Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation: KJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 347

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-71

ENTRE :

K. J.

Appelante (prestataire)

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée (Commission)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Janet Lew
DATE DE LA DÉCISION : Le 19 juillet 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Je rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelante, K. J. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale du 2 février 2021. La division générale a conclu que la prestataire avait déposé un appel devant elle le 19 janvier 2021. Elle a aussi constaté que la prestataire avait fait appel d’une décision découlant d’une révision datée du 2 mars 2018. La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas déposé son appel à temps, c’est-à-dire dans les 30 jours suivant la réception de la décision découlant de la révision datée du 2 mars 2018. Par conséquent, la division générale a décidé que l’appel ne pouvait pas être instruit.

[3] La prestataire fait valoir que la division générale a commis des erreurs de compétence, de droit et de fait sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La prestataire soutient aussi que la division générale a examiné la mauvaise décision découlant de la révision. Elle prétend qu’elle contestait une décision issue d’une révision datée du 7 janvier 2021.

[4] La prestataire demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Elle dit que la division d’appel devrait conclure que la somme d’argent qu’elle a reçue d’une source particulière (fonds de secours) n’est pas une rémunération au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[5] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, nie que la division générale a commis des erreurs. Elle demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

[6] J’estime que la division générale n’a pas reconnu que la prestataire a tenté de faire appel de la lettre de la Commission, datée du 7 janvier 2021. Cependant, comme la lettre du 7 janvier 2021 n’est pas une décision découlant d’une révision, rien ne permettait à la prestataire de faire appel à la division générale. Je rejette donc l’appel.

Questions en litige

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Quelle lettre la prestataire a-t-elle contestée devant la division générale? Était-ce la lettre de la Commission datée du 2 mars 2018 ou celle du 7 janvier 2021?
  2. La lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 est-elle une décision découlant de la révision?
  3. Sinon, la lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 pouvait-elle être contestée devant la division générale?
  4. La lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 est-elle une décision qui porte sur les « faits nouveaux » ou les « faits essentiels »?
  5. La décision VANote de bas page 1 représente-t-elle un « fait nouveau » ou un « fait essentiel » au titre de l’article 111 de la Loi sur l’AE?

Analyse

[8] La division d’appel peut intervenir dans une décision de la division généraleNote de bas page 2 si celle-ci a commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou de faitNote de bas page 3.

[9] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, de droit et de fait. Plus précisément, elle affirme que la division générale a commis deux principales erreurs :

  • La division générale n’a pas examiné la lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 qui, selon la prestataire, est une décision découlant de la révision. La prestataire prétend qu’elle contestait cette décision devant la division générale, et non la décision découlant de la révision antérieure, datée du 2 mars 2018.
  • La division générale n’a pas accepté la décision VA comme un « fait nouveau ».

[10] La prestataire fait valoir que si la division générale avait examiné la lettre du 7 janvier 2021, elle aurait accepté la décision VA comme un fait nouveau et elle l’aurait appliquée dans son cas.

[11] Les faits dans la décision VA sont semblables à ceux de la prestataire. En effet, les deux prestataires ont reçu une somme d’argent du même fonds de secours. Dans la décision VA, la division d’appel a conclu que la somme que V. A. avait reçue n’était pas une rémunération.

[12] La prestataire souhaite obtenir le même résultat que dans la décision VA.La prestataire soutient que si la division générale avait appliqué la décision VA dans son cas, elle aurait conclu que la somme d’argent que la prestataire avait reçue du fonds de secours n’était pas une rémunération provenant de son emploi. La prestataire affirme aussi qu’étant donné que la somme d’argent n’était pas une rémunération, elle n’aurait pas dû être répartie ni appliquée à sa demande de prestations d’assurance-emploi de sorte à créer un trop-payé.

Quelle lettre la prestataire a-t-elle contestée devant la division générale? Était-ce la lettre de la Commission datée du 2 mars 2018 ou celle du 7 janvier 2021?

[13] La prestataire fait valoir que la division générale a examiné la mauvaise décision découlant de la révision. Elle soutient qu’elle faisait appel de la lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 devant la division générale. Elle affirme que cette lettre est une décision découlant de la révision. Elle nie avoir contesté la décision découlant de la révision de la Commission datée du 2 mars 2018 devant la division générale.

[14] La Commission, d’autre part, nie que la prestataire aurait pu faire appel de sa lettre du 7 janvier 2021. Elle soutient que la prestataire contestait en fait sa décision découlant de la révision datée du 2 mars 2018Note de bas page 4. Autrement dit, la Commission affirme que la division générale n’a pas omis de tenir compte de la lettre du 7 janvier 2021 parce que celle-ci ne faisait pas l’objet de l’appel de la prestataire.

[15] La Commission a rédigé sa lettre du 2 mars 2018 en réponse à la demande de révision de la prestataire. La Commission a aussi abordé la question relative à la rémunération de la prestataire. Voici un extrait de la lettre du 2 mars 2018 :

[traduction]

Question en litige : Rémunération

La décision qui vous a été communiquée le 8 décembre 2017 concernant ce litige a été modifiée. La nouvelle décision est la suivante :

La répartition du montant de l’indemnité de départ est maintenue avec les modifications suivantes. La répartition du montant de l’indemnité de départ [de l’employeur] du fonds de secours a été ajustée comme suit : montant de 587 $ (rémunération hebdomadaire moyenne au lieu de rémunération hebdomadaire normale) de la semaine du 18 juin 2017 à la semaine se terminant le 1er juillet 2017, avec le dernier montant hebdomadaire de 413,00 $ la semaine du 2 juillet 2017. La période de prestations a été prolongée de deux semaines parce que le montant de l’indemnité de départ des deux premières semaines est supérieur à 25 % du taux de prestations hebdomadairesNote de bas page 5.

[16] En ce qui concerne la lettre du 7 janvier 2021, la Commission a déclaré qu’elle ne pouvait pas réviser sa décision. Elle soutient qu’elle avait déjà rendu une décision découlant de la révision le 2 mars 2018.

[17] La Commission a aussi soulevé la question portant sur les « faits nouveaux » dans sa lettre du 7 janvier 2021. Elle a conclu qu’elle n’avait pas examiné les informations supplémentaires fournies par la prestataire comme étant des « faits nouveaux ». Elle a aussi jugé qu’elle avait bien rendu sa décision en mars 2018 et qu’elle l’avait rendue en tenant compte des faits essentiels fournis par la prestataire.

[18] La lettre du 7 janvier 2021 fait état de ce qui suit :

[traduction]

La Commission de l’assurance-emploi du Canada ne peut pas procéder à la révision comme demandé, car une décision issue d’une révision administrative a déjà été rendue à ce sujet le 2 mars 2018. Toute information supplémentaire que vous avez fournie n’est pas considérée comme un fait nouveau. La décision a été rendue correctement tout en tenant compte des faits essentiels que vous avez fournis.

Vous pouvez faire appel au Tribunal de la sécurité sociale dans le délai prescrit et conformément à l’avis de décision issue de la révision administrative qui vous a été envoyé le 2 mars 2018Note de bas page 6.

[19] La Commission soutient que l’avis d’appel de la prestataire à la division généraleNote de bas page 7 montre que la prestataire contestait en fait la lettre du 2 mars 2018.

[20] La Commission reconnaît que la prestataire a joint une copie de sa lettre du 7 janvier 2021 à son avis d’appel. Elle reconnaît aussi que la prestataire a dit qu’elle avait reçu la décision découlant de la révision le 7 janvier 2021Note de bas page 8. Toutefois, la Commission soutient que tout le reste de l’avis d’appel précise que la prestataire contestait bel et bien la décision découlant de la révision de la Commission datée du 2 mars 2018.

[21] La Commission souligne que même si la prestataire a écrit qu’elle avait reçu la deuxième décision découlant de la révision le 7 janvier 2021, elle a aussi indiqué qu’elle avait reçu la première lettre le 2 mars 2018.

[22] Lorsque la prestataire a expliqué pourquoi elle était en désaccord avec la décision découlant de la révision, elle a abordé la nature de la décision du 2 mars 2018. Elle a contesté la provenance de l’argent qu’elle avait reçu comme indemnité de départ. Elle a nié que son employeur lui avait versé une somme d’argent. De plus, la Commission souligne également que la prestataire n’a pas abordé la nature de la lettre du 7 janvier 2021 dans son avis d’appel.

[23] Par la suite, la prestataire a expliqué pourquoi elle avait déposé son appel en retard.

[24] Pourtant, la prestataire a déposé son appel à la division générale le 19 janvier 2021. La Commission fait valoir que la prestataire n’avait pas besoin de justifier son retard si elle contestait réellement la lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021. Après tout, elle disposait de 30 jours à partir du moment où elle avait reçu la décision découlant de la révision pour faire appel.

[25] Le formulaire de demande pour l’avis d’appel exige seulement que la partie prestataire justifie son retard si elle est réellement en retard. La section 9 de l’avis d’appel indique ceci :

[traduction]

Nous devons recevoir le présent formulaire dûment rempli dans les 30 jours suivant la date à laquelle vous avez reçu votre décision issue de la révision. Si nous recevons votre avis d’appel après le délai de 30 jours, vous devez justifier votre retard.

[26] Le fait que la prestataire ait justifié son retard donne à penser qu’elle faisait appel de la lettre découlant de la révision de la Commission datée du 2 mars 2018.

[27] Cependant, la prestataire insiste pour dire qu’elle faisait appel de la lettre du 7 janvier 2021, même si certaines parties de son avis d’appel à la division générale donnent à penser qu’elle faisait appel de la décision découlant de la révision du 2 mars 2018. Elle dit s’être laissé une certaine marge de manœuvre dans sa façon de remplir le formulaire d’appel. Elle prétend avoir rempli le formulaire sans aide juridique.

[28] Selon moi, il n’est pas très évident que la prestataire avait l’intention de seulement faire appel de la décision découlant de la révision du 2 mars 2018. Même s’il ne fait aucun doute que la prestataire tentait d’annuler la décision découlant de la révision de la Commission datée du 2 mars 2018, elle semblait croire qu’elle pouvait seulement le faire en contestant également la lettre du 7 janvier 2021.

[29] La prestataire devait joindre une copie de la décision découlant de la révision qu’elle contestait à l’avis d’appel. Elle a seulement joint une copie de la lettre du 7 janvier 2021, mais a fait référence à la lettre du 2 mars 2018 et à celle du 7 janvier 2021 comme étant les décisions découlant de la révision.

[30] Même si la prestataire a justifié le retard de son appel en laissant entendre qu’elle faisait appel de la décision du 2 mars 2018, elle a aussi écrit ceci : [traduction] « de nouveau rejetée le 7 janvier 2021, on m’a donc envoyé ce formulaire pour voir si mon dossier peut aller de l’avantNote de bas page 9 ». Cette dernière phrase donne à penser que la prestataire croyait qu’elle faisait appel de la lettre du 7 janvier 2021 devant la division générale.

[31] Dans l’ensemble, j’estime que la preuve donne à penser que la prestataire croyait qu’elle faisait appel de la décision découlant de la révision du 2 mars 2018 et de la lettre du 7 janvier 2021.

[32] Étant donné que la prestataire a indiqué qu’elle faisait appel des lettres du 2 mars 2018 et du 7 janvier 2021, la division générale aurait dû préciser laquelle des deux lettres la prestataire contestait. Ou, à tout le moins, elle aurait dû examiner la lettre du 7 janvier 2021 en plus de la décision découlant de la révision du 2 mars 2018. Elle aurait dû tenir compte de la lettre du 7 janvier 2021 pour décider s’il s’agissait d’une décision que la prestataire pouvait contester.

[33] La division générale s’est plutôt penchée sur la décision découlant de la révision de la Commission datée du 2 mars 2018. La division générale a commis une erreur en ignorant complètement la lettre du 7 janvier 2021.

La lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 est-elle une décision découlant de la révision?

[34] Non. La lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 n’est pas une décision découlant de la révision parce que la prestataire n’était pas admissible à une deuxième décision issue de la révision puisqu’elle en avait déjà reçu une sur la même question.

[35] La prestataire soutient que la lettre du 7 janvier 2021 est une décision découlant de la révision. Elle fait valoir qu’étant donné que la lettre est une décision découlant de la révision, elle avait le droit de faire appel de la lettre devant la division générale. La prestataire s’appuie sur le Règlement sur les demandes de révision (Règlement). Elle soutient que le Règlement permet à toute partie prestataire de présenter autant de demandes de révision qu’elle le souhaite.

[36] La Commission nie avoir révisé une décision dans sa lettre du 7 janvier 2021. En fait, elle nie avoir rendu une quelconque décision dans cette lettre. Elle soutient donc que la prestataire ne pouvait pas avoir de droits d’appel en raison de la lettre du 7 janvier 2021.

[37] De plus, la Commission soutient qu’elle ne pouvait pas se fonder sur quoi que ce soit pour rendre une autre décision découlant de la révision le 7 janvier 2021, car elle avait déjà rendu une décision issue de la révision sur la même question en mars 2018. La Commission précise que les parties ne peuvent pas demander un nombre illimité de révisions, peu importe le nombre de fois où elles en font la demande.

[38] La question dans la présente affaire consiste à savoir si la prestataire pouvait demander une deuxième révision de la décision initiale de la Commission datée du 8 décembre 2017. Si ce n’était pas le cas, la lettre du 7 janvier 2021 ne pouvait pas être une décision découlant de la révision parce que la prestataire avait déjà reçu une décision issue de la révision en mars 2018.

[39] J’estime que le Règlement ne permet pas à une personne de présenter autant de demandes de révision qu’elle le souhaite. Le Règlement traite des demandes de révision tardives. Il prévoit les circonstances dans lesquelles la Commission peut prolonger le délai pour demander une révision.

[40] L’article 112(1) de la Loi sur l’AE énonce les circonstances dans lesquelles une partie prestataire (ou une autre personne qui fait l’objet d’une décision de la Commission) ou l’employeur d’une partie prestataire peut demander une révision à la Commission. Voici ce que prévoit l’article en question :

[…] peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision [mis en évidence par la soussignée].

[41] Le terme « réviser » et le délai serré pour présenter une telle demande sont révélateurs. Ils donnent à penser qu’une partie prestataire peut demander une révision. Si le législateur avait eu l’intention qu’une partie prestataire puisse demander autant de révisions qu’elle le souhaite, le libellé aurait certainement reflété cela. De plus, il n’y aurait pas de délai restrictif de 30 jours à respecter pour faire une demande. Le libellé ne précise pas, par exemple, qu’une partie prestataire peut faire des « demandes » à la Commission.

[42] Par ailleurs, le libellé du Règlement donne aussi à penser qu’une partie peut demander une seule révision. Les articles 1(1) et 1(2) font tous deux référence à « une demande » ou à « la demande » plutôt qu’à plusieurs « demandes ».

[43] De plus, le fait de permettre à une partie prestataire de présenter autant de demandes de révision qu’elle le souhaite irait à l’encontre de l’objectif d’un processus d’appel simplifié. Si une partie n’est pas satisfaite d’une décision découlant d’une révision, la Loi sur l’AE lui offre une option : elle peut faire appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale. Par ailleurs, la Loi sur l’AE ne permet pas à une partie d’avoir plusieurs révisions en même temps.

[44] Le fait de permettre à une partie prestataire de présenter autant de demandes de révision qu’elle souhaite rendrait le processus complexe et difficile à gérer. Cela pourrait potentiellement encourager les parties demanderesses déboutées à continuer de présenter d’innombrables demandes de révision pendant des années, dans l’espoir qu’un jour elles réussissent.

[45] Dans ce contexte, j’estime que la prestataire était limitée à une seule demande de révision. Elle avait déjà demandé à la Commission de réviser sa décision en janvier 2018Note de bas page 10. Elle a reçu une décision découlant de la révision en mars 2018. Demander une deuxième révision en 2020 ne lui a donc pas donné droit à une deuxième décision issue de la révision de la Commission.

[46] Je souligne en passant que l’article 112(1)(b) de la Loi sur l’AE prévoit un délai de plus de 30 jours pour présenter une demande de révision. Je mentionne cela parce que la prestataire laisse entendre que ce délai prolongé permet à une partie prestataire de faire plusieurs demandes.

[47] Cependant, toute prolongation au-delà de 30 jours est à la discrétion de la Commission.

[48] La Commission doit exercer ce pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Autrement dit, elle doit le faire correctement. Elle ne peut pas fonder sa décision d’accorder ou de refuser une prolongation du délai sur des éléments non pertinents ou sans tenir compte des éléments pertinents.

[49] Le Règlement énonce les circonstances générales que la Commission doit prendre en compte pour décider d’accorder ou non une prolongation. La Commission peut accorder un délai plus long si elle est convaincue qu’il existe une explication raisonnable et si la personne a manifesté l’intention constante de demander une révisionNote de bas page 11.

[50] Même si la Loi sur l’AE ou le Règlement permettaient un nombre illimité de demandes de révision, la partie prestataire devrait tout de même respecter cette exigence. Elle devrait montrer qu’elle a eu l’intention constante de demander une révision lorsqu’elle a reçu la décision initiale de la Commission. Autrement, il serait peu probable que la Commission accorde un délai supplémentaire.

[51] Dans la présente affaire, la preuve au dossier ne démontre pas que la prestataire avait l’intention constante de demander une révision entre le 2 mars 2018 et décembre 2020, lorsqu’elle a déposé sa deuxième demande de révisionNote de bas page 12. Pour cette raison, même si la prestataire avait pu demander une deuxième révision, la Commission ne lui aurait probablement pas accordé un délai supplémentaire pour le faire.

[52] Par conséquent, si la prestataire ne pouvait pas demander une deuxième révision, la Commission n’aurait probablement pas rendu une deuxième décision découlant de la révision. En résumé, malgré la possibilité d’un délai supplémentaire pour demander une révision, j’estime que la lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 n’est pas une décision découlant de la révision.

[53] Cependant, cela ne signifie pas que la Commission n’a pas rendu de décision. La Commission a bel et bien rendu une décision. Elle a conclu que la prestataire n’était pas admissible à une deuxième décision découlant de la révision.

[54] Si la lettre du 7 janvier 2021 n’est pas une décision découlant de la révision, il y a encore une question à trancher : la prestataire pouvait-elle faire appel de la lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 devant la division générale si ce n’était pas une décision découlant de la révision?

La lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 pouvait-elle être contestée devant la division générale?

[55] Non. La lettre du 7 janvier 2021 ne pouvait pas être contestée devant la division générale parce qu’il ne s’agit pas d’une décision découlant de la révision.

[56] La prestataire soutient qu’elle pouvait faire appel de la lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 devant la division générale parce qu’il y avait des « faits nouveaux ». Elle souligne que la décision VA est un fait nouveau. La division d’appel a rendu la décision VA le 11 mai 2020, soit un peu plus de deux ans après que la Commission a rendu sa décision découlant de la révision.

[57] Dans sa lettre du 7 janvier 2021, la Commission a précisé que [traduction] « toute information supplémentaire [que la prestataire a] fournie n’est pas considérée comme un fait nouveau [...]Note de bas page 13 ».

[58] La prestataire soutient que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que les nouvelles informations de la prestataire n’étaient pas des « faits nouveaux » au titre de l’article 111 de la Loi sur l’AENote de bas page 14.

[59] Par conséquent, la prestataire soutient que la division générale aurait également dû examiner si la Commission avait décidé à tort qu’il n’y avait pas de faits nouveaux.

[60] La Commission fait valoir que la prestataire n’avait aucun fondement pour faire appel de sa lettre du 7 janvier 2021 devant la division générale pour les raisons suivantes :

  • Une partie prestataire peut seulement faire appel d’une décision découlant de la révision. La Commission soutient qu’étant donné que la lettre du 7 janvier 2021 n’est pas une décision découlant de la révision, la prestataire ne pouvait pas la contester devant la division générale.
  • Alors que la prestataire affirme qu’elle a le droit de demander l’annulation ou la modification d’une décision directement à la division générale, la Commission nie que la prestataire ait présenté une demande d’annulation ou de modification en premier lieu. Comme la prestataire n’a jamais fait une telle demande, la Commission nie avoir déjà rendu une décision de quelque façon que ce soit concernant le fait de savoir s’il y avait des « faits nouveaux » ou non.
  • Même si la Commission avait rendu une décision portant sur des « faits nouveaux » compte tenu de toute nouvelle information, la lettre du 7 janvier 2021 est le premier document où la question est survenue. La lettre du 7 janvier 2021 n’est pas une décision découlant de la révision portant sur des « faits nouveaux ». La prestataire ne pouvait donc pas la contester devant la division générale.

[61] L’article 113 de la Loi sur l’AE précise les circonstances dans lesquelles une partie peut faire appel au Tribunal :

Quiconque se croit lésé par une décision de la Commission rendue en application de l’article 112, notamment une décision relative au délai supplémentaire, peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[62] Cet article prévoit qu’une partie peut faire appel d’une décision rendue en application de l’article 112, qui porte sur les décisions découlant de la révision. Une partie peut donc faire appel d’une décision découlant de la révision devant le Tribunal. La Loi sur l’AE ne précise aucune autre circonstance dans laquelle une partie peut faire appel au Tribunal.

[63] Même si la lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 était une décision initiale portant sur des « faits nouveaux », la prestataire aurait le droit de faire appel au Tribunal. Les dispositions d’annulation ou de modification de la Loi sur l’AE ne permettent pas à une partie prestataire de contourner les exigences de l’article 113. La partie prestataire doit avoir une décision découlant de la révision pour pouvoir faire appel au Tribunal.

La lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 est-elle une décision qui porte sur les « faits nouveaux » ou les « faits essentiels »?

[64] Non. La lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 n’est pas une décision d’annulation ou de modification au titre de l’article 111 de la Loi sur l’AE.

[65] La Commission nie avoir rendu une décision sur le fait de savoir si les informations supplémentaires de la prestataire (la décision VA) étaient considérées comme des « faits nouveaux » ou une « erreur relative à un [fait essentiel] » au titre de l’article 111 de la Loi sur l’AE. Elle nie avoir rendu une décision parce que la prestataire n’a jamais présenté une demande officielle pour annuler ou modifier une décision antérieure.

[66] La prestataire soutient que les faits démontrent le contraire. Elle dit que la Commission a reconnu qu’elle faisait une demande d’annulation ou de modification. La Commission lui a directement répondu en disant qu’elle n’avait pas considéré d’autres informations supplémentaires comme étant des faits nouveaux. Elle a aussi déclaré qu’elle avait rendu la bonne décision, en prenant connaissance des faits essentiels qu’elle avait fournis. De plus, la prestataire souligne que la Commission a utilisé le même libellé dans sa lettre du 7 janvier 2021 que les dispositions d’annulation ou de modification de la Loi sur l’AE.

[67] J’estime que les dispositions d’annulation ou de modification énoncées à l’article 111 de la Loi sur l’AE ne sont pas les mêmes que les dispositions de révision prévues à l’article 112 de la Loi sur l’AE.

[68] Une demande de révision ne devient pas non plus d’une manière ou d’une autre une demande d’annulation ou de modification de la décision de la Commission. Ce sont deux choses différentes. Cela dit, lorsqu’elle révise une décision, la Commission peut tenir compte de nouvelles informations qu’elle n’aurait peut-être pas examinées auparavant. Toutefois, cela n’entraîne pas une décision d’annulation ou de modification. Même si une partie demanderesse fournissait de nouvelles informations dans le cadre d’une demande de révision, la Commission devrait tenir compte de ces nouvelles informations seulement dans le contexte d’une révision.

[69] Dans la présente affaire, la Commission a contribué à la confusion en faisant référence aux « faits nouveaux » et aux « faits essentiels » et en utilisant le libellé de l’article 111. Toutefois, à moins que la prestataire demande expressément d’annuler ou de modifier une décision, la lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021 demeure simplement une réponse à la demande de révision de la prestataire.

[70] La Commission est d’avis que la prestataire n’était pas admissible à une deuxième décision découlant de la révision. Elle aurait dû terminer sa lettre à ce moment-là au lieu d’introduire les termes « faits nouveaux » et « faits essentiels ».

[71] J’estime que la lettre du 7 janvier 2021 n’est pas une décision au titre de l’article 111 de la Loi sur l’AE.

[72] Par conséquent, si la prestataire a l’intention de présenter une demande d’annulation ou de modification, elle a le choix de demander à la Commission d’annuler ou de modifier sa décision au titre de l’article 111 de la Loi sur l’AE. La prestataire ne peut pas demander à la Commission de réviser une demande d’annulation ou de modification si la Commission n’a pas encore rendu une décision initiale sur cette question.

La décision VA représente-t-elle un « fait nouveau » ou un « fait essentiel » au titre de l’article 111 de la Loi sur l’AE?

[73] Les parties me demandent de décider si la décision VA représente un « fait nouveau » ou un « fait essentiel » sur laquelle la Commission s’est trompée et a fondé sa décision au titre de l’article 111 de la Loi sur l’AE.

[74] La prestataire soutient que si je reconnais que c’est bien le cas, alors la somme d’argent qu’elle a reçue des fonds de secours n’est pas une rémunération et n’a pas besoin d’être répartie. Autrement dit, la prestataire n’aurait pas de trop-payé à rembourser.

[75] La Commission soutient que je devrais conclure que la décision VA ne représente pas un « fait nouveau » ou un « fait essentiel » sur lequel elle s’est trompée et a fondé sa décision. Une telle conclusion justifierait le trop-payé de la prestataire.

[76] La prestataire n’a pas encore demandé à la Commission d’annuler ou de modifier sa décision. De plus, la Commission n’a pas encore rendu une décision initiale ni une décision découlant de la révision sur la question, et les droits d’appel de la prestataire auprès de la division générale n’ont pas encore été épuisés. Je n’ai pas été dûment saisie de la question des « faits nouveaux » ou des « faits essentiels ». Rien ne me permet de décider si la décision VA représente un « fait nouveau » ou un « fait essentiel » sur lequel la Commission s’est trompée et a fondé sa décision.

[77] Malgré tout, la prestataire me demande de fournir des directives aux parties à ce sujet.

[78] La prestataire soutient que la décision VA représente un « fait nouveau » parce qu’il n’y avait aucune décision de la division d’appel concernant la nature de la somme d’argent que la prestataire a reçue.

[79] La Commission fait valoir que les faits sous-jacents n’ont pas changé. La provenance de l’argent que la prestataire a reçu est la même. La Commission soutient que le seul changement factuel est que la division d’appel a examiné la question et a décidé que l’argent que la prestataire avait reçu n’était pas une rémunération.

[80] La Commission soutient que la prestataire demande essentiellement que la jurisprudence soit appliquée rétroactivement. La Commission fait valoir que les tribunaux ont établi que la jurisprudence n’est pas un élément de preuve. Dans la décision Pathmanathan, la Cour fédérale a affirmé qu’une décision d’un tribunal administratif n’est pas un élément de preuve. Il s’agit plutôt d’un « examen judiciaire ou quasi judiciaire de la preuve produite par des témoins [...]Note de bas page 15 ». Autrement dit, une décision est une analyse de la preuve.

[81] La Commission cite aussi la décision BosséNote de bas page 16. Dans cette décision, la Cour fédérale a convenu que les décisions ne sont pas de nouveaux éléments de preuve. Elle a aussi affirmé que les décisions « font [...] partie du droit commun du pays jusqu’au moment où elles sont modifiées ou infirmées ». La Cour a rejeté les arguments du demandeur selon lesquels une conclusion de fait tirée par un tribunal pourrait être utilisée comme moyen d’exiger une révision fondée sur de nouveaux éléments de preuve dans une autre affaire. La Cour a conclu que cela porterait atteinte au principe de dessaisissementNote de bas page 17 et au caractère définitif des instances.

[82] Dans la décision JhajjNote de bas page 18, la Cour fédérale est arrivée à la même conclusion. Elle a examiné si une décision ultérieure de la Cour d’appel fédérale pouvait servir de fondement à la révision d’une demande de permission d’en appeler.

[83] En fin de compte, la Cour a décidé que la jurisprudence ultérieure d’une cour supérieure ne peut pas être un motif de révision, même dans le cas où des éléments de la Charte canadienne des droits et libertés sont pertinents. La Cour a cité la décision c ThomasNote de bas page 19 et a souligné que la loi en vertu de laquelle la personne avait été condamnée a ensuite été déclarée inconstitutionnelle. Malgré tout, la Cour suprême du Canada n’a pas prolongé le délai pour faire appel dans cette affaire. La Cour fédérale a donc conclu qu’il est clair que la Cour suprême a jugé que le caractère définitif des décisions judiciaires est important et qu’il n’est pas évité, même lorsque des droits garantis par la Charte sont en cause.

[84] La prestataire soutient que cette série de cas est reconnaissable. Elle nie avoir demandé l’application rétroactive de la jurisprudence. Elle prétend que la décision VA est un tout nouvel élément et que la décision devrait être appliquée dans son cas.

[85] Bien que les faits dans chacune de ces décisions sont reconnaissables, il semble que le même principe s’applique. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, je ne rends pas de décision sur cette question étant donné que je n’en ai pas été dûment saisie.

Conclusion

[86] En résumé, la division générale n’a pas reconnu que la prestataire avait tenté de faire appel de la lettre de la Commission datée du 7 janvier 2021. Toutefois, la lettre du 7 janvier 2021 n’est pas une décision découlant de la révision. Il n’est donc pas possible de la contester devant la division générale.

[87] Je rejette l’appel.

Date de l’audience :

Le 23 juin 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

K. J., appelante
Erin Epp (avocate) et Natasha Abraham (avocate), représentantes de l’appelante
Samaneh Frounchi (avocate), représentante de l’intimée

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