Assurance-emploi (AE)

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Citation : SV c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 273

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. V.
Représentante ou représentant : Stéphane Harvey
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (0) datée du 25 mars
2021 rendue par la Commission de l’assurance-emploi
du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 28 mai 2021
Personnes présentes à l’audience : S. V., appelant
Me Stéphane Harvey, représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 2 juin 2021
Numéros de dossiers : GE-21-520, GE-21-522, GE-21-523, GE-21-524

Sur cette page

Institution :
Décision du Tribunal de la sécurité sociale - Division d’appel
Membre :
Josée Langlois
Date de l'audience :
Le 28 mai 2021
Mode d'audience :
Vidéoconférence
Entre :
S. V. et Commission de l’assurance-emploi du Canada
Décision :
Appel rejeté
Date de la décision :
Le 2 juin 2021
Numéro de référence :
GE-21-520, GE-21-522, GE-21-523, GE-21-524
Citation :
SV c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 273

Autre(s) décision(s) relative(s) à cet appel :

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Je conclus qu’il n’y a pas eu d’arrêt de la rémunération pendant sept jours consécutifs et qu’une période de prestations ne peut être établie dans les dossiers GE-21-520, GE-21-521 et GE-21-522. Par conséquent, les périodes de prestations débutant le 20 novembre 2016, le 10 décembre 2017 et le 9 décembre 2018 doivent être annulées.

Aperçu

[3] Le prestataire est charpentier-menuisier chez X. Selon l’Agence du revenu du Canada, l’appelant a un statut d’employé et il occupait un emploi assurable pendant chacune des périodes de prestations concernées.

[4] Suite à des informations reçues par l’ARC, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada a réexaminé les demandes de l’appelant débutant le 22 décembre 2015, le 20 novembre 2016, le 10 décembre 2017 et le 9 décembre 2018, elle a réajusté la rémunération reçue par l’appelant pour les périodes de prestations débutant le 22 décembre 2015, le 20 novembre 2016 et le 10 décembre 2017 et elle a conclu qu’il n’y avait pas eu d’arrêt de la rémunération pendant trois périodes de prestations soit celles débutant le 20 novembre 2016, le 10 décembre 2017 et le 9 décembre 2018.

[5] L’appelant a contesté ces décisions devant le Tribunal et, le 12 décembre 2020, la division générale du Tribunal a conclu que la Commission pouvait réexaminer les demandes de prestations de l’appelant, que la rémunération reçue par l’appelant a correctement été répartie sur ses périodes de prestations et qu’il n’y a pas eu d’arrêt de la rémunération pendant sept jours consécutifs pour trois périodes de prestations parce que l’appelant utilisait un véhicule et un téléphone cellulaire fourni par l’entreprise.

[6] L’appelant a contesté cette décision devant la division d’appel du Tribunal. Le 25 mars 2021, la division d’appel a accueilli la demande de l’appelant et a retourné le dossier devant la division générale pour un nouvel examen.

[7] Le prestataire est d’accord avec la répartition de la rémunération reçue sur ses périodes de prestations. Il ne conteste pas non plus le délai de réexamen par la Commission pour rendre ses décisions. Cependant, il est en désaccord avec la conclusion de la Commission indiquant qu’il n’y a pas eu d’arrêt de la rémunération pendant sept jours consécutifs pour trois périodes de prestations. L’appelant soutient qu’il ne bénéficiait pas d’avantages de l’entreprise pendant ses cessations d’emploi temporaires en raison d’un manque de travail.

[8] Je dois déterminer si l’appelant est admissible à recevoir des prestations et si les périodes de prestations débutant le 20 novembre 2016, le 10 décembre 2017 et le 9 décembre 2018 doivent être annulées.

Question que je dois examiner en premier

Les dossiers de l’appelant sont joints

[9] Lors de l’audience, j’ai joint les quatre dossiers de l’appelant, GE-21-520, GE-21-521, GE-21-522 et GE-21-523, parce que les appels soulèvent des questions de droit ou de faits qui leur sont communes et parce qu’une telle mesure de risque pas de causer d’injustice aux parties. Une seule décision pour l’ensemble des quatre dossiers de l’appelant est rendue.

Question en litige

[10] Y-a-t-il eu un arrêt de la rémunération reçue par l’appelant de son employeur pendant sept jours consécutifs pour les périodes de prestations débutant le 20 novembre 2016, le 10 décembre 2017 et le 9 décembre 2018 ?

Analyse

[11] Pour avoir le droit de recevoir des prestations et pour faire établir une période de prestations, l’appelant doit être admissible et une des conditions de cette admissibilité est un arrêt de la rémunération pendant sept jours consécutifs.Footnote 1

[12] Un arrêt de rémunération se produit lorsque, après une période d'emploi, le travailleur est licencié ou cesse d'être au service de son employeur et se trouve à ne pas travailler pour cet employeur durant une période d'au moins sept jours consécutifs pendant laquelle aucune rémunération provenant de cet emploi, autre que celle visant les congés fériés, ne lui est payable ni attribuée.Footnote 2

[13] Le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi doit être considéré pour établir l’arrêt de la rémunération.Footnote 3 La rémunération peut inclure des avantages accordés à l’appelant par son employeur.Footnote 4

[14] Je dois rendre cette décision en fonction de la balance des probabilités. Ce qui veut dire que s’il est plus probable qu’improbable que l’appelant bénéficiait d’avantages tels que l’utilisation d’un téléphone cellulaire (service de mobilité) et/ou d’un véhicule fourni par l’entreprise pendant ses périodes de prestations, je ne pourrai conclure qu’il y a eu un arrêt de la rémunération pendant une période de sept jours consécutifs.

[15] Lorsqu’il a présenté ses demandes de prestations, l’appelant a indiqué qu’il n’était pas copropriétaire d’une entreprise et qu’il ne détenait pas plus de 40 % des actions d’une entreprise. Il a cependant indiqué qu’il travaillait pour une entreprise qui appartient à un proche parent, son père et/ou sa mère et que son adresse était différente de celle de l’entreprise.

[16] Le 4 janvier 2019, la Commission a transmis une lettre à l’appelant indiquant qu’elle avait reçu des informations qui démontrent qu’il est copropriétaire de l’entreprise X. Suite à un entretien téléphonique avec l’agent de la Commission, l’appelant a indiqué qu’il était d’accord avec les gains déclarés par sa mère qui s’occupe de l’administration de l’entreprise.

[17] Le 14 janvier 2020, une enquêtrice de la Commission rencontre G. D. copropriétaire de l’entreprise X. G. D.explique que c’est son conjoint, M. R., qui s’occupe des contrats et des soumissions et qu’il transfère tranquillement son expertise à son fils qui est l’appelant. Suite à une question de l’enquêtrice, elle explique qu’elle n’a pas de copies des factures des services de mobilité des téléphones cellulaires parce que c’est l’ancien comptable qui a ces documents et qu’il ne les lui a pas remis. Elle indique cependant que les téléphones cellulaires sont la propriété propre de chacun des actionnaires, mais que l’entreprise rembourse les factures reliées au service de mobilité pendant toute l’année.

[18] G. D. explique également que son conjoint et son fils utilisent un véhicule lettré au nom de l’entreprise. Le coût du véhicule ainsi que les assurances sont payés pendant toute l’année par l’entreprise. L’essence leur est également remboursée à l’année.

[19] Enfin, elle explique qu’il y a une seule carte de crédit reliée à l’entreprise et qu’habituellement, c’est elle qui l’utilise.

[20] Le notaire de l’entreprise a également fourni des détails à la Commission indiquant que seule G. D. est administratrice de la compagnie et que l’appelant détient des actions non votantes, mais participantes.Footnote 5

[21] Une copie du bail d’un véhicule apparaît au dossier de la Commission au nom de l’entreprise comme locataire et au nom de l’appelant comme colocataire. Le coût de ce véhicule de marque GMC Sierra est de 68 740 $ et le paiement mensuel est 1 018,42 $ pour trois ans à compter du mois de novembre 2016.Footnote 6

[22] Une copie de la police d’assurance désignant l’entreprise comme assuré désigné et l’appelant comme conducteur principal de ce véhicule apparaît au dossier de la Commission.Footnote 7

[23] Également, différentes copies de relevé d’un compte Mastercard, au nom de l’appelant, mais à l’adresse de l’entreprise, démontrent une facturation d’un service de mobilité chez Telus. Cette facturation s’échelonne du 14 décembre 2015 au 7 décembre 2019. Des relevés de la Banque Scotia, au nom de l’appelant, démontrent plusieurs virements mensuels de ce compte à l’entreprise X au montant de 575 $.Footnote 8

[24] L’appelant a indiqué à la Commission qu’il payait lui-même son téléphone cellulaire et qu’il remboursait environ la moitié du montant mensuel du véhicule à l’entreprise pour son utilisation personnelle.

[25] Lors de l’audience, l’appelant a expliqué qu’il travaille pour l’entreprise comme charpentier-menuisier. Il a indiqué qu’il ne reçoit que son salaire et, lorsqu’il est en arrêt de travail en raison d’un manque de travail, il ne reçoit aucun autre bénéfice. Ni en argent ni en avantage. En ce sens, il a témoigné qu’il ne savait pas d’où venait la déclaration indiquant que les factures de son téléphone cellulaire lui étaient remboursées par l’entreprise parce que ce n’est pas le cas. Il a expliqué que son téléphone cellulaire lui appartient et qu’il n’a pas à l’utiliser quand il travaille en raison des fonctions qu’il occupe si ce n’est pour savoir à quelle heure il commence à travailler. Son travail consiste à se rendre sur les lieux du travail et à effectuer le contrat à titre de charpentier-menuisier. Il a également déclaré ne rendre aucun service à l’entreprise sans être rémunéré en salaire.

[26] Concernant le véhicule de l’entreprise, l’appelant admet qu’il l’utilise lorsqu’il travaille, mais il soutient ne pas l’utiliser à des fins personnelles lorsqu’il est en arrêt de travail. Il indique qu’il s’agit d’un « pick up » pour déplacer des « trailers ». Il précise que pendant qu’il est en chômage, il n’utilise pas le véhicule si ce n’est une fois par mois pour s’assurer que tout fonctionne bien. Il a témoigné qu’il utilise le véhicule de sa conjointe pendant ses périodes de prestations et que le véhicule de l’entreprise demeure stationné.

[27] Quant à la Commission qui s’appuie sur des informations transmises par l’Agence du revenu du Canada et par l’administratrice de l’entreprise, elle affirme que l’appelant rend plusieurs services sans salaire à l’entreprise et qu’il bénéficie de plusieurs avantages pécuniaires.

[28] La Commission soutient que les périodes de prestations ont été annulées parce que l’appelant a continué de bénéficier d’avantages liés à l’entreprise pendant ses périodes d’arrêt de travail.

[29] Je suis également de cet avis. Bien que je comprenne que le montant généré en trop-payé puisse avoir un impact important puisqu’il concerne trois périodes de prestations, l’appelant a la responsabilité d’être transparent en déclarant les revenus qu’il reçoit de son emploi même à titre d’avantages.

[30] En ce sens, je fais face à certaines déclarations contradictoires. D’abord entre les versions de l’administratrice de l’entreprise qui est aussi la mère de l’appelant et la version de l’appelant lui-même, mais aussi entre les différentes versions fournies par l’appelant à la Commission et lors de l’audience.

[31] L’administratrice de l’entreprise a indiqué que le service de mobilité permettant à l’appelant d’utiliser son téléphone cellulaire personnel était payé par l’entreprise à l’année. Un véhicule est également fourni par l’entreprise et le coût de la location, de l’immatriculation, des assurances et de l’essence sont payés toute l’année par l’entreprise.

[32] Le 15 octobre 2020, l’appelant lui-même déclarait à la Commission que les frais d’entretien et les réparations du véhicule sont assumés entièrement par l’entreprise.Footnote 9

[33] Il a également expliqué qu’il remboursait à l’entreprise une partie du coût de la location du véhicule pour l’utiliser à des fins personnelles. Lors de l’audience, il a affirmé qu’il n’utilisait pas ce véhicule à l’année, mais seulement lorsqu’il travaillait. Autrement, pendant ses périodes de prestations, il utiliserait le véhicule de sa conjointe.

[34] Cependant, le 20 janvier 2020, l’appelant déclarait à la Commission que le GMC Sierra fourni par l’entreprise était le seul véhicule qu’il utilisait et qu’il l’utilisait à l’année pour travailler et aussi à des fins personnelles.Footnote 10 En ce sens, le bail du véhicule ainsi que les assurances de ce véhicule démontrent que l’appelant est le principal conducteur.

[35] Contrairement à ce qu’il a affirmé lors de l’audience, les relevés bancaires de la Banque Scotia démontrent le versement d’un montant de 575 $ également pendant certains mois de ses périodes de prestations. L’appelant a témoigné qu’il versait un montant mensuel à l’entreprise seulement pendant les mois qu’il travaillait et qu’il n’utilisait pas le véhicule à titre personnel pendant ses périodes d’arrêt de travail. Cependant, à titre d’exemple, un relevé du mois de décembre 2016, du mois de mars 2017 et du mois de février 2018 démontre un virement de 575 $ à X. Autre exemple, l’appelant a fait un virement de 575 $ au compte de l’entreprise le 18 décembre 2017 alors que sa période de prestations avait débuté le 10 décembre 2017.

[36] Aussi, même si le téléphone cellulaire lui appartient et qu’il paie lui-même la facturation du service de mobilité, l’administratrice a indiqué que le service de mobilité lui était remboursé par l’entreprise. De plus, l’adresse indiquée sur les relevés de cartes de crédit correspond à celle de l’entreprise.

[37] Bien que l’administratrice a mentionné que le service cellulaire était fourni par Bell alors que l’appelant a démontré que son service de mobilité provient de Telus, il est probable que le service de Bell était fourni pour l’administratrice et son conjoint et que l’appelant ait continué d’utiliser le réseau qu’il utilisait déjà.

[38] Bien qu’il ait indiqué lors de l’audience que son téléphone cellulaire lui appartenait et qu’il ne l’utilisait pas pour travailler, le 20 janvier 2020, l’appelant déclarait à la Commission qu’il utilisait son téléphone cellulaire pour travailler et à des fins personnelles. De même, je redis que l’administratrice de l’entreprise et mère de l’appelant a déclaré que les factures du téléphone cellulaire étaient remboursées à l’appelant par l’entreprise.

[39] En ce sens, les avantages reçus d’un emploi sont considérés comme étant un revenu.Footnote 11 La preuve démontre qu’il existe un rapport clair entre l’emploi de l’appelant et l’avantage reçu pendant son arrêt de travail temporaire. L’appelant a continué à bénéficier d’une rémunération pendant chacun de ses arrêts de travail à compter du 20 novembre 2016.

[40] Même si le montant relié au coût du service du téléphone cellulaire n'est pas élevé, il représente quand même un coût défrayé par l’entreprise. Malgré la déclaration de l’administratrice indiquant qu’un véhicule lettré au nom de l’entreprise était fourni à l’appelant à l’année, même si je retenais la déclaration de l’appelant voulant que l’entreprise ne défrayait pas complètement le coût mensuel du véhicule parce qu’il en remboursait une partie, un avantage lui était quand même octroyé. Pour qu'il y ait un arrêt de la rémunération, l'employé ne doit pas profiter d’avantages qui ont une valeur quotidienne pour lui.

[41] L’appelant ne m’a pas convaincu qu’il ne bénéficiait pas de ces deux avantages pendant chacune de ses périodes de prestations. Au contraire, ses déclarations fournies à la Commission soupesées avec celles fournies lors de l’audience ne sont pas constantes.

[42] En ce sens, l’appelant a la responsabilité de fournir toutes les informations pertinentes concernant sa situation pour pouvoir recevoir des prestations. Une pénalité peut d’ailleurs être imposée lorsque des déclarations fausses ou trompeuses sont faites. Même si je comprends que le trop-payé de prestations est important puisqu’il concerne trois périodes de prestations, aucune pénalité n’est cependant imposée à l’appelant.

[43] Étant donné la présence de déclarations contradictoires, je donne une préférence à la version de la Commission qui s’appuie sur des déclarations faites spontanément par l’administratrice de l’entreprise ainsi que par des éléments portés à sa connaissance par l’Agence du revenu du Canada.

[44] Les déclarations de l’administratrice de l’entreprise démontrent que l’appelant utilise un téléphone cellulaire ainsi qu’un véhicule dont les factures sont en tout ou en partie payées ou remboursées par l’entreprise pendant toute l’année, même lorsqu’il est en chômage. L’appelant bénéficiait d’avantages pendant ses périodes de prestations.

[45] Je conclus qu’il n’y a pas eu d’arrêt de la rémunération pendant sept jours consécutifs pour chacun des trois dossiers de l’appelant. Bien que je comprenne sa déception face à son inadmissibilité à recevoir des prestations, je n’ai pas le pouvoir d’exempter un demandeur des dispositions de la Loi concernant l’admissibilité aux prestations même lorsque les circonstances sont inhabituelles.

Conclusion

[46] Je conclus qu’une période de prestations ne peut être établie parce qu’il n’y a pas eu d’arrêt de la rémunération pendant sept jours consécutifs.

[47] L’appel est rejeté.

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