Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 211

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-2409

ENTRE :

R. P.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Charlotte McQuade
DATE DE L’AUDIENCE : Le 30 mars 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 30 mars 2021

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Décision

[1] Je rejette l’appel. Ainsi, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a correctement établi que la demande de R. P. (prestataire) était une demande de prestation d’assurance-emploi d’urgence (PAEU) et que le taux hebdomadaire de ses prestations s’élevait à 500 $.

Aperçu

[2] Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 25 mars 2020 après avoir été mis à pied le 24 mars 2020. Des modifications ont été apportées à la Loi sur l’assurance-emploi en raison de la pandémie. Une nouvelle prestation appelée la PAEU est entrée en vigueur le 15 mars 2020. Pour les prestataires qui auraient eu droit à l’établissement d’une période de prestations durant la période allant du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020, la loi imposait l’établissement d’une période de prestations pour la PAEU plutôt que pour les prestations régulières ou les prestations de maladie de l’assurance-emploi. La Commission affirme que comme une période de prestations pour les prestations régulières d’assurance-emploi aurait pu être établie au profit du prestataire à compter du 29 mars 2020, il fallait que sa période de prestations soit établie pour la PAEU à un taux hebdomadaire de 500 $.

[3] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission de lui verser la PAEU. Il affirme qu’il n’a pas cessé de travailler pour des raisons liées à la COVID-19 et qu’il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi, et non la PAEU, de sorte qu’il aurait fallu établir sa période de prestations pour des prestations régulières à un taux hebdomadaire net plus élevé, à savoir 567 $. Le prestataire affirme également que les prestations d’assurance-emploi constituent un régime d’assurance et que les primes payées par les prestataires sont fondées sur leur salaire. Ainsi, il soutient qu’il est injuste que les personnes qui gagnent un salaire élevé soient pénalisées par le taux hebdomadaire de 500 $, alors que les personnes dont le salaire est plus faible bénéficient au bout du compte du taux de 500 $. Le prestataire se demande également pourquoi, s’il a reçu la [traduction] « prestation canadienne d’urgence » (PCU), il a dû attendre six semaines avant de recevoir le premier versement.

Questions préliminaires

[4] À la première audience dans la présente affaire, soit le 25 janvier 2021, le prestataire a exprimé l’intention de soulever un argument fondé sur la Charte dans le cadre de son appel. L’audience a été ajournée pour pouvoir expliquer au prestataire le processus du Tribunal en ce qui concerne la Charte. Pour ce faire, une conférence préparatoire a eu lieu le 10 février 2021. Le prestataire a été informé que s’il avait l’intention de présenter une contestation constitutionnelle dans le cadre de son appel, il devait déposer un avis de question constitutionnelleNote de bas de page 1 auprès du Tribunal au plus tard le 12 mars 2021. Le 10 février 2021, une lettre a été envoyée au prestataire pour confirmer cette exigence. Comme le prestataire n’a pas présenté l’avis requis au Tribunal, le 16 mars 2021, le Tribunal a envoyé au prestataire une lettre confirmant que les arguments fondés sur la Charte ne seraient pas abordés dans le cadre de son appel et que l’appel suivrait le processus régulier. Au début de l’audience, le prestataire a confirmé qu’il n’avait pas envoyé l’avis requis, car il avait décidé d’abandonner la contestation fondée sur la Charte. J’ai confirmé au prestataire que je n’examinerais aucun argument fondé sur la Charte dans le cadre de son appel.

Question en litige

[5] La question à trancher dans la présente affaire est de savoir si le prestataire aurait dû recevoir la PAEU au taux hebdomadaire de 500 $ ou s’il aurait dû toucher des prestations régulières d’assurance-emploi à un taux hebdomadaire s’élevant à 55 % de sa rémunération hebdomadaire assurable.

Analyse

[6] En réponse à la pandémie de COVID-19, certaines modifications ont été apportées à la Loi sur l’assurance-emploi. Parmi celles-ci, il y avait la création d’une nouvelle prestation temporaire, qui est entrée en vigueur le 15 mars 2020. On l’appelle la PAEUNote de bas de page 2. Elle est payable aux prestataires admissibles pour les périodes de deux semaines comprises dans la période du 15 mars 2020 au 3 octobre 2020.

[7] La Loi sur l’assurance-emploi définit les « prestataires » de la PAEU pour différentes raisons. Les « prestataires » ne sont pas uniquement les personnes qui ont cessé de travailler pour des raisons liées à la COVID-19.

[8] La loi prévoit que les personnes qui auraient pu voir établie à leur profit une période de prestations pour des prestations régulières d’assurance-emploi ou des prestations de maladie de l’assurance-emploi à partir du 15 mars 2020 sont considérées comme des prestataires aux fins de la PAEUNote de bas de page 3. Cette définition s’applique même si les personnes n’ont pas demandé la PAEU. La loi précise qu’aucune période de prestations ne peut être établie pour les prestations régulières ou les prestations de maladie de l’assurance-emploi pendant la période du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020Note de bas de page 4.

[9] Cela signifie que les prestataires dont la période de prestations aurait pu commencer durant la période du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020 n’ont pas la possibilité de choisir entre les prestations régulières et la PAEU. Il est possible d’établir une période de prestations seulement pour la PAEU.

[10] Pour être admissible à la PAEU, il faut aussi montrer qu’on n’a ni exercé un emploi ni touché un revenu pendant sept jours consécutifs compris dans la période de deux semaines pour laquelle on demande des prestationsNote de bas de page 5.

[11] La PAEU procure aux prestataires admissibles 500 $ par semaine pour un maximum de 24 semaines, moins toute semaine pour laquelle la personne reçoit des prestations au titre de la Loi sur la prestation canadienne d’urgence ou de la Loi sur la prestation canadienne d’urgence pour étudiants. Le taux est le même pour l’ensemble des prestataires qui reçoivent la PAEUNote de bas de page 6.

[12] Pour les prestations régulières d’assurance-emploi, le taux est de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la personne qui demande des prestations, jusqu’à concurrence d’un maximum. Selon le revenu de la personne, ce montant peut être supérieur ou inférieur à 500 $ par semaineNote de bas de page 7. En 2020, le taux hebdomadaire maximal pour les prestations régulières s’élevait à 573 $.

[13] La Commission fait valoir qu’une période de prestations pour les prestations régulières aurait pu être établie au profit du prestataire le 29 mars 2020, de sorte qu’il est un prestataire de la PAEU et que le taux hebdomadaire dans son cas s’élève à 500 $.

[14] Le prestataire affirme qu’il n’a pas été mis à pied pour des raisons liées à la COVID-19. Il a déclaré qu’il travaillait à la maison depuis huit mois et que son employeur avait acheté une autre entreprise en décembre 2019. Son employeur a commencé à mettre du personnel à pied pour réduire ses coûts et réorganiser ses activités. Selon le prestataire, il était l’une des premières personnes à être mis à pied. Il ajoute qu’il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi, et non la PAEU. Il a déclaré que la Commission avait d’abord établi sa période de prestations pour des prestations régulières, puis qu’elle l’avait modifiée de son propre chef le lendemain pour qu’il reçoive la PAEU. Le prestataire affirme qu’on lui a dit qu’il recevait la « PCU » et que c’est seulement après avoir entamé le processus d’appel qu’il s’est rendu compte qu’il avait touché la PAEU.

[15] Le prestataire fait valoir que l’assurance-emploi est un régime d’assurance et non un régime de prestations sociales. Il soutient qu’il est injuste que la PAEU soit versée à un taux fixe. Il a dit que les prestataires payaient des cotisations selon un pourcentage de leur salaire. Toutefois, les personnes qui versent des cotisations plus élevées en raison d’un salaire plus élevé sont pénalisées par le taux hebdomadaire de 500 $ de la PAEU, tandis que celles qui ont un salaire plus faible bénéficient du taux de 500 $. Le prestataire se demande comment le gouvernement peut modifier la loi pour établir un taux de prestations hebdomadaire standard de 500 $ alors que l’assurance-emploi est un régime d’assurance fondé sur les cotisations. Il se demande également pourquoi, s’il a reçu la PAEU, il a fallu six semaines à la Commission pour lui verser son premier paiement alors que les prestataires touchant la PCU recevaient un versement le lendemain.

[16] J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi et qu’il n’a pas été mis à pied pour des raisons liées à la COVID‑19. Toutefois, en dépit de ces faits, il est toujours considéré comme un prestataire de la PAEU si une période de prestations pour les prestations régulières avait pu être établie à son profit durant la période allant du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020. Je dois donc décider s’il était possible d’établir une telle période de prestations.

[17] Personne ne conteste le fait que le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 25 mars 2020 après sa mise à pied du 24 mars 2020.

[18] La loi prévoit qu’une période de prestations débute, selon le cas, le dimanche de la semaine durant laquelle survient l’arrêt de rémunération ou le dimanche de la semaine durant laquelle la demande initiale de prestations est formulée, si cette semaine est postérieure à celle de l’arrêt de rémunérationNote de bas de page 8.

[19] La Commission affirme que l’arrêt de rémunération du prestataire s’est produit le 24 mars 2020 et qu’il a présenté une demande de prestations le 25 mars 2020, de sorte que sa période de prestations aurait pu être établie le 22 mars 2020. Toutefois, selon la Commission, le prestataire a touché au cours de la semaine en question une rémunération qui aurait été déduite conformément à l’article 19 de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, la période de prestations a été établie à compter du 29 mars 2020, car c’était la période la plus avantageuse selon la situation du prestataire.

[20] Le prestataire a d’abord déclaré que la Commission lui avait expliqué pourquoi la date de début de la période de prestations serait le 29 mars 2020, ce qu’il n’a pas contesté. Plus tard, dans son témoignage, le prestataire a laissé entendre que la période de prestations aurait pu commencer le 15 mars 2020, car il avait le droit de toucher une rémunération de 1 000 $ par mois pendant qu’il recevait la PAEU. Vers la fin de l’audience, il a confirmé qu’il ne contestait pas la date du début de sa période de prestations comme étant le 29 mars 2020.

[21] Je juge qu’une période de prestations pour les prestations régulières aurait pu être établie au profit du prestataire après le 15 mars 2020. Une période de prestations aurait pu être établie à son profit le 22 mars 2020Note de bas de page 9, mais la Commission a établi la période de prestations à compter du 29 mars 2020, car cela était à son avantage. Le prestataire a accepté cette date de début de sa période de prestations, alors j’accepte le 29 mars 2020 comme étant le début de la période de prestations. Quoi qu’il en soit, la période de prestations pour les prestations régulières aurait pu être établie au profit du prestataire après le 15 mars 2020. Sa période de prestations n’aurait pas pu commencer le 15 mars 2020. Le prestataire a travaillé jusqu’au 24 mars 2020 et n’a pas demandé de prestations avant le 25 mars 2020. Comme une période de prestations pour les prestations régulières aurait pu être établie au profit du prestataire après le 15 mars 2020 et avant le 26 septembre 2020, je conclus qu’il est prestataire de la PAEU.

[22] La loi prévoit également qu’aucune période de prestations pour les prestations de maladie ou les prestations régulières de l’assurance-emploi ne peut être établie du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020. Par conséquent, il aurait été impossible d’établir une période de prestations pour les prestations régulières au profit du prestataireNote de bas de page 10.

[23] La Commission affirme que le prestataire est également « admissible » à la PAEU, car il n’a touché aucun revenu d’emploi pendant au moins sept jours consécutifs durant la période de deux semaines pour laquelle il a demandé les prestationsNote de bas de page 11. Je ne vois rien qui permettrait de contredire cette affirmation. J’accepte donc que le prestataire était admissible aux prestations de la PAEU à compter du 29 mars 2020.

[24] Je conclus que le prestataire a droit à la PAEU versée à raison de 500 $ par semaineNote de bas de page 12.

[25] Je reconnais la position du prestataire selon laquelle la Loi sur l’assurance-emploi est un régime d’assurance. Toutefois, les modifications apportées à la Loi sur l’assurance-emploi prévoient le versement de la PAEU à un taux fixe de 500 $, et je dois appliquer la loi.

[26] Il ne fait aucun doute que le prestataire est une personne qui travaille fort et qui a cotisé au régime d’assurance-emploi en s’attendant à ce que des prestations d’assurance-emploi lui soient versées à un certain taux. Il a plutôt reçu un montant fixe qui était plus petit, à savoir 500 $ par semaine. Pour les autres prestataires, les 500 $ de la PAEU étaient peut-être un montant plus élevé que le taux hebdomadaire des prestations régulières de l’assurance-emploi qui leur aurait été versées si une période de prestations avait été établie à leur profit. Je peux voir pourquoi cela peut sembler injuste aux yeux du prestataire. Je reconnais également sa frustration à l’égard du retard du versement de ce qu’on appelle des « prestations d’urgence ». Toutefois, même si je suis sensible à la situation du prestataire, je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire d’outrepasser la loi, peu importe le degré d’éloquence des circonstancesNote de bas de page 13.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté. La Commission a établi comme il se doit que le taux hebdomadaire de prestations à verser au prestataire était de 500 $.

 

Date de l’audience :

Le 30 mars 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

R. P., appelant

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