Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 320

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (417273) de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada datée du 3 mars 2021
(émise par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 avril 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 9 avril 2021
Numéro de dossier : GE-21-423

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il est disponible pour travailler. Par conséquent, il ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 28 septembre 2020 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il est disponible pour travailler. Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que le prestataire n’est pas disponible parce qu’il suit une formation à temps plein et n’a pas fait de démarches pour trouver un emploi. Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il est disponible, car il peut travailler tout en suivant sa formation.

Question que je dois examiner en premier

Le prestataire est seulement inadmissible aux termes d’un article de loi lié à la disponibilité

[6] La Commission a soutenu que le prestataire est inadmissible aux prestations au titre des articles 18 et 50 de la Loi sur l’assurance-emploi parce qu’il n’a pas prouvé qu’il est disponible pour travailler.

[7] Ces deux articles de loi portent sur la disponibilité pour travailler. Ils énoncent toutefois des exigences différentes.

[8] L’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit être capable de travailler et disponible pour le faire, et être incapable d’obtenir un emploi convenable pour tout jour ouvrable pour lequel elle souhaite obtenir des prestations d’assurance-emploi.

[9] Selon l’article 50, la Commission peut exiger qu’une partie prestataire prouve qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[10] La Commission n’a pas demandé au prestataire de prouver qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables. Lorsque la Commission a décidé que le prestataire était inadmissible, elle n’a pas discuté des démarches de recherche d’emploi du prestataire et ne lui a pas demandé de prouver que ses démarches répondaient à certains critèresNote de bas page 1. Elle s’est plutôt concentrée sur la participation du prestataire à son programme scolaire.

[11] La Commission est tenue d’examiner de nouveau une question avant que le Tribunal puisse rendre une décisionNote de bas page 2. Dans la présente affaire, rien ne démontre que la Commission a examiné si les démarches du prestataire pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables. Ainsi, j’outrepasserais ma compétence en examinant si le prestataire avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable. Autrement dit, je ne suis pas autorisée à examiner ce facteur.

[12] J’examinerai seulement si le prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, et s’il était incapable d’obtenir un emploi convenable pour l’application de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige

[13] Le prestataire est-il disponible pour travailler?

Analyse

[14] La loi exige que la partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travaillerNote de bas page 3. De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il existe une présomption de non-disponibilité lorsqu’une partie prestataire fréquente l’école à temps pleinNote de bas page 4. Je vais commencer par examiner si la présomption s’applique au prestataire. Ensuite, je vais examiner les dispositions de la loi portant sur la disponibilité.

– Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[15] La présomption de non-disponibilité s’applique uniquement aux personnes qui étudient à temps plein. Le prestataire reconnaît qu’il étudie à temps plein, et rien ne démontre que ce n’est pas le cas. Je reconnais donc comme étant un fait que le prestataire est aux études à temps plein. La présomption s’applique au prestataire.

[16] Cette présomption peut être réfutée, ce qui signifie qu’elle ne s’appliquerait pas. Le prestataire peut réfuter la présomption de non-disponibilité des personnes qui étudient à temps plein en démontrant qu’il a l’habitude de travailler tout en étant aux étudesNote de bas page 5 ou en démontrant qu’il existe des circonstances exceptionnellesNote de bas page 6.

[17] Le prestataire a l’habitude de travailler tout en étant aux études. Il a déclaré qu’il travaillait à temps plein dans un restaurant tout en suivant quelques cours de formation continue en 2017 et en 2018. Il a continué à travailler à temps plein pendant le premier semestre de son programme universitaire de quatre ans qui a commencé en septembre 2018. En juin 2019, il a commencé à travailler à temps partiel dans un autre restaurant. Il a travaillé à temps partiel tout en participant à son programme scolaire à temps plein de septembre 2019 à mars 2020.

[18] Je reconnais que la capacité démontrée par le prestataire à conserver un emploi à long terme tout en étant aux études est une circonstance exceptionnelle suffisante pour réfuter la présomption de non-disponibilité.

[19] Le prestataire a réfuté la présomption de non-disponibilité. Cependant, le fait de réfuter la présomption signifie seulement qu’on ne présume pas que le prestataire n’est pas disponible. Je dois quand même examiner la loi applicable et décider si le prestataire est réellement disponible.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[20] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si le prestataire est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. Le prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas page 7 :

  1. montrer qu’il veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  2. faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[21] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas page 8.

– Vouloir retourner travailler

[22] Le prestataire a montré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[23] Le prestataire travaille comme serveur dans un restaurant. Il dit qu’il travaille à temps partiel, surtout le soir, de 17 h à la fermeture, vers 22 h. Son emploi a été interrompu plusieurs fois en raison des restrictions liées à la COVID-19 concernant les repas en salle à manger. Chaque fois que la salle à manger du restaurant ouvre à nouveau, il obtient quelques heures de travail. Cependant, les besoins en personnel de l’employeur ont été réduits en raison de la capacité limitée du restaurant.

[24] Après avoir été mis à pied en mars 2020, le prestataire a reçu la prestation canadienne d’urgence (PCU) jusqu’à ce que sa demande soit automatiquement convertie en prestations d’assurance-emploi en septembre 2020. Il a repris le travail en juin 2020 et a continué à travailler à temps partiel au restaurant jusqu’à ce que celui-ci ferme à nouveau ses portes en novembre 2020. Il a également travaillé quelques jours à la fin mars et au début avril 2021.

[25] Le prestataire affirme avoir cherché un autre emploi par le biais d’alertes d’emploi sur le Guichet emplois, en recherchant des emplois sur le site Web de la base de données d’emplois Indeed et en publiant son profil sur LinkedIn.

[26] Le prestataire dit qu’il pouvait concilier emploi et programme scolaire parce que son horaire de cours est flexible. Il a déclaré que ses cours se déroulent tous en ligne, de sorte qu’il n’est pas obligé d’assister aux cours à l’heure prévue. Il peut donc travailler, ou accepter un emploi, même si les heures de travail sont incompatibles avec son horaire de cours.

[27] La Commission affirme que le prestataire n’a pas fait de démarches soutenues et continues pour réintégrer le marché du travail. Elle souligne les réponses du prestataire dans deux questionnaires de formation remplis en septembre et en décembre 2020. Dans ces questionnaires, le prestataire a déclaré qu’il n’a pas fait de démarches pour trouver du travail depuis le début de ses cours. Il a répondu qu’il n’avait pas fait d’efforts pour chercher du travail parce qu’il avait déjà un emploi tout en étant aux études.

[28] À l’audience, le prestataire a expliqué qu’il pensait que la question faisait référence aux demandes d’emploi. Il a confirmé qu’il n’a postulé à aucun emploi depuis le 28 septembre 2020, car il n’a pas trouvé d’emplois pour lesquels il était qualifié. Sa seule expérience professionnelle est comme serveur dans un restaurant, et c’est donc le seul type d’emploi auquel il souhaitait postuler. Cependant, ce type d’emploi est limité dans sa région en raison des restrictions liées à la COVID-19.

[29] Le désir de retourner au travail doit être sincère et doit ressortir à l’examen du comportement du prestataire. Je tiens à souligner que le prestataire a continué à occuper son emploi à temps partiel lorsque les restrictions liées à la pandémie ont été levées. Son intention était de travailler chaque fois que son employeur avait du travail à lui offrir. Il n’a cessé de travailler que parce que des restrictions liées à la COVID-19 limitaient les repas en salle à manger dans sa région. Selon moi, le prestataire voulait retourner travailler.

– Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[30] Le prestataire n’a pas fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[31] Les démarches du prestataire pour trouver un emploi consistaient à travailler à temps partiel tout en étant aux études et à chercher des emplois en ligne. Il a déclaré lors de l’audience qu’il examinait quotidiennement les nouvelles offres d’emploi en ligne sur Guichet emplois et Indeed. Il a également publié son profil et son curriculum vitæ sur LinkedIn pour être repéré facilement par les employeurs.

[32] Le prestataire a déclaré qu’il était difficile de trouver un autre emploi compte tenu de son expérience limitée et des restrictions liées à la COVID-19 qui touchent tous les restaurants de sa région. Il a cherché des possibilités d’emploi, mais n’en a trouvé aucune pour laquelle il était qualifié. Il a dit qu’il avait seulement de l’expérience dans les restaurants qui comportaient une [traduction] « salle à manger », et qu’il ne pouvait donc pas postuler pour des emplois dans des restaurants dont les services se limitaient à des plats pour emporter ou à de la livraison.

[33] Le prestataire a estimé que sa meilleure option d’emploi était d’attendre que son employeur actuel au restaurant le rappelle et d’accepter les heures qu’il pouvait lui offrir.

[34] Il revient au prestataire d’établir sa disponibilité en démontrant qu’il a fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi. Je ne suis pas convaincue que la recherche d’emploi effectuée par le prestataire exprimait son désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[35] Je comprends que le prestataire souhaitait maintenir sa relation avec son employeur, sachant qu’il reprendrait son emploi à temps partiel à un moment donné. Cependant, une partie prestataire ne peut pas attendre d’être rappelée au travail; elle doit se chercher du travail pour avoir droit à des prestationsNote de bas page 9.

[36] Le prestataire a dit qu’il cherchait du travail, mais il n’y a aucune preuve indiquant qu’il a postulé pour des emplois ou approché d’autres employeurs à partir du 28 septembre 2020. J’accepte le fait que le prestataire cherchait du travail d’une certaine manière, mais il n’a pas démontré qu’il cherchait du travail de manière significative. Je comprends que les possibilités d’emploi pour le personnel de salle à manger dans les restaurants étaient limitées. Cependant, le prestataire aurait pu élargir sa recherche d’emploi pour envisager des emplois dans d’autres domaines, même s’il n’avait pas d’expérience directe dans ces domaines.

– Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[37] Le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[38] J’accepte les déclarations du prestataire selon lesquelles il était capable de concilier son emploi et son programme scolaire. Il a démontré qu’il était capable de conserver un emploi à long terme tout en étant aux études. Ainsi, je conclus que l’inscription du prestataire à un programme scolaire ne constituait pas une condition personnelle susceptible de limiter indûment ses chances de retourner travailler.

– Alors, le prestataire est-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[39] À partir de mes constats sur les trois éléments examinés, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable, car il n’a pas fait de démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

La Commission était-elle obligée d’examiner l’admissibilité du prestataire en temps opportun?

[40] L’argument principal du prestataire était que la Commission aurait dû examiner ses demandes de prestations d’assurance-emploi en temps opportun.

[41] Le prestataire a reçu la PCU jusqu’au 26 septembre 2020. Il a reçu un courriel daté du 17 septembre 2020 dans lequel il était mentionné que les versements de la PCU qu’il touchait allaient bientôt cesser. Le courriel indiquait également que son dossier serait automatiquement examiné et qu’il commencerait à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi s’il y était admissible.

[42] Il a présenté son premier rapport de demande d’assurance-emploi le 24 septembre 2020 et a déclaré qu’il allait à l’école. Il a également soumis un questionnaire de formation et a déclaré qu’il suivait un programme scolaire à temps plein.

[43] La Commission a examiné la disponibilité pour travailler du prestataire en janvier 2021, quatre mois après qu’il ait soumis son premier rapport. C’est à ce moment-là qu’elle a décidé que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler à partir du 28 septembre 2020 et lui a demandé de rembourser les prestations d’assurance-emploi qu’il avait reçues depuis cette date.

[44] Le prestataire affirme que la Commission disposait de tous les renseignements dont elle avait besoin pour évaluer s’il était disponible pour travailler et, par le fait même, s’il était admissible à des prestations d’assurance-emploi en septembre 2020. Il affirme que le fait que la Commission n’ait pas examiné son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi en temps opportun l’a empêché de demander la Prestation canadienne de la relance économique à laquelle il aurait pu avoir droit. Il est également injuste qu’on lui demande de rembourser de l’argent qu’il a déjà dépensé.

[45] Je comprends que si la Commission avait examiné plus tôt l’admissibilité du prestataire aux prestations, cela aurait pu lui être bénéfique. Cependant, j’estime que la Commission n’avait pas l’obligation d’examiner l’admissibilité du prestataire à ses prestations plus tôt qu’elle ne l’a fait.

[46] La Commission a la capacité d’examiner l’admissibilité d’une partie prestataire à des prestations d’assurance-emploi jusqu’à une certaine période (habituellement 36 mois) et peut réexaminer cette admissibilité si cela est justifiéNote de bas page 10. Je ne suis pas au courant d’un quelconque pouvoir exigeant de la Commission qu’elle examine l’admissibilité d’une partie prestataire à des prestations dans un délai donné.

[47] Selon la loi, une partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour tout jour ouvrable de sa période de prestations pour lequel elle ne peut pas prouver qu’elle était disponible pour travaillerNote de bas page 11. Dans la plupart des cas, la Commission apprend qu’une partie prestataire ne peut pas prouver sa disponibilité après lui avoir déjà versé des prestations. Ainsi, même si cela ne rassurera probablement pas le prestataire, il est fréquent qu’une partie prestataire reçoive des prestations et doive ensuite les rembourser lorsqu’il a été déterminé qu’elle n’était pas disponible pour travaillerNote de bas page 12.

[48] Le prestataire peut trouver que le résultat est inéquitable, mais ma décision ne repose pas sur l’équité. Ma décision est fondée sur les lois et les règles relatives à l’assurance-emploi. Je ne suis pas autorisée à accorder des exceptions ou à faire usage de mon propre pouvoir discrétionnaire au moment d’appliquer la loiNote de bas page 13.

Conclusion

[49] Le prestataire n’a pas démontré qu’il est disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’il ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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