre heures par jour pendant une semaine, puis cinq heures par jour la semaine suivante et six heures par jour la semaine d’ensuite jusqu’à ce qu’il reprenne ses heures de travail normales.

[13] L’appelant a affirmé qu’il était ami avec son gestionnaire et qu’ils avaient l’habitude de sortir et prendre un verre après le travail avec d’autres collègues. Toutefois, l’appelant a cessé de boire et ne faisait donc plus partie de la « gang ».

[14] L’appelant a dit qu’il occupait auparavant un poste de superviseur au sein d’un autre service de l’entreprise dans lequel il excellait. Cependant, lorsqu’il a commencé à être malade, il a demandé d’être rétrogradé dans un autre poste qu’il trouvait moins difficile.

[15] L’appelant soutient qu’il a été congédié pour d’autres motifs et non en raison de ce qui s’est passé le 9 août 2018, ou du fait qu’il était arrivé en retard au travail ou de la confrontation avec son gestionnaire. Il affirme avoir été congédié pour les motifs combinés suivants :

  • Il a été congédié parce que son gestionnaire l’a menacé lors de leur confrontation le 9 août 2018 et que l’appelant lui a envoyé un message texte après le travail pour lui dire que sa conduite était inappropriée.
  • L’employeur et l’assureur tiers ont exercé des pressions sur lui pour qu’il retourne au travail pendant son arrêt de travail pour cause de maladie. Il dit qu’on l’a appelé de nombreuses fois chaque semaine pour lui demander continuellement de retourner au travail.
  • Son médecin de famille l’a informé vers la mi-juillet 2018 qu’il n’était pas en mesure de retourner au travail et a présenté des documents à l’employeur qui attestent cela.
  • Son employeur l’a assuré que s’il retournait au travail, il pourrait commencer à travailler à midi parce qu’on savait qu’il avait encore des problèmes de santé, y compris de l’insomnie, et qu’il avait donc de la difficulté à dormir et à se réveiller tôt pour travailler.
  • Lorsqu’il est retourné au travail le 23 juillet 2018, il a commencé à travailler à midi, mais l’employeur lui a dit qu’il devait commencer à travailler la semaine suivante à 11 h ou à 11 h 30, ce qu’il n’a pas accepté.
  • Son employeur n’a pas voulu lui donner les actions d’entreprise qu’il devait recevoir le mois suivant.
  • Son employeur a refusé de prendre des mesures d’adaptation en le mutant à son ancien poste parce que le poste qu’il occupait était devenu trop difficile pour lui.

[16] Le témoignage de l’appelant m’a convaincue qu’il a été congédié pour d’autres motifs et non en raison d’une inconduite qui aurait eu lieu le 9 août 2018. L’appelant a soumis une copie d’une note médicale datée du 14 juin 2018 adressée à l’assureur tiers indiquant [traduction] qu’il « n’est actuellement pas apte à reprendre un quelconque type d’emploi et qu’il devait voir un psychologue pour une évaluation le 10 juillet 2018 » (page RGD2-2). La note médicale fournit aussi des détails précis sur son diagnostic et ses limitations.

[17] L’appelant a affirmé qu’il s’est rendu à son rendez-vous avec le psychologue le 10 juillet 2018, mais qu’il a appris que sa grand-mère était décédée immédiatement avant le rendez-vous. Il a fondu en larmes et était bouleversé pendant le rendez-vous d’évaluation. Il affirme que son aptitude à retourner au travail n’a pas été réévaluée par son médecin de famille ni par aucun autre médecin, mais qu’il a pris la décision de retourner au travail le 23 juillet 2018 en raison des appels constants et des pressions exercées par l’assureur tiers et son employeur. Il dit qu’il avait encore du mal à dormir et qu’il n’était pas prêt à retourner au travail, même à temps partiel.

[18] L’appelant a dit que bien qu’il ait accepté de retourner au travail malgré les conseils de son médecin, son employeur lui avait dit qu’il pouvait commencer à travailler à midi. Pensant sa deuxième semaine de retour au travail, on lui a dit qu’il devait commencer à travailler à 11 h. Il a fait part de ses préoccupations à son employeur, en particulier du fait qu’il aurait des difficultés à commencer à travailler plus tôt. Son employeur lui a dit qu’on lui offrirait des mesures d’adaptation et qu’ils pouvaient faire un essai. Cependant, lorsque l’appelant est arrivé avec cinq minutes de retard le 9 août 2018, son gestionnaire lui a dit que cela serait consigné à son dossier d’employé. Il s’en est suivi une confrontation animée au cours de laquelle le gestionnaire lui a dit [traduction] « Essaies-tu de m’intimider? T’es mieux de reculer [juron] ». L’appelant a quitté le travail et a envoyé au gestionnaire un message texte pour lui dire que sa conduite était inappropriée et qu’ils en discuteraient le lendemain. L’appelant a eu l’impression d’être intimidé et ciblé par ce gestionnaire, qui était auparavant un ami.

[19] J’estime qu’il est plus qu’improbable que l’employeur ait congédié l’appelant après avoir fait pression sur lui pour qu’il retourne au travail alors qu’il était toujours en congé de maladie. La note médicale présentée montre que l’appelant était aux prises avec plusieurs problèmes de santé et qu’il était incapable de retourner au travail le 14 juin 2018. L’appelant n’a pas consulté d’autre médecin et n’a pas été évalué comme étant apte à retourner au travail. L’employeur n’a pas non plus soumis d’élément de preuve qui donne à penser qu’un professionnel de la santé l’a avisé que l’appelant était capable de retourner au travail.

[20] Je note que l’employeur a dit à l’intimée qu’il n’y avait pas de note médicale disant que l’appelant pouvait rester en congé. Cela est toutefois contraire à la note médicale fournie par l’appelant qui indique précisément qu’il n’était pas capable de retourner au travail indéfiniment à compter du 14 juin 2018.

[21] Je reconnais que l’appelant a accepté de retourner au travail le 23 juillet 2018, mais j’estime qu’il a été amené à croire que l’employeur lui offrirait des mesures d’adaptation au besoin et qu’il commencerait à travailler à midi. Cependant, l’employeur a établi l’horaire de l’appelant la seconde semaine de sorte qu’il commençait à travailler à 11 h malgré les préoccupations de ce dernier, et lui a dit qu’on trouverait une solution s’il y avait un problème avec l’heure de début. Que l’appelant soit arrivé au travail en retard de 5 minutes comme il le prétend ou de 15 minutes comme le prétend l’employeur, l’engagement de trouver une solution ou de lui offrir des mesures d’adaptation lorsqu’il est arrivé en retard au travail n’a pas été respecté. Au contraire, son gestionnaire allait consigner son retard du 9 août 2018 à son dossier.

[22] Je préfère le témoignage de l’appelant aux déclarations de l’employeur parce que le gestionnaire impliqué dans la confrontation du 9 août 2018 n’a pas fourni de déclarations directes ou écrites à l’intimée décrivant sa version des faits, mais plutôt un résumé des événements par un autre gestionnaire.

[23] J’ai aussi été convaincue par la version des faits de l’appelant, car elle me semble plus probable. Bien que j’accepte que les choses se soient envenimées, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que le gestionnaire ait provoqué l’appelant et l’ait menacé lorsqu’il lui a dit de « reculer ». Je reconnais également que le gestionnaire savait peut-être que sa propre conduite n’était pas acceptable, et qu’il a donc pu être motivé à congédier l’appelant le lendemain. Quoi qu’il en soit, je ne qualifierais pas la conduite de l’appelant de volontaire ou de délibérée parce qu’il n’y avait pas d’intention mentale. La note médicale indique qu’il vit de l’anxiété situationnelle exacerbée par du stress interpersonnel, ce qui, à mon avis, a probablement contribué à la confrontation avec son gestionnaire. L’appelant ne pouvait pas non plus savoir qu’il serait congédié pour son retard parce que son employeur lui avait dit qu’on ferait preuve de flexibilité par rapport à ses heures de début.

[24] Pour ces motifs, je conclus que l’appelant n’a pas été congédié pour son retard ou la confrontation avec son gestionnaire. J’estime que ce n’était qu’une excuse pour le congédier. Par conséquent, je juge qu’il est plus probable qu’improbable que l’employeur a exercé des pressions sur lui pour qu’il retourne au travail alors qu’il n’était pas en mesure de travailler. L’appelant n’a pas bénéficié de mesures d’adaptation, même si on lui a assuré qu’on ferait preuve de flexibilité s’il retournait au travail. On l’a plutôt pénalisé et congédié parce qu’il est arrivé en retard alors qu’il était encore en période de retour progressif au travail.

[25] Par conséquent, il n’est pas nécessaire que j’évalue si l’appelant a commis les actes reprochés ou si ces actes constituaient une inconduite au sens de la Loi parce que l’employeur n’a pas démontré que l’appelant a été congédié en raison d’une inconduite.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 9 juillet 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

J. T., appelant

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