Assurance-emploi (AE)

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Citation : DA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 206

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (413944) datée du
19 janvier 2021 rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 27 avril 2021
Personnes présentes à l’audience : D. A., appelant
Date de la décision : Le 6 mai 2021
Numéro de dossier : GE-21-363

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Décision

[1] Je rejette l’appel.

[2] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que le prestataire n’avait pas de motif valable pour quitter son emploi après une journée de travail parce que d’autres options raisonnables s’offraient à lui. Cela signifie qu’il n’est pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi (AE).

Aperçu

[3] Le prestataire a commencé à travailler comme briqueteur pour une entreprise de bétonnage le 13 décembre 2017. Il a démissionné le même jour et a demandé des prestations régulières d’AEFootnote 1. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné ses motifs pour avoir quitté son emploi. Elle a décidé qu’il avait volontairement quitté (choisi de quitter) son emploi sans motif valable (autrement dit, sans raison que la loi accepte). Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations régulières.

[4] La Commission affirme que le prestataire avait d’autres options raisonnables que celle de quitter son emploi. Elle dit qu’il aurait pu parler à son patron pour demander des mesures d’adaptation et continuer de travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit que son travail dépassait ses capacités physiques et que ses collègues l’avaient ridiculisé parce qu’il ne pouvait pas suivre.

[6] La Commission a déjà rejeté la demande du prestataire. Il fait maintenant appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[7] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans motif valable?

[8] Pour trancher cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[9] J’accepte que le prestataire a quitté son emploi volontairement. Après avoir témoigné pour la première fois qu’il ne savait même pas qu’il avait un emploi, il a reconnu avoir démissionné le 13 décembre 2017. Je ne vois aucun élément de preuve contredisant celaFootnote 2.

La Commission soutient que le prestataire n’avait pas de motif valable

[10] La Commission affirme que le prestataire a volontairement quitté son emploi sans motif valable. Le prestataire conteste cette conclusion.

[11] La loi précise qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans motif valableFootnote 3. Toutefois, avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à démontrer que l’on avait un motif valable de le faire.

[12] La loi explique ce que signifie « motif valable ». La loi dit qu’une personne a un motif valable de quitter son emploi si elle n’a aucune autre option raisonnable que de démissionner au moment où elle le fait.

[13] Il incombe au prestataire de prouver qu’il avait un motif valableFootnote 4. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule option raisonnable était de démissionner. Pour décider si le prestataire avait un motif valable, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand il a quitté son emploiFootnote 5.

[14] Le prestataire dit qu’il a quitté son emploi parce qu’il a tout de suite vu que ce n’était pas pour lui. Il soutient qu’il n’avait pas d’autre option raisonnable que de partir parce qu’il devait transporter quatre briques à la fois et que ses collègues se moquaient de lui lorsqu’il disait qu’il pouvait seulement en transporter deux à la fois. Il dit qu’il a constaté dès le premier jour que le milieu de travail était malsain parce que les autres travailleurs le ridiculisaient.

[15] Le prestataire a d’abord dit qu’il n’avait pas parlé à son employeur avant de quitter parce qu’il n’y voyait aucun intérêt. Il a dit qu’il n’aimait pas entendre le superviseur demander au chef : [traduction] « Est-ce que tu le mets au travail? Parce qu’il faut faire de l’argent avec luiFootnote 6 ». Le prestataire affirme que c’est là qu’il s’est rendu compte qu’ils le forçaient à travaillerFootnote 7.

[16] Le prestataire dit maintenant qu’avant de démissionner, il a demandé à l’employeur s’il pouvait faire un travail plus facile. Il soutient que l’employeur lui a conseillé de chercher du travail moins exigeant ailleurs.

[17] La Commission affirme que le prestataire n’avait pas de motif valable de quitter son emploi parce qu’il avait d’autres options raisonnables. Plus précisément, elle soutient qu’il aurait pu demander à l’employeur de modifier ses tâches en fonction de ses capacités physiques. La Commission affirme qu’elle accorde plus de poids à la déclaration antérieure du prestataire selon laquelle il n’avait pas parlé à son employeur avant de démissionner parce qu’il a fait cette déclaration par écrit, l’a confirmée verbalement et l’a seulement modifiée après que ses prestations ont été refusées pour la première fois.

[18] J’accorde également plus de poids aux déclarations antérieures du prestataire, puisqu’il les a faites plus près du moment où il a démissionné, et qu’il est donc plus probable qu’improbable que ses souvenirs seraient plus exacts. Il a également déclaré qu’il ne s’était pas rendu compte des conséquences de ses déclarations antérieures sur son admissibilité aux prestations. À la lumière de ce témoignage, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable qu’il ait modifié ses déclarations après que la Commission lui ait refusé des prestations pour qu’elles correspondent à ce qu’il aurait dû dire.

[19] Le prestataire a travaillé comme briqueteur pour une entreprise de bétonnage. Il affirme que le travail n’était pas ce à quoi il s’attendait, mais la main-d’œuvre générale pour ce type d’entreprise nécessiterait probablement de lourds travaux manuels. J’estime qu’il a démissionné parce que son emploi était plus difficile que ce à quoi il s’attendait, et que ses collègues le ridiculisaient. Donc, lorsque le prestataire est allé voir l’employeur pour lui dire qu’il démissionnait, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait déjà décidé de partir.

[20] La Commission, préférant les déclarations antérieures du prestataire selon lesquelles il n’avait pas demandé de travail plus facile avant de démissionner, affirme que cette demande aurait été une solution de rechange raisonnable au départ.

[21] La Commission affirme que le prestataire avait une autre solution raisonnable : continuer à travailler jusqu’à ce qu’il trouve un nouvel emploi. La Commission affirme qu’il n’a pas démontré que la situation était [traduction] « insupportable » à un point tel qu’il ne pouvait pas donner une chance réelle à l’emploi.

Le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi

[22] Le prestataire n’avait pas à prouver que l’emploi était « insupportable », mais il devait démontrer qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi dès son premier jour de travail. Je suis d’accord avec l’observation de la Commission selon laquelle il aurait été raisonnable d’essayer le travail pendant plus d’une journée plutôt que de démissionner immédiatement sans prendre le temps d’y réfléchir d’abord.

[23] Soulever des préoccupations au sujet du milieu de travail aurait également été une solution de rechange raisonnable à démissionner immédiatement. L’employeur aurait peut-être pu régler cette question si le prestataire avait soulevé ces préoccupations, mais je ne vois aucune preuve démontrant qu’il l’a fait. Cela est conforme à ses déclarations antérieures selon lesquelles il ne voyait pas l’utilité de parler à son employeur avant de démissionner parce que ça ne changerait rien à son avis.

[24] Le prestataire s’appuie sur le courriel qu’il a envoyé à l’employeur pour demander à l’entreprise de changer la raison du départ inscrite dans le RE. J’estime que ce courriel n’est pas un élément de preuve concluant pour la raison suivante. Dans son courriel, le prestataire a dit avoir soulevé la question de la conduite des autres travailleurs avant de quitter son emploi, mais l’employeur n’a pas corroboré ce fait. Dans sa réponse, l’employeur n’a fourni aucun détail sur ce dont ils avaient parlé deux ans auparavant le jour où il a démissionné.

[25] Donner à l’employeur la possibilité d’améliorer le milieu de travail aurait été une solution de rechange raisonnable à démissionner avant que l’entreprise puisse enquêter sur la chose. J’estime que le prestataire n’a pas donné cette chance à l’employeur.

[26] Les prestataires d’assurance-emploi ont l’obligation de ne pas risquer le chômageFootnote 8. Le prestataire a pris ce risque lorsqu’il a démissionné sans avoir d’abord exploré toutes les solutions de rechange raisonnables.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté. Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations régulières d’AE parce qu’il avait d’autres options raisonnables que celle de quitter son emploi. Cela signifie qu’il n’a pas démontré qu’il avait un motif valable de quitter son emploi.

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