Assurance-emploi (AE)

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Citation : MT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 322

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (419735) datée du 22
avril 2021 rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charline Bourque
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 mai 2021
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 14 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-722

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je suis d’avis que l’appelant rencontre l’exception prévue à l’article 33 (2) b) puisqu’il a exercé un emploi sur une base occasionnelle ou de suppléance pendant sa période de référence.

Aperçu

[2] L’appelant est enseignant. Il est en congé sans solde pour son employeur principal. Pendant ce congé sans solde, il a occupé un poste de suppléant, sur appel, puis un poste de tuteur. Il a accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable afin d’être admissible aux prestations d’assurance-emploi avec ces nouveaux emplois.

[3] Néanmoins, en raison de son lien d’emploi avec son employeur principal avec lequel il est en congé sans solde, la Commission a déterminé que l’appelant n’était pas admissible aux prestations pendant les périodes de congé scolaire, soit du 1er mars 2021 au 5 mars 2021 et du 28 juin 2021 au 3 septembre 2021.

[4] L’appelant est en désaccord avec cette décision. Il indique qu’il est admissible au bénéfice des prestations en raison de son emploi de suppléant et de tutorat. Il n’est pas enseignant puisqu’il était suppléant puis tuteur et devrait donc être admissible au bénéfice des prestations pendant les périodes de congé scolaire.

Question en litige

[5] Je dois déterminer si l’appelant est admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant une période de congé scolaire ?

[6] Pour établir cette conclusion, je dois répondre aux questions suivantes :

  1. Est-ce que le contrat de travail de l’appelant a pris fin ?
  2. Est-ce que l’emploi de l’appelant s’est exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance ?
  3. Est-ce que l’appelant a occupé un emploi autre que celui qu’elle a occupé dans l’enseignement et pouvant la rendre admissible au bénéfice des prestations ?

Analyse

Question en litige : L’appelant est-il admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant une période de congé scolaire ?

[7] Un enseignant qui occupe un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé.

[8] Trois exceptions distinctes sont prévues à cette règle :

  1. le contrat de travail dans l’enseignement a pris fin;
  2. l’emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
  3. Le prestataire remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignementNote de bas page 1.

[9] L’enseignement se définit comme « La profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle. (teaching) »Note de bas page 2.

– Est-ce que le contrat de travail de l’appelant a pris fin ?

[10] L’intention du législateur en ce qui a trait à l’article 33 du Règlement est fondée, entre autres, sur la prémisse qu’à moins qu’il y ait une véritable rupture dans la continuité de l’emploi d’un enseignant, celui-ci n’aura pas droit aux prestations pour la période de congé scolaireNote de bas page 3.

[11] L’appelant explique être en congé sans solde de son emploi d’enseignant au X (« Commission scolaire anglophone »), mais avoir travaillé comme suppléant, puis comme tuteur auprès du X (« Commission scolaire francophone »).

[12] L’appelant confirme que son lien d’emploi avec la Commission scolaire anglophone n’a pas pris fin. Son congé sans solde se termine en août 2021 et il devrait reprendre son poste par la suite.

[13] La Commission est d’avis que l’appelant n'a pas démontré que son contrat de travail dans l'enseignement a pris fin le 18 juin 2020, car il est sensé retourner à l’emploi suite à la période de congé scolaire et suite à son congé sans solde autorisé chez son employeur X. Il a conclu un contrat dans l'enseignement avec la même Commission scolaire suivant la période de congé scolaire du 28 juin 2021 au 5 septembre 2021, car l’appelant va retourner enseigner sous les mêmes conditions, dans son poste permanent comme il le faisait avant son congé autorisé.

[14] Je constate qu’aucune partie ne remet en question le fait que le contrat de travail de l’appelant auprès de la Commission scolaire anglophone n’a pas pris fin.

[15] L’appelant a un lien d’emploi avec la Commission scolaire anglophone et celui-ci n’a pas pris fin. L’appelant a un contrat de travail avec son employeur la Commission scolaire anglophone.

– Est-ce que l’emploi de l’appelant s’est exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance ?

[16] L’enseignement occasionnel est un enseignement à intervalles irréguliers, dispensé de façon occasionnelle ou sur demande. À ces fins, il « y a suppléance lorsqu’une personne est sur appel ou qu’elle peut remplir les fonctions d’un autre enseignant temporairement, durant par exemple, les congés sans solde, les vacances ou les congés de maladie »Note de bas page 4.

[17] Ainsi, l’exception prévue à l’alinéa 33 (2) b) du Règlement met l’accent sur l’exercice de l’emploi et non sur le statut de l’enseignant qui l’occupe. L’emploi qui a été exercé de façon continue et déterminée peut ne pas être considéré comme un emploi occasionnel ou de la suppléance. Les enseignants qui concluent des contrats temporaires en enseignement régulier au cours de l’année scolaire ne répondent plus à la définition d’enseignement « occasionnel » ou de « suppléance »Note de bas page 5.

[18] L’appelant a déposé une demande de prestations d’assurance-emploi lorsque sa demande précédente a pris fin. Cette demande a donc débuté le 14 février 2021. Pendant sa période de référence, l’appelant a occupé deux emplois. Il indique avoir été suppléant de septembre à décembre 2020, puis tuteur de janvier à aujourd’hui.

[19] La période de référence correspond généralement à la période de 52 semaines avant le début de la période de prestations ou allant jusqu’au début de la période de prestations précédenteNote de bas page 6.

[20] Pour sa part, la Commission prend en considération que l’appelant a été employé pour un contrat d’enseignement à temps partiel du 8 septembre 2020 au 17 décembre 2020 et du 6 janvier 2021 au 26 février 2021. L’employeur a confirmé que l’appelant « enseigne le tutorat » dans une école de façon continue à 3 jours par semaine, et ceci jusqu’à la fin de l’année scolaire. La Commission soumet que l’emploi du prestataire du 8 septembre 2020 au 26 février 2021 était suffisamment régulier, continu et prédéterminé et que pour cette raison, il ne répond pas à la définition de l’enseignement occasionnel ou de la suppléance.

[21] Je précise que je dois m’attarder sur la période se terminant le 13 février 2021 puisque l’appelant a établi sa demande de prestations à cette date.

[22] De plus, je prends en considération que l’article 33 (2) du Règlement établit la règle générale selon laquelle un prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations.

Emploi de suppléant de septembre à décembre 2020

[23] Selon le relevé d’emploi, l’appelant a travaillé du 8 septembre 2020 au 17 décembre 2020 comme suppléant. Il a effectué 208 heures d’emploi assurableNote de bas page 7.

[24] L’employeur confirme que l’appelant est enseignant suppléant sur appel uniquement. Il n’a pas de contrat en place et est appelé s’ils ont besoin de suppléantsNote de bas page 8.

[25] Je suis d’avis que pour la période de septembre à décembre 2020, l’appelant était suppléant, sur appel. L’employeur confirme qu’il appelait l’appelant selon les besoins de suppléance. Ainsi, je suis d’avis que l’appelant était considéré comme un enseignant sur une base occasionnelle ou de suppléance pendant cette période.

Emploi de tuteur de janvier au 13 février 2021

[26] Selon le relevé d’emploi, l’appelant a travaillé du 6 janvier 2021 au 26 février 2021 comme suppléantNote de bas page 9. Néanmoins, seule la période allant jusqu’au 13 février 2021 est en question puisque l’appelant a établi sa demande de prestations à partir du 14 février. L’appelant a donc travaillé approximativement 123 heures d’emploi assurable jusqu’au 13 février 2021Note de bas page 10, soit pendant sa période de référence.

[27] L’appelant a expliqué que son rôle avait changé à partir de janvier 2021. L’appelant explique qu’il n’effectuait pas la tâche d’un enseignant, mais celle de tuteur. Il explique qu’il effectuait 2 à 3 jours de tutorat à l’école. Son rôle consistait à prendre un élève en difficulté à l’extérieur de sa classe afin de l’aider à comprendre des notions particulières selon les besoins de l’élève. Il n’était donc pas enseignant. De plus, il indique qu’il n’était pas lié par un contrat et réitère que sa tâche n’était pas celle d’un enseignant.

[28] L’employeur confirme que l’appelant est suppléant. Il indique que l’appelant travaille dans un programme de tutorat à raison de trois jours par semaine. Il est quand même considéré un suppléant, mais le budget lui permettait d'embaucher l’appelant dans ce poste de tutorat, et ceci probablement jusqu'à la fin de l'année scolaire de juin 2021Note de bas page 11.

[29] Je suis d’avis que l’emploi de tuteur de l’appelant ne rencontre pas les critères d’avoir été exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance. L’appelant savait qu’il effectuait 3 jours de tutorat par semaine. Même si aucun contrat n’a été conclu avec l’employeur, l’emploi était exercé de manière continue et déterminéeNote de bas page 12.

Le fait d’exercer un emploi dans l’enseignement sur une base de suppléance une partie de l’année est-il suffisant pour se prévaloir de l’exception prévue à l’article 33 (2) b) ?

[30] Sur cette question, je me réfère à l’analyse détaillée effectuée par la Division d’appel du présent Tribunal sur cette que questionNote de bas page 13 :

L’article 33(2) du Règlement sur l’AE, cité précédemment, prévoit qu’un prestataire « qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence » ne peut pas toucher de prestations régulières durant les périodes de congé, sous réserve de trois exceptions. La seconde de ces exceptions est dans le cas où « son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance ».

« Il est alors question de savoir si le fait d’avoir travaillé dans l’enseignement sur une base de suppléance pendant une petite partie de l’année scolaire est suffisant aux fins de l’article 33(2)(b).  […]

L’article 33(2) s’applique à un prestataire qui a exercé un emploi dans l’enseignement pendant tout[e] partie de sa période de référence (soit habituellement les 52 semaines précédentes). Il s’agit de la première question à régler, et dans la présente affaire, il n’est pas controversé que l’appelante a exercé un emploi dans l’enseignement durant une partie de sa période de référence. […] À mon avis, il découle de la question initiale que « l’emploi dans l’enseignement » d’un prestataire, au sens de l’article 33(2)(b), fait référence à cette même période d’enseignement, c’est-à-dire à son emploi dans l’enseignement au cours de sa période de référence, et non à des parties de cet emploi.

Si le législateur avait voulu que puisse se prévaloir d’une exception à l’inadmissibilité tout prestataire dont l’emploi dans l’enseignement au cours de la dernière année incluait une partie d’enseignement sur une base occasionnelle ou de suppléance, il aurait été simple de formuler autrement l’article 33(2)(b) pour qu’il s’applique; par exemple, si « tout » emploi dans l’enseignement ou « toute partie » de cet emploi était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance, ou si l’emploi dans l’enseignement du prestataire était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance « lorsqu’il y a eu arrêt de la rémunération ». J’estime que, sans de telles précisions, l’article 33(2)(b) commande que l’emploi dans l’enseignement soit considéré comme un tout au regard de la période de référence. Selon moi, il deviendrait absurde si le type d’emploi en enseignement exercé pendant une seule semaine ou deux d’une année scolaire déterminait l’admissibilité ou l’inadmissibilité d’un enseignant à des prestations durant les périodes de congé. Ainsi, d’après l’interprétation que j’en fais, l’article 33(2)(b) prévoit une exception à l’inadmissibilité dans le cas d’un prestataire dont l’emploi en enseignement durant sa période de référence était principalement ou entièrement exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance. […]

En l’espèce, l’« emploi dans l’enseignement » de l’appelante fait référence à son emploi dans l’enseignement entre septembre 2015 et juin 2016, dans l’ensemble. Elle a enseigné de façon régulière pendant huit mois, puis a enseigné sur une base de suppléance pendant moins de deux mois (durant lesquels elle a accepté un emploi permanent pour l’année suivante). Eu égard aux rôles d’enseignante occupés par l’appelante durant sa période de référence dans son ensemble, et au fait que son emploi d’enseignante suppléante n’en avait été qu’une composante mineure, je juge que l’on ne peut considérer son « emploi dans l’enseignement » durant sa période de référence comme ayant été exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance. Dans ces circonstances, l’appelante ne peut se prévaloir de l’exception à l’inadmissibilité prévue à l’article 33(2)(b). »Note de bas page 14

[31] Je suis d’avis que la situation de l’appelant est à l’opposé de celle décrite ci-dessus. En effet, l’appelant a travaillé plus d’heures d’emploi assurable dans un emploi de suppléance jusqu’en décembre 2020 que l’emploi « régulier » qu’il a occupé pendant 5 semaines avant d’établir sa demande de prestations.

[32] Tel que mentionné, le relevé d’emploi démontre qu’il a effectué 208 heures d’emploi assurable dans son emploi de suppléant alors qu’il a effectué environ 123 heures d’emploi assurable comme tuteur.

[33] Ainsi, je suis d’avis que l’emploi de l’appelant a été majoritairement exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance pendant sa période de référence. Dans ces circonstances, je suis d’avis que l’appelant peut se prévaloir de l’exception à l’inadmissibilité prévue à l’article 33 (2) b).

– Est-ce que l’appelant a occupé un emploi autre que celui qu’il a occupé dans l’enseignement et pouvant le rendre admissible au bénéfice des prestations ?

[34] L’appelant soutient que son rôle de tuteur n’est pas celui d’un enseignant.

[35] La Commission soutient qu’il n’y avait aucune preuve que le prestataire était admissible aux prestations dans un emploi autre que dans l’enseignement.

[36] L’enseignement se définit comme « La profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle. (teaching) »Note de bas page 15.

[37] Je suis en désaccord avec l’appelant sur cette question. En effet, je suis d’avis que le rôle de tuteur est un emploi dans l’enseignement. L’appelant confirme qu’il travaille avec des élèves en difficulté afin de les aider dans des matières particulières. Je suis d’avis que même si l’appelant n’a pas la responsabilité d’une classe, il enseigne aux élèves en difficulté et joue un rôle similaire à celui d’un enseignant.

[38] Je conclus que l’emploi du suppléant et l’emploi de tuteur ont été exercé dans l’enseignement puisque l’appelant accomplissait des tâches éducatives similaires à celle d’un enseignant.

L’appelant rencontre-t-il l’une des exceptions prévues pour être admissible aux prestations pendant les périodes de congé scolaire ?

[39] Oui. Je suis d’avis que l’appelant rencontre l’exception prévue à l’article 33 (2) b) puisqu’il a exercé un emploi sur une base occasionnelle ou de suppléance pendant la majorité des heures d’emploi assurables pendant sa période de référence.

[40] Pour cette raison, je suis d’avis que l’appelant est donc admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant les périodes de congé scolaire du 1er mars 2021 au 5 mars 2021 et du 28 juin 2021 au 3 septembre 2021.

Conclusion

[41] L’appel est accueilli.

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