Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 352

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (423220) de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada datée du 7 mai 2021 (émise
par Service Canada)

Membre du Tribunal : Maria Marchese
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 mai 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 28 mai 2021
Numéro de dossier : GE-21-773

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Ainsi, l’appelante a vraiment choisi de recevoir des prestations parentales standards et non prolongées de l’assurance-emploi (AE).

Aperçu

[2] L’appelante a présenté une demande de prestations combinées de maternité et parentales le 13 janvier 2021. Dans sa demande, elle a demandé à recevoir des prestations parentales prolongées de l’AE pendant 61 semaines. Le 3 mai 2021, l’appelante a reçu un courriel lui signalant qu’une notification avait été ajoutée à son compte Service Canada. Elle a vérifié son compte et a appris que ses prestations de maternité avaient été épuisées et qu’elle recevrait des prestations parentales prolongées au taux de 33 % de sa rémunération hebdomadaire. Lorsqu’elle a appris cette information, l’appelante a immédiatement communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada pour lui dire qu’elle n’avait pas l’intention de toucher des prestations prolongées de l’AE et pour demander qu’on lui verse plutôt des prestations parentales standards de l’AE

[3] L’appelante affirme qu’elle n’a jamais eu l’intention de prendre un congé prolongé et qu’elle n’a donc jamais eu l’intention de toucher 61 semaines de prestations d’AE. Elle dit qu’elle voulait seulement un maximum de 12 mois de prestations, après quoi elle avait l’intention de retourner au travail. Elle soutient qu’elle a fait une erreur et qu’elle n’a pas bien compris les options lorsqu’elle a fait son choix.

[4] La Commission a dit à l’appelante qu’elle avait choisi l’option des prestations prolongées, qui donnait lieu à un montant de prestations moins élevé. La Commission a rejeté la demande de l’appelante visant à changer son option de prestations parentales de l’AE pour des prestations standards. La Commission a déclaré qu’elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de procéder à ce changement.

Question en litige

[5] Laquelle des deux options de prestations parentales de l’AE (les prestations standards ou les prestations prolongées) l’appelante a-t-elle choisie?

Analyse

[6] Les prestations parentales ont pour but de fournir du soutien à une partie prestataire pendant qu’elle prend congé de son travail pour s’occuper de son nouveau‑néNote de bas de page 1 . La partie prestataire doit choisir le nombre maximal de semaines, soit 35 ou 61, durant lesquelles elle souhaite recevoir des prestations parentalesNote de bas de page 2 . Le choix de la durée des prestations parentales ne peut pas être modifié une fois que des prestations sont versées relativement au même enfantNote de bas de page 3 .

[7] Les personnes qui demandent des prestations parentales doivent choisir entre deux types de prestations :

  • Les prestations parentales prolongées permettent aux personnes de recevoir jusqu’à 61 semaines de prestations au taux de 33 % de leur rémunération hebdomadaire jusqu’à un montant maximal.
  • Les prestations parentales standards permettent aux personnes de recevoir jusqu’à 35 semaines de prestations au taux de 55 % de leur rémunération hebdomadaire jusqu’à un montant maximalNote de bas de page 4 .

[8] Je dois tenir compte de tous les éléments de preuve lorsque je décide du type de prestations parentales de l’AE que l’appelante a probablement choisi de recevoirNote de bas de page 5 .

Laquelle des deux options de prestations parentales de l’AE (les prestations standards ou les prestations prolongées) l’appelante a‑t‑elle choisie?

[9] J’estime que l’appelante a choisi les prestations parentales standards de l’AE.

[10] L’appelante a accouché le 11 janvier 2021. Elle a demandé des prestations de maternité, puis des prestations parentales le 13 janvier 2021. Il a été établi que sa période de prestations commençait le 10 janvier 2021.

[11] Lorsqu’elle a rempli sa demande en ligne, l’appelante devait choisir entre les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongées de l’AE. L’appelante a choisi l’option des prestations prolongées, et elle a inscrit « 61 » comme nombre de semaines pendant lesquelles elle souhaitait recevoir des prestationsNote de bas de page 6 .  

[12] Le relevé d’emploi (RE) de l’employeur précise que l’appelante devrait être rappelée au travail le 12 janvier 2022.

[13] La Commission a fait le premier paiement de prestations parentales prolongées de l’AE à l’appelante le 30 avril 2021Note de bas de page 7 .

[14] L’appelante a communiqué avec la Commission le 3 mai 2021 pour demander un changement de type de prestations parentales. Cependant, la Commission a rejeté la demande parce que des prestations parentales de l’AE avaient déjà été versées à l’appelante.

[15] L’appelante a demandé à la Commission de réviser sa décision pour les raisons suivantes :

  • elle ne savait pas qu’elle avait choisi comme type de prestations les prestations parentales prolongées de l’AE;
  • elle a reçu une notification lui signalant qu’une décision avait été prise dans son dossier;
  • elle avait prévu de prendre 12 mois de congé et de reprendre le travail le 11 janvier 2022;
  • elle ne pouvait pas se permettre de ne pas travailler compte tenu du montant des prestations d’AE qu’elle recevaitNote de bas de page 8 .

[16] L’appelante s’est entretenue avec la Commission le 3 mai 2021 et a déclaré qu’elle avait demandé par erreur les 61 semaines de prestations parentales prolongées. Elle avait en effet voulu demander les 35 semaines de prestations parentales standards de l’AE, car elle avait l’intention de prendre un an de congé de maternité et de retourner au travail le 12 janvier 2022.

[17] La Commission a rejeté la demande de révision de l’appelante, répétant que le choix de l’option est irrévocable une fois que les prestations ont été versées.

[18] L’appelante a fait appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Elle affirmait ce qui suit :

  • c’était la première fois qu’elle demandait des prestations de maternité et des prestations parentales de l’AE;
  • elle ne savait pas qu’elle avait choisi comme option les prestations parentales prolongées de l’AE, et elle ne comprenait pas non plus ce que signifiait « prestations prolongées »;
  • son plan a toujours été de retourner au travail dans 12 mois et de reprendre le travail le 12 janvier 2022;
  • elle a essayé d’obtenir des renseignements en ligne sur les prestations d’AE, et le représentant n’a rien mentionné sur les différents types d’options de prestations de maternité et de prestations parentales;
  • elle avait des difficultés financières.

[19] À l’audience, l’appelante a déclaré avoir reçu le 3 mai 2021 un message automatisé indiquant qu’une notification avait été ajoutée à son compte Service Canada. L’appelante a immédiatement vérifié son compte et s’est rendu compte, pour la première fois, qu’elle recevait des prestations parentales prolongées de l’AE au taux de 33 % de sa rémunération. L’appelante a insisté sur le fait qu’il s’agissait de la première notification l’avisant qu’elle recevrait 61 semaines de prestations parentales prolongées de l’AE au taux de 33 % de sa rémunération.

[20] L’appelante a affirmé qu’en apprenant, le 3 mai 2021, qu’elle recevait des prestations parentales prolongées de l’AE, elle a immédiatement appelé la Commission le jour même. L’appelante a répété qu’elle avait fait une simple erreur en choisissant l’option des prestations parentales prolongées de l’AE et qu’elle n’avait jamais reçu de prestations d’AE auparavant. De plus, l’appelante a ajouté qu’elle avait rempli sa demande deux jours après avoir eu son bébé et qu’elle vivait beaucoup de stress lié au fait qu’elle venait d’avoir un bébé, lorsqu’elle a rempli sa demande.

[21] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait jamais eu l’intention de prendre un congé prolongé parce qu’elle souhaitait avoir un deuxième enfant et qu’elle ne prévoyait pas de s’absenter pendant 18 mois pour ce premier bébé.

[22] L’appelante estimait que le programme d’AE aurait dû reconnaître que la date de retour au travail indiquée sur le RE ne correspondait pas aux 61 mois de prestations parentales prolongées de l’AE sélectionnés dans la demande en ligne. L’appelante croit que le système d’AE devrait signaler toute divergence entre la date de retour au travail figurant sur le RE et l’option de prestations parentales choisie dans la demande en ligne.

[23] De plus, l’appelante a déclaré que, si la Commission avait émis un avis plus tôt concernant la conversion imminente de ses prestations de maternité de l’AE en prestations parentales de l’AE, elle aurait été avertie du fait qu’elle avait fait l’erreur de choisir des prestations parentales prolongées plutôt que des prestations parentales standards de l’AE. L’appelante aurait alors pu demander une modification de ses prestations avant que la Commission ne fasse le premier versement de prestations parentales.  

[24] La Commission affirme que la loi empêche les parties prestataires de modifier leur choix une fois que les prestations parentales commencent à être versées. Elle précise que le choix est devenu irrévocable lorsque le premier versement de prestations a été versé à l’appelante le 30 avril 2021, et qu’il ne pouvait être modifié. La Commission a jugé qu’elle ne pouvait pas effectuer le changement parce que l’appelante avait choisi l’option des prestations parentales prolongées, et qu’une fois que le choix est fait et que les prestations sont versées, le choix ne peut être révoqué.

[25] Je suis d’avis que la véritable question dans cette affaire n’est pas de savoir si le choix des prestations parentales peut être modifié, mais plutôt si l’option choisie était la véritable manifestation de l’option désirée par l’appelante.

[26] J’estime, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, que l’option des prestations parentales prolongées de l’AE choisie par l’appelante n’était pas la véritable manifestation de l’option qu’elle désirait.

[27] En examinant la demande remplie par l’appelante, je constate qu’elle a cliqué sur le bouton correspondant aux prestations prolongées.

[28] Je crois l’appelante lorsqu’elle dit qu’elle a commis une erreur en choisissant l’option des prestations parentales prolongées de 61 semaines et qu’elle ne comprenait pas vraiment ce que signifiaient les « prestations prolongées ». C’est pourquoi je tire de telles conclusions.

[29] L’appelante a toujours affirmé qu’elle n’avait pas l’intention d’arrêter de travailler pendant plus de 12 mois : elle l’a indiqué dans sa demande de révision à la Commission, elle l’a réitéré dans son appel au Tribunal et elle l’a répété dans son témoignage à l’audience. J’estime que l’appelante a fait preuve d’une très grande franchise, ses messages étant cohérents quant à son intention de s’absenter du travail pour un congé de maternité d’une durée de 12 mois seulement. Cela démontre que le choix de l’appelante de recevoir des prestations parentales prolongées de l’AE n’était pas conforme à son désir de s’absenter du travail pendant 12 mois seulement.

[30] De plus, j’estime que le RE de l’employeur appuie la déclaration de l’appelante selon laquelle elle n’avait l’intention de s’absenter que pendant 12 mois, car il indique que la date de retour au travail de l’appelante était le 12 janvier 2022, soit 12 mois après son dernier jour de travail le 11 janvier 2021.

[31] Je suis également convaincue que l’appelante n’avait pas l’intention de choisir l’option des prestations parentales prolongées de l’AE, car elle a rapidement communiqué avec la Commission après avoir vu la notification dans son compte Service Canada. Le 3 mai 2021, immédiatement après avoir appris qu’elle recevait des prestations parentales prolongées de l’AE pendant 61 semaines, elle a immédiatement communiqué avec la Commission, le jour même, pour lui demander de convertir ses prestations parentales prolongées en prestations parentales standards de l’AE.

[32] Je crois également l’appelante lorsqu’elle a déclaré qu’elle ne comprenait pas ce que signifiait le choix de l’option des « prestations prolongées », compte tenu du moment où elle a rempli sa demande en ligne. L’appelante a accouché le 11 janvier 2021 et a rempli sa demande seulement deux jours plus tard, le 13 janvier 2021. Il est compréhensible que l’appelante n’ait pas été en mesure de se concentrer pleinement sur la façon de remplir son formulaire de demande d’AE en ligne, et de bien le comprendre, deux jours seulement après avoir accouché, étant donné le stress de l’accouchement et des nouvelles responsabilités parentales. 

[33] Je me fonde également sur une décision récente de la division d’appel du TribunalNote de bas de page 9 . Dans cette décision, la question n’était pas de savoir si un choix est irrévocable comme le prescrit la loi, mais si l’appelante a fait un choix qui correspondait à l’une ou l’autre des options, quel que soit le bouton qui a été coché.

[34] Je suis convaincue que l’appelante avait l’intention de choisir les prestations parentales standards de l’AE, peu importe le choix qu’elle a réellement fait dans sa demande en ligne. Je ne trouve rien dans le témoignage ou les observations qui m’amènerait à une autre conclusion.

Conclusion

[35] L’appel est accueilli. Cela signifie que l’appelante a vraiment choisi de recevoir des prestations parentales standards de l’AE, et que sa demande devrait être traitée comme telle.

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