Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation: Commission de l’assurance-emploi du Canada c KD, 2021 TSS 335

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-194

ENTRE :

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Demanderesse (Commission)

et

K. D.

Défenderesse (prestataire)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


Décision relative à une demande de
permission d’en appeler rendue par :
Jude Samson
Date de la décision : Le 13 juillet 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déposé une demande auprès de la division d’appel. La Commission demande la permission de porter en appel la décision de la division générale dans cette affaire. Pour les raisons expliquées ci-dessus, j’ai décidé que l’appel de la Commission n’a aucune chance raisonnable de succès. Je dois donc refuser la permission d’en appeler.

Aperçu

[2] K. D. est la prestataire dans cette affaire. Elle a demandé et obtenu des prestations de maternité de l’assurance-emploi, puis des prestations parentales. Dans sa demande de prestations parentales, elle devait faire un choix entre deux options : standards ou prolongées.

[3] L’option des prestations standards offre un taux de prestations plus élevé, et les prestations sont versées pendant un maximum de 35 semaines. L’option des prestations prolongées offre un taux inférieur, et les prestations sont versées pendant un maximum de 61 semaines. Lorsqu’elle est combinée aux 15 semaines de prestations de maternité, l’option standard fournit des prestations d’assurance-emploi pendant environ un an, tandis que l’option prolongée fournit des prestations pendant environ 18 mois.

[4] La prestataire a trouvé que le formulaire de demande portait à confusion. Elle a sélectionné l’option prolongée sur son formulaire, mais certaines de ses réponses concordent davantage avec l’option standard. La Commission a versé à la prestataire les prestations au taux inférieur correspondant à l’option prolongée.

[5] La prestataire a remarqué que son taux de prestations avait diminué lorsqu’elle est passée des prestations de maternité aux prestations parentales, alors elle s’est empressée de communiquer avec la Commission et a demandé l’option standard. La Commission a rejeté la demande de la prestataire. Elle a dit qu’il était trop tard pour que la prestataire change d’option parce qu’elle avait déjà commencé à toucher des prestations parentales.

[6] La prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale du Tribunal et elle a eu gain de cause. La division générale a conclu que le formulaire de demande de la Commission était si trompeur qu’il avait empêché la prestataire de faire un choix valide entre les options standard et prolongée. Elle a aussi conclu que les réponses que la prestataire avait fournies sur son formulaire étaient contradictoires.

[7] La Commission veut maintenant porter en appel la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la décision de la division générale contient des erreurs de droit.

[8] L’appel de la Commission n’a aucune chance raisonnable de succès. Je suis donc obligé de refuser la permission d’en appeler.

Questions en litige

[9] Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettantNote de bas de page 1  :

  1. d’analyser la preuve de manière significative?
  2. d’exiger que la prestataire s’informe davantage au sujet des prestations qu’elle voulait recevoirNote de bas de page 2 ?
  3. d’appliquer l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance‑emploi, qui empêchait la prestataire de changer d’option après qu’elle a commencé à recevoir des prestations parentales?

Analyse

[10] La plupart des dossiers de la division d’appel suivent un processus en deux étapes. Le présent dossier en est à la première étape : la permission d’en appeler.

[11] Le critère juridique que la Commission doit satisfaire à cette étape est peu exigeant : existe-t-il un argument défendable pouvant mener à l’accueil de l’appelNote de bas de page 3 ? Je dois refuser la permission d’en appeler si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4 .

[12] Pour trancher cette question, j’ai examiné la question de savoir si la division générale aurait pu commettre une erreur de droit, ce qui correspond à l’une des erreurs importantesNote de bas de page 5 .

Sommaire de la décision de la division générale

[13] Dans sa demande de prestations parentales, la prestataire a sélectionné l’option prolongée. Cependant, la division générale a conclu que son choix était invalide.

[14] Pour tirer cette conclusion, la division générale a fait référence à trois décisions de la division d’appel. L’une de ces décisions dit que le choix qu’a fait une personne entre les options de prestations standards et prolongées est invalide si le processus de demande a induit cette personne en erreur et l’a menée à faire le mauvais choixNote de bas de page 6 . Les deux autres décisions disent que des réponses contradictoires dans le formulaire de demande d’une personne peuvent invalider son choix, parce qu’il est ambiguNote de bas de page 7 . La Commission n’a contesté aucune de ces décisions devant la cour.

[15] Dans sa décision, la division générale a établi que l’information contenue dans le formulaire de demande a induit en erreur la prestataire et l’a empêchée de faire un choix valideNote de bas de page 8 .

[16] La division générale a relevé la partie du formulaire qui était trompeuse et a noté que de l’information essentielle était manquante dans le formulaire. Plus précisément, la division générale a axé son attention sur la question : [traduction] « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? »

[17] Comme elle prévoyait prendre un congé d’environ un an, la prestataire a répondu « 48 » à cette question (12 mois X 4 semaines par mois = 48 semaines)Note de bas de page 9 . Cependant, réclamer des prestations parentales pendant 48 semaines voulait aussi dire que la prestataire devait choisir l’option prolongée.

[18] La division générale a établi que la question « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? » avait induit la prestataire en erreur et l’avait portée à croire que la Commission lui demandait le nombre total de semaines pendant lesquelles elle voulait recevoir des prestations d’assurance‑emploi. La question ne précise pas qu’elle porte seulement sur les prestations parentales (sans les 15 semaines de prestations de maternité).

[19] De plus, le formulaire de demande n’avertissait pas la prestataire qu’en demandant l’option prolongée pendant 48 semaines, elle recevrait au total une somme inférieure de prestations.

[20] La division générale a aussi noté que les réponses dans le formulaire de demande de la prestataire étaient contradictoiresNote de bas de page 10 . Par exemple, la date de son retour au travail ne concordait pas avec le nombre de semaines de prestations d’assurance‑emploi qu’elle réclamait.

[21] En fait, le formulaire de la prestataire demande 15 semaines de prestations de maternité et 48 semaines de prestations parentales, donc 63 semaines au total. Son formulaire de demande montre toutefois aussi qu’elle prévoyait retourner au travail dans un an environ.

On ne peut pas soutenir que la division générale a omis d’analyser la preuve de manière significative

[22] La Commission soutient à présent que la division générale n’a pas analysé la preuve de manière significative. Son argument est essentiellement le suivant : si la division générale avait tenu compte du formulaire de demande dans son ensemble, elle n’aurait pas établi que la question « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? » était trompeuse.

[23] Pour appuyer son argument, la Commission se fonde sur deux parties du formulaire de demande. Premièrement, la question « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? », qui figure sous la rubrique [traduction] « Renseignements sur les parents ». Et deuxièmement, la question suivante qui figure avant dans le formulaire, sous la rubrique [traduction] « Renseignements sur la maternité » :

[traduction]
« Voulez‑vous toucher des prestations parentales immédiatement après avoir reçu vos prestations de maternité? »

checkbox checked Oui, je veux toucher les prestations parentales immédiatement après avoir reçu mes prestations de maternité.

checkbox empty Non, je veux seulement toucher jusqu’à 15 semaines de prestations de maternité.

[24] D’après la Commission, ces parties de la demande mettent en lumière la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales. De plus, elles signalent à la prestataire que la question « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? » faisait référence seulement aux prestations parentales.

[25] L’argument de la Commission n’a aucune chance raisonnable de succès.

[26] J’admets que la division générale doit analyser la preuve d’une manière significativeNote de bas de page 11 . Il n’est toutefois pas nécessaire que la division générale mentionne chaque élément de preuve qui a été porté à sa connaissanceNote de bas de page 12 . Je peux par contre présumer que la division générale a tenu compte de l’ensemble de la preuve.

[27] Dans sa décision, la division générale a de toute évidence tenu compte du contenu du formulaire de demande. De plus, les parties du formulaire de demande que la Commission met en lumière ne sont pas éclairantes ou importantes au point où la division générale aurait dû les mentionner. En fait, la Commission n’a pas mentionné ces parties du formulaire de demande dans ses arguments à la division généraleNote de bas de page 13 .

[28] La Commission n’a pas expliqué, et je ne vois pas non plus, en quoi ces parties du formulaire de demande auraient pu aider la prestataire. On ne signale pas dans ces parties qu’en répondant à la question « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? », une personne doit déduire de sa réponse les 15 semaines de prestations de maternité.

On ne peut pas soutenir que la division générale a omis d’imposer à la prestataire les obligations juridiques appropriées

[29] Le deuxième argument de la Commission est fondé sur une décision récente de la Cour fédérale intitulée Karval c Canada (Procureur général)Note de bas de page 14 .

[30] Plus précisément, la Commission fait valoir que la division générale a ignoré la preuve de la prestataire selon laquelle elle était confuse lorsqu’elle a rempli son formulaire de demande et qu’elle ne comprenait pas vraiment la différence entre les options des prestations standards et prolongées. Selon la décision Karval, les personnes qui présentent une demande doivent s’informer au sujet des prestations qu’elles demandent et poser des questions à la Commission si elles ne comprennent pas certains éléments.

[31] Cependant, la décision Karval ne s’applique clairement pas dans l’affaire qui nous occupe.

[32] Mme Karval était peut-être confuse pendant le processus de demande, mais toutes les réponses sur son formulaire de demande renvoyaient à l’option des prestations prolongées. De plus, même après que le montant de ses prestations d’assurance-emploi a diminué, elle a attendu six mois avant de communiquer avec la Commission pour demander de changer d’option. Il est donc vraisemblable qu’un changement de situation a motivé Mme Karval à demander de changer d’option. Cependant, la loi l’interdit clairement.

[33] Dans la décision Karval, la Cour a pris soin de faire une distinction entre les personnes qui manquent de connaissances pour répondre à des questions claires et celles qui sont induites en erreur en se fiant à l’information trompeuse que la Commission leur fournitNote de bas de page 15 .

[34] Dans l’affaire qui nous occupe, la division générale a établi que le formulaire de demande a induit la prestataire en erreur : le manque d’information claire et complète a empêché la prestataire de faire un choix valideNote de bas de page 16 .

[35] De plus, dans cette affaire, le formulaire de demande de la prestataire ne révélait pas un choix clair entre les deux options. Cela a permis à la division générale d’examiner la preuve et de déterminer quelle option la prestataire avait choisie dans les faits.

[36] Ces différences factuelles importantes signifient que la décision Karval ne s’applique pas dans la présente affaire.

On ne peut pas soutenir que la division générale a omis d’appliquer l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi

[37] La division générale reconnaît l’effet juridique de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 17 .

[38] Cependant, la division générale a décidé de suivre une série de décisions du Tribunal qui disent que dans certaines situations, la sélection d’une personne est invalide dès le départ. Autrement dit, la prestataire n’a jamais fait un choix valide entre les options de prestations standard et prolongées. Cela est différent que de permettre à la prestataire de changer d’option.

[39] La division générale est parvenue à cette conclusion parce que le formulaire de demande de la Commission a induit en erreur la prestataire, et l’a empêchée de faire un choix valide entre les options des prestations standards et prolongées.

[40] Plus important encore, les arguments de la Commission n’ont pas tenu compte de la conclusion de la division générale selon laquelle le formulaire de demande de la prestataire contenait des réponses contradictoires. Étant donné que la sélection de la prestataire entre les options des prestations standards et prolongées n’était pas claire, cette sélection est invalide pour deux raisons. La division générale a donc dû examiner l’ensemble de la preuve et décider quelle option la prestataire avait choisie.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[41] En plus des arguments de la Commission, j’ai examiné le dossier et la décision de la division généraleNote de bas de page 18 .

[42] La preuve appuie la décision de la division générale. Je n’ai relevé aucun élément de preuve que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter. Finalement, la Commission n’a pas fait valoir que la division générale a agi de façon inéquitable d’une quelconque manière.

Conclusion

[43] J’ai conclu que l’appel de la Commission n’a aucune chance raisonnable de succès. Je suis donc dans l’obligation de refuser la permission d’en appeler.

 

Représentant :

R. Paquette, pour représenter la demanderesse

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