Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 557

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. M.
Représentante ou représentant : P. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (415675) datée du
12 février 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 16 avril 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 22 avril 2021
Numéro de dossier : GE-21-394

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi (AE).

Aperçu

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi (AE) à compter du 23 novembre 2020, et ce pour deux motifs. Premièrement, en raison de ses activités agricoles, il ne pouvait pas être considéré comme étant en situation de chômage. Deuxièmement, il n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler et incapable d’obtenir un emploi. Sa recherche d’emploi ne fait état d’aucune démarche du 23 novembre 2020 au 19 janvier 2021, et les démarches sont insuffisantes par la suite. Pour recevoir des prestations régulières d’AE, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[3] La Commission a modifié sa décision initiale après révision. Elle a annulé la décision selon laquelle le prestataire ne pouvait être considéré comme étant sans emploi en raison d’activités agricoles. Elle a modifié sa décision sur la disponibilité du prestataire et sa recherche d’emploi. La nouvelle décision a mis fin à l’inadmissibilité pour absence de recherche d’emploi, car il avait fourni sa recherche d’emploi. La nouvelle décision a remplacé cette inadmissibilité par une autre, celle de ne pas être disponible pour occuper un emploi à temps plein sans restrictions indues. 

[4] Je dois décider si le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il était plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible pour travailler parce qu’il n’a pas recherché un emploi au cours des deux mois suivants sa demande de prestations d’AE; et il a postulé seulement six emplois par la suite. Il a imposé des restrictions indues relatives au salaire, aux heures de travail et aux types d’emplois qu’il postulerait. La Commission a conclu que le prestataire n’était pas prêt, disposé et capable d’occuper un emploi convenable à temps plein.  

[6] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il est disposé et capable de retourner travailler. Il est à la recherche d’un emploi. Il n’a établi aucune limitation personnelle sur sa disponibilité.   

Question en litige

[7] Le prestataire était-il disponible pour travailler?

Analyse

[8] Deux articles de loi exigent que la partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Ce dernier doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[9] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1 . Le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) présente des critères qui aident à expliquer la signification de « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2  ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[10] Afin de se fonder sur cette disposition, la Commission doit d’abord demander au prestataire de prouver que ses démarches pour obtenir un emploi convenable étaient habituelles et raisonnables. La Commission doit aussi exiger des preuves spécifiques des mesures qu’il prend, et indiquer le type de renseignements requis pour le démontrerNote de bas de page 3 .

[11] Deuxièmement, la Loi sur l’AE prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 4 . La jurisprudence énonce trois facteurs que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 5 . Je vais examiner ces facteurs plus loin.

[12] La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[13] Je vais maintenant examiner ces deux articles pour décider si le prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail

[14] Je dois d’abord décider si la Commission peut fonder sa décision sur cette partie de la loi. 

[15] La Commission ne peut se fonder ni sur l’article 50(8) de la Loi sur l’AE, ni sur l’article 9.001 du Règlement sur l’AE pour les motifs qui suivent. Avant de rendre sa décision initiale, la Commission a eu un entretien avec le prestataire. L’essentiel de la conversation était axé sur les activités agricoles du prestataire. L’un des paragraphes des notes de cette conversation traite de l’intention et de la disposition du prestataire de rechercher et d’accepter un autre emploi. La Commission indique qu’elle s’attend à ce que les personnes qui demandent des prestations recherchent activement du travail. Le paragraphe fait référence à 53 offres d’emploi correspondant au niveau de scolarité du prestataire. Le prestataire parle d’années passées où on lui a dit de rechercher du travail, et de conserver les noms des employeurs auprès desquels il avait présenté des demandes d’emploi. La Commission ne dit nulle part précisément ce que le prestataire doit faire ni la preuve que ce dernier doit lui fournir. Il en va de même pour l’entretien de la Commission avec le prestataire en ce qui concerne sa demande de révision. La décision initiale fait référence aux critères de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE, à savoir la « disponibilité pour travailler et l’incapacité de trouver du travail ». La décision mentionne la « recherche d’emploi active ». C’est une référence au deuxième facteur de la décision Faucher, soit aux démarches pour trouver un emploi convenable. Les facteurs de la décision Faucher traitent de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE, et non des articles 50(8) de la Loi sur l’AE et 9.001 du Règlement sur l’AE. La décision découlant de la révision parle d’« inadmissibilité parce qu’il n’était pas disponible pour occuper un emploi convenable à temps plein sans restrictions indues ». Il s’agit d’une référence au troisième facteur de la décision Faucher concernant l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE. La question de l’article 50 de la Loi sur l’AE et de l’article 9.001 du Règlement sur l’AE est soulevée uniquement dans les observations de la Commission. 

[16] Il en ressort que le prestataire est devenu inadmissible au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE. La Commission ne l’a pas déclaré inadmissible au titre de l’article 50 de la Loi sur l’AE pour avoir omis de se conformer à une demande de sa part. La Commission n’a pas fait de demande en ce sens. Par conséquent, je n’ai pas à évaluer les activités du prestataire au titre de l’article 50 de la Loi sur l’AE ou de l’article 9.001 du Règlement sur l’AE.   

Capable de travailler et disponible pour le faire

[17] La jurisprudence établit trois facteurs à examiner quand je dois décider si le prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. Le prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 6  :

  1. a) montrer qu’il veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  2. b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[18] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 7 .

Désir de retourner travailler

[19] Le prestataire a démontré qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable serait disponible.

[20] Le prestataire a 73 ans. Il a terminé sa neuvième année de scolarité. Il n’a pas de métier ni de certification. Il exploitait sa ferme d’élevage toute l’année depuis plus de 50 ans. Il y a 50 ans, il a commencé à travailler également à l’extérieur de la ferme. Il travaillait dans sa ferme avant et après les heures de travail de jour, et avait un emploi de jour à temps plein. Au cours des 31 dernières années, il travaillait du printemps à l’automne en tant que manœuvre pour le même employeur. Le travail saisonnier consistait principalement à installer des conduites d’eau et d’égouts. Au cours des années précédentes, durant sa mise à pied en hiver, le prestataire s’occupait de sa ferme et cherchait du travail jusqu’à ce qu’il soit rappelé au printemps. Le temps consacré aux travaux agricoles est le même en hiver qu’en été. Le prestataire a quelques problèmes de santé. Ces problèmes limitent certaines activités, mais ne l’empêchent pas de faire son travail agricole et son travail à l’extérieur de la ferme.

[21] J’estime que le prestataire souhaite retourner travailler pour les motifs qui suivent. Dans sa demande de révision, il a déclaré : [traduction] « J’ai cherché activement du travail ». Il a énuméré quatre entreprises auprès desquelles il avait postulé pour un emploi. Lors de sa conversation avec la Commission au sujet de sa demande de révision, il a mentionné d’autres employeurs potentiels. Dans son avis d’appel, il a énuméré sept autres employeurs potentiels. Il a examiné les offres d’emploi de Guichet-Emploi figurant dans le dossier de révision de la Commission. Il reprendra son travail auprès de l’employeur qui l’emploie depuis 31 ans, probablement au début ou à la mi-mai. Il quitterait son emploi auprès de cet employeur s’il trouvait un emploi annuel à temps plein. Ses activités agricoles ne l’empêchent pas de travailler à temps plein toute l’année. Il a déclaré que le volume des activités agricoles est le même toute l’année. Le volume n’augmente pas pendant la période de chômage d’hiver. Les activités agricoles ne sont pas un facteur qui empêche le prestataire de vouloir retourner travailler. Bien que le prestataire veuille retourner travailler, les efforts qu’il a déployés pour trouver du travail au cours de l’hiver doivent être examinés de près.   

Démarches pour trouver un emploi convenable

[22] Le prestataire n’a pas fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable.

[23] J’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi figurant à l’article 9.001 du Règlement sur l’AE pour décider de ce deuxième facteur. Pour ce facteur, cette liste n’est fournie qu’à titre d’informationNote de bas de page 8 . Les activités de cette liste qui sont applicables dans la présente affaire sont : l’évaluation des possibilités d’emploi, la rédaction d’un curriculum vitæ, la communication avec des employeurs éventuels et la présentation de demandes d’emploi. 

[24] Le prestataire a évalué des possibilités d’emploi en se renseignant lui-même et en consultant Guichet-Emploi à l’aide de l’ordinateur de son fils et de la copie de la Commission, ce qui pèse en sa faveur. Il a rédigé un curriculum vitæ. Il a communiqué avec des employeurs potentiels et a postulé auprès de ceux qui embauchent. Il a parlé aux quatre employeurs énumérés dans sa demande de révision. Aucun d’entre eux n’embauchait. Ils étaient situés à moins de 30 km de son domicile. Il a joint à son avis d’appel une liste de six employeurs auxquels il avait envoyé son curriculum vitæ. La liste comprend le numéro de téléphone et le nom de la personne à qui il a parlé. Aucune d’entre elles n’embauchait. Il a déclaré qu’il était prêt à accepter un emploi annuel à temps plein et à quitter son emploi saisonnier actuel.   

[25] Les éléments suivants, qui pèsent contre le prestataire, sont pertinents. En janvier 2021, le prestataire a dit à la Commission qu’il avait cherché du travail dans le passé, mais pas cette année. Il a déclaré qu’il n’a pas cherché de travail entre novembre 2020 et le 19 janvier 2021, date de son entretien avec la Commission. Il n’a pas cherché de travail pour deux raisons : il n’y avait pas de travail et la COVID-19. Lors de la conversation du 19 janvier 2021, la Commission lui a dit qu’il y avait actuellement 53 emplois disponibles ne nécessitant aucune formation. Le prestataire a répondu qu’il savait qu’il devait chercher et qu’il devait avoir les noms des endroits où il postulait pour des emplois. Il a affirmé qu’il n’avait pas fait cela cette année. À la fin de l’audience, j’ai interrogé le prestataire au sujet de l’affirmation de la Commission selon laquelle il n’a postulé à aucun des postes disponibles dans sa région, même après en avoir été avisé par la Commission. Le prestataire a répondu [traduction] « sans commentaire ». 

[26] Ces démarches n’étaient pas suffisantes pour répondre aux exigences du deuxième facteur pour les motifs qui suivent. Un prestataire a l’obligation de prendre des mesures pour chercher du travail et de postuler pour des emplois. Il ne peut pas se fonder sur son opinion selon laquelle il n’y a pas de travail pour justifier l’absence de recherche d’emploi. Il doit communiquer avec les employeurs pour savoir s’il y a du travail ou non. Il ne peut pas invoquer la COVID-19 pour justifier le fait qu’il ne cherche pas de travail. La COVID-19 peut justifier le fait de ne pas accepter un emploi en raison de conditions de travail dangereuses. Cependant, cela ne justifie pas l’absence de recherche d’emploi. Un prestataire doit quand même faire des démarches pour chercher et trouver un emploi. Le prestataire n’a pas cherché de travail de novembre 2020 au 19 janvier 2021. Il a ensuite postulé pour dix emplois, les quatre énumérés dans sa demande de révision et les six énumérés dans son avis d’appel. Il a déclaré qu’il n’a pas cherché de travail après la liste jointe à son avis d’appel. Cette liste a été reçue par le Tribunal le 11 mars 2021. Il n’a donc pas cherché de travail entre cette date, au plus tard, et le jour de l’audience, soit le 16 avril 2021. Il a déclaré qu’il reprendra son travail auprès de son employeur de longue date au début ou à la mi-mai 2021. Ces deux faits permettent d’inférer que le prestataire ne cherche pas de travail parce qu’il retournera bientôt travailler pour son employeur de longue date. Les prestataires ont l’obligation de rechercher activement un emploi, même s’ils sont rappelés par un employeur. 

Limiter indûment les chances de retourner travailler

[27] Le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[28] Le prestataire dit qu’il n’a pas fait cela parce qu’il est prêt à accepter un emploi annuel à temps plein. Il ne fixe pas de restrictions en ce qui concerne les heures de travail, le salaire ou le lieu de travail. 

[29] La Commission dit que le prestataire a fixé certaines restrictions. Il n’a pas élargi sa recherche d’emploi pour inclure le travail par quarts et les emplois moins rémunérés. Il n’a postulé à aucun des postes disponibles dans sa région figurant sur la liste de Guichet-Emploi. 

[30] J’estime que le prestataire n’a pas imposé de conditions personnelles susceptibles de limiter indûment ses chances de retourner travailler. Il a exprimé une préférence pour un travail de jour à un salaire proche du salaire supérieur au salaire minimum qu’il gagne pour son employeur habituel. Il n’a pas imposé ces conditions comme des exigences définitives. Il a postulé pour des emplois dans sa région géographique. Son emploi de longue date est situé à 10 ou 15 minutes de route de son domicile. 

[31] Sa limitation reposant sur des trajets aller d’une heure ou plus pour se rendre sur les lieux de travail ne le limiterait pas indûment. La distance était un facteur pour 16 des employeurs figurant sur la liste du Guichet-Emplois fournie par la Commission, car ces employeurs se trouvaient à au moins une heure de route, aller simple, de son domicile. Cinq de ces employeurs étaient situés à environ une heure et demie de route, aller simple. L’un d’eux était situé à deux heures et demie de route, aller simple. Il vivait à une distance moindre en voiture de la région urbaine de la capitale de la province. Son emploi de longue date était situé à 15 ou 20 minutes de route de son domicile.   

Donc, le prestataire était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[32] Compte tenu de mes conclusions sur les trois facteurs, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais qu’il était incapable de trouver un emploi convenable. Il devait prouver ces trois facteurs pour avoir gain de cause. Il n’en a établi que deux. 

[33] Les circonstances du prestataire suscitent la sympathie. Il a 73 ans, a quelques problèmes de santé et a travaillé dur toute sa vie. Travailler comme ouvrier général et travailler dans sa ferme en même temps pendant environ la moitié de l’année est au-delà de ce que beaucoup de gens pourraient faire, même à court terme. Il a fait cela pendant 50 ans. Cependant, la loi est claire. Aussi tentant que cela puisse être, je ne peux pas réécrire ou contourner la loi. Je dois l’appliquer tel qu’elle est écriteNote de bas de page 9 . C’est ce que j’ai fait, comme cela a été expliqué ci-dessus. 

Conclusion

[34] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’AE.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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