Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 354

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (422589) rendue par la
Commission de l’assurance-emploi du Canada le
11 mai 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 juin 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 17 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-888

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Décision

[1] L’appel est accueilli. J’ordonne à la Commission de l’assurance-emploi du Canada d’annuler la période initiale de prestations qui commençait le 5 janvier 2020 et d’en établir une nouvelle à compter du 6 décembre 2020. L’appelante aura ainsi droit à des prestations pendant un maximum de 50 semaines si elle en a besoin.

Aperçu

[2] Une période initiale de prestations régulières a été établie au profit de l’appelante le 5 janvier 2020, après la cessation de son emploi. Comme elle a reçu une indemnité de départ, l’argent était considéré comme une rémunération et a été réparti sur les semaines de chômage que l’appelante allait recevoir. Ses prestations ne devaient pas commencer avant le 7 décembre 2021. Lorsqu’elle est devenue admissible au versement des prestations, elle a remarqué dans son compte en ligne qu’elle avait droit à 36 semaines. L’appelante a voulu savoir pourquoi elle ne toucherait pas des prestations pendant 50 semaines à cause des mesures de relance dues à la COVID-19. La Commission lui a dit que, comme une période initiale de prestations avait été établie à son profit en janvier 2020, elle avait seulement droit aux semaines de prestations résultant du calcul applicable à ce moment-là.

[3] L’appelante affirme que ce n’est pas juste. Elle dit que les restrictions liées à la Covid‑19 nuisaient aux conditions du marché du travail en décembre 2020 et que ces conditions sont les mêmes aujourd’hui. Elle soutient qu’elle devrait être admissible à 50 semaines de prestations comme n’importe quelle autre personne ayant demandé des prestations à la même date en décembre 2020.

[4] Je dois décider du nombre maximal de semaines de prestations d’assurance-emploi qu’il est permis d’accorder à l’appelante.

Question en litige

[5] Quel est le nombre maximal de semaines de prestations d’assurance-emploi que l’appelante pourrait toucher?

Analyse

[6] Les prestataires ont le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi si les conditions requises sont rempliesNote de bas page 1. Une personne remplit les conditions requises si, à la fois :

  1. il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;
  2. au cours de sa période de référence, elle a exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures prévu par la LoiNote de bas page 2.

[7] L’appelante a présenté sa demande initiale de prestations à la fin de son emploi. La Commission a établi une période de prestations commençant le 5 janvier 2021. Le calcul permettant de déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles une personne peut recevoir des prestations est fondé sur le nombre d’heures durant lesquelles elle a travaillé pendant sa période de référence et le taux de chômage dans la région où elle vitNote de bas page 3.

[8] À ce moment-là, la Commission a établi que l’appelante avait accumulé 1 820 heures d’emploi assurable et qu’elle vivait dans une région où le taux de chômage s’élevait à 5 %. Ainsi, elle avait droit à 36 semaines de prestations. La Commission affirme que ce calcul est purement mathématique, qu’il ne laisse aucune place à l’interprétation et qu’il n’est soumis à aucun pouvoir discrétionnaire.

[9] Si l’appelante avait commencé à toucher des prestations à ce moment-là, il n’y aurait probablement pas eu d’autres problèmes avec sa demande. Toutefois, elle a reçu une grosse indemnité de départ de la part de l’entreprise qui l’employait. Le règlement exige que les indemnités de départ soient réparties sur les futures semaines de chômage avant que les prestataires puissent recevoir des prestationsNote de bas page 4.

[10] En raison des sommes réparties, l’appelante ne pouvait pas toucher de prestations avant le 7 décembre 2020. L’appelante ne conteste pas ses heures assurables ni le taux d’emploi au moment où elle a présenté sa demande.

[11] Entre l’établissement de sa période de prestations et le moment où l’appelante a pu recevoir des prestations, la COVID-19 a frappé. Lorsqu’elle est devenue admissible au versement des prestations, l’appelante a appris qu’elle en recevrait seulement pendant 36 semaines. Elle s’interrogeait sur cette période parce qu’elle savait que le gouvernement fédéral avait adopté une loi accordant jusqu’à 50 semaines de prestations en raison des effets de la COVID-19 sur le marché du travailNote de bas page 5.

[12] L’appelante a demandé à la Commission pourquoi les 50 semaines ne lui étaient pas accordées. La Commission lui a dit que, comme elle avait présenté sa demande initiale en janvier 2020, ce sont les calculs prévus par la Loi à ce moment‑là qui s’appliquaient. La Commission lui a dit qu’elle n’était pas admissible au plus grand nombre de semaines de prestations parce que sa période de prestations avait commencé avant l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition le 27 septembre 2020.

[13] L’appelante conteste cette décision et affirme qu’elle est injuste. Elle fait valoir qu’elle a essentiellement continué d’être payée par son employeur pendant toute la période allant du dépôt de sa demande initiale à la fin de son indemnité de départ. Elle affirme qu’elle est touchée par la situation due à la COVID-19 de la même façon que quiconque ayant présenté une demande initiale après le 27 septembre 2020. Elle ajoute que la Commission ne devrait pas traiter son dossier de prestations différemment. Elle dit qu’elle devrait recevoir des prestations pendant le même nombre de semaines (50) que toute personne ayant présenté une demande le même jour où elle est devenue admissible au versement des prestations.

[14] Habituellement, une telle affaire requiert l’analyse de plusieurs facteurs. Mais il y a une meilleure façon, une façon plus équitable de trancher la présente affaire.

[15] L’appelante a déclaré que plusieurs personnes ont été mises à pied au même moment qu’elle par la même entreprise. Elle dit avoir travaillé en étroite collaboration avec des collègues qui se retrouvent dans des circonstances identiques. Chaque personne a reçu une décision de révision défavorable de la Commission et a porté la décision en appel au Tribunal de la sécurité sociale. Elle affirme qu’une de ses collègues a récemment reçu une décision favorable lui accordant un maximum de 50 semaines de prestations.

[16] Dans cette autre affaire, l’appelante a perdu son emploi à peu près au même moment que l’appelante dans la présente affaire. Elles ont toutes deux touché une indemnité de départ. Les deux ont dû attendre la fin de la répartition de cet argent avant de recevoir des prestations. Elle est devenue admissible au versement des prestations le 4 octobre 2020. Elle avait droit à 36 semaines, tout comme l’appelante dans la présente affaire. Elle a demandé une révision pour les mêmes motifs, à savoir qu’elle devrait avoir droit aux 50 semaines de prestations prévues par la version modifiée de la LoiNote de bas page 6. La Commission a rejeté cette demande en invoquant la même raison que celle donnée à l’appelante dans la présente affaire.

[17] La Commission a concédé le bien-fondé de l’appel avant l’audience. Elle a dit avoir le pouvoir discrétionnaire d’annuler une période de prestations et d’en établir une nouvelle à compter de la première semaine pour laquelle des prestations ont été versées ou étaient payables. Grâce à ce recours, l’appelante a eu droit à 50 semaines de prestations en cas de besoinNote de bas page 7.

[18] Je suis convaincu que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire conformément à la loi lorsqu’elle a annulé une période de prestations pour en établir une nouvelleNote de bas page 8.

En quoi cela touche-t-il l’appelante dans la présente affaire?

[19] Je suis convaincu que les deux appelantes travaillaient pour la même entreprise. Celle-ci les a mises à pied en même temps et pour les mêmes raisons. Des périodes de prestations semblables ont été établies à leur profit et les deux ont reçu des indemnités de départ qui ont retardé le début de leurs prestations au-delà du 27 septembre 2020. Compte tenu des circonstances presque identiques, je ne vois aucune raison justifiant un traitement différent de leurs demandes de prestations.

[20] En décider autrement voudrait dire que la Commission traite différemment des prestataires dont les situations sont très semblables. Ce serait là une preuve qu’il y a une application inégale de la loi sans justification. Une telle application serait arbitraire et indiquerait clairement que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[21] Je ne sais pas pourquoi la Commission a concédé le bien-fondé de l’appel dans un cas, mais n’a rien fait avant l’audience dans l’autre. Il se peut qu’elle n’ait pas été au courant que les deux appelantes étaient dans des situations presque identiques.

[22] Toutefois, la Commission rend des décisions administratives. Elle dispose d’un grand pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle rend des décisions qui touchent les prestataires. La Cour suprême du Canada dit que les personnes qui rendent une décision doivent tenir compte de l’uniformité de leurs décisions. Les personnes visées par les décisions sont en droit de s’attendre à ce que les affaires semblables soient généralement tranchées de la même façonNote de bas page 9.

[23] Qu’est-ce que tout cela veut dire? Si la Commission peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’annuler une période de prestations et d’en établir une nouvelle pour une appelante, elle peut le faire pour une autre personne dont la situation est identique, comme c’est le cas dans la présente affaire.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli. J’ordonne à la Commission d’annuler la période initiale de prestations qui commençait le 5 janvier 2020 et d’en établir une nouvelle à compter du 6 décembre 2020. L’appelante aura ainsi droit à des prestations pendant un maximum de 50 semaines si elle en a besoin.

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