Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 252

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-312

ENTRE :

S. S.

Appelant (prestataire)

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée (Commission)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Suzanne Graves
DATE DE L’AUDIENCE : Le 17 mars 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 22 mars 2021

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Décision

[1] J’accueille l’appel. Cela signifie que le prestataire devrait avoir un délai supplémentaire pour présenter sa demande de révision étant donné qu’il avait une explication raisonnable pour justifier la présentation tardive de sa demande et qu’il avait l’intention persistante de faire une demande.

Aperçu

[2] Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada lui a versé des prestations à compter du 16 juin 2019. Le 10 mars 2020, la Commission a décidé qu’elle ne pouvait plus lui verser de prestations à partir du 6 octobre 2019, parce qu’il n’avait pas prouvé qu’il était capable de travailler. Depuis qu’elle a commencé à verser des prestations d’assurance-emploi au prestataire, la Commission a calculé un trop-payé et a envoyé un avis de dette au prestataire.

[3] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision le 19 janvier 2021. La Commission a refusé de réviser la décision parce que le prestataire a présenté sa demande en retard, soit après le délai prescrit de 30 jours. La Commission a examiné les raisons de son retard et a décidé qu’il n’avait pas d’explication raisonnable pour justifier son retard et qu’il n’avait pas démontré l’intention persistante de demander une révision.

Question en litige

[4] Je dois décider si le prestataire peut avoir un délai supplémentaire pour demander une révision. Pour ce faire, je dois d’abord décider s’il a présenté sa demande de révision en retard. Si c’est le cas, j’examinerai ensuite si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rendu sa décision de ne pas accorder un délai supplémentaire au prestataire pour demander une révision.

[5] Si la Commission n’a pas bien exercé son pouvoir discrétionnaire, je rendrai la décision que la Commission aurait dû rendre en me fondant sur la question de savoir si le prestataire avait une explication raisonnable pour justifier son retard et s’il avait démontré l’intention persistante de demander une révision.

Analyse

[6] Une personne peut demander à la Commission de réviser une décision dans les 30 jours suivant la date où elle a reçu la décisionNote de bas de page 1 . Si la demande est présentée après le délai de 30 jours, la Commission peut prolonger le délai si elle est convaincue que la personne a une explication raisonnable pour demander plus de temps et qu’elle a démontré l’intention persistante de demander une révisionNote de bas de page 2 .

[7] Si la personne demande une révision plus de 365 jours après que la décision lui a été communiquée ou si elle a présenté une autre demande de prestations après avoir reçu la décision, deux autres conditions doivent être remplies. La Commission doit être convaincue que la demande de révision a une chance raisonnable de succès et que le fait d’accorder un délai supplémentaire ne porterait pas préjudice à la Commission ni à toute autre personneNote de bas de page 3 .

Le prestataire a présenté sa demande de révision en retard

[8] Les parties conviennent que le prestataire a présenté sa demande de révision en retard. La Commission a rendu sa décision le 10 mars 2020. Le prestataire a dit à la Commission qu’il a reçu la décision en juin ou juillet 2020Note de bas de page 4 . Il a demandé une révision le 19 janvier 2021. Il a donc présenté sa demande en retard, après le délai de 30 jours.

[9] La Commission a expliqué pourquoi elle avait refusé d’accorder un délai supplémentaire au prestataire pour présenter sa demandeNote de bas de page 5 . Elle a examiné si le prestataire avait une explication raisonnable pour justifier son retard et s’il avait l’intention persistante de présenter une demande.

[10] La Commission a examiné l’explication du prestataire selon laquelle il attendait l’issue d’un arbitrage, mais elle a jugé qu’il ne s’agissait pas d’une explication raisonnable pour justifier son retard. Elle a aussi décidé qu’il n’avait pas démontré l’intention persistante de demander une révision, parce qu’il n’avait pas communiqué avec elle et ne s’était pas rendu dans un bureau de Service Canada pour discuter de la décision.

[11] Le prestataire a déclaré qu’il ne sait pas lire. Par conséquent, il n’a pas compris la décision que la Commission a rendue en mars 2020. Il a dit que lorsqu’il a reçu un avis de dette en décembre 2020, il a compris qu’il devait rembourser de l’argent à la Commission. Il a aussi dit qu’il avait des problèmes de santé mentale et qu’il avait beaucoup de mal à demander de l’aide. Toutefois, il a finalement communiqué avec une personne de son entourage qui l’a aidé à examiner les documents, à lui expliquer et à rédiger sa demande de révision.

La Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire

[12] J’estime que la Commission n’a pas bien exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé d’accorder plus de temps au prestataire pour demander une révision. Mes motifs sont énoncés ci-dessous.

[13] La loi prévoit que la Commission peut prolonger le délai de 30 jours pour demander une révision si elle décide que la personne a une explication raisonnable pour justifier son retard et qu’elle a l’intention persistante de demander une révisionNote de bas de page 6 .

[14] La décision de la Commission de prolonger le délai de 30 jours est une décision discrétionnaireNote de bas de page 7 . Autrement dit, je peux seulement la modifier si la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Agir de façon judiciaire signifie que la Commission a pris en considération tous les facteurs pertinents, qu’elle n’a pas tenu compte des facteurs non pertinents et qu’elle a agi de bonne foi de manière non discriminatoireNote de bas de page 8 .

[15] Si la Commission a agi de façon judiciaire, je ne peux pas modifier sa décision. Si je juge que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, je peux décider si le prestataire remplit les conditions liées à la prolongation du délai pour demander une révision.

[16] J’estime que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire parce qu’elle n’a pas pris en considération tous les facteurs pertinents dans sa décision. Plus particulièrement, la Commission n’a pas tenu compte de l’incapacité du prestataire à lire et à comprendre la décision du 10 mars 2020. Ces facteurs sont pertinents quant à la question de savoir s’il avait une explication raisonnable pour justifier son retard et s’il avait l’intention persistante de demander une révision.

[17] Étant donné que j’ai conclu que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire en rendant sa décision, je rendrai la décision que la Commission aurait dû rendre en appliquant les deux premiers facteurs établis dans le Règlement sur les demandes de révisionNote de bas de page 9 .

Le prestataire a-t-il une explication raisonnable pour demander une prolongation du délai?

[18] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 17 juin 2019. La Commission lui a versé des prestations à compter du 16 juin 2019. Le 10 mars 2020, la Commission a décidé qu’elle ne pouvait plus lui verser de prestations à partir du 6 octobre 2019, parce qu’il n’avait pas prouvé qu’il était capable de travailler.

[19] Le prestataire a déclaré qu’il avait reçu la décision que la Commission avait rendue en mars 2020, mais qu’il n’arrivait pas à la comprendre parce qu’il ne savait pas lire. Plus tard, lorsqu’il a reçu un avis de dette en décembre 2020, il a emporté tous ses documents à une personne de son entourage pour lui demander son aide.

[20] Le prestataire a dit qu’il a seulement compris qu’il devait rembourser de l’argent à la Commission en raison de sa décision après avoir reçu l’avis de dette et avoir parlé avec la personne de son entourage. Lorsque celle-ci a examiné les documents et a expliqué la situation au prestataire, le prestataire a demandé une révision.

[21] Le prestataire a dit qu’il savait que le versement de ses prestations d’assurance-emploi avait cessé. Il a déclaré qu’il avait fait l’objet d’un arbitrage avec son employeur et qu’il avait toujours eu l’intention de rembourser les prestations d’assurance-emploi s’il recevait un arriéré de salaire. Toutefois, bien qu’il ait repris son emploi le 24 août 2020, il n’a reçu aucun salaire rétroactif et n’a pas compris qu’il devait rembourser ses prestations d’assurance-emploi.

[22] Il a dit qu’il avait essayé d’expliquer sa situation à la Commission en janvier 2021, mais qu’il ne lui avait pas révélé qu’il ne savait pas lire et qu’il ne pouvait donc pas comprendre pleinement la première décision. Il a aussi dit qu’il avait des problèmes de santé mentale et qu’il avait beaucoup de mal à dire à une personne qu’il ne savait pas lire.

[23] Le prestataire a livré son témoignage avec sincérité, et j’ai accordé du poids à son élément de preuve selon lequel il ne savait pas lire et qu’il ne pouvait donc pas comprendre la décision rendue par la Commission en mars 2020. J’accepte qu’il n’ait compris la décision qu’avec l’aide d’une personne de son entourage en décembre 2020. J’accepte aussi que son incapacité à lire ait été aggravée par ses problèmes de santé mentale.

[24] Après avoir pris en considération le niveau d’alphabétisation et les problèmes de santé du prestataire, je conclus que le prestataire avait une explication raisonnable pour justifier la présentation tardive de sa demande de révision.

Le prestataire a-t-il démontré une intention persistante?

[25] Je conclus que le prestataire a démontré l’intention persistante de demander une révision parce qu’il a présenté sa demande aussitôt qu’il a compris la décision avec l’aide d’une personne de son entourage. Il est raisonnable que le prestataire ait manifesté l’intention de contester la décision seulement lorsqu’il l’a comprise et lorsqu’il a été informé de la procédure d’appel.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli. Le prestataire est admissible à une prolongation du délai pour demander une révision parce qu’il a une explication raisonnable pour justifier son retard et qu’il a démontré l’intention persistante de demander une révision.

 

Date de l’audience :

Le 17 mars 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

S. S., appelant (prestataire)

J. S., représentante de l’appelant (prestataire)

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