Assurance-emploi (AE)

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Citation : YP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 364

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : Y. P.
Représentante ou représentant : Kim Bouchard
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (421470) datée du 23
avril 2021 rendue par la Commission de l’assuranceemploi
du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 23 juin 2021
Personnes présentes à l’audience : L’appelant
La représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 16 juillet 2021
Numéro de dossier : GE-21-848

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus qu’une antidate de la demande initiale de prestations d’assurance-emploi de l’appelant doit lui être accordée à compter du 24 février 2019Note de bas page 1. L’appelant démontre qu’il a un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations. Cela signifie que sa demande de prestations peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Aperçu

[2] Du 1er octobre 2012 au 22 février 2019Note de bas page 2, l’appelant a travaillé comme analyste au crédit pour l’employeur X (l’employeur).

[3] Le 21 décembre 2020, il présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières)Note de bas page 3.

[4] Le 22 janvier 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) l’avise qu’il n’est pas admissible au bénéfice des prestations parce qu’il avait besoin de 420 heures d’emploi assurable au cours de la période du 22 décembre 2019 au 19 décembre 2020 alors qu’il n’a accumulé aucune heure (0 heure) au cours de cette périodeNote de bas page 4.

[5] Le 22 janvier 2021, il présente une demande d’antidate à la Commission afin que sa demande de prestations présentée le 21 décembre 2019 débute le 25 février 2019Note de bas page 5.

[6] Le 25 mars 2021, la Commission l’avise que les prestations d’assurance-emploi établies pour sa demande ne peuvent pas commencer à partir du 24 février 2019 parce qu’il n’a pas pu démontrer que pour la période du 24 février 2019 au 22 décembre 2020, un motif valable justifiait son retard à présenter sa demandeNote de bas page 6.

[7] Le 23 avril 2021, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe qu’elle maintient la décision rendue à son endroit en date du 25 mars 2021Note de bas page 7.

[8] L’appelant explique qu’après avoir cessé de travailler le 22 février 2019, il consulte le site internet de Service Canada pour se renseigner sur l’indemnité de départ que l’employeur lui a versée et savoir l’effet de celle-ci sur une demande de prestations. Vers la fin du mois de février 2019, il communique avec la Commission, car il n’a pas trouvé la réponse à sa question. L’appelant indique qu’après avoir expliqué sa situation à une personne de la Commission, celle-ci lui dit que ce serait très surprenant qu’il puisse avoir droit à des prestations. L’appelant affirme que cette personne lui a suggéré d’attendre avant de présenter sa demande de prestations, sans lui indiquer qu’il y avait un délai à respecter. L’appelant n’a donc pas présenté de demande de prestations à ce moment, mais plutôt le 21 décembre 2020, au moment où il voulait réintégrer le marché du travail. L’appelant précise avoir fait ce que la Commission lui a suggéré. Il fait valoir qu’il n’a pas présenté sa demande de prestations dans le délai prévu parce qu’il a été mal conseillé par la Commission. Le 19 mai 2021, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions préliminaires

[9] Au début de l’audience, la représentante de l’appelant indique qu’elle retire l’appel portant sur la question visant à déterminer si l’appelant a accumulé le nombre requis d’heures d’emploi assurable au cours de la période du 22 décembre 2019 au 19 décembre 2020 pour établir une période de prestations d’assurance-emploiNote de bas page 8. Je ne rendrai donc pas de décision sur cette question.

Questions en litige

[10] Je dois déterminer si une antidate au 24 février 2019 de la demande initiale de prestations de l’appelant doit lui être accordéeNote de bas page 9.

[11] Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Est-ce que l’appelant a prouvé qu’il remplissait les conditions requises pour toucher des prestations d’assurance-emploi à partir d’une date antérieure à celle de la présentation de sa demande?
  • Est-ce que l’appelant avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations et pouvant ainsi justifier sa demande d’antidate?

Analyse

[12] L’antidate d’une demande de prestations d’assurance-emploi permet qu’une demande de prestations présentée en retard soit considérée comme ayant été formulée à une date antérieure à celle à laquelle elle a été déposée dans les faits.

[13] L’antidate d’une demande initiale de prestations s’appuie sur les deux conditions suivantes :

  1. Le prestataire doit prouver qu’il remplissait les conditions requises pour toucher des prestations d’assurance-emploi à partir d’une date antérieure à celle de la présentation de la demande ;
  2. Le prestataire doit démontrer qu’il avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée entre la date antérieure à laquelle il veut que sa demande soit considérée et la date à laquelle il présente sa demandeNote de bas page 10.

[14] Un motif valable est une raison acceptable, selon la Loi, pour expliquer le retard. La présentation d’un motif valable signifie qu’une demande de prestations peut être traitée comme ayant été présentée plus tôt.

[15] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi qu’un prestataire qui ne présente pas sa demande dans les délais prévus doit démontrer qu’il avait un motif valable pour justifier son retard à le faire et qu’il a agi comme une personne raisonnablement prudente l’aurait fait dans la même situationNote de bas page 11.

[16] Selon la Cour, avoir un motif valable, c’est avoir agi comme l’aurait fait une « personne raisonnable », soucieuse de s’enquérir de ses droits et de ses obligations, en vertu de la LoiNote de bas page 12.

Question no 1 : Est-ce que l’appelant a prouvé qu’il remplissait les conditions requises pour toucher des prestations d’assurance-emploi à partir d’une date antérieure à celle de la présentation de sa demande?

[17] Je considère que les éléments de preuve au dossier démontrent que l’appelant remplit les conditions requises pour toucher des prestations d’assurance-emploi à partir d’une date antérieure à celle de la présentation de sa demande de prestations le 21 décembre 2020.

[18] Dans son argumentation, la Commission explique que l’appelant a accumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurable pour pouvoir établir une demande de prestations d’assurance-emploi à compter du 24 février 2019Note de bas page 13.

[19] La Commission précise que le nombre total d’heures d’emploi assurable accumulé par l’appelant au cours de sa période de référence établie du 25 février 2018 au 23 février 2019 est de 1 820 heures, alors qu’il avait besoin de 700 heures pour être admissible au bénéfice des prestationsNote de bas page 14.

[20] En fonction de l’analyse de la Commission, la période d’emploi effectuée par l’appelant, du 1er octobre 2012 au 22 février 2019Note de bas page 15, démontre qu’il remplit les conditions pour toucher des prestations d’assurance-emploi à partir d’une date antérieure à celle de la présentation de sa demande, le 21 décembre 2020.

[21] Je dois maintenant déterminer si l’appelant avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations et pouvant ainsi justifier sa demande d’antidate.

Question no 2 : Est-ce que l’appelant avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations et pouvant ainsi justifier sa demande d’antidate?

[22] J’estime que les raisons invoquées par l’appelant de ne pas avoir présenté sa demande de prestations dans le délai prévu constituent un motif valable pouvant justifier un tel retard, au sens de la Loi.

[23] J’estime le témoignage de l’appelant crédible. Il dresse un portrait complet et détaillé des circonstances l’ayant amené à présenter tardivement sa demande de prestations. Son témoignage est précis et sans contradictions. Il fournit des explications détaillées sur la teneur de sa conversation avec une personne de la Commission à la fin du mois de février 2019 au cours de laquelle cette dernière lui a expliqué qu’il serait très surprenant qu’il puisse recevoir des prestations et lui a suggéré d’attendre avant de présenter sa demande de prestations.

[24] L’appelant fait valoir qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations. Son témoignage et ses déclarations à la Commission indiquent les éléments suivants :

  1. L’appelant explique avoir travaillé pendant environ 40 ans pour deux compagnies différentes et n’a jamais reçu de prestations dans le passé. Il ne sait pas comment fonctionne l’assurance-emploiNote de bas page 16 ;
  2. À la suite de la perte de son emploi le 22 février 2019, l’appelant était « sous le choc »Note de bas page 17. Il a d’abord consulté le site internet de Service Canada pour obtenir des renseignements sur l’impact que pouvait avoir sur une demande de prestations, l’indemnité de départNote de bas page 18 versée par son employeur après que celui-ci ait mis fin à son emploi. Le montant de cette indemnité, soit plus de 100 000,00 $ représente environ 1½ an (17 ou 18 mois) de salaire dans son casNote de bas page 19 ;
  3. Au sujet de l’argument de la Commission voulant que si l’appelant avait consulté la section « Assurance-emploi et prestations régulières : Aperçu » de son site internet, il aurait pu lire qu’il devait faire sa demande de prestations le plus tôt possible à partir du moment où il avait cessé de travaillerNote de bas page 20, celui-ci explique ne pas avoir cliqué sur ce lien, car il cherchait avant tout des renseignements sur une indemnité de départ. Il voulait connaître l’impact de cette indemnité sur sa demande de prestations. L’appelant explique que malgré ses recherches sur le site de Service Canada, il n’a pas trouvé les renseignements recherchés à ce sujet ;
  4. À la fin du mois de février 2019, l’appelant communique avec le centre d’appel de la Commission. Lors de son appel, il a expliqué à une personne de la Commission (un agent ou une agente) que son emploi avait pris fin, qu’il avait reçu une indemnité de départ de son employeur et qu’il était un peu perplexe au sujet d’une demande de prestations. La personne de la Commission lui a alors dit que ce serait « très surprenant » qu’il puisse recevoir des prestationsNote de bas page 21, ou qu’il n’aurait « pas grand-chose »Note de bas page 22, étant donné l’indemnité de départ qu’il avait reçueNote de bas page 23. La personne de la Commission lui a suggéré d’attendre avant de présenter sa demande de prestations. Elle ne lui a pas conseillé de présenter immédiatement sa demande de prestations ni ne lui a dit combien de temps il devait attendre avant de la présenterNote de bas page 24 ;
  5. L’appelant s’est dit qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations en raison de l’indemnité de départ reçueNote de bas page 25. Il était également convaincu qu’il pouvait attendre avant de présenter sa demande de prestations ;
  6. L’appelant dit avoir été mal conseillé par la personne de la Commission. Elle aurait dû lui dire qu’il pouvait tout de même déposer une demande de prestationsNote de bas page 26. Selon l’appelant, la personne de la Commission avec laquelle il a parlé est un « expert ou une experte » en assurance-emploi. Elle connaît les règles en la matière. L’appelant souligne que s’il se trouve devant quelqu’un qui connait la Loi, cette personne doit être en mesure de lui dire qu’il doit déposer sa demande de prestations le plus tôt possible ou qu’il dispose d’un temps spécifique pour le faire. Personne ne lui a dit qu’il allait devoir présenter sa demande de prestations très rapidement ;
  7. L’appelant n’a pas présenté de demande de prestations à la suite de la période d’environ 1½ an de salaire que représente son indemnité de départNote de bas page 27. Il explique ne pas avoir été disponible à travailler à compter du mois de juin 2020, soit plus d’un an après la fin de son emploi. L’appelant a agi comme aidant auprès de sa mère. Il s’est aussi occupé de son déménagement pour qu’elle s’établisse dans une résidence privée pour aînés (RPA). Il mentionne que la pandémie de COVID-19Note de bas page 28 lui a aussi compliqué les choses, soit pour s’occuper de sa mère ou pour retourner sur le marché du travailNote de bas page 29 ;
  8. Entre le 24 février 2019 et le 20 décembre 2020, l’appelant n’a pas effectué d’autres démarches auprès de la Commission que celle faite à la fin de février 2019 pour se renseigner au sujet de sa demande de prestations ;
  9. L’appelant a présenté sa demande de prestations le 21 décembre 2020, car il voulait réintégrer le marché du travail. Selon lui, lorsqu’il a été prêt à le faire, c’était le meilleur moment pour présenter sa demande de prestations. Il ne pensait pas qu’il était hors délaiNote de bas page 30 ;
  10. Lorsqu’il a reçu une lettre de la Commission, en date du 21 décembre 2020, lui fournissant un code d’accès pour remplir ses déclarations du prestataire, l’appelant s’est dit que sa demande de prestations avait été acceptée. Toutefois, lorsqu’il a tenté de remplir ses déclarations, cela n’a pas fonctionné. Par la suite, il a communiqué avec la Commission à plusieurs reprises afin de régulariser sa situation. Le 5 février 2021, une agente de la Commission lui a expliqué qu’il pouvait présenter une demande d’antidate. L’appelant n’a toutefois pas été en mesure de recevoir des prestationsNote de bas page 31 ;
  11. L’appelant fait valoir qu’il a fait tout ce qu’on lui a dit de faire pour sa demande de prestations et pour effectuer son suivi auprès de la Commission.

[25] La représentante fait valoir les éléments suivants :

  1. L’appelant s’est conduit comme une personne raisonnable et soucieuse de s’enquérir de ses droits et de ses obligations pour satisfaire les exigences de la Loi ;
  2. Ce n’est pas en raison de l’ignorance de la Loi que l’appelant a présenté sa demande de prestations en retard, mais en raison des renseignements inexacts donnés par un agent de la Commission et en raison du manque d’information sur le site de Service Canada. L’appelant a pris de mesures raisonnables pour obtenir des renseignements liés à ses prestations d’assurance-emploi ;
  3. Bien que la Commission indique qu’il est « peu crédible » de penser qu’un de ses agents dise à un prestataire d’attendre avant de déposer sa demande puisque la base pour établir une demande d’assurance-emploi est le dépôt de la demandeNote de bas page 32, cela n’est pas improbable. Plusieurs dossiers d’antidate concernent des informations erronées fournies par des agents de la Commission ;
  4. Même si la Commission indique que l’appelant allègue qu’il ne pensait pas être admissible au bénéfice des prestations et qu’une personne raisonnable ne s’en remettrait pas seulement à des suppositionsNote de bas page 33, il ne s’agit pas simplement de suppositions dans ce cas. La conversation à laquelle la Commission réfère sur ce pointNote de bas page 34 mérite d’être remise en contexte. L’appelant s’est alors informé de ses droits et de ses obligations ;
  5. La Commission n’applique pas les bons critères juridiques pour une question d’antidate lorsqu’elle dit comprendre que l’appelant vivait un moment difficile, mais il n’y avait aucune circonstance indépendante de sa volonté qui l’empêchait de présenter une demande de prestationsNote de bas page 35. Dans un cas d’antidate, la question n’est pas de prouver qu’il y avait des circonstances indépendantes de la volonté d’un prestataire ;
  6. La décision de la Cour à laquelle réfère la Commission dans son argumentationNote de bas page 36 ne supporte pas sa position. Cette décision souligne avant tout l’importance d’expliquer en quoi une personne a agi ou n’a pas agi comme une personne raisonnable placée dans la même situation qu’elle ;
  7. La CourNote de bas page 37 a confirmé une décision rendue par un juge-arbitreNote de bas page 38 dans laquelle l’appel de la Commission a été rejeté et où il est question d’un prestataire ayant tardé à présenter sa demande de prestations. Dans ce dossier, le prestataire avait présenté sa demande en retard parce qu’il savait qu’il ne pourrait pas satisfaire les exigences de l’assurance-emploi selon lesquelles il devait être disponible pour travailler. Dans la décision rendue par le juge-arbitreNote de bas page 39, celui-ci a déterminé que le Conseil arbitral avait appliqué les dispositions législatives pertinentes en concluant que le prestataire a fait ce qu’une personne raisonnable aurait fait pendant toute la période de retardNote de bas page 40 ;
  8. La CourNote de bas page 41 a confirmé une décision rendue par un juge-arbitreNote de bas page 42 dans laquelle l’appel de la Commission qui contestait la décision d’un conseil arbitral d’accorder une antidate à un prestataire a été rejeté. Dans la décision du juge-arbitreNote de bas page 43, celui-ci a déterminé que la décision rendue par le conseil arbitral n’était pas déraisonnable en concluant que le prestataire avait agi comme une personne raisonnable l’aurait fait si elle s’était retrouvée dans la même situation personnelle que celui-ci (décès de l’unique sœur du prestataire, séparation, diagnostic d’une forme de démence rare à sa mère)Note de bas page 44 ;
  9. La CourNote de bas page 45 a confirmé une décision rendue par un juge-arbitreNote de bas page 46, dans laquelle l’appel de la Commission qui contestait la décision d’un conseil arbitral d’accorder une antidate à un prestataire a été rejeté. Dans la décision du juge-arbitreNote de bas page 47, celui-ci indique ce qui suit : « […] les retards de la prestataire à présenter sa demande n’ont pas été causés par son ignorance de la loi, mais plutôt par sa conviction, aussi erronée soit-elle, qu’en vertu de la Loi elle n’avait pas suffisamment de semaines d’emploi assurables pour être admissible aux prestations. […] il est manifeste que quiconque, se fondant sur une conviction aussi erronée et vivant dans une famille qui n’a jamais eu recours aux prestations d’assurance-chômage, peut être considéré comme ayant agi de façon raisonnable en ne présentant sa demande qu’une fois informé de son erreur. […] les responsables du programme d'assurance-chômage ne doivent pas présumer que des prestataires éventuels se lèvent tous les matins en passant en revue toutes les échappatoires que la Loi peut contenir […] »Note de bas page 48. En lien avec cette décisionNote de bas page 49, la représentante souligne que la Loi est complexe et qu’on peut comprendre qu’un prestataire ne pose pas l’ensemble des questions auxquelles un agent de la Commission pourrait répondre. Ce n’est pas le travail d’un prestataire de s’assurer que l’agent de la Commission n’oublie rien et de s’assurer qu’il explique bien les choses. Un prestataire s’attend d’un agent de la Commission qu’il lui communique les bonnes informations et qu’il donne des indications claires ;
  10. Dans l’une de ses décisionsNote de bas page 50, la Division d’appel du Tribunal (la Division d’appel) a accueilli l’appel d’un prestataire dont la demande d’antidate avait été refusée par la Commission. Dans sa décisionNote de bas page 51, la Division d’appel a conclu que la Division générale qui avait rejeté l’appel du prestataire, avait mal compris la preuve présentée par ce dernier en déterminant qu’il avait mal compris le conseil reçu de Service Canada relativement à la présentation de sa demande de prestations. Dans sa décisionNote de bas page 52, la Division d’appel donne les précisions suivantes : « […] Les mesures prises par le prestataire pour s’assurer de ses obligations ne sont pas documentées, parce qu’il s’agit d’une série de conversations en personne entre lui et les agents de Service Canada […] avant qu’il dépose sa demande. Les seuls éléments de preuve disponibles de l’existence et du contenu de ces consultations et conversations sont donc les déclarations et le témoignage du prestataire [paragraphe 37] […] J’estime qu’on ne l’a pas informé [le prestataire] de l’importance de présenter sa demande en temps opportun et qu’on ne lui a pas dit qu’il devrait déposer immédiatement sa demande lors d’aucune de ses visites à Service Canada [paragraphe 54] […] Je considère que le prestataire s’est renseigné adéquatement au sujet de ses obligations, qu’il s’est fié aux recommandations d’un ou des agents de la Commission et qu’il les a suivies […] [paragraphe 55] »Note de bas page 53.

[26] Dans le présent dossier, je considère qu’en tenant compte de l’ensemble des circonstances propres à son cas, l’appelant démontre qu’il avait un motif valable d’avoir tardé à présenter sa demande de prestations.

[27] Je considère que les gestes de l’appelant représentent ceux qu’une « personne raisonnable » aurait posés, si celle-ci avait été placée dans des circonstances similaires aux siennes.

[28] J’accepte les explications de l’appelant selon lesquelles à la fin de février 2019, une personne de la Commission lui a donné des renseignements lui indiquant qu’il serait très surprenant qu’il reçoive des prestations, étant donné l’indemnité de départ qu’il avait reçue et elle lui a indiqué d’attendre avant de présenter une demande de prestations.

[29] Même si la Commission fait valoir qu’il est « peu crédible », selon elle, de penser qu’un de ses agents dise à un prestataire d’attendre avant de présenter sa demande de prestations puisque le dépôt d’une telle demande est à la base de l’établissement d’une période de prestationsNote de bas page 54, j’estime qu’il est plausible qu’une telle situation se soit produite.

[30] Bien que la Commission indique aussi qu’il n’existe pas de document écrit résumant le contenu de la conversation tenue entre elle et l’appelant en février 2019Note de bas page 55, je n’ai aucune raison de remettre en question le témoignage et les déclarations de ce dernier sur ce point. L’appelant a toujours été constant dans son témoignage et dans ses déclarations en indiquant qu’il avait communiqué avec la Commission à la fin du mois de février 2019, à la suite de la fin de son emploi. Je souligne que l’argumentation de la Commission se base d’ailleurs sur ce que l’appelant aurait dû faire ou demander lorsqu’il a communiqué avec elle à ce moment.

[31] Je retiens l’argument de la représentante lorsque celle-ci fait valoir les similitudes entre le cas de l’appelant et celui d’un prestataire auquel la Division d’appel réfère dans une de ses décisionsNote de bas page 56.

[32] Dans cette décision, la Division d’appel, se basant sur les déclarations et le témoignage du prestataire, étant donné qu’il n’y avait pas d’autres éléments de preuve disponibles, a déterminé que ce dernier n’avait pas été informé par la Commission de l’importance de présenter sa demande de prestations en temps opportun ou de la présenter sans délaiNote de bas page 57.

[33] Dans cette décision, la Division d’appel a conclu que le prestataire s’était renseigné adéquatement au sujet de ses obligations en suivant les recommandations qu’il avait reçues de la CommissionNote de bas page 58.

[34] Bien que je ne sois pas lié par les décisions rendues par la Division d’appel, je considère que cette décision présente des similitudes avec le cas de l’appelantNote de bas page 59. J’adopte ainsi la même approche dans l’évaluation de son cas. Ces similitudes concernent, entre autres, les démarches effectuées par l’appelant auprès de la Commission dès février 2029 pour sa demande de prestations et les renseignements qu’elle lui a données, pour démontrer qu’il était justifié d’avoir tardé à la présenter.

[35] Je considère comme plausible qu’un agent ou une agente de la Commission ait pu donner des renseignements incomplets ou imprécis à l’appelant au sujet de sa demande de prestations, étant donné l’indemnité de départ qu’il avait reçue.

[36] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que les renseignements que l’appelant a reçus de la Commission pouvaient lui laisser croire qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations ou qu’il pouvait attendre avant de présenter sa demande de prestations.

[37] Je considère qu’en raison de leur imprécision, les renseignements donnés à l’appelant étaient inexacts.

[38] La Cour nous informe que l’existence d’un motif valable peut être démontrée si le retard du prestataire découle de renseignements inexacts que lui a communiqués la Commission et qu’il n’est pas attribuable au prestataireNote de bas page 60.

[39] La Commission fait également valoir que l’appelant affirme avoir été induit en erreur ou mal conseillé par un agent ou une agente, mais qu’il ne l’a pas questionné pour savoir à quel moment déposer sa demande de prestationsNote de bas page 61. Selon la Commission, une personne raisonnable et prudente aurait cherché à poser des questions pour savoir quoi faire et connaître ses obligationsNote de bas page 62.

[40] Sur ce point, je considère qu’il n’appartenait pas à l’appelant de poser des questions spécifiques sur le délai dont il pouvait disposer pour le faire. Je retiens que lorsque l’appelant a parlé avec une personne de la Commission en février 2019, celle-ci lui a dit d’attendre avant de présenter sa demande de prestations, sans lui préciser combien de temps il devait le faire.

[41] Étant donné la démarche d’abord faite par l’appelant à la fin de février 2019 pour se renseigner sur sa demande de prestations, je suis d’avis qu’il appartenait à la Commission de lui préciser dans quelle mesure il allait pouvoir présenter sa demande de prestations et à quel moment il devait le faire. J’estime que la Commission a plutôt laissé entendre à l’appelant qu’il ne serait pas admissible au bénéfice des prestations au moment où il aurait été prêt à présenter sa demande de prestations ou de la présenter plus tard.

[42] Je considère qu’après avoir d’abord consulté le site de Service Canada, l’appelant a communiqué avec la Commission pour être guidé dans sa demande de prestations. Je suis d’avis que la Commission ne peut tenir rigueur à l’appelant de ne pas lui avoir posé plus de questions sur les procédures à suivre pour la présenter.

[43] J’accepte l’argument de la représentante selon lequel un prestataire s’attend à ce que la Commission lui fournisse les bonnes informations et qu’il ne lui appartient pas de s’assurer qu’elle n’oublie rien.

[44] Même si la Commission indique aussi que l’appelant n’a pas consulté le site de Service Canada pour connaître les procédures à suivre pour présenter une demande de prestationsNote de bas page 63, je retiens du témoignage de ce dernier qu’il a d’abord consulté ce site avant de communiquer avec la Commission. Son témoignage apporte des précisions sur sa déclaration du 22 avril 2021 à la Commission, dans laquelle il indique avoir consulté le site de Service Canada avant de communiquer avec elleNote de bas page 64

[45] Lors de son témoignage, l’appelant spécifie que lorsqu’il a consulté le site de Service Canada, il cherchait des renseignements sur le versement de son indemnité de départ et l’impact que cette indemnité pouvait avoir sur la demande de prestations qu’il voulait faire. Je souligne que dans son argumentation, la Commission mentionne elle-même que l’appelant a indiqué avoir consulté son siteNote de bas page 65.

[46] Même si la Commission indique que sur son site, à la section « Assurance-emploi et prestations régulières : Aperçu », des renseignements sont fournis et qu’à leur lecture, toute personne raisonnable et prudente aurait présenté sa demande de prestations sans tarder à la suite de la perte de son emploiNote de bas page 66, il demeure que l’appelant ne s’est pas limité à la consultation de ce site. N’ayant pas trouvé les renseignements recherchés, il a pris l’initiative de communiquer avec la Commission après avoir consulté ce site.

[47] Je ne retiens pas l’argument de la Commission selon lequel l’appelant ne démontre pas avoir agi comme une personne raisonnable parce qu’il croyait ne pas être admissible au bénéfice des prestations et qu’une personne raisonnablement prudente ne s’en remet pas uniquement à des suppositionsNote de bas page 67.

[48] Sur ce point, j’estime que l’appelant démontre qu’il ne s’est pas basé sur des suppositions pour retarder la présentation de sa demande de prestations. Il a d’abord consulté le site de Service Canada et a ensuite communiqué avec la Commission quelques jours suivant la fin de son emploi pour obtenir des renseignements sur les conditions à partir desquelles il pouvait présenter une demande de prestations. Les renseignements qu’il a obtenus lui ont toutefois laissé croire, étant donné leur imprécision, qu’il n’allait pas recevoir de prestations en présentant une demande et qu’il pouvait attendre avant de la présenter.

[49] J’estime qu’en fonction des renseignements qui lui ont été donnés par la Commission, l’appelant pouvait raisonnablement croire qu’il n’avait pas droit aux prestations

[50] La Cour nous indique aussi que dans certaines circonstances, l’ignorance de la loi et la bonne foi peuvent constituer un motif valableNote de bas page 68.

[51] Je considère que le cas de l’appelant est également soutenu par la décision d’un juge-arbitreNote de bas page 69, et confirmée par la CourNote de bas page 70 que la représentante fait valoir. Dans la décision du juge-arbitreNote de bas page 71, celui-ci a déterminé que malgré la conviction erronée selon laquelle un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations, ce prestataire peut être considéré comme ayant agi de façon raisonnable en ne présentant sa demande qu’une fois informé de son erreurNote de bas page 72.

[52] La Commission fait également valoir que l’appelant a attendu 22 mois avant de présenter sa demande de prestations, car c’est à ce moment qu’il était prêt à retourner sur le marché du travailNote de bas page 73.

[53] Sur ce point, j’estime que la durée du retard de l’appelant pour présenter sa demande de prestations s’explique avant tout par les renseignements qu’il a obtenus de la Commission à la fin du mois de février 2019 selon lesquels il était mieux d’attendre avant de la présenter, et ce, sans qu’il ne sache combien de temps devait durer cette attente.

[54] Étant donné les renseignements qu’il a d’abord obtenus de la part de la Commission, j’accepte également les explications de l’appelant selon lesquelles il a présenté sa demande de prestations le 21 décembre 2020, car avant ce moment, il s’était occupé de sa mère et n’était pas disponible à travailler.

[55] Je considère que les explications de l’appelant pour démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable en tardant à présenter sa demande de prestations, en raison de sa situation personnelle puisqu’il s’est occupé de sa mère et parce qu’il n’était pas disponible à travailler, sont d’ailleurs soutenues par des décisions rendues par des juges-arbitres et confirmées par la Cour que la représentante fait valoirNote de bas page 74.

[56] J’estime que lorsque l’appelant a communiqué avec la Commission à la fin du mois de février 2019, il a expliqué sa situation dans le but de savoir s’il pouvait présenter une demande de prestations. Je retiens que l’appelant s’est renseigné sur ses droits et ses obligations et qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente.

[57] Je suis d’avis que l’ensemble des circonstances évoquées par l’appelant permettent de conclure qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations.

[58] La Cour nous indique qu’avoir un motif valable, c’est simplement avoir agi comme l’aurait fait une « personne raisonnable », soucieuse de s’enquérir de ses droits et de ses obligations, en vertu de la LoiNote de bas page 75.

[59] Je suis d’avis que l’appelant démontre qu’il s’est conduit comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances similaires aux siennes pour s’assurer de ses droits et de ses obligations.

Conclusion

[60] Je conclus que l’appelant démontre qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations.

[61] En conséquence, une antidate de la demande de prestations de l’appelant doit lui être accordée à compter du 24 février 2019.

[62] L’appel est accueilli.

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