Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : HR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 222

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-2382

ENTRE :

H. R.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Lilian Klein
DATE DE L’AUDIENCE : Le 6 janvier 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 19 janvier 2021

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. Le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi à compter du 5 octobre 2020, parce qu’il était à l’étranger. Il est également inadmissible aux prestations parce qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler.

Aperçu

[2] Le prestataire occupait un emploi de coordonnateur de l’apprentissage en ligne lorsqu’il a été licencié temporairement, le 20 mars 2020. Le licenciement est devenu permanent le 10 juillet 2020. Le prestataire a aussi été licencié d’un deuxième emploi qui consistait à conduire des personnes à des rendez-vous à l’hôpital.

[3] Il a quitté le Canada le 16 juillet 2020 pour offrir un soutien moral à des membres de sa famille au Pakistan. Après avoir passé 15 jours en isolement à son arrivée, il a commencé à chercher du travail. Sa recherche d’emploi s’est limitée essentiellement à faire du porte à porte pour chercher des clients à qui offrir des cours privés d’anglais langue seconde.

[4] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 14 octobre 2020. En date de son audience, il n’était toujours pas rentré au Canada, bien qu’il affirme qu’il planifie revenir bientôt.

[5] La Commission a décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations à compter du 5 octobre 2020 parce qu’il était à l’étranger. Elle dit aussi que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler.

[6] Le prestataire est en désaccord. Il affirme avoir essayé de trouver du travail au Pakistan et être resté en contact avec ses anciens employeurs au Canada, et il soutient qu’il aurait pu rentrer au pays dans un délai de 48 heures si un poste lui avait été offert. Il fait valoir qu’une exception devrait être faite dans son cas pour la règle visant les prestataires à l’étranger en raison de sa situation.

[7] Je dois tenir compte des raisons pour lesquelles le prestataire se trouvait à l’extérieur du Canada pour décider si une exception peut être faite dans son cas. Je dois aussi examiner s’il était disponible pour travailler.

Ce que je dois examiner en premier

[8] Après l’audience, le prestataire a présenté des documents complémentaires. J’ai accepté ces documents comme étant pertinents pour l’appel parce qu’ils concernaient sa recherche d’emploi.

Questions en litige

[9] Le prestataire était-il inadmissible aux prestations parce qu’il était à l’étranger?

[10] Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étranger?

Analyse

Le prestataire était-il inadmissible aux prestations parce qu’il était à l’étranger?

[11] Selon la loi, une personne n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pour toute période pendant laquelle elle est à l’étrangerNote de bas de page 1.

[12] Il existe quelques exceptions à cette règleNote de bas de page 2, dont le fait de visiter un proche parent qui est gravement malade ou blessé (7 jours), d’assister aux funérailles d’un proche parent (7 jours), d’assister à une entrevue d’emploi (7 jours) ou de faire une recherche d’emploi sérieuse (14 jours)Note de bas de page 3.

[13] Les parties conviennent que le prestataire a voyagé à l’étranger et qu’il est parti le 14 juillet 2020. Il se trouvait encore à l’étranger lorsqu’il a présenté une demande de prestations; sa période de prestations commencerait le 5 octobre 2020 s’il répondait aux conditions nécessaires à l’obtention des prestations. La période que j’examine commence à cette date.

[14] La Commission affirme que le prestataire ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que les personnes qui sont à l’étranger sont déclarées inadmissibles aux prestations. La Commission fait valoir que le prestataire ne satisfait pas à l’une ou l’autre des exceptions à la règle visant les prestataires à l’étranger.

[15] La Commission dit avoir également déclaré le prestataire inadmissible aux prestations parce qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travaillerNote de bas de page 4. La Commission soutient qu’il n’a pas fait de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi et qu’il a mis des restrictions personnelles concernant sa disponibilité.

[16] Dans son témoignage, le prestataire a affirmé que le but de son voyage était d’abord de rendre visite à des membres de sa famille au Pakistan pour leur offrir un soutien moral, mais qu’il n’avait pas voyagé pour gérer une crise familiale en particulier ou pour assister aux funérailles d’un proche parent. Il dit qu’il prévoyait aussi chercher du travail, parce qu’il était incapable de trouver un autre emploi au Canada après son licenciement. Il dit avoir entendu dire que les occasions de travailler étaient plus nombreuses au Pakistan qu’au Canada. Il fait valoir qu’une exception devrait être ajoutée à la loi afin d’accommoder les prestataires qui essaient de trouver du travail à l’étranger. Il dit que le fait qu’il a trouvé des clients au Pakistan devrait prouver qu’il était disponible pour travailler.

[17] J’accorde peu de poids à la longue liste d’adresses soumise par le prestataire après l’audience pour montrer qu’il a frappé à de nombreuses portes après son arrivée au Pakistan en juillet 2020Note de bas de page 5. La liste n’est pas datée. Elle ne décrit pas les démarches précises effectuées pour trouver un emploi après que le prestataire a perdu les clients de ses cours d’anglais langue seconde. La liste ne prouve pas qu’il était au Pakistan au début d’octobre 2020 pour faire une recherche d’emploi sérieuse.

[18] J’estime que le prestataire est inadmissible aux prestations à compter du 5 octobre 2020, puisqu’il se trouvait à l’étranger pendant la période de la demande. Son témoignage ne démontre pas qu’il a voyagé pour des raisons qui le rendraient admissible à une exception à la règle visant les prestataires à l’étranger. Il m’a demandé de permettre une nouvelle exception, mais je n’ai pas le pouvoir de modifier les dispositions législatives ni d’en ajouter pour tenir compte de sa situationNote de bas de page 6.

Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étranger?

[19] Deux articles de loi différents exigent que les prestataires prouvent leur disponibilité pour travailler. La Commission a déclaré le prestataire inadmissible au titre de ces deux articles. Il doit donc satisfaire aux critères de ces deux articles pour obtenir des prestations.

[20] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que les personnes doivent prouver qu’elles ont fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 7. Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce les critères qui aident à expliquer ce qu’on entend par des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 8 ». Je vais examiner ces critères ci‑dessous.

[21] Deuxièmement, la Loi prévoit que les parties prestataires doivent prouver qu’elles sont « capables de travailler et disponibles à cette fin » et incapables d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 9. La jurisprudence énumère trois éléments que doit prouver une personne pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 10. Je vais examiner ces facteurs ci-dessous.

[22] La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de la Loi. Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles afin de décider s’il était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[23] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 11. Je dois examiner si ses démarches étaient soutenues et si elles étaient orientées vers l’obtention d’un emploi convenable. Autrement dit, les prestataires doivent continuer d’essayer de trouver un emploi.

[24] Je dois aussi tenir compte des démarches qu’a faites le prestataire pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi énumère neuf activités de recherche d’emploi. En voici quelques exemplesNote de bas de page 12 :

  • l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement;
  • la communication avec des employeurs éventuels;
  • la présentation de demandes d’emploi;
  • la participation à des entrevues.

[25] La Commission affirme que le prestataire n’a pas fait suffisamment de démarches pour essayer de trouver un emploi. Elle dit qu’il ne s’est pas acquitté de sa responsabilité de prouver qu’il cherchait activement un emploi et qu’il aurait été capable de rentrer au Canada dans les 48 heures si un emploi lui avait été offert.

[26] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit qu’il a commencé à chercher du travail au Pakistan immédiatement après la fin de la quarantaine obligatoire de 15 jours. Le prestataire dit que ses démarches prouvent qu’il était disponible pour travailler. Il a fait du porte à porte dans les résidences et les entreprises pour essayer d’offrir des cours privés d’anglais langue seconde à d’éventuels clients. Il s’agissait d’emplois à court terme, mais il dit avoir trouvé récemment un autre travail.

[27] Le prestataire a présenté une liste de 16 pages comprenant des adresses où il s’est rendu après son arrivée au Pakistan pour essayer de trouver des clients pour ses cours d’anglais.

[28] Le prestataire dit avoir laissé ses coordonnées à ses deux anciens employeurs au Canada, dans l’espoir d’être rappelé au travail. Il a aussi demandé à un ancien collègue de chercher des emplois pour lui. Il soutient qu’il aurait pu revenir au Canada dans un délai de 48 heures si un emploi lui avait été promis. Il dit qu’il n’a pas postulé pour un emploi au Canada pendant qu’il était au Pakistan.

[29] J’estime que le prestataire n’a pas démontré que ses démarches pour trouver du travail étaient habituelles et raisonnables. Il n’a pas postulé pour des emplois au Pakistan afin de préparer son déménagement; aucune entrevue ni réunion n’avait été prévue en vue de son arrivée, comme c’est le cas pour une recherche d’emploi sérieuse.

[30] La preuve montre qu’une fois rendu au Pakistan, le prestataire a axé ses efforts sur une seule méthode de recherche d’emploi, le porte à porte, dans l’espoir de trouver des clients pour ses cours privés d’anglais langue seconde. Il dit avoir obtenu une entrevue pour un poste à l’université, ce qui démontre qu’il a posé sa candidature à un poste disponible seulement. Il a affirmé s’être rendu dans des entreprises et des maisons privées, mais la liste de ses recherches d’emploi ne contient aucun nom d’entreprise. Cela nuit à la crédibilité de sa preuve.

[31] Le prestataire dit qu’il n’a postulé à aucun emploi au Canada pendant son séjour au Pakistan, pas même maintenant, afin de préparer son retour. Il attend que ses anciens employeurs au Canada le rappellent au travail, toutefois les prestataires doivent continuer de chercher du travail plutôt que de se contenter d’attendre qu’on les rappelleNote de bas de page 13.

[32] Le prestataire dit qu’il n’y avait pas d’emploi pour lui au Canada, mais les cours affirment que peu importe si les prestataires croient avoir de faibles chances de trouver un emploi, seules les personnes qui cherchent activement du travail peuvent toucher des prestationsNote de bas de page 14. Le prestataire n’a pas fourni d’éléments de preuve concernant une recherche d’emploi active pour la période commençant le 6 octobre 2020, que ce soit au Pakistan ou au Canada.

[33] Pour ces raisons, j’estime que le prestataire n’a pas fait de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

Capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenable

[34] Je dois aussi examiner la question de savoir si le prestataire a démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 15. Il doit prouver trois choses afin de démontrer qu’il est disponible selon cet article :

  1. qu’il a le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable sera disponible;
  2. que ce désir est exprimé par des efforts pour trouver un travail convenable;
  3. qu’il n’a pas mis de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 16.

[35] Je dois prendre en compte chacun de ces éléments pour pouvoir trancher la question de la disponibilitéNote de bas de page 17. Je dois aussi examiner l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 18.

Le prestataire a-t-il le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable sera disponible?

[36] Le prestataire a démontré le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable sera disponible. Il espérait être rappelé pour reprendre ses emplois au Canada. Il a aussi accepté des mandats comme enseignant au Pakistan lorsque du travail était disponible, même si c’était moins lucratif que son dernier emploi.

Le prestataire a-t-il fait des efforts pour trouver un emploi convenable?

[37] Le prestataire n’a pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable. Même si ce n’est pas obligatoire, j’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi énumérées plus haut pour m’éclairer dans ma décision relative à ce deuxième élément. Les démarches du prestataire pour trouver un nouvel emploi se sont limitées essentiellement à faire de la sollicitation de façon aléatoire dans les résidences pour essayer de trouver du travail d’enseignement privé. Ces démarches ne sont pas suffisantes pour satisfaire aux exigences de ce deuxième élément, particulièrement en raison du fait que son expérience en technologies de l’information lui donnait accès à une foule de renseignements au sujet d’éventuels employeurs et entreprises ayant des postes disponibles.

Le prestataire a-t-il établi des conditions personnelles qui pourraient avoir limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[38] J’estime que le prestataire a établi de telles conditions personnelles. Il affirme que ce n’est pas le cas, puisqu’il était prêt à parcourir n’importe quelle distance pour travailler et à accepter un salaire inférieur à celui qu’il touchait auparavant. La Commission affirme que son souhait de demeurer au Pakistan plutôt que de retourner au Canada est une condition personnelle qui l’a empêché d’avoir accès au marché du travail canadien.

[39] J’estime que le prestataire a établi une condition personnelle en limitant sa recherche d’emploi au Pakistan. Il dit qu’il serait rentré au Canada dans un délai de 48 heures si un emploi lui avait été offert, mais j’accorde peu de poids à cette déclaration parce qu’il avait arrêté de postuler pour des emplois au Canada.

Le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenable?

[40] Compte tenu de mes conclusions à l’égard de chacun des éléments pris individuellement et de leur effet cumulatif, j’estime que le prestataire n’a pas montré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[41] Je conclus que le prestataire est inadmissible aux prestations à compter du 5 octobre 2020, parce qu’il se trouvait à l’étranger et ne satisfaisait à aucune des exceptions à la règle visant les prestataires à l’étranger. Il est aussi inadmissible aux prestations parce qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler. Cela signifie que l’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 6 janvier 2021

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparution :

H. R., appelant

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