Assurance-emploi (AE)

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Citation : SL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 324

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie mise en cause :

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (417212) datée du 22
mars 2021 rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 mai 2021
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 11 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-695

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi, mais qu’il a été congédié par l’employeurNote de bas de page 1. Bien qu’il ait été congédié, l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, au sens de la LoiNote de bas de page 2. Son exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi, à compter du 20 janvier 2019, n’est donc pas justifiée.

Aperçu

[2] Du mois de janvier 2009 au 24 janvier 2019, l’appelant a travaillé comme acheteur de pièces de mécanique pour l’employeur X (l’employeur), une entreprise œuvrant en excavation et en construction. L’employeur indique avoir congédié l’appelant parce qu’il a refusé de reprendre le travail à temps plein malgré la demande qu’il lui a faite à cet effet.

[3] Le 18 décembre 2018, avant que son emploi ne prenne fin, l’appelant avait cessé de travailler pour l’employeur pour des raisons médicales. Le 21 décembre 2018, il présente une demande initiale de prestations (prestations de maladie). Une période de prestations a été établie à partir du 23 décembre 2018. Le 21 janvier 2019, l’appelant a repris le travail chez l’employeur à raison de trois jours par semaine, comme il le faisait depuis le mois de juin 2018. Son dernier jour de travail fut le 24 janvier 2019.

[4] Le 17 mars 2020, à la suite d’une enquête, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) conclut que l’appelant n’a pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi à partir du 20 janvier 2019, car il a volontairement arrêté de travailler chez l’employeur sans motif valable au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[5] Le 22 mars 2021, à la suite d’une demande de révision, la Commission avise l’appelant qu’elle maintient la décision rendue à son endroit, en date du 21 mars 2020Note de bas de page 4, concernant le fait qu’il a quitté volontairement son emploiNote de bas de page 5.

[6] L’appelant soutient qu’il n’a pas quitté volontairement son emploi, mais qu’il a été congédié. Il explique s’être entendu avec l’employeur pour travailler trois jours par semaine ou une trentaine d’heures sur une base hebdomadaire, à compter du début du mois de juin 2018. Lorsqu’il a repris le travail, le 21 janvier 2019, après avoir cessé de travailler pour des raisons médicales du 18 décembre 2018 au 19 janvier 2019 inclusivement, l’employeur lui a demandé de travailler à temps plein, soit cinq jours par semaine ou 40 heures sur une base hebdomadaire, sans quoi il n’allait pas le garder à son emploi. Il soutient que l’employeur a décidé de modifier ses conditions d’emploi. L’appelant n’a pas accepté de recommencer à travailler à temps plein. Le 26 avril 2021, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[7] Dans le présent dossier, je dois déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploiNote de bas de page 6.

[8] Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?
  • Si tel est le cas, est-ce que le départ volontaire de l’appelant représentait la seule solution raisonnable dans son cas?
  • S’il ne s’agit pas d’un départ volontaire, est-ce que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, c’est-à-dire, est-ce que le geste qui lui a été reproché avait un caractère conscient, délibéré et intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir que ce geste pouvait entraîner la perte de son emploi?

Analyse

[9] La Loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justification. Il ne suffit pas d’avoir un motif valable, c’est-à-dire une bonne raison de quitter un emploi, pour prouver que le départ était fondé.

[10] Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) indiquent que le critère qui détermine si le prestataire est fondé de quitter son emploi consiste à se demander si en tenant compte de toutes les circonstances, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de le quitterNote de bas de page 7.

[11] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 8. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand un prestataire quitte son emploi.

Question no 1 : Est-ce que la fin d’emploi de l’appelant représente un départ volontaire?

[12] J’estime que dans le cas présent, la fin de l’emploi de l’appelant ne représente pas un départ volontaire au sens de la Loi.

[13] Je considère que l’appelant n’a pas choisi de quitter volontairement son emploi, mais que c’est l’employeur qui l’a congédié, le 24 janvier 2019.

[14] La Cour nous informe que dans un cas de départ volontaire, il faut d’abord déterminer si la personne avait le choix de conserver son emploiNote de bas de page 9.

[15] La Cour nous indique aussi qu’il incombe à la Commission de prouver que le prestataire a effectué un départ volontaireNote de bas de page 10.

[16] La preuve recueillie par la Commission auprès de l’employeur indique les éléments suivants :

  1. En mars 2018, l’appelant a rencontré l’employeur pour lui demander de réduire ses heures de travail à compter du printemps 2018. Considérant son âge, l’appelant voulait prendre une préretraite en réduisant sa semaine de travail. L’appelant voulait continuer de travailler, mais à temps partiel ;
  2. Le 15 mai 2018, l’appelant rencontre de nouveau l’employeur dans le but de réduire ses heures de travail ;
  3. Il a été convenu avec l’appelant qu’à compter du 4 juin 2018, il travaillerait trois jours par semaine et parfois quatre, lorsqu’il y aurait des employés en vacances ;
  4. À compter du 19 décembre 2018, l’appelant a été en congé pour des raisons médicales pour quelques semaines. Il a repris le travail le 21 janvier 2019 ;
  5. Le 23 janvier 2019, l’employeur a rencontré l’appelant pour lui expliquer que depuis les derniers mois, l’entreprise était en croissance et que dorénavant, il allait devoir travailler à temps plein. L’employeur lui a expliqué que durant les derniers mois il l’avait accommodé, mais il ne pouvait plus l’autoriser à travailler trois jours par semaine. Le poste de l’appelant exigeait du travail cinq jours par semaine ;
  6. L’appelant a refusé de reprendre le travail à temps plein ou cinq jours par semaine ;
  7. L’employeur a décidé de « remercier » l’appelant. Une autre personne a été embauchée à temps plein pour occuper le poste de l’appelant ;
  8. L’employeur a inscrit « congédiement » comme motif de fin d’emploi sur le relevé d'emploi qu’il a émis, étant donné que l’appelant ne voulait pas continuer de travailler selon les nouvelles conditions établies, soit de travailler à temps plein ;
  9. Le dernier jour de travail de l’appelant fut le 24 janvier 2019. L’employeur lui a remis une paie de vacances et un préavis lors de la cessation de son emploi ;
  10. L’appelant aurait pu travailler à temps plein au cours de la période du 4 juin 2018 au 24 janvier 2019. Il aurait pu continuer de le faire après le 24 janvier 2019Note de bas de page 11.

[17] Le relevé d’emploi émis par l’employeur, en date du 5 juin 2019, précise que l’appelant a été congédié (code M – congédiement)Note de bas de page 12.

[18] Le témoignage de l’appelant et ses déclarations à la Commission indiquent les éléments suivants :

  1. L’appelant soutient avoir été congédié le 24 janvier 2019Note de bas de page 13.  Bien que l’une de ses déclarations à la Commission indique qu’il a quitté volontairement son emploiNote de bas de page 14, cela n’a pas été le cas. L’appelant souligne que sur le relevé d’emploi émis par l’employeur, celui-ci a indiqué qu’il l’avait congédiéNote de bas de page 15 ;
  2. Depuis le début de son emploi, en janvier 2009, l’appelant travaillait à temps plein, soit 40 heures par semaine. Il voulait réduire sa semaine de travail à trois jours. L’appelant trouvait difficile de travailler à temps plein, considérant son âge, et voulait se prévaloir d’une préretraiteNote de bas de page 16 ;
  3. En janvier 2018, l’appelant rencontre l’employeur (la responsable des ressources humaines) pour lui demander une réduction de ses heures de travail afin qu’il puisse travailler trois jours par semaine à compter du mois de mai 2018 ou de juin 2018. L’appelant a expliqué à l’employeur que s’il n’acceptait pas cette entente, il allait quitter son emploi ;
  4. En mars 2018, l’appelant rencontre de nouveau la responsable des ressources humaines et réitère sa demande faite en janvier 2018 pour réduire ses heures de travail. Lors de cette rencontre, l’employeur lui dit avoir entrepris des démarches pour engager une personne afin que celle-ci puisse combler les heures qu’il allait faire en moins. La demande de réduction d’heures de l’appelant n’a pas été en vigueur à ce momentNote de bas de page 17 ;
  5. Au début du mois de juin 2018, une autre rencontre a eu lieu entre l’appelant et l’employeur (la responsable des ressources humaines et le directeur de l’atelier mécanique, soit le superviseur de l’appelant). C’est à la suite de cette rencontre que la réduction des heures de travail de l’appelant a commencé à s’appliquer. L’appelant a ainsi commencé à se prévaloir d’un horaire de travail réduit à trois jours par semaine, soit du lundi au mercredi inclusivement, à partir du début du mois de juin 2018Note de bas de page 18 ;
  6. L’entente conclue entre l’employeur et l’appelant sur la réduction des heures de travail de ce dernier s’est faite verbalement. Au moment de conclure cette entente, il n’a pas été question d’une durée spécifique pour celle-ci. L’employeur a embauché une autre personne pour effectuer les heures que l’appelant ne ferait plus. Pour l’appelant, cette entente était comme une entente de préretraite. Ce serait plus facile pour lui de travailler trois jours par semaine que de le faire cinq jours ;
  7. Du début de juin 2018 jusqu’au 18 décembre 2018, l’appelant a travaillé selon les termes de cette entente, soit trois jours par semaine ou quatre jours, à l’occasion, selon les besoins de l’employeurNote de bas de page 19 ;
  8. L’appelant a été en arrêt de travail pour des raisons médicales au cours de la période du 19 décembre 2018 au 19 janvier 2019Note de bas de page 20 ;
  9. Le 21 janvier 2019, l’appelant reprend le travail. Il demande à l’employeur de le rencontrer le 23 janvier 2019 ;
  10. Le 23 janvier 2019, une rencontre a eu lieu entre l’employeur et l’appelant. L’appelant, la responsable des ressources humaines, le directeur de l’atelier mécanique et le patron de l’entreprise étaient présents. L’employeur a demandé à l’appelant de recommencer à travailler à temps plein. L’appelant lui a expliqué qu’il ne voulait pas travailler cinq jours par semaine, mais qu’il était prêt à le faire trois jours par semaine. L’employeur lui a « donné un ultimatum » et lui a dit que s’il voulait continuer à travailler, il allait devoir le faire cinq jours par semaine. L’employeur lui a expliqué qu’il n’avait pas besoin de lui pour travailler trois jours par semaine et qu’il ne le garderait pas à son emploi. Il lui a aussi dit que s’il n’acceptait pas de travailler cinq jours par semaine, c’était terminé, et que le 24 janvier 2019 serait sa dernière journée de travail. L’appelant n’a rien pu dire, car la décision de l’employeur était prise. L’appelant a refusé cette demande. L’employeur ne lui a pas donné de lettre pour lui signifier qu’il était congédié. Il a émis un relevé d’emploi indiquant que la fin de son emploi était un congédiementNote de bas de page 21 ;
  11. L’appelant fait valoir que c’est l’employeur qui a décidé de changer ses conditions de travailNote de bas de page 22 ;
  12. L’appelant a toujours été prêt à continuer de travailler trois jours par semaine. Son intention était claire sur ce point. Il l’a signifié à l’employeur, mais celui-ci n’a pas accepté cette demande. L’appelant souligne que le patron était au courant qu’il voulait travailler trois jours par semaine, car il en a discuté avec lui à plusieurs reprises. Il explique que même s’il a travaillé à temps plein pour l’employeur pendant plusieurs années, il aimait son horaire de travail à trois jours par semaine et il voulait continuer selon cet horaireNote de bas de page 23 ;
  13. L’appelant dit avoir trouvé décevante la fin de son emploi après neuf ans chez l’employeur lorsque celui-ci lui a dit qu’il devait recommencer à travailler cinq jours par semaine ou qu’autrement c’était fini. L’appelant indique que l’employeur l’a « dédommagé » en lui versant une somme d’argent (ex. : indemnité préavis et indemnité de vacances ou « 4 % »), mais ce n’était pas ce qu’il voulaitNote de bas de page 24.

[19] De son côté, la Commission explique qu’il n’est pas évident si la fin d’emploi de l’appelant résulte d’un départ volontaire ou d’un congédiement. Selon elle, les faits démontrent clairement que l’emploi de l’appelant a pris fin en raison de son refus de reprendre un horaire de travail à temps plein. La Commission soutient que la perte de l’emploi découle d’une décision de l’appelant. Selon la Commission, le fait que le litige soit traité sous l’angle du départ volontaire ou du congédiement ne cause aucun préjudice à l’appelantNote de bas de page 25.

[20] La Commission fait valoir que la conduite de l’appelant est équivalente à un départ volontaire, car il a choisi de refuser de reprendre le travail à temps plein. Elle explique que l’appelant savait que ce refus entraînerait la fin de son emploi, car il en avait été préalablement avisé par l’employeurNote de bas de page 26.

[21] La Commission soutient que pour l’appelant, accepter de travailler à temps plein constituait donc une solution de rechange à la perte prévisible de son emploi. Elle fait valoir que le refus de l’appelant d’accepter cette possibilité de conserver son emploi est assimilé à un départ volontaire, selon l’article 29 b.1)(i) de la LoiNote de bas de page 27.

[22] Dans le cas présent, j’estime que la situation de l’appelant ne peut être associée à un départ volontaire lorsqu’il a cessé de travailler le 24 janvier 2019. 

[23] Je considère que l’appelant n’a pas eu la possibilité de continuer d’occuper son emploi aux conditions qui prévalaient avant son retour au travail, le 21 janvier 2019. Les conditions qui avaient été établies d’un commun accord, entre l’employeur et l’appelant, faisaient en sorte que ce dernier travaillait trois jours par semaine ou 30 heures sur une base hebdomadaire depuis le début de juin 2018.

[24] Je suis d’avis que l’appelant était prêt à reprendre son emploi ou à continuer de l’exercer selon les conditions mises en place en juin 2018, avec l’accord de l’employeurNote de bas de page 28.

[25] Je souligne que l’employeur et l’appelant reconnaissent tous deux que la fin d’emploi de ce dernier est un congédiement.

[26] Je considère que la Commission n’a pas rempli le fardeau qui lui incombe de prouver qu’il s’agissait d’un départ volontaire.

Question no 2 : Est-ce que le départ volontaire de l’appelant représentait la seule solution raisonnable dans son cas?

[27] Dans le cas présent, puisque j’ai déterminé que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi, mais que c’est l’employeur qui l’a congédié, il n’y a pas lieu d’évaluer si le départ volontaire représentait la seule solution raisonnable dans son cas.

[28] Je dois maintenant déterminer si le geste reproché à l’appelant d’avoir refusé de recommencer à travailler à temps plein constitue de l’inconduite au sens de la Loi.

[29] L’appelant reconnaît qu’à la suite de sa période d’arrêt de travail, il a refusé de reprendre le travail à temps, comme le lui a demandé l’employeur. Il fait valoir qu’il voulait continuer à travailler pour l’employeur, mais trois jours par semaine, comme cela était le cas depuis juin 2018.   

Question no 3 : Est-ce que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, c’est-à-dire, est-ce que le geste qui lui a été reproché avait un caractère conscient, délibéré et intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir que ce geste pouvait entraîner la perte de son emploi?

[30] Je considère qu’en refusant de recommencer à travailler cinq jours par semaine, comme demandé par l’employeur, l’appelant n’a pas fait en sorte de perdre délibérément son emploi. Il ne s’agit pas d’un geste représentant de l’inconduite au sens de la Loi.

[31] Le terme d’inconduite n’est pas défini dans la Loi. Des décisions rendues par la Cour donnent les caractéristiques décrivant la notion d’inconduite.

[32] Dans l’une de ses décisions, la Cour mentionne que pour constituer de l’inconduite, « l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail »Note de bas de page 29.

[33] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. C’est-à-dire qu’elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 30. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle « frôle le caractère délibéré »Note de bas de page 31, c’est-à-dire qu’elle est presque délibérée. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable, c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 32.

[34] Il y a inconduite si un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 33.

[35] Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 34.

[36] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 35. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 36

[37] Sur la question de l’inconduite, la Commission présente les arguments suivants :

  1. Le refus de l’appelant de travailler à temps plein constitue de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 37 ;
  2. Il s’agit d’un geste délibéré de la part de l’appelant, car il a pris la décision de refuser la demande de l’employeur, alors qu’il savait que ce geste entraînerait sa fin d’emploi. L’appelant a refusé cette demande, même s’il était conscient que ce refus entraînerait son congédiementNote de bas de page 38 ;
  3. Le refus de l’appelant de travailler à temps plein, alors que l’employeur exigeait qu’il le fasse pour des raisons opérationnelles, est un manquement à ses obligations envers celui-ci. Une relation « employeur-employé » implique que l’employé travaille selon les besoins de l’entreprise et ces besoins peuvent fluctuer dans le temps. Un employé ne peut pas refuser une demande raisonnable de l’employeur, à moins d’avoir un motif valable de le faire. L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable de refuser de travailler à temps plein, car il n’avait aucun empêchementNote de bas de page 39 ;
  4. Comme l’appelant pouvait s’y attendre, il a été congédié en raison de son refus de travailler à temps pleinNote de bas de page 40 ;
  5. Il y a une relation de cause à effet entre le geste posé par l’appelant et son congédiement, car il a été congédié en raison de son refusNote de bas de page 41 ;
  6. Compte tenu du fait que l’appelant a agi de manière délibérée, que son geste constituait un manquement à ses obligations envers l’employeur, et qu’il en a résulté sa fin d’emploi, son refus de travailler à temps plein représente de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 42 ;
  7. Il y a lieu d’imposer à l’appelant une exclusion du bénéfice des prestations à partir de la semaine de la fin d’emploiNote de bas de page 43.

[38] J’estime que les explications de l’appelant en regard du geste qui lui a été reproché, soit de ne pas avoir accepté de recommencer à travailler à temps plein, ou cinq jours par semaine, démontrent qu’il n’a pas manqué à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.

[39] La preuve au dossier démontre que les termes de l’entente conclue entre l’employeur et l’appelant prévoyaient que celui-ci travaillait à raison de trois jours par semaine ou 30 heures sur une base hebdomadaire, et ce, depuis le début du mois de juin 2018.

[40] Je souligne que la preuve au dossier démontre que la réduction du temps de travail de l’appelant à trois jours par semaine est une condition qui été établie d’un commun accord avec l’employeur. L’appelant a respecté cette condition et voulait continuer de travailler selon l’entente conclue avec l’employeur.

[41] Je souligne également que les déclarations de l’employeur indiquent qu’il avait convenu avec l’appelant qu’à compter du 4 juin 2018, il travaillerait trois jours par semaineNote de bas de page 44.

[42] Le fait que l’appelant ne voulait pas recommencer à travailler à temps plein ne représente pas un manquement à ses obligations à l’endroit de l’employeur. Je retiens que l’appelant était prêt à continuer à les remplir, comme il le faisait depuis juin 2018, selon l’entente conclue avec l’employeur, et comme il avait aussi recommencé à le faire le 21 janvier 2019, lorsqu’il a repris le travail à la suite de son congé pour des raisons médicales.

[43] Je retiens l’argument de l’appelant selon lequel c’est l’employeur qui a décidé de changer ses conditions de travailNote de bas de page 45.

[44] J’estime qu’en exigeant de l’appelant qu’il recommence à travailler à temps plein, l’employeur s’est ainsi trouvé à modifier unilatéralement ses conditions d’emploi. Dans ce contexte, je suis d’avis que cette exigence représente plus une question de relations de travail que d’une question d’inconduite au sens de la Loi. Un désaccord est survenu lorsque l’employeur a voulu changer les conditions d’emploi de l’appelant.

[45] Je ne retiens pas l’argument de la Commission selon lequel l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable de refuser de travailler à temps plein, car il n’avait aucun empêchement pour le faire et que la demande de l’employeur était une demande raisonnableNote de bas de page 46.

[46] Je suis d’avis que lorsqu’il a repris le travail le 21 janvier 2019, l’appelant pouvait raisonnablement croire qu’il allait pouvoir continuer de travailler selon les conditions établies avec l’employeur plus de sept mois auparavant et que celui-ci allait continuer de respecter ces conditions.

[47] Je ne retiens pas non plus l’argument de la Commission voulant qu’une relation « employeur-employé » implique que l’employé travaille selon les besoins de l’entreprise et que ces besoins peuvent fluctuer dans le tempsNote de bas de page 47.

[48] Je considère que l’appelant n’était pas tenu d’emblée de reprendre le travail à temps plein, comme le lui a demandé l’employeur, pour répondre aux besoins de l’entrepriseNote de bas de page 48.

[49] Le témoignage de l’appelant, lequel n’a pas été contredit, indique que lorsque l’entente sur la réduction de son temps de travail est entrée en vigueur, en juin 2018, l’employeur avait embauché une autre personne pour effectuer les heures qu’il allait faire en moins. Le témoignage de l’appelant indique aussi que dès le mois de mars 2018, l’employeur avait entrepris des démarches à cet effet.

[50] Je souligne aussi que les déclarations de l’employeur indiquent qu’il a embauché une autre personne à temps plein pour occuper le poste de l’appelant après que celui-ci ait été congédiéNote de bas de page 49.

[51] Je considère que le geste reproché à l’appelant ne démontre pas qu’il a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ce geste aurait sur son travail.

[52] J’estime qu’objectivement, l’appelant ne pouvait s’attendre à être congédié parce qu’il voulait s’en tenir à l’entente conclue avec l’employeur, plusieurs mois avant son congédiement, selon laquelle son travail s’effectuerait à raison de trois jours par semaine.

[53] Je considère que ce qui est reproché à l’appelant ne représente pas un geste ayant un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant être associé à de l’inconduite au sens de la Loi.

[54] J’estime que dans le cas présent, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si le geste reproché à l’appelant représente de l’inconduite.

[55] La Cour nous informe que la Commission doit prouver l’existence d’éléments de preuve démontrant l’inconduite d’un prestataireNote de bas de page 50.

[56] Je considère que la preuve recueillie par la Commission est insuffisante et n’est pas suffisamment circonstanciée pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[57] J’estime que la preuve recueillie par la Commission ne démontre pas que l’appelant n’a pas respecté l’entente de travail conclue avec l’employeur en juin 2018.

[58] Je ne retiens donc pas l’argument de la Commission selon lequel le refus de l’appelant de travailler à temps plein est un « manquement à ses obligations » envers l’employeurNote de bas de page 51.

[59] La Cour nous indique aussi qu’il doit être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataireNote de bas de page 52.

[60] L’appelant n’a pas été congédié en raison d’un acte qu’il a posé de manière volontaire et délibérée.

[61] Selon la Loi, la raison du congédiement de l’appelant n’est pas une inconduite.

Conclusion

[62] Je conclus que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi. C’est l’employeur qui l’a congédié.

[63] Bien que l’appelant ait perdu son emploi, la cause de la perte de son emploi ne représente pas de l’inconduite au sens de la Loi.

[64] En conséquence, la décision de la Commission d’exclure l’appelant du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 20 janvier 2019 n’est pas justifiée.

[65] L’appel est accueilli.

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