Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pendant sa suspension parce que son employeur l’a suspendu pour inconduiteFootnote 1.

Aperçu

[2] Le prestataire travaillait comme conducteur d’équipement lourd. Il doit avoir un permis de conduire valide pour travailler. Son employeur lui a demandé de lui fournir une copie de son permis de conduire et a découvert qu’il n’était pas valide. L’employeur a suspendu le prestataire, mais a par la suite changé la suspension pour un arrêt de travail pouvant s’étendre jusqu’à un an. Le prestataire pouvait reprendre le travail s’il récupérait son permis de conduire.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations parce qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Le prestataire n’est pas d’accord. Il n’a pas perdu son emploi. Il affirme que perdre son permis de conduire n’était pas une inconduite. Il a seulement oublié de s’acquitter des amendes impayées qui ont entraîné la suspension de son permis.

Questions que je dois examiner en premier

Le prestataire n’était pas présent à l’audience

[4] Le prestataire n’était pas à l’audienceFootnote 2. Une audience peut avoir lieu en l’absence du prestataire si celui-ci a reçu l’avis d’audience . Je crois que le prestataire a reçu cet avis parce que l’avis a été envoyé à l’adresse courriel qu’il a fournie au Tribunal et que le courriel n’a pas été retourné en tant que message non livrable. Le Tribunal a aussi appelé le prestataire le 12 février 2021 pour lui rappeler la tenue de l’audience. L’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais sans le prestataire.

L’employeur n’est pas une partie mise en cause au présent appel

[5] Le Tribunal a désigné l’ancien employeur du prestataire comme partie mise en cause potentielle à l’appel du prestataire. Il lui a donc envoyé une lettre pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il souhaitait être ajouté comme partie mise en cause. L’employeur n’a pas répondu avant la date de la présente décision. Puisqu’il n’y a rien au dossier qui indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme partie au présent appel.

Questions en litige

[6] Pourquoi le prestataire a-t-il cessé de travailler?

[7] Si le prestataire a été congédié ou suspendu, était-ce en raison d’une inconduite?

Analyse

Pourquoi le prestataire a-t-il cessé de travailler?

[8] J’estime que le prestataire a cessé de travailler parce que son employeur l’a suspendu.

[9] Les faits essentiels ne sont pas vraiment contestés. Le prestataire a cessé de travailler en mars 2020 lorsque l’employeur a découvert qu’il n’avait pas de permis de conduire valide. Plus tard, en mai 2020, le prestataire et son syndicat ont négocié un accord avec l’employeur. L’employeur a convenu que le prestataire pouvait s’absenter du travail pour une période maximale d’un an. Si le prestataire récupérait son permis de conduire pendant cette période, il pourrait reprendre le travail. S’il ne le faisait pas d’ici le 15 mars 2021, l’employeur le congédieraitFootnote 3.

[10] Le prestataire affirme qu’il a d’abord cessé de travailler parce que l’employeur l’a suspendu. L’employeur reconnaît qu’il a d’abord suspendu le prestataire le temps qu’il décide s’il devait le congédier. En fin de compte, il a accepté de lui accorder un délai maximal d’un an pour lui permettre de récupérer son permis et de reprendre le travailFootnote 4.

[11] La Commission a conclu que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations parce qu’elle a décidé que l’employeur avait congédié le prestataire pour inconduite. Elle a fondé sa décision sur les éléments suivants :

  • Les déclarations du prestataire dans sa demande de prestations. Le prestataire a précisé qu’il avait été [traduction] « congédié/suspendu » parce qu’il n’avait pas de permis de conduire valide.
  • Le relevé d’emploi émis par l’employeur le 17 avril 2020. L’employeur a indiqué [traduction] « autre » comme raison d’émission, mais a précisé dans les commentaires que le prestataire avait été [traduction] « congédié jusqu’à ce qu’il puisse obtenir son permis ».

[12] L’employeur a plus tard émis un relevé d’emploi modifié dans lequel il a supprimé la référence au congédiement du prestataire. Les commentaires modifiés indiquent que le prestataire avait été licencié jusqu’à ce qu’il récupère son permis.

[13] Selon la Loi sur l’assurance-emploi, il y a deux types de sanctions liées à l’inconduite. Si un employeur congédie une partie prestataire pour inconduite et met un terme à la relation de travail, la Commission exclut la partie prestataire du bénéfice des prestationsFootnote 5. Autrement dit, la partie prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi jusqu’à ce qu’elle ait travaillé assez d’heures dans le cadre d’un autre emploi pour être de nouveau admissible à des prestations.

[14] Si un employeur suspend une partie prestataire pour inconduite, la Commission rend alors inadmissible la partie prestataireFootnote 6. Par conséquent, la partie prestataire ne peut pas recevoir de prestations pendant la suspension, mais l’inadmissibilité prend fin lorsque la partie prestataire reprend le travail.

[15] Que l’employeur congédie le prestataire ou le suspende, la question consiste toujours à savoir si le prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite. La seule chose qui diffère est la sanction : il s’agit soit d’une exclusion, soit d’une inadmissibilité.

[16] Le prestataire affirme qu’il n’a pas été congédié. Il soutient qu’il a d’abord cessé de travailler parce qu’il a été suspendu, mais qu’il est maintenant en arrêt de travail.

[17] Je suis d’accord avec le prestataire. J’estime que la preuve appuie le fait que l’employeur a suspendu le prestataire en mars 2020. Ce fait est corroboré par les déclarations cohérentes du prestataire à la Commission et au Tribunal, son choix de demande initiale de prestations d’assurance-emploi ainsi que la déclaration de l’employeur à la Commission selon laquelle le prestataire a été suspendu.

[18] Je reconnais que l’accord du 21 mai 2020 a permis de changer la suspension du prestataire pour un arrêt de travail. Toutefois, cet accord ne modifie pas la raison pour laquelle le prestataire a cessé de travailler en premier lieu. Le prestataire a cessé de travailler parce que l’employeur l’a suspendu.

[19] Je vais maintenant me pencher sur la question de savoir si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Pour trancher la question, je dois décider deux choses. Tout d’abord, je dois examiner la raison pour laquelle le prestataire a été suspendu. Puis, je dois décider si cette raison est une inconduite au sens de la loi.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu?

[20] Les deux parties s’entendent sur la raison pour laquelle le prestataire a été suspendu. L’employeur a suspendu le prestataire parce qu’il n’avait pas de permis de conduire valide. Comme ce fait n’est pas contesté, j’accepte que le prestataire ait été suspendu parce qu’il n’avait pas de permis de conduire valide.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[21] Oui, la raison de la suspension du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[22] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être volontaire. Autrement dit, la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleFootnote 7. Par inconduite, on entend aussi tout acte si insouciant qu’il frôle le caractère délibéréFootnote 8. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait une intention injustifiée (autrement dit, il n’est pas nécessaire que le prestataire veuille faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiFootnote 9.

[23] Il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exercice de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéFootnote 10.

[24] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. La Commission doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduiteFootnote 11.

[25] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait que détenir un permis de conduire valide était une condition d’emploi. Pourtant, il a laissé son permis expirer. De plus, la Commission soutient que le prestataire aurait dû connaître les conséquences liées à la perte de son permis étant donné qu’il s’agissait d’une condition d’emploi.

[26] L’employeur a dit à la Commission que le prestataire devait avoir un permis de conduire pour travailler en tant que conducteur d’équipement lourd. L’employeur a dit que le prestataire connaissait cette condition parce qu’il lui avait expliqué lorsqu’il l’avait embauché. Tous les membres du personnel reçoivent un livre des politiques qui énonce clairement cette condition d’emploi.

[27] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il devait avoir un permis de conduire pour travailler. Il affirme plutôt qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’il ne savait pas que son permis avait été suspendu.

[28] Le prestataire a dit que son permis avait été suspendu en raison d’amendes impayées pour conduite sans assurance il y a longtemps. Il a payé les amendes au fil des ans, mais il s’agissait d’amendes salées. Il avait auparavant demandé aux tribunaux de repousser la date limite pour s’acquitter de ses amendes. Toutefois, il avait vécu une situation personnelle stressante au cours des dernières années et avait oublié de demander une prolongation du délai et de payer ses amendes.

[29] Le prestataire affirme que son oubli n’est pas une inconduite parce qu’il s’occupait d’autres problèmes importants, notamment en ce qui concerne son revenu et son logement, mais aussi en ce qui a trait à des questions de succession et de garde.

[30] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait qu’il ne pouvait pas conserver son emploi sans son permis de conduire. Il savait aussi que ses amendes impayées avaient entraîné la suspension de son permis. Par conséquent, le fait de ne pas s’acquitter des amendes impayées pour conserver son permis de conduire était si insouciant qu’il a frôlé le caractère délibéréFootnote 12.

[31] Le prestataire a reconnu qu’il avait ces amendes impayées depuis la dernière décennie. Il avait déjà commencé à les payer. Il avait demandé aux tribunaux de repousser la date limite pour les payer. Le prestataire savait très bien qu’il devait s’acquitter de ces amendes et que des conséquences s’ensuivraient s’il ne les payait pas. Bien que cela soit compréhensible, j’estime que la situation personnelle stressante qu’a vécue le prestataire n’excuse pas le fait qu’il n’ait pas pris de mesure pour respecter une condition de travail essentielle, c’est-à-dire avoir un permis de conduire valide.

[32] Le prestataire a aussi déclaré que son permis de conduire avait déjà été suspendu à plusieurs reprises par le passé. Malgré tout, il admet ne pas avoir vérifié son permis de conduire pour s’assurer qu’il était valide. Le prestataire a dit que vérifier fréquemment la validité de son permis de conduire n’est pas une mesure raisonnable. Je ne suis pas d’accord. Avec les nombreuses suspensions de son permis et les amendes salées qu’il a depuis longtemps, le prestataire avait toutes les raisons de se demander si son permis était valide. Vérifier la validité de son permis aurait donc été une mesure raisonnable. Ne pas le faire contribue au fait d’établir que les actes du prestataire étaient si insouciants qu’ils étaient délibérés.

Par conséquent, le prestataire a-t-il été suspendu pour inconduite?

[33] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, j’estime que le prestataire a été suspendu pour inconduite.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu pour inconduite. Pour cette raison, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 15 février 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

Aucune

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