Assurance-emploi (AE)

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Citation : MD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 248

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (416465) datée du 25
février 2021 rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 20 avril 2021
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : 7 mai 2021
Numéro de dossier : GE-21-441

Sur cette page

Institution :
Décision du Tribunal de la sécurité sociale - Division générale - Section de l’assurance-emploi
Membre :
Normand Morin
Date de l'audience :
Le 20 avril 2021
Mode d'audience :
Vidéoconférence
Entre :
M. D. et Commission de l’assurance-emploi du Canada
Décision :
Appel rejeté
Date de la décision :
Le 7 mai 2021
Numéro de référence :
GE-21-441
Citation :
MD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 248

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelant ne démontre pas qu’il était justifié de quitter volontairement son emploiNote de bas de page 1. Son exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi, à compter du 29 novembre 2020, est donc justifiée.

Aperçu

[2] Du 9 novembre 2020 au 3 décembre 2020 inclusivement, l’appelant a travaillé comme « journalier polyvalent » à X (l’employeur) et a cessé d’y travailler après avoir effectué un départ volontaire.

[3] Le 3 février 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), l’informe qu’il n’a pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi à partir du 29 novembre 2020, car il a volontairement arrêté de travailler pour l’employeur, le 3 décembre 2020, sans motif valable au sens de la LoiNote de bas de page 2.

[4] L’appelant soutient qu’il avait une raison valable de quitter son emploi. Il explique que pour commenter sa consommation d’alcool, son contremaître a communiqué avec sa conjointe au lieu de lui en parler directement. L’appelant explique qu’il n’a pas accepté que le contremaître se mêle ainsi de sa vie privée ou lui donne des directives en dehors du cadre du travail, d’autant plus que ses commentaires n’étaient pas fondés. L’appelant affirme qu’il ne consommait pas d’alcool durant ses quarts de travail ni avant de les commencer. Le 8 mars 2021, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission.  Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[5] Dans le présent dossier, je dois déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi.

[6] Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?
  • Si tel est le cas, est-ce que son départ volontaire représentait la seule solution raisonnable dans son cas?

Analyse

[7] La Loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Il ne suffit pas d’avoir un motif valable, c’est-à-dire une bonne raison de quitter un emploi, pour prouver que le départ était fondé.

[8] Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) indiquent que le critère visant à déterminer si le prestataire est fondé de quitter son emploi consiste à se demander si en tenant compte de toutes les circonstances, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploiNote de bas de page 4.

[9] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand un prestataire quitte son emploi.

Question no 1 : Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?

[10] J’estime que dans le cas présent, la fin d’emploi de l’appelant représente bien un départ volontaire au sens de la Loi.

[11] Je considère que l’appelant a eu le choix de continuer de travailler chez l’employeur, mais qu’il a décidé de quitter volontairement son emploi.

[12] La Cour nous informe que dans un cas de départ volontaire, il faut d’abord déterminer si la personne avait le choix de conserver son emploiNote de bas de page 5.

[13] Les explications données par l’appelant indiquent qu’il a quitté volontairement son emploiNote de bas de page 6.

[14] L’appelant ne conteste pas le fait qu’il a quitté volontairement son emploi.

[15] Je considère que l’appelant avait la possibilité de poursuivre son emploi, mais qu’il a pris l’initiative de mettre fin à son lien d’emploi en signifiant à l’employeur qu’il n’allait pas continuer de l’occuper.

[16] Je dois maintenant déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi et s’il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.

Question no 2 : Est-ce que le départ volontaire de l’appelant représentait la seule solution raisonnable dans son cas?

[17] Je considère que le départ volontaire de l’appelant ne représentait pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[18] Je considère que son motif pour avoir quitté volontairement son emploi ne démontre pas qu’il était justifié de le faire au sens de la Loi. Ce motif réfère au fait que son contremaître a communiqué avec la conjointe de l’appelant pour commenter la consommation d’alcool de ce dernier.

[19] Les déclarations recueillies par la Commission auprès de l’employeur (responsable des ressources humaines) indiquent les éléments suivants :

  1. L’appelant travaillait de nuit et voyageait avec son contremaître (contremaître de nuit)Note de bas de page 7 ;
  2. L’employeur affirme que l’appelant sentait l’alcool lorsqu’il arrivait au travail. Le contremaître de jour en a fait la constatation. L’appelant a été avisé verbalement à plusieurs reprises à cet effet, mais ce problème n’a pas été corrigé. Étant donné que la situation n’a pas été corrigée, le contremaître de nuit, qui connaissait la conjointe de l’appelant, a décidé de communiquer avec elle pour lui demander d’aviser l’appelant de cesser de boire de l’alcool avant de se rendre au travail. Ce dernier n’a pas apprécié ni accepté ce geste et a décidé de quitter subitement son emploiNote de bas de page 8 ;
  3. L’employeur explique que l’appelant aurait pu venir le voir afin de trouver une autre personne avec qui il aurait pu voyager pour le travail, étant donné le conflit survenu avec son contremaître. L’appelant n’a rien fait pour demeurer à son emploi. Lorsque l’appelant l’a appelé pour discuter de l’événement s’étant produit le 25 novembre 2020, il a insisté pour dire qu’il avait remis sa démissionNote de bas de page 9 ;
  4. Selon l’employeur, il serait étonnant que le contremaître ait communiqué avec la conjointe de l’appelant concernant les tâches que l’appelant devait exécuter. L’employeur précise que le contremaître ne savait pas à l’avance les tâches qu’il y avait à accomplirNote de bas de page 10.

[20] L’appelant soutient qu’il était justifié de quitter volontairement son emploi. Son témoignage et ses déclarations à la Commission indiquent les éléments suivants :

  1. Le 25 novembre 2020, l’appelant a pris connaissance d’un message texte (texto) que son contremaître a envoyé à sa conjointe le même jour, avant de commencer son quart de travail (quart de travail de nuit). Dans ce message, le contremaître indique que l’appelant ne devrait pas prendre de bière « l’après-midi » et que des personnes lui ont dit que cela avait été le cas le mardi précédent (24 novembre 2020), étant donné l’odeur d’alcool qu’il avait dégagéNote de bas de page 11 ;
  2. L’appelant déclare que c’était la première fois que le contremaître communiquait avec sa conjointe pour lui transmettre un message concernant son travail. Il précise que c’est ce message qui a fait en sorte qu’il a annoncé à son contremaître qu’il quittait son emploi. Selon l’appelant, cela constituait une raison valable pour quitter son emploiNote de bas de page 12 ;
  3. L’appelant explique ne pas avoir accepté que son contremaître communique avec sa conjointe concernant son comportement et qu’il se mêle ainsi de sa vie privée ou qu’il lui donne des ordres en dehors du travail. Personne ne devrait avoir le droit de lui dicter quoi faire chez lui. L’appelant affirme qu’il n’a jamais consommé d’alcool au travail ni dans l’après-midi, avant de commencer son quart de travail. Selon l’appelant, son contremaître a porté de fausses accusations à son endroit en raison du message qu’il a transmis à sa conjointe et qu’il n’avait pas à tolérer celaNote de bas de page 13 ;
  4. Dans ses déclarations des 7 décembre 2020 et 3 février 2021 à la Commission, l’appelant explique que son contremaître écrivait à sa conjointe concernant les tâches à effectuer durant la journée au lieu de communiquer directement avec lui. Le contremaître disait aussi à l’appelant quoi faire ou ne pas faire lorsqu’il ne travaillait pasNote de bas de page 14 ;
  5. Le 25 novembre 2020, après avoir pris connaissance du message du contremaître, l’appelant a communiqué avec lui pour lui dire qu’il n’avait pas à communiquer avec sa conjointe pour lui formuler des commentaires le concernant ou au sujet de son travail. Il lui a signifié qu’il n’avait pas à l’accuser d’une chose qu’il n’avait pas faite. L’appelant, qui voyageait avec le contremaître pour son travail depuis le début de son emploi, lui a dit de ne pas venir le chercher, car il démissionnait. L’appelant a également formulé le commentaire suivant à son contremaître : « […] Tu te la fourreras dans le cul ta job […] »Note de bas de page 15. L’appelant n’est pas retourné travailler pour l’employeur. Son dernier jour de travail fut le 24 novembre 2020Note de bas de page 16 ;
  6. L’appelant affirme que l’employeur, incluant son contremaître, ne lui a jamais fait de commentaires concernant sa consommation d’alcool ou l’odeur d’alcool qu’il pouvait dégager ni ne lui a donné d’avertissement à ce sujet ;
  7. Le 7 décembre 2020, soit environ deux semaines après avoir annoncé à son contremaître qu’il quittait son emploi, l’appelant a communiqué avec le responsable des ressources humaines pour lui donner des explications à ce sujet. L’appelant explique ne pas s’être rendu au travail le 25 novembre 2020 pour se plaindre du geste posé par son contremaître auprès de l’employeur, parce qu’il n’y a pas pensé « sur le coup ». L’appelant explique avoir été « frustré » du fait que son contremaître avait communiqué avec sa conjointe le 25 novembre 2020Note de bas de page 17 ;
  8. L’appelant n’a pas fait de démarches ou d’efforts pour se trouver un nouvel emploi avant de quitter celui qu’il avaitNote de bas de page 18.

[21] La Commission soutient que l’appelant n’était pas justifié de quitter son emploi, car il n’a pas démontré avoir épuisé toutes les solutions raisonnables avant de le faireNote de bas de page 19.

[22] La Commission fait valoir qu’une des solutions raisonnables aurait été que l’appelant discute avec son employeur et tente de trouver une solution au comportement reproché à son contremaître. Selon la Commission, les éléments de preuve démontrent que l’appelant a choisi de démissionner alors qu’il n’y avait pas d’urgence pour le faire. Elle souligne que l’appelant n’a pas considéré la possibilité de discuter avec son employeur pour trouver une solution à son problème de déplacement ni considéré la possibilité de trouver un emploi équivalent avant de démissionnerNote de bas de page 20.

[23] Dans le cas présent, je considère que l’appelant ne démontre pas qu’il était fondé de quitter son emploi. Il n’avait pas une raison acceptable selon la Loi.

[24] Il ressort du témoignage et des déclarations de l’appelant que c’est en raison du commentaire que son contremaître a transmis par texto à sa conjointe, et non à lui-même, pour qu’il sache que des personnes avaient remarqué qu’il dégageait une odeur d’alcool à son arrivée au travail, qu’il a quitté son emploi.

[25] J’estime que cet événement représente un geste ponctuel isolé qui ne démontre pas que l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.

[26] Dans ses déclarations à la Commission, l’appelant indique aussi que son contremaître écrivait à sa conjointe concernant les tâches à effectuer durant la journée au lieu de communiquer directement avec luiNote de bas de page 21.

[27] Sur ce point, je souligne que lors de son témoignage, l’appelant précise que le message que sa conjointe a reçu du contremaître le 25 mars 2020, était le premier message que celui-ci lui envoyait le concernant ou concernant son travail.

[28] Même si l’appelant fait valoir qu’il n’a pas accepté que le contremaître s’adresse à sa conjointe pour commenter son travail ou sa vie personnelle, cela ne démontre pas que ses conditions d’emploi étaient devenues telles qu’elles pouvaient justifier son départ volontaire.

[29] En quittant volontairement son emploi, l’appelant a créé sa propre situation de chômage.

[30] J’estime que l’appelant avait d’autres choix que celui de quitter son emploi.

[31] Je considère qu’une solution raisonnable au sens de la Loi, par exemple, aurait été qu’avant d’effectuer son départ volontaire, l’appelant discute avec l’employeur afin de lui signifier le problème créé par le fait que son contremaître lui communique un message par l’entremise d’un texto adressé à sa conjointe. L’appelant aurait pu ainsi faire en sorte que l’employeur intervienne auprès du contremaître afin qu’une telle situation ne se répète pas dans l’avenir.

[32] Le témoignage de l’appelant indique qu’il a communiqué avec l’employeur plus de deux semaines après avoir effectué son départ volontaire pour lui donner sa version et non pour tenter de trouver une solution.

[33] J’estime que l’appelant a ainsi placé l’employeur devant un fait accompli sans lui indiquer qu’il était prêt à reprendre le travail.

[34] Je souligne que les déclarations de l’employeur indiquent que l’appelant aurait pu venir le voir afin de trouver une autre personne avec laquelle voyager au travail que le contremaître avec lequel il était en conflit. L’employeur précise que l’appelant n’a pas fait une telle démarche.

[35] Une autre solution raisonnable aurait été que l’appelant s’assure d’obtenir un autre emploi avant d’effectuer son départ volontaire.

[36] J’estime que l’appelant ne démontre pas qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi.

Conclusion

[37] Je conclus, compte tenu de toutes les circonstances, que l’appelant n’était pas justifié de quitter volontairement son emploi.

[38] L’exclusion de l’appelant du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 29 novembre 2020 est justifiée.

[39] L’appel est rejeté.

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