Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 293

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-251

ENTRE :

J. H.

Appelante (prestataire)

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée (Commission)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Raelene R. Thomas
DATE DE L’AUDIENCE : Le 25 février 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 26 février 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards de l’assurance-emploi.

Aperçu

[2] La prestataire était enceinte et elle avait été mise en arrêt de travail par son médecin environ un mois avant la date prévue de son accouchement en raison de complications liées à sa grossesse. Elle a touché des prestations d’invalidité à court terme pendant son arrêt de travail. Elle est retournée travailler pendant une très courte période, puis elle est partie en congé de maternité. Elle a donné naissance à son bébé et, 13 jours plus tard, elle a demandé des prestations de maternité de l’assurance-emploi et a choisi de recevoir des prestations parentales immédiatement après. La prestataire a dit à son employeur qu’elle prendrait un congé de 12 mois. Lorsqu’elle est retournée travailler, elle a reçu un versement de prestations de l’assurance-emploi. Elle a communiqué avec Service Canada pour vérifier pourquoi elle avait reçu ce paiement [traduction] « supplémentaire ». On lui a dit qu’elle avait choisi l’option des prestations parentales prolongées et qu’elle avait droit à 61 semaines de prestations à un taux réduit. Avant cette conversation avec une personne de Service Canada, la prestataire n’était pas au courant de la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales ni qu’il existait deux options de prestations parentales. Elle est retournée travailler à temps plein et n’a pas demandé de prestations depuis son retour au travail. La prestataire a demandé à la Commission de convertir les prestations parentales prolongées en prestations standards et de lui verser la différence. La Commission a rejeté sa demande. La prestataire fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[3] La prestataire a-t-elle choisi de recevoir des prestations parentales prolongées de l’assurance-emploi?

Analyse

[4] J’estime, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire n’a pas choisi les prestations parentales prolongées de l’assurance-emploi. J’estime qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle a choisi les prestations parentales standards de l’assurance-emploi.

[5] Les prestations parentales sont payables aux prestataires qui veulent prendre soin de leur nouveau-néNote de bas de page 1 . Les prestataires doivent choisir le nombre maximal de semaines, soit 35 ou 61, pendant lesquelles les prestations peuvent leur être verséesNote de bas de page 2 . L’option standard prévoit jusqu’à 35 semaines de prestations au taux de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable. L’option prolongée prévoit jusqu’à 61 semaines de prestations au taux de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable.

[6] Il devient impossible pour les prestataires de modifier leur choix dès que des prestations parentales leur sont versées, peu importe la sommeNote de bas de page 3 .

[7] La prestataire a affirmé avoir discuté de son congé de maternité avec le service des ressources humaines et la personne responsable de la paie chez son employeur. Elle a dit clairement qu’elle prendrait un congé de maternité de 12 mois. Vers la fin de sa grossesse, elle a eu des complications qui l’ont obligée à être mise en arrêt de travail. Elle a eu un congé d’un mois, puis elle est retournée au travail parce qu’elle pensait que son état s’était suffisamment amélioré. Elle a travaillé pendant 19 heures. La prestataire a affirmé qu’après l’accouchement, elle a passé quelques jours à l’hôpital avec son bébé. La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi 13 jours après la naissance de son bébé. Les complications liées à sa grossesse se sont poursuivies après l’accouchement. En date de l’audience, elle continuait d’avoir ces complications. Elle dit avoir rempli la demande en ligne. Étant donné qu’elle ne savait pas pendant combien de temps ses prestations d’assurance-emploi dureraient, elle n’était pas certaine de sa date de retour au travail. Elle voulait toucher des prestations d’assurance-emploi pendant 12 mois, puis retourner au travail par la suite. Elle dit qu’elle n’a pas réalisé qu’il y avait une différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales. Elle n’a pas compris du tout le formulaire. Elle a choisi 52 semaines de prestations, parce que cela correspondait au congé d’une année complète qu’elle voulait prendre.

[8] Quelques jours avant la fin de son congé de 12 mois, la prestataire a communiqué avec son employeur pour qu’il l’inscrive de nouveau à l’horaire. Elle est retournée au travail, et elle a reçu un versement d’assurance-emploi. Elle a communiqué avec Service Canada pour savoir pourquoi un paiement additionnel avait été déposé dans son compte. On lui a dit que le paiement supplémentaire lui avait été versé parce qu’elle avait choisi l’option prolongée qui correspond à un congé de 18 mois. La prestataire a dit qu’elle pensait qu’elle recevait des prestations de maternité au taux de 75 % de sa rémunération et des prestations parentales au taux de 55 % de sa rémunération. Elle n’avait pas réalisé qu’elle recevait des prestations parentales au taux de 33 % de sa rémunération avant de retourner au travail et de communiquer avec Service Canada au sujet du paiement « additionnel ».

[9] La prestataire a affirmé que les complications liées à sa grossesse se sont poursuivies après l’accouchement, et étaient toujours présentes lorsqu’elle a demandé des prestations d’assurance-emploi. Elle a dit qu’elle n’était pas dans un bon état d’esprit lorsqu’elle avait rempli le formulaire de demande. Elle se remettait de l’accouchement et essayait de gérer les complications qui persistaient tout en prenant soin de son premier enfant. Elle croit que ces facteurs peuvent expliquer pourquoi elle a coché la mauvaise case. Elle a coché la case correspondant à l’option des prestations prolongées lorsqu’elle a rempli la demande, mais elle pensait qu’elle remplissait le formulaire correctement de façon à refléter ses 12 mois de congé.

[10] L’employeur de la prestataire a rempli deux relevés d’emploi. Aucun n’a été remis à la prestataire. Le premier relevé d’emploi a été produit le 19 novembre 2019 et montre quand le médecin l’a mise en arrêt de travail. Ce relevé d’emploi présente un « F » comme raison de la production du relevé. Le code « F » correspond à la maternité. Le relevé d’emploi précise aussi, dans la section des commentaires : [traduction] « L’employée a été en congé d’invalidité de courte durée (payé) jusqu’à la naissance de son enfant. Date de début du congé de maternité : le 18 novembre ».

[11] La Commission dit que l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi établit que le choix entre les prestations parentales standards ou prolongées est irrévocable une fois que des prestations sont versées relativement au même enfant ou aux mêmes enfants. Elle dit que la prestataire a reçu sa première semaine de prestations parentales prolongées le 20 mars 2020. Lorsque la prestataire a demandé la conversion du type de prestations parentales, elle avait déjà touché au moins une semaine de prestations, selon la modalité initialement demandée. La Commission dit qu’elle n’avait donc pas d’autre choix que de rejeter la demande de la prestataire. En réponse à la prestataire invoquant le stress qu’elle vivait au moment où elle a présenté sa demande, et bien qu’elle compatisse avec la situation personnelle de la prestataire, la Commission dit que l’information fournie à tous les prestataires au moment de la demande distingue clairement les deux options.

[12] Je remarque que les articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi ont pour effet d’empêcher les prestataires de passer d’une option de prestations parentales à l’autre, soit des prestations standards aux prestations prolongées et vice versa. Je n’essaie pas d’empiéter sur ces dispositions. Cependant, même si je ne suis pas obligée de suivre les décisions récentes de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada qui portent sur le choix des prestations parentales, je les trouve convaincantesNote de bas de page 4 . On y conclut qu’il est possible de soutenir que la Commission a mal interprété le choix fait par les prestataires avant le début du versement des prestations parentales. Plus précisément, une confusion peut découler des réponses contradictoires que les personnes fournissent dans leur formulaire de demande. Dans ces situations précises, la Commission pourrait envisager d’agir rapidement pour clarifier les intentions des prestataires. Lorsqu’on le leur demande, les membres du Tribunal ont le pouvoir d’examiner toutes les circonstances pertinentes et de décider si une ou un prestataire a effectivement choisi les prestations standards ou les prestations prolongéesNote de bas de page 5 .

[13] La Commission a déposé en preuve la demande de prestations de maternité et de prestations parentales de la prestataire, montrant qu’elle avait choisi les prestations parentales prolongées. Il incombe ensuite à la prestataire de démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’elle n’a pas choisi les prestations prolongées ou qu’elle n’a pas touché de prestations parentales pour le même enfant.

[14] La situation personnelle de la prestataire a joué un rôle dans sa compréhension du type de prestations parentales qu’elle choisissait de recevoir. La prestataire a affirmé qu’elle se remettait de l’accouchement, qu’elle continuait à présenter des complications liées à la grossesse et qu’elle prenait soin de son premier enfant. Elle n’avait jamais présenté de demande de prestations de maternité ou parentales auparavant. Elle a parlé à la personne responsable de la paie à ce sujet, et on lui a dit de présenter une demande de prestations en ligne. Elle ne connaît personne qui a demandé ces prestations. Elle a dit qu’elle ne pensait pas être dans un bon état d’esprit quand elle a rempli la demande.

[15] La prestataire a finalement arrêté de travailler le 27 octobre 2019. La prestataire a écrit sur sa demande de prestations d’assurance-emploi qu’elle voulait recevoir ses prestations parentales immédiatement après ses prestations de maternité. Sur la page intitulée [traduction] « Renseignements sur la grossesse », la prestataire a écrit que la date prévue de la naissance de son bébé était le 14 novembre 2019, et que la date réelle de la naissance de son bébé avait été le 8 novembre 2019. Le formulaire demande si la prestataire veut recevoir des prestations parentales immédiatement après les prestations de maternité. La prestataire a répondu oui. Sur la page intitulée [traduction] « Renseignements sur les parents », la prestataire a écrit qu’elle voulait les prestations prolongées. Sur la même page, sous la rubrique « Renseignements sur les parents », le formulaire demande à la prestataire combien de semaines de prestations elle souhaite demander. La prestataire a choisi « 52 » dans le menu déroulant. Cette section est suivie de la rubrique [traduction] « Renseignements sur l’autre parent », sous laquelle on demande le nom et le numéro d’assurance sociale de l’autre parent. La prestataire a répondu à ces questions en fournissant les renseignements sur l’autre parent.

[16] Je remarque que dans la section intitulée [traduction] « Renseignements sur les parents », il n’y a aucune mention des prestations de maternité (pour la grossesse). Le formulaire précise que [traduction] « Les prestations parentales sont payables seulement aux parents biologiques, adoptifs ou légalement reconnus qui prennent soin de leur nouveau-né ou de leur enfant nouvellement adopté ». La situation personnelle de la prestataire a influencé sa compréhension du choix qu’elle devait faire. Il s’agit de son premier enfant. Elle n’avait jamais rempli de formulaire d’assurance-emploi pour les prestations parentales. Je juge que la question [traduction] « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? » a été raisonnablement interprétée par la prestataire comme lui demandant pendant combien de semaines elle voulait prendre congé et recevoir des prestations. Elle a dit avoir choisi 52 semaines parce que cette période équivalait au congé de 12 mois qu’elle allait prendre, comme elle l’avait dit à son employeur. Rien dans la question n’indique que le nombre de semaines demandé comprend seulement les prestations parentales. De plus, rien sur la page ou dans la question n’indique que le nombre de semaines choisi vient s’ajouter aux 15 semaines de prestations de maternité. Le formulaire, tel que fourni par la Commission, ne comporte aucune question visant à savoir le nombre de semaines total pendant lesquelles la prestataire veut recevoir des prestations de maternité et des prestations parentales. Étant donné la situation de la prestataire et la confusion engendrée par les questions du formulaire, je juge crédible qu’elle a fait une erreur dans sa demande.

[17] La prestataire a affirmé qu’elle avait l’intention, dès le début, de prendre un congé de 12 mois et de retourner travailler après la fin de ses prestations d’assurance-emploi. Elle a informé son employeur de son intention et elle est retournée au travail le 17 novembre 2020. Cela concorde avec sa preuve selon laquelle elle avait dit à son employeur qu’elle voulait prendre un congé de 12 mois et avec l’information contenue dans le relevé d’emploi daté du 19 novembre 2019, qui précisait que son congé de maternité avait commencé le 18 novembre. Lorsque la prestataire a reçu ce qu’elle croyait être un paiement supplémentaire d’assurance‑emploi, elle a communiqué immédiatement avec Service Canada pour demander pourquoi une somme avait été déposée dans son compte. C’est à ce moment qu’elle a appris la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales. Elle a aussi appris pourquoi le montant des prestations avait changé et quel était le pourcentage réel de rémunération qu’elle touchait pour les deux prestations.

[18] La situation de la prestataire, la confusion engendrée par les renseignements figurant dans le formulaire de demande, la preuve de son intention de retourner travailler dans les 12 mois suivant le début de son congé de maternité et le fait qu’elle a communiqué avec la Commission dès qu’elle a reçu des prestations d’assurance-emploi après être retournée travailler, à la suite de son congé de 12 mois, sont tous des éléments de preuve montrant qu’elle voulait recevoir des prestations parentales standards. Par conséquent, je juge que la prestataire ne voulait pas demander des prestations parentales prolongées comme le prétend la Commission, mais qu’en fait, il y a plus de chances qu’elle a choisi de recevoir des prestations parentales standards. Ainsi, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire a choisi de recevoir ses prestations parentales de l’assurance-emploi suivant l’option standard.

Conclusion

[19] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 25 février 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

J. H., appelante

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