Assurance-emploi (AE)

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Citation : SL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 249

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (393743) datée du 22
septembre 2020 rendue par la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (communiquée par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 4 mai 2021
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 14 mai 2021
Numéro de dossier : GE-21-498

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] Je conclus que l’imposition à l’appelant d’une pénalité pour avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses en toute connaissance de cause, est justifiéeNote de bas page 1.

[3] Je conclus que l’émission d’un avis de violation à l’endroit de l’appelant, à la suite d’une pénalité qui lui a été infligée pour avoir perpétré un acte délictueux, n’est pas justifiéeNote de bas page 2.

Aperçu

[4] Le 19 juin 2018, l’appelant présente une demande de prestations d’assurance-emploi. Une période de prestations a été établie à compter du 3 juin 2018.

[5] Le 4 mars 2020, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) l’avise que selon ses dossiers, il a omis de l’informer de tous ses revenus provenant des employeurs X et X, à titre de salaire. Elle lui indique avoir conclu qu’il a fait 11 fausses déclarations en toute connaissance de cause dans 11 déclarations qu’il a présentées pour réclamer des prestations. La Commission lui explique qu’en conséquence, une pénalité de 4 618,00 $ lui est imposée. Elle l’avise également qu’un avis de violation qualifié de « violation très grave » est émis à son endroitNote de bas page 3.

[6] Le 22 septembre 2020, à la suite d’une demande de révision, la Commission avise l’appelant qu’elle maintient la décision rendue à son endroit, en date du 4 mars 2020Note de bas page 4.

[7] L’appelant soutient ne pas avoir fait de déclarations fausses ou trompeuses à la Commission. Il affirme ne pas avoir rempli de déclarations du prestataire pour la période échelonnée du 5 août 2018 au 5 janvier 2019. L’appelant affirme avoir été victime d’un vol de ses données personnelles ou d’identité et que quelqu’un d’autre a utilisé ses renseignements pour remplir, à sa place, ses déclarations du prestataire. Il explique qu’à la suite de la présentation de sa demande de prestations en juin 2018, il a rempli ses déclarations du prestataire, mais a cessé de les remplir lorsqu’il a commencé à travailler à temps plein ou à suivre une formation rémunérée donnée par son employeur, le 14 août 2018. L’appelant indique avoir ainsi omis de déclarer qu’il avait commencé à travailler. Il affirme ne pas avoir constaté que des prestations lui avaient été versées dans son compte bancaire après avoir commencé à travailler le 14 août 2018. Le 23 mars 2021, l’appelant conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[8] Dans le présent dossier, je dois déterminer si l’imposition d’une pénalité à l’appelant pour avoir perpétré un acte délictueux en faisant des déclarations fausses ou trompeuses en toute connaissance de cause, est justifiéeNote de bas page 5.

[9] Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • L’appelant a-t-il fait des déclarations fausses ou trompeuses?
  • Si tel est le cas, l’appelant savait-il que ses déclarations étaient fausses ou trompeuses?
  • La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a imposé une pénalité à l’appelant?

[10] Je dois aussi déterminer si l’émission d’un avis de violation à l’endroit de l’appelant, à la suite d’une pénalité qui lui a été infligée pour avoir perpétré un acte délictueux, est justifiéeNote de bas page 6.

[11] Pour cela, je dois répondre à la question suivante :

  • La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a émis un avis de violation à l’endroit de l’appelant?

Analyse

Déclarations fausses ou trompeuses

[12] Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) ont confirmé le principe selon lequel il n’y a déclaration fausse ou trompeuse que lorsque les prestataires savent de façon subjective que les informations qu’ils ont données ou les déclarations qu’ils ont faites ou celles qui les concernaient étaient faussesNote de bas page 7.

[13] La Cour nous informe que le fardeau de la preuve qui incombe à la Commission est d’établir, selon la prépondérance des probabilités, et non hors de tout doute raisonnable, que le prestataire a fait des déclarations fausses ou trompeusesNote de bas page 8. Cela signifie que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’un prestataire a fait des déclarations fausses ou trompeuses.

[14] La Cour nous indique aussi de quelle manière la Commission peut être justifiée de se donner des lignes directrices en matière d’imposition de pénalités, de façon à assurer une certaine cohérence à l’échelle nationale et éviter l’arbitraire en ces matièresNote de bas page 9.

Question no 1 : L’appelant a-t-il fait des déclarations fausses ou trompeuses?

[15] Dans le cas présent, je considère que l’appelant a fait des déclarations fausses ou trompeuses en indiquant qu’il n’a pas travaillé et n’a pas touché de salaire au cours de la période échelonnée du 12 août 2018 au 5 janvier 2019, malgré ses affirmations selon lesquelles il n’a pas rempli ses déclarations du prestataire pour cette période.

[16] Selon les explications de l’appelant, il a été victime d’un vol de ses données personnelles ou d’identité et quelqu’un d’autre que lui a rempli ses déclarations du prestataire pour la période en cause. Cette situation explique, selon lui, les fausses déclarations qui lui sont reprochées.

[17] La preuve recueillie par la Commission démontre que l’appelant a travaillé pendant toute la période en cause, mais que le revenu ou le salaire qu’il en a tiré n’a pas été déclaré sur les déclarations du prestataire de ce dernierNote de bas page 10.

[18] Les renseignements obtenus par la Commission de la part des employeurs X et X.Note de bas page 11 indiquent que l’appelant a travaillé pour ces employeurs du 12 août 2018 au 5 janvier 2019Note de bas page 12.

[19] L’appelant soutient ne pas avoir fait de déclarations fausses ou trompeuses en toute connaissance de cause. Son témoignage et ses déclarations à la Commission indiquent les éléments suivants :

  1. L’appelant déclare avoir présenté une demande de prestations, le 19 juin 2018, à la suite de laquelle des prestations lui ont été versées. Il indique avoir reçu un code d’accès. Il s’agit du même code d’accès que pour ses demandes de prestations antérieures. L’appelant explique ne pas avoir divulgué ou partagé volontairement ce code avec quelqu’un d’autreNote de bas page 13 ;
  2. L’appelant a lui-même rempli ses déclarations du prestataire, mais a cessé de le faire lorsqu’il a commencé à travailler à temps plein pour l’employeur X ou commencé à suivre une formation rémunérée chez cet employeur, à compter du 14 août 2018Note de bas page 14 ;
  3. L’appelant explique avoir omis de déclarer à la Commission qu’il avait commencé à travailler ou à suivre une formation rémunérée, à compter du 14 août 2018. Il déclare ne pas avoir rempli ses déclarations du prestataire pour la période échelonnée du 5 août 2018 au 5 janvier 2019Note de bas page 15, incluant celles où il aurait pu déclarer qu’il avait travaillé ou touché un salaire à compter du 14 août 2018Note de bas page 16. L’appelant dit ne pas avoir fait cette déclaration parce qu’il n’avait aucune certitude qu’il allait pouvoir continuer à travailler ou poursuivre sa formation chez l’employeur. Il indique qu’il ressentait aussi un peu d’instabilité mentale et émotionnelle, liée à son travail ;
  4. L’appelant explique qu’au début de l’été 2019, la Commission a communiqué avec lui pour l’informer du fait qu’il n’avait pas déclaré la rémunération que les employeurs X et X ont déclaré lui avoir versée pour la période du 30 septembre 2018 au 5 janvier 2019Note de bas page 17. Il dit avoir été « étonné » que la Commission communique avec lui. Dans le document « Demande de renseignements sur l’emploi » que la Commission lui a adressé, en date du 4 juin 2019, et qu’il a rempli le 9 juillet 2019, l’appelant indique être en désaccord avec les renseignements y apparaissant concernant la rémunération que les employeurs en question déclarent lui avoir versée. L’appelant indique n’avoir rien déclaré et n’avoir fourni aucune information sur son changement de statut professionnel depuis la fin du mois d’août 2018. Il dit constater qu’il a été victime d’un vol de données et d’identité. Il indique aussi n’avoir pris connaissance des lettres de la Commission (Service Canada) que le 8 juillet 2019, étant donné des problèmes existant dans l’acheminement de son courrierNote de bas page 18 ;
  5. L’appelant explique s’être rendu compte qu’il avait été victime d’un vol de ses données personnelles ou d’un vol d’identité en juillet 2019 après que la Commission ait communiqué avec lui au sujet du trop-payé en prestations découlant de la rémunération qu’il avait reçue en 2018Note de bas page 19. Selon lui, ce vol a été fait à partir de son ordinateur. Il explique avoir eu des problèmes avec son ordinateur dès l’été 2018. Lorsqu’il le démarrait et qu’il utilisait un navigateur (ex. : Internet Explorer ou Google Chrome) ou un moteur de recherche (ex. : Google) pour consulter des pages web, une page non sécurisée avec une adresse ou un lien Internet spécifique apparaissait (Savesurf.net). Il a fait réparer son ordinateur pour corriger ce problème. L’appelant a appris que deux virus s’étaient retrouvés sur son ordinateur, dont il fait mention dans son avis d’appelNote de bas page 20. Selon l’appelant, c’est lorsqu’il a acheté des logiciels ou des antivirus qu’il s’est « fait avoir ». L’appelant explique que le site sur lequel il se retrouvait ou le lien qu’il utilisait lorsqu’il avait un problème avec son ordinateur (Savesurf.net) est un site ou un lien menant à un « pirate de navigateur web » (« hijacker »). Selon lui, à partir de ce lien ou de cette adresse (Savesurf.net), le « pirate de navigateur web » s’est emparé de chacun des navigateurs installés dans l’ordinateur, a contrôlé les pages web et a enregistré toutes les recherches effectuées. Selon l’appelant, cette « arnaque » a fait en sorte que toutes ses recherches ou toutes les pages qu’il a utilisées ont été enregistrées avec les informations qu’elles contenaientNote de bas page 21 ;
  6. L’appelant explique qu’en raison du vol de ses données personnelles ou de son identité, quelqu’un a utilisé ses renseignements personnels pour faire ses déclarations du prestataireNote de bas page 22 ;
  7. L’appelant explique que son compte bancaire, dont il est le seul détenteur et le seul à y avoir accès, n’a toutefois pas été touché par ce volNote de bas page 23. Des prestations ont été déposées (dépôt direct) dans ce compte pour les périodes de déclaration du 5 août 2018 au 5 janvier 2019Note de bas page 24. Il indique que les sommes d’argent versées en prestations dans son compte n’ont pas été détournées au profit de quelqu’un d’autre. Dans sa déclaration du 6 août 2019 à la Commission, en réponse à une question lui demandant quels étaient les avantages pour un fraudeur de remplir des déclarations d’assurance-emploi si les prestations étaient versées dans le compte de la victime, l’appelant répond que c’est ce que font les fraudeursNote de bas page 25 ;
  8. L’appelant affirme qu’à la suite du vol de ses données personnelles ou de son identité, quelqu’un a aussi fait une commande sur le site d’achat en ligne eBay et le paiement s’est effectué par l’intermédiaire de son compte avec l’entreprise PayPal. Le paiement pour cette commande, que l’appelant n’a pas reçue, a été facturé par PayPal sur sa carte de crédit. Il s’agissait d’une carte de crédit Visa de la même institution financière où il détient un compte bancaire et dans lequel des prestations lui ont été versées. À la suite de la transaction faite sur eBay dont il n’était pas responsable, et après avoir constaté que ses renseignements personnels pouvaient avoir été utilisés de façon frauduleuse, l’appelant n’a pas fait de signalement auprès de la société émettrice de sa carte de crédit, soit pour contester cette transaction ou pour expliquer qu’il pouvait s’agir d’un vol de données personnelles. Il explique s’être toujours « arrangé » avec ses « troubles ». L’appelant souligne que si un achat avait été fait directement avec sa carte de crédit, sans qu’il en soit responsable, il aurait communiqué avec la société émettrice de sa carte de crédit. Il explique avoir communiqué avec PayPal et avoir changé son mot de passe auprès de cette entreprise. Il a aussi communiqué avec eBay à plusieurs reprises, mais cette démarche n’a rien donné. L’appelant a fermé son compte chez cette entreprise. L’appelant n’a pas non plus fait de signalement auprès du service de police à ce sujet. Il explique que les montants qui lui ont été réclamés sur son compte PayPal représentaient moins de 100,00 $. Il mentionne avoir aussi reçu des factures de Postes Canada et de l’entreprise ShawNote de bas page 26 ;
  9. L’appelant déclare ne pas avoir remarqué que des dépôts pour le paiement de prestations ont été effectués dans son compte pendant plusieurs mois, incluant la période des mois d’août 2018 à janvier 2019. L’appelant dit ne pas avoir fait de vérification des entrées et des sorties d’argent à partir de ce compte. Il précise ne pas avoir été « assidu » ou « présent » pour faire ce type de vérification. L’appelant fait toujours ses paiements par Internet, mais ne vérifie pas le solde de son compte par la suite et ne fait pas un bilan mensuel pour savoir ce qu’il peut acheter. Il n’est pas « à la cenne près » dans ses comptesNote de bas page 27 ;
  10. Ce n’est qu’au printemps 2020, soit durant la période de mars à mai 2020, lorsque des mesures de confinement étaient en vigueur en raison de la pandémie de COVID-19Note de bas page 28 que l’appelant a effectué des vérifications dans son compte bancaire. Il avait alors plus de temps pour le faire. C’est durant cette période qu’il a pris connaissance de tous les dépôts qui avaient été faits en prestations dans son compteNote de bas page 29 ;
  11. L’appelant indique être d’accord pour rembourser le montant du trop-payé qui lui est réclamé et découlant des sommes qui lui ont été versées en prestations. Il précise qu’il conteste la pénalité qui lui a été imposée et l’avis de violation émis à son endroitNote de bas page 30.

[20] Dans le cas présent, je considère que les éléments de preuve recueillis par la Commission démontrent que les déclarations du prestataire indiquant que l’appelant n’a pas travaillé et n’a pas touché de salaire au cours de la période échelonnée du 12 août 2018 au 5 janvier 2019 sont fausses ou trompeusesNote de bas page 31.

[21] L’appelant reconnaît qu’il a omis de déclarer qu’il avait commencé à travailler et à recevoir une rémunération ou à suivre une formation rémunérée à temps plein, le 14 août 2018. Je souligne qu’à la suite de cette omission, l’appelant n’a pas pris l’initiative de signaler ce fait à la Commission même plusieurs mois après cette date.

[22] Je ne trouve pas convaincante l’explication de l’appelant selon laquelle il a cessé de remplir ses déclarations lorsqu’il a commencé à travailler ou à suivre une formation chez l’employeur, car il n’avait pas l’assurance qu’il allait pouvoir continuer de le faire et que cette situation lui avait fait ressentir de l’instabilité aux plans mental et émotionnel.

[23] Je considère que selon la prépondérance des probabilités, l’appelant a lui-même rempli ses déclarations du prestataire durant la période du 12 août 2018 au 5 janvier 2019.

[24] Je considère que l’appelant ne fournit pas d’éléments de preuve concluants pouvant démontrer que son compte bancaire a fait l’objet d’un piratage informatique découlant d’un vol de ses données personnelles ou de son identité à partir de son ordinateur.

[25] Je ne peux prêter foi aux explications de l’appelant voulant qu’à la suite de ce piratage, selon lui, une autre personne aurait rempli à sa place ses déclarations du prestataire pour la période en cause, mais sans que cette personne n’encaisse les sommes versées en prestations.

[26] Je ne considère pas plausibles les affirmations de l’appelant selon lesquelles un vol de ses données personnelles ou de son identité est à l’origine des fausses déclarations qui lui sont reprochées. Les éléments de preuve qu’il présente à cet effet ne sont pas probants.

[27] L’appelant donne plusieurs explications sur la façon dont le piratage de son ordinateur aurait pu être fait. Il réfère aussi à des logiciels ou des sites malveillants qui auraient pu faire en sorte que ses données personnelles provenant de son ordinateur soient volées ou encore, que son identité soit usurpée.

[28] Toutefois, malgré tous les renseignements qu’il fournit sur ces aspects, il ne démontre pas qu’il a été victime d’un piratage informatique. Ses explications ne démontrent pas non plus que quelqu’un d’autre que lui a continué de remplir ses déclarations du prestataire après avoir commencé à travailler ou à suivre une formation chez l’employeur, le 14 août 2018.

[29] Il en est de même des affirmations de l’appelant selon lesquelles des transactions lui ont été facturées pour des commandes faites à son insu sur le site d’achat en ligne eBay et payées par l’intermédiaire du site PayPal à l’aide de sa carte de crédit.

[30] Je trouve d’ailleurs paradoxale l’affirmation de l’appelant voulant que malgré le vol de ses données personnelles ou d’identité dont il se dit victime, il n’ait fait aucun signalement de ce problème, soit auprès des autorités policières ou auprès de la société émettrice de sa carte de crédit. C’est d’ailleurs à partir de cette carte de crédit que les achats faits sur eBay et payés par l’entremise de l’entreprise PayPal lui ont été facturés.

[31] Malgré les affirmations de l’appelant selon lesquelles il a été victime d’un piratage informatique, il demeure qu’il a continué d’encaisser des prestations pour la période en cause puisque des dépôts ont continué d’être faits dans son compte bancaire. Personne d’autre que l’appelant n’a bénéficié des prestations qui lui ont été versées.

[32] Je ne trouve pas plausible non plus l’affirmation de l’appelant selon laquelle il n’a pas fait de vérification dans son compte bancaire pendant plusieurs mois, alors qu’il recevait à la fois un salaire de la part des employeurs X et X et des prestations d’assurance-emploi.

[33] J’estime que l’appelant a lui-même fait des déclarations fausses ou trompeuses en indiquant dans ses déclarations du prestataire ne pas avoir travaillé et ne pas avoir touché de salaire au cours de la période du 12 août 2018 au 5 janvier 2019.

[34] Ces fausses déclarations ont induit la Commission en erreur et ont fait en sorte que l’appelant a reçu des prestations auxquelles il n’avait pas droit.

Question no 2 : L’appelant savait-il que ses déclarations étaient fausses ou trompeuses?

[35] Je considère que l’appelant savait qu’il faisait des déclarations fausses ou trompeuses lorsqu’il a déclaré ne pas avoir travaillé et ne pas avoir touché de salaire au cours de la période du 12 août 2018 au 5 janvier 2019.

[36] Je trouve que l’appelant ne fournit pas d’explication satisfaisante quant aux fausses déclarations qui lui sont reprochées.

[37] La Cour nous informe que lorsqu’un prestataire indique dans ses déclarations qu’il n’a pas travaillé ou qu’il n’a pas été rémunéré pendant la période visée, et que cette déclaration est fausse, il est raisonnable d’en conclure, en l’absence d’explication satisfaisante, que le prestataire savait que sa déclaration était fausseNote de bas page 32.

[38] Malgré les explications de l’appelant concernant les fausses déclarations qui lui sont reprochées, je considère que lorsqu’il a rempli ses déclarations du prestataire, il savait qu’il avait travaillé et qu’il avait reçu ou qu’il allait recevoir du salaire pour chacune des semaines de la période en cause. Je souligne que l’appelant reconnaît qu’il n’a pas déclaré qu’il avait commencé à travailler ou à suivre une formation rémunérée à compter du 14 août 2018.

[39] À plusieurs reprises lorsqu’il a rempli ses déclarations du prestataire, l’appelant a répondu « non » à une question sans équivoque lui demandant : « Avez-vous travaillé ou touché un salaire pendant la période visée par cette déclaration? Ceci inclut un travail à votre compte ou un travail pour lequel vous ne serez pas payé ou serez payé plus tard. »Note de bas page 33.

[40] Je considère que l’appelant savait qu’en indiquant qu’il n’avait pas travaillé ni reçu de salaire au cours de la période en cause, il induisait la Commission en erreur.

[41] Je suis d’avis que l’appelant ne pouvait ignorer le fait qu’il faisait de fausses déclarations, en toute connaissance de cause. Il savait subjectivement que ses déclarations étaient fausses.

[42] J’estime que l’appelant avait la connaissance requise concernant la responsabilité qui lui incombait de déclarer qu’il avait travaillé et de déclarer qu’il avait reçu du salaire à cet effet ou qu’il allait en recevoir.

[43] La Cour nous indique que la Commission n’est pas tenue d’établir l’existence d’une « intention de tromper » afin de prouver qu’un prestataire a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuseNote de bas page 34.

[44] En résumé, je considère que l’appelant a fait de fausses déclarations en toute connaissance de cause.

Question no 3 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a imposé une pénalité à l’appelant?

[45] Je considère que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a imposé une pénalité à l’appelant.

[46] La Cour nous indique que la Commission détient le pouvoir discrétionnaire d’imposer la pénalité prévue à la LoiNote de bas page 35. De plus, la Cour précise qu’aucune Cour, aucun juge-arbitre, ce qui inclut le Tribunal, n’est autorisé à faire obstacle à une décision de la Commission concernant une pénalité, tant et aussi longtemps que cette dernière peut prouver qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire « de façon judiciaire ». En d’autres termes, la Commission doit démontrer qu’elle a agi de bonne foi, tenu compte de tous les facteurs pertinents et laissé de côté ceux qui ne l’étaient pasNote de bas page 36.

[47] Au sujet de la question touchant l’imposition d’une pénalité, je considère justifiée la décision de la Commission sur cette question.

[48] J’estime que la Commission a fait une démarche auprès de l’appelant afin d’obtenir des explications de sa part quant aux fausses déclarations qui lui sont reprochées. Elle a rendu sa décision en fonction des renseignements que l’appelant lui a fournis et de ceux obtenus auprès des employeurs pour lesquels il a travaillé.

[49] La Commission indique avoir exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, étant donné qu’elle a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes à l’affaire au moment de fixer le montant de la pénalité à l’appelant. Elle explique que l’appelant lui a indiqué avoir été victime d’usurpation d’identité, mais qu’il n’a pas fait la preuve que son compte bancaire avait été piraté. La Commission précise aussi que l’appelant en était à sa première offenseNote de bas page 37.

[50] Je suis d’avis que la Commission a donné la possibilité à l’appelant de fournir des explications sur les fausses déclarations qui lui sont reprochées après que celui-ci ait présenté sa demande de révision.

[51] J’estime que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, car en rendant sa décision d’imposer une pénalité à l’appelant, elle a été en mesure de prendre en compte l’ensemble des faits pertinents au dossier.

[52] Ces faits réfèrent aux éléments de preuve indiquant que l’appelant dit avoir été victime d’un piratage informatique pour expliquer qu’il n’a pas lui-même rempli ses déclarations du prestataire et qu’il n’a donc pas fait de fausses déclarations.

[53] Je considère que l’appelant n’apporte pas d’éléments nouveaux qui auraient pu être considérés comme circonstances atténuantes dans son cas.

[54] L’appel n’est pas fondé sur cette question.

Avis de violation

Question no 1 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a émis un avis de violation à l’endroit de l’appelant?

[55] Je considère que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a émis un avis de violation à l’endroit de l’appelant.

[56] Je suis d’avis que la décision de la Commission d’émettre un avis de violation à l’endroit de l’appelantNote de bas page 38, à la suite d’une pénalité qui lui a été infligée pour avoir perpétré un acte délictueux, s’avère non justifiée dans les circonstances.

[57] La Cour nous informe que lorsqu’une situation requiert l’imposition d’une pénalité, l’émission d’un avis de violation n’est ni obligatoire ni automatiqueNote de bas page 39 et que la Commission peut exercer son pouvoir discrétionnaire dans les circonstancesNote de bas page 40.

[58] Afin d’évaluer la pertinence d’émettre un avis de violation, je considère qu’il faut prendre en compte les facteurs atténuants similaires à ceux qui interviennent dans la détermination du montant d’une sanction pécuniaire.

[59] Dans le cas présent, je considère que la Commission a émis un avis de violation à l’endroit de l’appelant sans motivation additionnelle de la part de celle-ci.

[60] L’appelant indique qu’il conteste l’avis de violation émis à son endroit, mais ne présente pas d’argument spécifique sur ce point.

[61] Je suis d’avis que la Commission ne démontre pas qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire puisqu’après avoir imposé une pénalité à l’appelant, elle a émis un avis de violation à son endroit, sans donner d’explications pouvant justifier l’imposition d’une telle mesure.

[62] J’estime que la Commission n’identifie aucune circonstance pertinente justifiant l’imposition d’une sanction additionnelle à l’endroit de l’appelant, en plus de la pénalité qu’elle lui a infligée pour sa fausse déclaration, ce qui revient à dire que cet avis de violation a été émis par automatisme.

[63] Je considère que dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Commission prend plutôt en compte des éléments ou des faits qui n’étaient pas pertinents pour rendre sa décision sur cette question.

[64] La Commission identifie plusieurs circonstances, comme le fait qu’elle a pris en compte les circonstances atténuantes pouvant s’appliquer au cas de l’appelant, les violations antérieures de ce dernier et l’impact de l’avis de violation sur sa capacité à se qualifier pour ses prochaines demandes de prestationNote de bas page 41. Toutefois, la Commission n’explique pas en quoi ces circonstances justifient l’émission d’un avis de violation.

[65] Plutôt que d’expliquer pourquoi l’émission d’un avis de violation à l’appelant pouvait être justifiée, en plus de la pénalité qui lui a été imposée, la Commission s’est également limitée à indiquer qu’un avis de violation, qualifié de « violation très grave », avait été émis à l’endroit de l’appelant en raison d’un trop-payé de 9 325,00 $Note de bas page 42.

[66] En mentionnant que l’article 7.1(5) de la Loi qualifiait la violation selon la gravité de l’acte délictueux et que la qualification de la violation dépendait strictement du montant du trop-payé découlant de l’acte délictueux en cause, la Commission ne fait que préciser une caractéristique de l’avis de violation sans démontrer la pertinence d’imposer une telle mesureNote de bas page 43.

[67] Malgré les précisions qu’elle fournit sur la nature de l’avis de violation, les caractéristiques générales s’y rattachant et qu’elle indique que cette mesure était justifiée selon elle, la Commission ne détermine pas en quoi l’émission d’un tel avis est appropriée dans le cas présent.

[68] Je suis d’avis qu’en prenant la décision d’émettre un avis de violation, la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. La Commission s’est basée sur des facteurs non pertinents qui ne démontrent pas que l’émission de cet avis de violation pouvait être justifiée.

[69] Je considère que l’avis de violation émis à l’endroit de l’appelant ne doit pas être maintenu.

[70] L’appel est fondé sur cet aspect.

Conclusion

[71] En ce qui concerne la question se rapportant à l’imposition à l’appelant d’une pénalité pour un acte délictueux en faisant des déclarations fausses ou trompeuses, en toute connaissance de cause, l’appel est rejeté.

[72] À l’égard de la question relative à l’avis de violation qui a été signifié à l’appelant à la suite d’une pénalité qui lui a été infligée pour un acte délictueux, l’appel est accueilli.

[73] L’appel est accueilli en partie.

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