Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 333

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-300

ENTRE :

K. M.

Appelant / Prestataire

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée / Commission


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Rassurance-emploilene R. Thomas
DATE DE L’AUDIENCE : Le 12 mars 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 25 mars 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. 

[2] K. M., le prestataire, a quitté volontairement son emploi. Il n’a pas prouvé qu’il avait été fondé à le faire puisque son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[3] Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] Le prestataire occupait un emploi et a posé sa candidature à un programme d’apprentissage. Il a communiqué avec Service Canada, qui lui a dit qu’il serait admissible aux prestations durant ce programme. Le prestataire a alors quitté son emploi dans le but de participer au programme d’apprentissage. Une semaine plus tard, il demandait des prestations d’assurance-emploi.

[5] La Commission a examiné les raisons de son départ et a conclu que le prestataire n’avait pas été fondé à quitter son emploi. Elle a donc exclu le prestataire du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme qu’on lui avait dit qu’il serait admissible à des prestations d’assurance-emploi s’il quittait son emploi pour aller à l’école. Il n’aurait jamais quitté son emploi s’il avait su qu’il ne serait pas admissible aux prestations.

[6] Je dois décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Questions préliminaires

Documents reçus après l’audience

[7] Les trois documents suivants ont été envoyés par le prestataire après l’audience : sa lettre d’admission à l’école, son numéro d’apprenti, et sa lettre d’admission au programme Longueur d’avance de la Nouvelle-Écosse. Le prestataire a fait référence à chacun de ces trois documents durant l’audience. Les considérant tous comme pertinents pour trancher la question dont je suis saisie, j’ai admis les trois documents en preuve.

Erreur administrative de la Commission

[8] La Commission a signalé qu’elle avait fait une erreur dans la lettre informant le prestataire de son exclusion. Elle avait écrit que son exclusion était imposée à partir du 6 septembre 2020, alors qu’elle aurait dû commencer le 30 août 2020.

[9] Une erreur qui ne cause pas de préjudice n’est pas fatale pour la décision portée en appelNote de bas de page 1. Étant donné que l’erreur commise par la Commission n’a pas empêché le prestataire de demander une révision de la décision initiale de la Commission et, par la suite, de porter cette décision de révision en appel, j’estime que l’erreur ne porte pas préjudice au prestataire.

Question en litige

[10] Je dois décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi,

[11] Cette décision doit se prendre en deux temps. D’abord, je dois voir s’il a choisi de quitter son emploi. Ensuite, je dois voir si son départ était fondé.

Analyse

Le prestataire a quitté volontairement son emploi

[12] Les tribunaux ont affirmé que la question qu’il faut se poser, pour savoir si le prestataire a quitté volontairement son emploi, est de savoir s’il avait le choix de rester ou de partirNote de bas de page 2.

[13] Le prestataire a affirmé qu’il avait quitté son emploi pour aller à l’école. Il n’y a aucune preuve à l’effet contraire. Le prestataire a donc volontairement quitté son emploi.

Le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi

[14] Les parties, c’est-à-dire le prestataire et la Commission, ne s’entendent pas sur le fait que le prestataire aurait été fondé à quitter son emploi.

[15] Conformément à la loi, le prestataire est fondé à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 3. Le prestataire doit en faire la preuveNote de bas de page 4. Une bonne raison ne suffit pas à démontrer que le départ était fondé.

[16] Pour trancher cette question, je dois examiner l’ensemble des circonstances qui étaient présentes quand le prestataire a quitté son emploi. Certaines de ces circonstances sont nommées expressément dans la loiNote de bas de page 5. Après avoir établi les circonstances qui s’appliquent au prestataire, celui-ci doit démontrer que son départ était la seule solution dans son casNote de bas de page 6.

[17] Le prestataire a affirmé qu’il travaillait comme ouvrier agricole. Il s’agissait d’un emploi saisonnier qui devait prendre fin en décembre 2020. Il avait cherché du travail ailleurs et avait obtenu une entrevue, mais son entrevue avait été annulée à cause de la pandémie de COVID-19. Le prestataire a décidé qu’il devait améliorer sa situation et a donc cherché à apprendre un métier. En juin 2020, il a présenté une demande d’admission auprès d’une école de métiers de la construction. Il a appris le 15 août 2020 qu’il y avait été admis.

[18] Le lendemain, le prestataire a annoncé à son employeur qu’il quitterait son emploi dans quelques semaines pour retourner sur les bancs d’école. Il a dit que son employeur n’avait pas bien pris la nouvelle et aurait souhaité qu’il reste. Avant de partir, le prestataire avait appris qu’une nouvelle personne avait été embauchée pour le remplacer après son départ.

[19] Le prestataire a affirmé qu’il avait appelé Service Canada, une fois au courant de son admission, pour savoir s’il serait admissible aux prestations d’assurance-emploi en allant à l’école. Le prestataire affirme qu’on lui avait dit qu’il y serait admissible et de présenter sa demande dans les sept jours suivant son arrêt de travail. Le prestataire a travaillé jusqu’au 4 septembre 2020. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi le 4 septembre 2020, puis il a commencé l’école le 8 septembre 2020. La semaine suivante, le prestataire a appris que sa demande de prestations d’assurance-emploi n’avait pas été approuvée.

[20] Le prestataire a affirmé qu’il était inscrit à un programme de formation professionnelle. Il s’agit d’un programme d’apprentissage qui reconnaît les heures consacrées à la formation. Il alternait le travail et la formation pour apprendre ce métier. Il a déclaré que l’école lui avait attribué un code d’apprenti de 16 chiffres durant la première semaine de cours.

[21] L’appelant a dit qu’un instructeur lui avait suggéré de faire une demande auprès de Longueur d’avance, quand il avait appris qu’il ne recevrait pas de prestations d’assurance-emploi. Longueur d’avance est un programme administré par le gouvernement provincial qui recommande certaines formations. Le prestataire a donc fait une demande auprès de Longueur d’avance. Le 2 octobre 2020, il a appris l’approbation conditionnelle de son financement pour la période allant du 7 septembre 2020 au 28 mai 2021, sur la base des critères nécessaires, du statut et de l’approbation de sa demande d’assurance-emploi. L’aide financière du prestataire prenait la forme de prestations régulières d’assurance-emploi. 

[22] Un représentant de Longueur d’avance a fait savoir au prestataire que son approbation avait été communiquée à Service Canada. Le prestataire a alors communiqué avec Service Canada, et on lui a dit qu’il recevrait ses prestations d’assurance-emploi 21 jours plus tard. Il n’en a jamais reçu.

[23] Le prestataire a affirmé qu’il avait entendu parler du formulaire de « Demande d’autorisation de quitter un emploi » pour la première fois quand il avait parlé à un agent de Service Canada, après avoir demandé une révision. Le prestataire a affirmé qu’il se serait déjà procuré ce formulaire si le premier agent, à qui il avait parlé en août, lui avait dit qu’il était nécessaire. S’il avait su que ce formulaire était nécessaire, il se le serait procuré.

[24] Le représentant a dit qu’il s’était renseigné sur le contenu de la lettre de révision auprès de l’agent de Service Canada. Il avait demandé à l’agent ce que voulait dire [traduction] « l’autorisation préalable par une autorité provinciale autorisée ». L’agent de Service Canada a alors expliqué que la Gendarmerie royale du Canada était l’autorité provinciale autorisée. Le représentant a affirmé que c’était la première fois qu’une [traduction] « autorité provinciale autorisée » avait été expliquée au prestataire et que celui-ci figurait dans les observations que la Commission a présentées au Tribunal. Avant l’audience, le représentant a envoyé au Tribunal une copie de la Demande d’autorisation de quitter un emploi du ministère du Travail et du Développement de la main-d’œuvre de la Nouvelle-Écosse. Il avait trouvé le formulaire en faisant une recherche sur Internet.

[25] La Commission explique que la réception d’une demande d’autorisation de quitter un emploi confirme qu’une autorité désignée a approuvé la démission du prestataire. Elle affirme qu’elle fait partie de la demande d’autorisation du prestataire. La Commission affirme qu’en l’absence d’une demande d’autorisation de quitter un emploi, la décision concernant l’admissibilité à des prestations d’assurance-emploi, lorsqu’il est question d’un départ volontaire, se trouve basée sur les renseignements au dossier.

[26] La Commission affirme que le fait que le prestataire n’ait pas été informé de l’approbation nécessaire de la part d’une autorité désignée ne l’empêche pas d’appliquer la loi. La Commission soutient que le prestataire a pris la décision personnelle de quitter son emploi, ce qui ne confère pas de justification à son départ au sens de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[27] La Commission soutient que la recommandation pour le cours ne démontre pas que le prestataire avait été fondé à quitter son emploi. Un prestataire dirigé vers un cours de formation demeure tenu de démontrer que son départ avait été la seule solution raisonnable dans son cas.

[28] Le prestataire a déposé les documents d’admission envoyés par l’école, incluant sa lettre d’admission, les renseignements sur le programme et les échelles de salaires pour les apprentis dans son métier. Il a affirmé que les heures qu’il passait à l’école étaient reconnues comme crédits dans son programme d’apprentissage. Il allait alterner des périodes de formation et des périodes de travail d’apprenti. Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, le prestataire a écrit qu’il ne travaillait plus parce qu’il participait à un programme d’apprentissage. Il a déclaré qu’on lui avait attribué un code de 16 chiffres durant sa première semaine de cours. Il avait donné ce code à un agent de Service Canada en octobre 2020. Il l’a aussi envoyé au Tribunal après l’audience. Un code de référence d’apprenti est habituellement la preuve la plus simple d’une recommandation vers une formation technique à temps plein.

[29] Le prestataire a témoigné que sa candidature avait été approuvée pour une formation dans le cadre du programme Longueur d’avance de la Nouvelle-Écosse. Comme je l’ai précisé plus haut, le prestataire avait été avisé, le 2 octobre 2020, de l’approbation conditionnelle de son financement pour la période allant du 7 septembre 2020 au 28 mai 2021, sur la base des critères nécessaires, du statut et de l’approbation de sa demande d’assurance-emploi. Des prestations régulières d’assurance-emploi étaient l’aide financière dont il bénéficierait. L’approbation visait la période du 7 septembre 2020 au 28 mai 2021.

[30] Il est important de déterminer le moment où le prestataire a reçu son code d’apprenti et où sa candidature à Longueur d’avance a été approuvée, puisque la question de savoir s’il était fondé à quitter son emploi se joue sur un moment précis : son départ. Les tribunaux ont statué qu’un retour aux études n’ayant pas été autorisé par la Commission ou une autorité désignée ne représente pas une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. Autrement dit, si la formation n’avait pas été recommandée au prestataire avant qu’il quitte son emploi, il ne peut invoquer une telle recommandation, faite après son départ, pour prouver qu’il avait été fondé à quitter son emploi.

[31] Dans le cas du prestataire, son code d’apprenti lui avait été remis la semaine ayant suivi son arrêt de travail. Il a fait une demande auprès du programme Longueur d’avance après avoir cessé de travailler et a été informé de l’approbation de sa demande le 2 octobre 2020, soit environ un mois après son arrêt de travail. Je constate donc qu’aucune formation n’avait pas été recommandée au prestataire avant qu’il quitte son emploi. Par conséquent, je conclus que cette raison ne lui permet pas de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi.

[32] Une recommandation permet simplement de présumer que le prestataire est au chômage et qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin pendant qu'il suit une formationNote de bas de page 8. Même si la recommandation avait été faite avant qu’il quitte son emploi, le prestataire demeure tenu de prouver qu’il était fondé à quitter son emploi.

[33] La Commission dit avoir conclu que le prestataire n’avait pas été fondé à quitter son emploi parce que son départ n’avait pas été la seule solution raisonnable dans son cas. Elle fait valoir qu’il aurait notamment pu conserver son emploi, trouver un autre emploi convenable avant de quitter le sien, demander une absence autorisée, ou encore attendre de recevoir l’autorisation de quitter son emploi avant de s’exécuter.

[34] Je crois savoir que les prestataires dirigés par un programme vers une formation quelconque obtiennent une lettre ou une autorisation spécifiant qu’ils peuvent quitter leur emploi pour commencer une formation. La Commission a l’habitude d’accepter cette lettre ou autorisation comme preuve de justification au départ. Même si cette pratique de la Commission est courante, la loi ne précise rien à cet effet. Et je dois appliquer la loi. Autrement dit, une lettre ou une autorisation spécifiant que le prestataire peut quitter son emploi pour commencer une formation ne confère pas forcément une justification à son départ. Selon moi, il n'y a aucun fondement législatif à cette pratique de la Commission. Elle ne peut exclure le prestataire de prestations d’assurance-emploi qui sont prévues par la loi. Par conséquent, j’estime que l’obtention d’une autorisation à quitter son emploi n’était pas une solution raisonnable au départ du prestataire.

[35] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas fait de demande d’absence autorisée. Selon ses dires, quand il avait fait l’annonce à la mi-août de son départ au début de septembre, son employeur voulait qu’il reste et ne quitte pas son emploi. Le prestataire a dit qu’il était déjà parti quand il avait appris qu’un nouvel employé avait été embauché pour le remplacer. Le prestataire a expliqué qu’il occuperait un autre emploi dans le domaine de son programme d’apprentissage une fois que ses heures de cours seraient terminées, et qu’il ne pourrait donc pas retourner travailler chez son ancien employeur. Rien ne prouve que le prestataire aurait pu bénéficier d’une absence autorisée. Par conséquent, je suis d’avis qu’une demande d’absence autorisée ne représentait pas une solution raisonnable au départ du prestataire.

[36] Le prestataire n’était pas tenu de décrocher un nouvel emploi avant de quitter le sien. Son obligation, comme pour la majorité des prestataires, est de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de décider unilatéralement de quitter celui qu’il occupeNote de bas de page 9. Le prestataire a affirmé qu’il avait cherché du travail ailleurs. Il avait postulé un autre emploi et avait décroché une entrevue, prévue pour mars 2020. L’entrevue avait été annulée et la compagnie avait interrompu l’embauche de personnel à cause de la COVID-19. Le prestataire a déclaré qu’il avait fait d’autres recherches d’emploi et qu’il travaillait toujours au moment où il a commencé à envisager un retour à l’école. Par conséquent, je juge que le prestataire a eu recours à cette solution raisonnable.

[37] Le fait d’avoir un « motif valable » et le fait d’avoir une « justification » pour quitter volontairement un emploi sont deux concepts distincts. Il ne suffit pas que le prestataire démontre qu’il était raisonnable de quitter son emploi. Le caractère raisonnable de cette décision peut représenter un motif valable, mais il n’est pas une justification. Il doit être démontré, eu égard à toutes les circonstances, que le départ du prestataire était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 10.

[38] Je conclus que le prestataire n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. J’accepte que le prestataire croyait sincèrement qu’un retour à l’école, aux dépens de son emploi, était la meilleure décision pour lui et sa famille et était une bonne raison de quitter son emploi. Je suis d’avis qu’il aurait été raisonnable que le prestataire continue de travailler au lieu de prendre la décision personnelle de quitter son emploi pour aller à l’école. Ainsi, le prestataire n’avait pas épuisé toutes les solutions raisonnables possibles. Par conséquent, je conclus que le prestataire a décidé de quitter son emploi sans remplir le critère qui conférerait une justification à son départ volontaire, comme l’exige la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence décrite plus haut.

[39] Je prends acte de l’argument du prestataire, voulant qu’on ne lui avait pas donné dès le départ les bons renseignements pour lui permettre d’être admissible aux prestations d’assurance-emploi. Cela est possible. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il est évident que les agents de la Commission ne sont pas habilités à modifier la loi, et que toute interprétation qu’ils peuvent en faire n’a pas, en soi, force de loiNote de bas de page 11. La Cour a également affirmé que tout engagement que prennent les représentants de la Commission, qu’il [traduction] « soit de bonne ou de mauvaise foi, d’agir d’une manière différant » du libellé de la loi, est [traduction] « sans effet aucun ». En d’autres termes, même si le prestataire avait effectivement reçu des informations fautives de la part d’agents de la Commission, ce qui importe est la Loi sur l’assurance-emploi telle qu’elle est écrite, et la question de savoir si le prestataire s’est conformé à ces dispositions.

[40] Je suis sensible aux difficultés financières auxquelles le prestataire fait face et j’admire sa décision de s’ouvrir de nouvelles portes. Aussi tentant qu’il peut l’être dans de telles affaires, et peut-être celle-ci, je ne suis pas autorisée à réécrire la loi ni à l’interpréter d’une manière qui soit contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 12. Je dois suivre la loi et rendre des décisions fondées sur les dispositions et la jurisprudence applicables.

Conclusion

[41] L’appel est rejeté

 

Date de l’audience :

Le 12 mars 2021

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparutions :

K. M., appelant

Glen Miller, représentant de l’appelant

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