Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 313

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-314

ENTRE :

M. C.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Teresa M. Day
DATE DE L’AUDIENCE : Le 5 mars 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 16 mars 2021

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le prestataire (qui est l’appelant dans le présent appel) n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour avoir tardé à demander des prestations d’assurance-emploi (AE). Sa demande ne peut donc pas être considérée comme si elle avait été présentée à une date antérieureNote de bas de page 1 .

Aperçu

[3] Le prestataire a travaillé jusqu’à la fin octobre 2020, mais il n’a pas demandé de prestations d’AE avant le 30 novembre 2020, soit environ cinq semaines après la fin de son contrat. Le 1er décembre 2020, il a demandé que sa demande soit antidatée au 25 octobre 2020 pour coïncider avec son dernier jour de travail (GD3-12 à GD3-14). On a demandé au prestataire la raison de son retard, et il a déclaré qu’il cherchait du travail et essayait d’éviter de recourir aux prestations d’AE, et qu’il ne savait pas s’il serait admissible aux prestations. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu que le prestataire n’avait pas de motif valable pour son retard et a rejeté sa demande d’antidatation. 

[4] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a expliqué qu’il n’avait pas demandé de prestations d’AE immédiatement parce qu’il avait l’intention de travailler plutôt que de toucher des prestations d’AE. Cependant, ses possibilités d’emploi étaient limitées en raison de la pandémie de COVID-19 (pandémie), et il ne savait pas s’il serait admissible aux prestations d’AE avec le peu de travail qu’il avait pu trouver. Il ne savait pas non plus qu’il y avait un délai pour présenter une demande. Il a fait valoir que la décision de la Commission était discrétionnaire et qu’elle ne devrait pas le pénaliser en lui faisant perdre cinq semaines de prestations d’AE alors que sa situation est si incertaine en raison de la pandémie et qu’il a besoin d’une aide financière.   

[5] La Commission a maintenu que le prestataire n’avait pas de motif valable pour son retard et elle a rejeté sa demande d’antidatation. Le prestataire a fait appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale. 

Question en litige

[6] Je dois décider s’il est possible de considérer la demande de prestations d’AE comme si le prestataire l’avait présentée le 25 octobre 2020 (c’est ce qu’on appelle l’antidatation d’une demande).

Analyse

[7] Le prestataire doit prouver deux choses pour que sa demande de prestations d’AE soit antidatée :

  1. il avait un motif valable pour le retard pendant toute la période du retard;
  2. il était admissible aux prestations à la date antérieureNote de bas de page 2 .

[8] Puisque personne ne conteste le fait que le prestataire dans la présente affaire avait accumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations d’AE en date du 25 octobre 2020, je commencerai mon analyse en examinant s’il y avait un motif valable pendant toute la période du retard. 

[9] Pour démontrer qu’il disposait d’un motif valable, le prestataire doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 3 . Il doit démontrer cela pour toute la période du retardNote de bas de page 4 . La période de retard du prestataire est de cinq semaines entre le 25 octobre 2020 (le jour où il souhaite que sa demande de prestations d’AE commence) et le 30 novembre 2020 (le jour où il a fait sa demande de prestations d’AE). 

[10] Le prestataire doit également démontrer qu’il a pris des mesures raisonnablement rapides pour évaluer son admissibilité aux prestations et pour comprendre ses obligations au titre de la loiNote de bas de page 5 . S’il n’a pas pris ces mesures, il doit alors prouver que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéNote de bas de page 6 .

[11] Le prestataire doit prouver qu’il est plus probable qu’improbableNote de bas de page 7 qu’il avait un motif valable pour son retard. 

[12] Dans son avis d’appel, le prestataire a déclaré qu’il n’avait travaillé que 20 jours et qu’il ne savait pas s’il serait admissible aux prestations d’AE. Comme d’autres programmes gouvernementaux étaient disponibles en raison de la pandémie, il ne pensait pas aux prestations d’AE et, en fait, il n’avait pas l’intention d’en bénéficier parce qu’il espérait trouver un autre emploi. Il a fait valoir qu’il est injuste de lui refuser des prestations d’AE à compter de la date à laquelle il est devenu chômeur (25 octobre 2020) parce qu’il n’a pas intentionnellement présenté sa demande en retard, qu’il y avait des circonstances atténuantes dues à la pandémie et que la Commission a le pouvoir discrétionnaire de faire une exception dans son cas. 

[13] À l’audience, le prestataire a fait valoir ce qui suit :

  • L’agente ou l’agent de Service Canada avec qui il a parlé lorsqu’il a fait sa demande d’antidatation lui a dit que sa demande ne serait pas rejetée, en raison de la pandémie.
  • Or, à sa grande surprise, sa demande a été rejetée.
  • La pandémie doit être prise en compte au moment d’examiner sa situation.
  • Il a touché des prestations régulières d’AE du 22 décembre 2019 au 25 avril 2020.
  • Il a ensuite présenté une demande de prestation canadienne d’urgence (PCU), et il a reçu la PCU du 11 mai 2020 jusqu’à la fin du mois de septembre 2020.
  • Puis, il a trouvé un emploi comme coiffeur indépendant auprès d’une équipe de production cinématographique et télévisuelle.
  • Il a travaillé pendant 4 jours en septembre et 16 jours en octobre 2020.
  • Lorsque son contrat a pris fin, il s’est renseigné sur la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), parce que [traduction] « le gouvernement soutenait les Canadiennes et les Canadiens » et qu’il existait d’autres moyens de recevoir une aide financière que les prestations d’AE.
  • Il avait [traduction] « à peine » travaillé l’année précédente, de sorte qu’il était [traduction] « raisonnable » pour lui de supposer qu’il ne serait pas admissible aux prestations d’AE.
  • Il a déjà touché des prestations d’AE et connaît le nombre d’heures nécessaires pour être admissible. Selon les [traduction] « règles normales de l’AE », il n’aurait jamais été admissible avec seulement 20 jours de travail.
  • Il n’était pas au courant des modifications apportées au programme d’AE en raison de la pandémie.
  • Il n’était pas au courant des 300 heures [traduction] « que le gouvernement offrait aux Canadiennes et aux Canadiens pour les aider à être admissibles ».
  • Il n’était [traduction] « pas raisonnable » pour lui de penser qu’il y avait un intérêt à demander des prestations d’AE.
  • Les [traduction] « circonstances exceptionnelles » provoquées par la pandémie ont changé les règles, ce qu’il n’avait pas [traduction] « anticipé ».
  • Le gouvernement [traduction] « changeait toujours les choses » et c’était très déroutant. Comment pouvait-il s’y retrouver?
  • Il n’avait aucun revenu après avoir cessé de travailler en octobre.
  • Il cherchait activement du travail et ne voulait pas toucher des prestations d’AE.
  • Cependant, quand il a [traduction] « manqué d’argent », il s’est [traduction] « remis à chercher un soutien au revenu ».
  • Il pensait pouvoir bénéficier de la PCRE après la PCU, afin de ne pas avoir à se tourner vers les prestations d’AE.
  • Il était raisonnable qu’il se tourne vers du [traduction] « soutien offert pour la pandémie » comme la PCU. Cela n’a toutefois pas fonctionné.
  • Après 5 semaines, il a téléphoné à Service Canada et a parlé à une agente ou un agent qui lui a parlé des [traduction] « 300 heures » et lui a dit qu’il dervait demander des prestations d’AE.
  • Il n’a pas tardé après cela. Il a fait une demande en ligne le jour même.
  • Son retard dans la présentation de sa demande de prestations d’AE était [traduction] « minime », soit moins de 10 jours au-delà [traduction] « des 30 jours indiqués sur le site Web ».
  • Il ne comprend pas comment sa volonté de [traduction] « ne pas utiliser le système » peut être utilisée contre lui.
  • Il a commis une erreur non intentionnelle.
  • La pandémie a [traduction] « tout chamboulé » et les gens [traduction] « ne sont plus les mêmes ». Ils sont stressés et ne parviennent pas à être rationnels.
  • Il cherche à être traité équitablement.
  • Le mandat du gouvernement est d’aider les Canadiennes et les Canadiens. La décision de rejeter sa demande d’antidatation va à l’encontre de ce mandat.

[14] J’ai demandé au prestataire quelle méthode il avait utilisée pour faire des recherches au sujet de la PCRE après que son emploi ait pris fin en octobre. Il a dit qu’il avait regardé en ligne. Il a également dit qu’il n’avait même pas pris la peine de faire des recherches sur l’AE en ligne parce que, avec son expérience antérieure et seulement 20 jours de travail, il a supposé qu’il ne serait pas admissible aux prestations d’AE

[15] Le prestataire soutient qu’il avait un motif valable pour son retard, car il a agi raisonnablement compte tenu de sa situation. Compte tenu de son expérience antérieure en matière d’AE, il était raisonnable pour lui de supposer qu’il n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations d’AE, avec seulement 20 jours de travail. Il était donc raisonnable pour lui de continuer à chercher du travail et de s’intéresser à la PCRE plutôt qu’aux prestations d’AE. La pandémie a créé des circonstances atténuantes qui ont conduit à des modifications [traduction] « exceptionnelles » des règles, et on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’il les anticipe ou les connaisse. 

[16] La Commission soutient que le prestataire n’a pas démontré un motif valable pour le retard parce qu’il n’a pas démontré son intention de faire une demande de prestations d’AE ou de se renseigner sur son admissibilité aux prestations pendant la période du retard. Le prestataire a également fait des suppositions plutôt que de prendre des mesures pour vérifier ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). 

[17] Pour démontrer qu’il disposait d’un motif valable, le prestataire doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 8 . Pour ce faire, il doit démontrer qu’il a agi de manière raisonnable et prudente, comme toute autre personne l’aurait fait si elle s’était trouvée dans une situation semblable. Il doit également démontrer qu’il a agi de manière raisonnable et prudente pendant toute la période du retard, soit du 25 octobre 2020 au 30 novembre 2020.

[18] Le retard du prestataire est relativement court : 36 jours. 

[19] J’estime néanmoins qu’il n’a pas agi de manière raisonnable ou prudente pendant toute la période du retard, pour les raisons suivantes :

  1. Son projet de trouver du travail après que son contrat ait pris fin le 25 octobre 2020 et d’éviter de toucher des prestations d’AE était irréaliste et déraisonnable compte tenu de la gravité croissante de la pandémie à ce moment-là.

    L’appelant réside dans la région du Grand Toronto (RGT), dans la province de l’Ontario. Au début du mois d’octobre, l’Ontario était en pleine deuxième vague de la pandémie. À la mi-octobre, la ville de Toronto, la région de Peel et la région de York étaient considérées comme des « zones à risque », avec un nombre record de cas et de décès liés au virus de la COVID-19. À la fin du mois d’octobre, ces régions sont revenues aux restrictions de santé publique imposées lors de la première vague, lesquelles se sont rapidement intensifiées pour inclure la fermeture de nombreuses entreprises et la suspension de l’enseignement en personne dans les écoles. À la mi-novembre, Toronto était en confinement. L’augmentation du nombre de cas et de décès dans la RGT tout au long de l’automne 2020, conjuguée au renouvellement des restrictions et des mesures de confinement dans la RGT, aurait incité une personne raisonnable et prudente à se renseigner immédiatement sur son droit aux prestations d’AE lorsqu’elle est devenue chômeuse. C’est particulièrement le cas pour le prestataire, car en tant que coiffeur indépendant dans l’industrie du cinéma et de la télévision, sa profession ne lui permettait pas de travailler à domicile. S’il avait prévu de chercher un emploi de coiffeur en dehors de l’industrie du cinéma et de la télévision, il aurait su dès la première vague de la pandémie que les services personnels, comme les salons de coiffure et les barbiers, seraient parmi les premières entreprises à être fermées pour des raisons de santé publique. De fait, elles ont été fermées dans toute la RGT le 23 novembre 2020.    

    Même si le prestataire espérait que le deuxième confinement ne durerait pas très longtemps et qu’il pourrait retourner au travail plutôt que de toucher des prestations d’AE, la réouverture de la province, après un confinement passé, avait été graduelle et avait comporté des limites en matière de capacité et d’activités intérieures. Il n’y avait aucune raison de penser que cette fois-ci serait différente. Une personne raisonnable et prudente se serait immédiatement renseignée sur les prestations d’AE, car la tendance concernant les cas et les décès tout au long de l’automne 2020 allait clairement dans le mauvais sens et soulevait des questions évidentes sur la durée d’application des restrictions croissantes en matière de santé publique. C’est particulièrement le cas pour le prestataire étant donné les répercussions graves des restrictions de santé publique sur son industrie (comme en témoigne la lettre de son syndicat à la page GD2-13) et sur les travailleuses et travailleurs du secteur des services personnels, comme les coiffeuses et coiffeurs.
  2. Le programme de la PCU a pris fin le 25 septembre 2020.

    Le gouvernement fédéral a largement annoncé à l’avance la fin de la PCU ainsi que le plan de transition des bénéficiaires de la PCU vers les prestations d’AE en vertu de règles d’admissibilité élargies s’ils étaient toujours sans emploi. Il y a également eu des annonces concernant la création de nouveaux programmes de prestations pour les personnes qui ne seraient toujours pas admissibles aux prestations d’AE, y compris la PCRE. Une personne raisonnable et prudente se serait immédiatement renseignée auprès de Service Canada pour savoir si elle pouvait recevoir des prestations d’AE ou d’autres formes de soutien au revenu après la fin de la PCU. C’est d’autant plus le cas pour le prestataire étant donné qu’il venait de reprendre le travail en septembre 2020 (il a travaillé quatre jours), après une longue période de chômage (remontant à décembre 2019).
  3. Il n’était pas suffisant de faire des recherches en ligne sur la PCRE après que son contrat ait pris fin le 25 octobre 2020.

    Le prestataire savait que le programme de la PCU avait pris fin et qu’il était maintenant sans emploi. Il aurait pu facilement vérifier son hypothèse sur l’admissibilité aux prestations d’AE en faisant des recherches en ligne, mais il n’a pas pris la peine de le faire. Une personne raisonnable et prudente n’aurait pas limité ses recherches en ligne à la PCRE compte tenu de la gravité de la pandémie à ce moment-là. 

    Selon son témoignage, il était également dérouté par le fait que le gouvernement [traduction] « changeait constamment les choses ». Une personne raisonnable et prudente dans une telle situation aurait téléphoné à Service Canada et parlé à une agente ou un agent concernant son admissibilité à une aide financière immédiatement après son dernier jour de travail. En effet, il est intéressant de noter que lorsque le prestataire a finalement appelé Service Canada le 30 novembre 2020, il a été immédiatement informé de son admissibilité aux prestations d’AE et a rempli une demande sur-le-champ.

[20] J’estime que le prestataire n’a pas démontré de motif valable pour avoir retardé jusqu’au 30 novembre 2020 sa demande de prestations d’AE parce qu’il n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans la même situation pour se renseigner sur ses droits et obligations au titre de la Loi sur l’AE

[21] Pour les motifs exposés au paragraphe 19 ci-dessus, j’estime qu’une personne raisonnable et prudente dans la même situation que le prestataire n’aurait pas attendu jusqu’au 30 novembre 2020 pour demander des prestations d’AE. Une personne raisonnable et prudente aurait communiqué avec Service Canada à la mi-octobre 2020 - ou du moins immédiatement après la fin de son contrat, le 25 octobre 2020 - pour savoir si elle était admissible aux prestations d’AE et pour connaître le délai de présentation d’une demande de prestations d’AE. Il n’était pas raisonnable pour le prestataire de retarder consciemment sa demande de prestations du 25 octobre 2020 au 30 novembre 2020 afin de se renseigner sur les prestations d’AE et de faire sa demande.

[22] Le prestataire doit également démontrer qu’il a rapidement pris des mesures pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations aux termes de la loiNote de bas de page 9 . Il doit donc démontrer qu’il a essayé de se renseigner sur ses droits et ses responsabilités le plus tôt possible et du mieux qu’il a pu. S’il n’a pas pris ces mesures, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéNote de bas de page 10 .

[23] Le prestataire a soutenu que, compte tenu de son expérience antérieure en matière d’admissibilité aux prestations d’AE, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il se soit renseigné sur l’AE avec seulement 20 jours de travail. Il a supposé qu’il ne serait pas admissible parce qu’il n’avait pas les heures assurables nécessaires pour bénéficier d’une période de prestations. Au contraire, il était raisonnable de faire ce qu’il a fait, à savoir chercher du travail et se renseigner sur le [traduction] « soutien offert pour la pandémie » fourni par la PCRE. Rien ne l’avait empêché physiquement d’appeler Service Canada entre le 25 octobre 2020 et le 30 novembre 2020. Or, il ne l’avait pas fait. Il ne s’est pas renseigné avant de déposer sa demande le 30 novembre 2020. Il s’est simplement renseigné en ligne sur la PCRE et, comme il n’a trouvé aucune option, il a continué à chercher du travail jusqu’à ce que ses économies soient épuisées, avant de finalement appeler Service Canada et de demander des prestations d’AE.    

[24] Au paragraphe 19 ci-dessus, j’explique pourquoi il incombait au prestataire de vérifier rapidement ses droits auprès de Service Canada. Il a néanmoins omis de prendre des mesures pour communiquer avec Service Canada afin d’examiner la possibilité de recevoir des prestations d’AE entre le 25 octobre 2020 et le 30 novembre 2020. Pour les motifs exposés au paragraphe 20 ci-dessus, le fait qu’il a supposé qu’il ne serait pas admissible n’excuse pas le fait qu’il n’a pris aucune mesure pour vérifier cette supposition pendant la période de son retard. Je juge donc que le prestataire n’a pas prouvé qu’il a pris des mesures raisonnablement rapides pour comprendre ses droits et obligations pour demander des prestations d’AE

[25] Le prestataire a déclaré qu’il n’était pas au courant des changements apportés aux règles d’admissibilité et, en particulier, du crédit d’admissibilité de 300 heures offert dans le cadre de l’intervention d’urgence du gouvernement pendant la pandémie. Cependant, les tribunaux ont déclaré à plusieurs reprises que l’ignorance de la loi n’est pas un motif valable de retardNote de bas de page 11 , pas plus que le recours à des renseignements non vérifiés ou à des hypothèsesNote de bas de page 12 . Le prestataire ne s’est pas acquitté de son devoir de prendre des mesures raisonnablement rapides pour s’informer de son droit de demander des prestations d’AE n’a pas été satisfait en se fiant à ses hypothèses non vérifiées. Cela est d’autant plus vrai qu’il avait reçu la PCU – une toute nouvelle mesure d’urgence – et qu’il savait que d’autres mesures d’urgence, telles que la PCRE, avaient été mises en place.    

[26] Les tribunaux ont également jugé qu’il n’y a pas de motif valable lorsqu’une partie prestataire n’avait pas l’intention initiale de demander des prestations parce qu’elle attendait de commencer un autre emploiNote de bas de page 13 . Le prestataire espérait trouver du travail afin d’éviter de toucher des prestations d’AE. Sa décision personnelle d’attendre et de voir s’il allait trouver un emploi relève carrément de la jurisprudence et ne permet pas de conclure à un motif valable. 

[27] Je ne vois aucune preuve de circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi le prestataire n’a pas pris de mesures raisonnablement rapides pour comprendre son droit aux prestations d’AE et le délai pour présenter une demande de prestations. Bien que je convienne que la pandémie a eu des répercussions extraordinaires sur la vie de l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens, on ne peut pas dire qu’elle a empêché le prestataire de communiquer avec Service Canada afin de poser les questions nécessaires pour confirmer son admissibilité avant le 30 novembre 2020.

[28] L’appelant a déclaré qu’il ne savait pas qu’il était censé demander des prestations d’AE dans les 30 jours suivant le début de son chômage. Il a fait valoir qu’il avait déposé sa demande [traduction] « quelques jours après le délai de 30 jours » et que son retard était [traduction] « minime ». Il soutient qu’il est injuste de le pénaliser pour avoir présenté une demande juste après le délai de 30 jours, alors que le gouvernement affirme vouloir aider la population canadienne pendant la pandémie. L’erreur qu’il a commise en présentant sa demande en retard n’était pas intentionnelle.     

[29] Bien que la durée du retard soit pertinente, le facteur le plus important est la raison du retardNote de bas de page 14 . La période concernée est celle entre le moment où le prestataire veut que sa demande commence (25 octobre 2020) et le moment où il a présenté sa demande de prestations d’AE (30 novembre 2020). Comme je l’ai expliqué ci-dessus, j’ai estimé que les raisons invoquées par l’appelant pour justifier son retard pendant toute la période du 25 octobre 2020 au 30 novembre 2020 ne constituent pas un motif valable. J’accorde plus de poids à cette considération qu’à la période relativement courte du retard et, par conséquent, je ne peux pas antidater sa demande.

[30] Le critère relatif au motif valable exige que le prestataire démontre que ses actions étaient à la fois raisonnables et prudentes. Il croit avoir agi raisonnablement en se fondant sur son hypothèse quant au nombre d’heures requises pour être admissible aux prestations d’AE et sur son intention louable de chercher du travail plutôt que de toucher des prestations d’AE. Or, on ne peut pas dire qu’il a agi avec prudence pour garantir et préserver son admissibilité aux prestations d’AE à compter de la date de la fin de son contrat de travail, le 25 octobre 2020. Je dois considérer ce qu’une personne raisonnable et prudente se trouvant dans la même situation aurait fait pour se renseigner sur ses droits et obligations aux termes de la Loi sur l’AE. J’estime qu’une personne raisonnable et prudente se trouvant dans la même situation que le prestataire n’aurait pas attendu 36 jours pour présenter une demande de prestations d’AE. Une telle personne aurait agi comme je l’ai décrit aux paragraphes 19 à 21 ci-dessus. Cette situation est particulièrement vraie dans le cas du prestataire, qui n’avait pas d’autre source de revenus pendant toute la durée du retard et dont la possibilité de reprendre son travail de coiffeur – dans l’industrie cinématographique ou autrement – était extrêmement incertaine compte tenu des répercussions de la pandémie sur les services personnels. 

[31] Je comprends la déception du prestataire de ne pas être en mesure de recevoir les semaines supplémentaires de prestations d’AE auxquelles il aurait droit si sa demande était antidatée. Je suis également sensible à sa situation financière et je reconnais qu’il a besoin d’un soutien financier en ce moment. Je ne peux cependant pas trancher cet appel en m’appuyant sur les observations du prestataire concernant l’équité ou les besoins financiers. Je dois appliquer le critère juridique relatif à l’antidatation d’une demande. Je conclus donc que le fait de présenter une demande tardive de prestations d’AE parce que le prestataire croyait à tort qu’il n’y était pas admissible et parce qu’il espérait trouver du travail ou être admissible à un autre programme d’aide pendant la pandémie n’était pas un motif valable pour le retard du prestataire.

[32] Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il avait un motif valable, pendant toute la période de retard, pour avoir présenté une demande tardive de prestations d’AE, comme l’exige l’article 10(4) de la Loi sur l’AE

[33] Sa demande ne peut donc pas être antidatée pour être considérée comme ayant été faite à la date antérieure qu’il a demandée. 

Conclusion

[34] Je conclus que le prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente se trouvant dans la même situation aurait agi pour se renseigner sur ses droits et obligations au titre de la Loi sur l’AE. Par conséquent, le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour toute la période de son retard à faire sa demande de prestations d’AE, et sa demande ne peut être antidatée au 25 octobre 2020 comme il l’a demandé. 

[35] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 5 mars 2021

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparution :

M. C., appelant

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