Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 345

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (419776) datée
du 14 avril 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 mai 2021
Personnes présentes à l’audience : J. F., appelante
D. F., témoin
Date de la décision : Le 7 mai 2021
Numéro de dossier : GE-21-661

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Autrement dit, l’appelante a bien choisi de recevoir les prestations parentales standards de l’assurance-emploi plutôt que les prestations prolongées.

Aperçu

[2] L’appelante a demandé des prestations combinées parentales et de grossesse le 8 novembre 2020. Tout allait bien quand elle recevait ses prestations de maternité. Lorsque le versement de ses prestations parentales a commencé, le taux était nettement plus bas que ce à quoi elle s’attendait. Elle a communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada qui lui a dit qu’elle avait choisi les prestations prolongées, ce qui a donné lieu à un plus petit montant de prestations. La Commission a refusé de modifier son choix de prestations en soutenant qu’elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire pour le faire.

[3] L’appelante affirme qu’elle n’a jamais eu l’intention de choisir les prestations prolongées. Elle dit qu’elle voulait seulement un maximum de 12 mois de prestations, après quoi elle avait l’intention de retourner au travail. Elle prétend qu’elle a fait une erreur et qu’elle ne comprenait pas pleinement les options de prestations qui s’offraient à elle au moment de faire son choix.

Question en litige

[4] Parmi les prestations parentales standards et prolongées de l’assurance-emploi, lesquelles l’appelante a-t-elle choisies?

Analyse

[5] Les prestations parentales sont payables à une partie prestataire qui veut prendre soin de son nouveau-néNote de bas page 1. La partie prestataire doit choisir entre deux optionsNote de bas page 2. Les prestations standards sont versées pendant une période maximale de 35 semaines à un taux de prestations de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable. Les prestations prolongées, quant à elles, sont versées pendant une période maximale de 61 semaines à un taux de prestations de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable. L’avantage des prestations prolongées est que l’un ou les deux parents peuvent recevoir jusqu’à 61 semaines de prestations parentales au total, mais à un taux réduit. Le choix de la partie prestataire est irrévocable dès lors que les prestations sont verséesNote de bas page 3.

[6] L’appelante a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales le 8 novembre 2020. Lorsqu’elle a rempli le formulaire de demande en ligne, elle avait le choix entre les prestations parentales standards et prolongées. Elle a choisi les prestations prolongées et a indiqué qu’elle souhaitait recevoir des prestations pendant 39 semaines.

[7] Lorsque le versement des prestations de maternité a pris fin et que le versement des prestations parentales a commencé, l’époux de l’appelante a remarqué que le montant des prestations d’assurance-emploi transférées vers leur compte était bien moins élevé que ce à quoi ils s’attendaient. L’appelante a déclaré avoir immédiatement communiqué avec la Commission. Elle lui a dit qu’elle voulait seulement un an de prestations et qu’elle avait fait une erreur en choisissant les prestations prolongées. Elle a demandé que son choix soit modifié pour les prestations standards.

[8] La Commission a rejeté sa demande en précisant que le choix est irrévocable dès lors que des prestations sont versées.

[9] L’appelante a déclaré qu’elle voulait seulement [traduction] « un an » de prestations. Elle a dit qu’elle avait cessé de travailler le 30 octobre 2020 en prévision de la naissance de son enfant. Elle a noté dans sa demande de prestations initiale que la date prévue de son retour au travail était le 22 novembre 2021. Il s’agit d’une période de 55 semaines. L’appelante dit qu’elle a indiqué 39 semaines dans le formulaire de demande parce qu’elle pensait que le nombre de semaines de prestations devait correspondre au nombre de semaines pendant lesquelles elle serait absente du travail.

[10] L’appelante précise que la date prévue de son retour au travail, soit le 22 novembre 2021, a toujours été une date approximative. Elle a depuis confirmé qu’elle retournerait au travail le 8 novembre 2021.

[11] L’appelante dit qu’elle n’a pas pleinement compris la différence entre les deux options de prestations et qu’elle a choisi par erreur les prestations prolongées. Elle affirme qu’elle a toujours eu l’intention de retourner au travail après un an et qu’elle s’attendait seulement à recevoir des prestations pendant cette année-là. Elle prétend qu’elle savait qu’il y aurait un moment où ses prestations prendraient fin et qu’elle n’en recevrait plus, même si elle n’était peut-être pas encore retournée au travail.

[12] L’époux de l’appelante a déclaré qu’ils n’ont jamais véritablement accepté le versement des prestations. Il dit que le versement a été fait par dépôt direct. Ils n’ont eu aucun contrôle quant au dépôt du montant dans leur compte. L’époux de l’appelante affirme qu’immédiatement après avoir remarqué le montant réduit des prestations, ils ont communiqué avec la Commission pour essayer de corriger la situation. Toutefois, leur demande a été rejetée. La Commission leur a dit qu’ils ne pouvaient pas modifier leur choix une fois que les prestations avaient été [traduction] « versées ». L’époux de l’appelante conteste ce fait en affirmant que s’ils avaient reçu le versement des prestations par chèque, ils auraient communiqué avec la Commission pour lui demander de corriger la situation avant de l’encaisser. Il dit que les prestations ne devraient pas être considérées comme ayant été versées simplement parce qu’elles ont été transférées par dépôt direct.

[13] La Commission affirme que l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) interdit de changer le choix des prestations dès lors que des prestations parentales sont versées. Elle précise que le choix est devenu irrévocable le 12 mars 2021, lors du premier versement des prestations. L’article de la loi a pour effet d’empêcher une partie prestataire de passer d’un type de prestations à l’autre. La Commission a examiné la demande de l’appelante de modifier ses prestations parentales prolongées pour des prestations standards. Elle a conclu qu’elle ne pouvait pas faire le changement parce que l’appelante avait choisi les prestations parentales prolongées. Elle dit qu’on ne peut pas revenir sur sa décision dès lors que des prestations sont versées.

[14] Je ne suis pas d’accord. La véritable question n’est pas de savoir si le choix peut être modifié, mais plutôt si le choix de l’appelante était réellement ce qu’elle désirait.

[15] J’ai examiné le formulaire de demande de l’appelante. En effet, elle a cliqué sur le bouton associé aux prestations prolongées.

[16] Sous la section « Renseignements sur les parents », la question suivante apparaît : « Combien de semaines souhaitez-vous demander? » L’appelante a indiqué 39 semaines.

[17] L’appelante a dit qu’elle n’a pas compris qu’en choisissant les prestations prolongées, elle demandait plus d’un an de prestations. Elle savait que ses prestations de maternité et ses prestations parentales équivaudraient à un an, mais comme la date de son retour au travail était après la période de 52 semaines, elle croyait qu’elle devait indiquer les mêmes [traduction] « nombres ». L’appelante a soutenu que toutes ses interactions avec son employeur appuient le fait qu’elle prévoyait de reprendre le travail dans un an.

[18] J’estime que l’appelante est crédible. L’explication qu’elle a donnée pendant son témoignage correspondait à ses observations et à sa demande initiale. Elle se sent responsable et affirme qu’elle a choisi par erreur les prestations prolongées même si elle dit que ce n’était pas ce qu’elle croyait faire à ce moment-là.

[19] L’appelante aurait seulement dû demander 35 semaines en plus de ses prestations de maternité. Toutefois, il n’est pas inconcevable que l’appelante ait pu conclure qu’elle devait indiquer le nombre total de semaines pendant lesquelles elle serait absente du travail et qu’elle devait choisir les prestations prolongées pour que les dates correspondent tout en croyant qu’elle demandait seulement un an de prestations.

[20] Je crois l’appelante lorsqu’elle dit qu’elle voulait seulement 12 mois ou 52 semaines de prestations. En réalité, alors que la période de prestations s’étend sur 52 semaines, les périodes combinées de prestations de maternité et de prestations parentales comprennent respectivement 15 et 35 semaines, pour un total de 50 semaines de prestations. Toutefois, la plupart des gens font accidentellement référence à la période comme si elle s’étendait sur un an ou 12 mois. Il s’agit des prestations standards, et je suis convaincu que c’est l’option que l’appelante a choisie. Il n’y a rien dans le témoignage ni les observations des parties qui m’amènerait à tirer une autre conclusion.

[21] Je suis également convaincu que c’était l’intention de l’appelante parce qu’elle a immédiatement communiqué avec la Commission lorsqu’elle a remarqué un changement dans son taux de prestations. L’appelante a déclaré qu’elle a consulté son dossier Service Canada lorsque ses prestations de maternité ont commencé et que son taux de prestations était ce à quoi elle s’attendait. Elle dit qu’il n’y avait aucune référence au fait que son taux de prestations changerait une fois que les prestations parentales commenceraient.

[22] L’appelante affirme que si son dossier avait précisé qu’il y aurait un changement le 12 mars 2021, elle aurait communiqué avec la Commission pour corriger la situation. Ce n’est qu’après la baisse du taux de prestations en mars 2021 qu’elle a de nouveau consulté son dossier. Elle a alors constaté que son taux de prestations avait diminué.

[23] Lorsqu’une partie prestataire commence à recevoir ses prestations de maternité et ses prestations parentales, il n’est plus nécessaire de consulter son dossier. La partie prestataire n’est pas tenue de faire rapport afin de recevoir ses prestations. Par conséquent, elle ne sait pas à quel moment un changement survient jusqu’à ce qu’elle remarque une différence dans le montant des prestations qu’elle reçoit.

[24] L’époux de l’appelante affirme que la Commission ne devrait pas être en mesure d’utiliser le dépôt direct pour satisfaire aux exigences de la Loi sur l’AE selon lesquelles les prestations ont été versées, ce qui empêche toute modification. Il s’agit d’un argument intéressant parce qu’il remet en question le moment où les prestations sont réellement versées. Si le couple avait reçu un chèque au lieu d’un dépôt direct, il aurait pu communiquer tout de suite avec la Commission et refuser de négocier le chèque. Étant donné que les fonds ne seraient pas réellement transférés de la Commission à l’appelante, il ne serait pas possible de prétendre que les prestations ont été versées. Les fonds seraient toujours auprès de la Commission et ne pourraient pas être utilisés par l’appelante. L’appelante pourrait ensuite demander la modification et renvoyer le chèque original en attendant un autre chèque avec le montant rectifié.

[25] Cependant, les fonds ont bien été transférés à l’appelante. Les prestations ont donc été versées. Toutefois, l’argument est juste et appuie l’idée que plus une partie prestataire conteste un tel versement rapidement, plus de crédibilité devrait être accordée à ses affirmations selon lesquelles il y a eu erreur plutôt qu’un simple désir de changer d’option.

[26] La Cour d’appel fédérale avait confirmé le principe selon lequel un arbitre ne peut pas réécrire ou interpréter la loi d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas page 4. Toutefois, la question à trancher dans le présent appel est la suivante : quel choix l’appelante a-t-elle réellement fait?

[27] Je me fonde sur une décision récente de la division d’appel du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas page 5. La question dans cette affaire n’était pas de savoir si un choix est irrévocable comme le prescrit la loi, mais plutôt de savoir si l’appelante a fait un choix qui correspond à l’une ou l’autre des options, quel que soit le bouton sur lequel elle a cliqué.

[28] J’estime que lorsque l’appelante a présenté sa demande initiale, elle a fourni des renseignements qui correspondaient à son choix des prestations standards. Elle a cliqué sur le bouton d’option des prestations prolongées, mais tous les autres renseignements qu’elle a fournis correspondaient à l’option des prestations parentales standards. Il n’était tout simplement pas logique d’indiquer 39 semaines de prestations prolongées à un taux aussi réduit compte tenu de sa situation.

[29] Je note que la Commission fournit un lien dans la demande de prestations en ligne qui mène vers des renseignements supplémentaires sur les prestations de maternité et les prestations parentales. Le problème avec le lien, c’est l’endroit où il est situé dans le formulaire de demande. Il se trouve sur la page qui suit la confirmation des renseignements et la signature de la partie prestataire. Il est peu probable que la partie prestataire consulte cette page avant de faire son choix et de finaliser sa demande.

[30] Il serait avantageux pour la partie prestataire que la section sur les prestations parentales soit clarifiée de manière à insister sur les conséquences du choix qu’elle fait et à mettre en évidence les liens menant vers des renseignements supplémentaires là où la décision est prise, plutôt qu’après la page de confirmation et de signature.

[31] La Commission déclare qu’elle enverra à toute partie prestataire un relevé de prestations précisant les informations contenues dans son dossier et son taux de prestations. La plupart des parties prestataires consultent maintenant leur dossier en ligne. La Commission pourrait fournir à toute partie prestataire un relevé de prestations qui précise non seulement le taux de prestations en vigueur, mais aussi si et à quel moment le taux changera, comme dans le cas des prestations parentales prolongées. Ainsi, les parties prestataires pourraient cerner les problèmes et les résoudre avec la Commission avant le versement des prestations.

Conclusion

[32] L’appelante a bien choisi les prestations parentales standards, et sa demande devrait être traitée comme telle. L’appel est donc accueilli.

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