Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-Emploi – choix des prestations parentales – irrévocabilité – 23(1.1) et (1.2) de la Loi sur l’AE – critère en deux étapes

La prestataire a demandé des prestations de maternité de l’assurance-emploi, suivies de prestations parentales. Dans son formulaire de demande, elle a choisi l’option prolongée. Elle souhaitait être en congé pendant un an après la naissance de son enfant. Après ses prestations de maternité, la Commission a commencé à lui verser ses prestations parentales, au taux inférieur de l’option prolongée. Remarquant le changement dans son compte bancaire, la prestataire a communiqué avec la Commission. Elle lui a demandé de passer à l’option standard. La Commission a refusé. Comme des prestations prolongées avaient déjà commencé à lui être versées, il était trop tard pour changer son choix. La Commission n’a pas changé d’avis après sa révision.

La prestataire a fait appel devant la division générale (DG). La DG a statué en sa faveur. Selon la DG, même si la prestataire avait sélectionné l’option prolongée dans son formulaire de demande, elle avait véritablement voulu choisir l’option standard. L’option standard correspondait davantage à son « intention ». En effet, elle avait toujours voulu prendre un congé d’un an et cette option était pour elle la meilleure décision d’un point de vue financier.

La Commission a contesté cette décision devant la division d’appel (DA). La DA a tranché en faveur de la prestataire, même après avoir conclu que la DG avait commis une grave erreur de fait dans ce dossier. En effet, la conclusion de la DG ne tenait pas debout : elle avait conclu que la prestataire avait choisi l’option standard même s’il était clair qu’elle avait sélectionné l’option prolongée dans son formulaire. Toutefois, cette erreur a permis à la DA d’intervenir et de rendre la décision que la DG aurait dû rendre.

La DA a tranché en faveur de la prestataire, mais a rendu sa décision différemment en appliquant un critère en deux étapes. 1re étape : Quelle option la prestataire a-t-elle sélectionnée dans son formulaire de demande? Il faut que le choix soit clair. S’il ne l'est pas, il faut examiner l’ensemble des circonstances pour établir l’option la plus vraisemblablement choisie. 2e étape : Le choix de la prestataire était-il « valide » on peut l’obliger de l’assumer).

La DA a appliqué le critère en deux étapes. Pour la 1re étape, il était clair que la prestataire avait choisi l’option prolongée dans le formulaire. Pour la 2e étape, la prestataire a montré comment le formulaire de la Commission l’avait induite en erreur, lui faisant donner de mauvaises réponses aux questions. Le formulaire de la Commission manquait de détails, et de détails utiles. La prestataire a donc cru qu’elle devait sélectionner l’option prolongée afin d’obtenir un congé d’un an. Par conséquent, le choix qu’elle a fait, entre les options standard et prolongée, est « invalide », c’est-à-dire qu’on ne peut l’obliger de l’assumer. La décision de la Commission de verser des prestations prolongées à la prestataire a été annulée. Pour compléter sa demande de prestations, il fallait à nouveau que la prestataire choisisse entre des prestations parentales standards et prolongées. Sur la base de son appel et de l’information au dossier dont la DA disposait, la prestataire avait choisi l’option standard.

La DA a annulé la décision de la DG. Elle l’a remplacée par sa propre décision, pour les raisons qui précèdent. L’appel de la Commission a été rejeté.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c MO, 2021 TSS 435

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Personne représentant la partie appelante : R. Paquette
Partie intimée : M. O. (prestataire)

Décision faisant l’objet de l’appel : Décision de la division générale datée du 12 mars 2021
(numéro de dossier GE-21-350)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Type d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 juin 2021
Personnes présentes à l’audience : Personne représentant la partie appelante
Partie intimée
Date de la décision : Le 9 août 2021
Numéro de dossier : AD-21-104

Sur cette page

Décision

[1] M. O. est la prestataire dans cette affaire. La division générale a décidé qu’elle avait choisi de recevoir des prestations parentales standards de l’assurance-emploi (AE), même si elle avait choisi l’option prolongée dans son formulaire de demande. La Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 1 fait appel de cette décision.

[2] Pour les raisons ci-dessous, je rejette l’appel de la Commission. La prestataire est admissible au bénéfice des prestations parentales standards.

Aperçu

[3] La prestataire a fait une demande de prestations de maternité de l’AE, suivie d’une demande de prestations parentales. Dans son formulaire de demande, la prestataire devait choisir entre deux options pour ses prestations parentales : les prestations standards et les prestations prolongéesNote de bas de page 2 .

[4] L’option standard offre un taux plus élevé de prestations parentales, versées pendant une période allant jusqu’à 35 semaines. L’option prolongée offre un taux moins élevé et permet de recevoir des prestations pendant une période allant jusqu’à 61 semaines. Lorsqu’elle est combinée avec 15 semaines de prestations de maternité, l’option standard permet de recevoir des prestations d’AE pendant un an environ, tandis que l’option prolongée permet d’en recevoir pendant environ 18 mois.

[5] La prestataire a toujours su qu’elle voulait prendre un congé d’un an après la naissance de son enfant. Elle souhaitait aussi demander des prestations d’AE pendant cette période. Toutefois, la Commission affirme que la prestataire a demandé 67 semaines de prestations d’AE : 15 semaines de prestations de maternité, suivies de 52 semaines de prestations parentales prolongées.

[6] Lorsque la prestataire a terminé de recevoir ses prestations de maternité, la Commission a commencé à lui verser ses prestations parentales au taux moins élevé de l’option prolongée. Quand elle s’est rendu compte du changement dans son compte bancaire, elle a communiqué avec la Commission et celle-ci lui a expliqué la situation.

[7] La prestataire a donc demandé de passer à l’option standard. La Commission a rejeté la demande de la prestataire. La Commission a dit qu’il était trop tard pour que la prestataire change d’option étant donné qu’elle avait déjà reçu une partie de ses prestations parentales.

[8] La prestataire a fait appel de la décision de la Commission à la division générale du Tribunal et elle a obtenu gain de cause. Même si la prestataire a choisi l’option prolongée dans son formulaire de demande, la division générale a conclu qu’elle avait choisi l’option standard parce que cela correspondait davantage à son intention de prendre un congé d’un an.

[9] La Commission fait maintenant appel de la décision de la division générale à la division d’appel du TribunalNote de bas de page 3 . Elle soutient que la division générale a outrepassé ses pouvoirs, que sa décision contient des erreurs de droit, et qu’elle a fondé sa décision sur une importante erreur concernant les faits de l’affaire.

[10] J’ai décidé que la division générale avait fondé sa décision sur une importante erreur concernant les faits de l’affaire. J’ai aussi décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[11] La prestataire a démontré que le formulaire de demande de la Commission l’avait induite en erreur et amené à répondre incorrectement aux questions. Par conséquent, le choix de la prestataire entre les prestations standards et prolongées n’est pas valide. J’annule donc la décision de la Commission de verser des prestations parentales prolongées à la prestataire. La prestataire doit refaire son choix. Toutefois, en me fondant sur ses appels et l’information au dossier, je comprends qu’elle choisit l’option des prestations standards.

[12] Compte tenu des circonstances, je rejette l’appel de la Commission.

Questions en litige

[13] Ma décision porte sur les questions qui suivent :

  1. a) Est-ce que je peux examiner de nouveaux éléments de preuve?
  2. b) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire en décidant que la prestataire avait choisi de recevoir des prestations parentales standards?
  3. c) Dans l’affirmative, quelle serait la meilleure façon de corriger l’erreur de la division générale?
  4. d) La prestataire a-t-elle fait un choix valide entre l’option standard et l’option prolongée?

Analyse

[14] Je peux seulement intervenir dans la présente affaire si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc décider si la division généraleNote de bas de page 4 :

  • a agi de manière inéquitable;
  • a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • a mal interprété ou appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une importante erreur concernant les faits de l’affaire.

Je n’ai examiné aucun nouvel élément de preuve

[15] Un nouvel élément de preuve est tout élément de preuve qui n’était pas devant la division générale lorsqu’elle a rendu sa décision.

[16] Le rôle limité de la division d’appel m’empêche habituellement d’examiner de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 5 . La loi dit que je dois uniquement vérifier si la division générale a commis une des erreurs pertinentes énumérées ci-dessus. Cette évaluation est généralement fondée sur les éléments qui se trouvaient devant la division générale. Je ne peux pas jeter un regard nouveau sur l’affaire et tirer mes propres conclusions en me fondant sur des éléments de preuve nouveaux et récents.

[17] Il existe des exceptions à la règle générale interdisant d’examiner de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 6 . Par exemple, je peux examiner un nouvel élément de preuve qui fournit uniquement des renseignements généraux ou qui décrit comment la division générale pourrait avoir agi de façon inéquitable.

[18] Dans la présente affaire, les deux parties ont déposé de nouveaux éléments de preuve :

  • La prestataire a déposé deux lettres de son employeurNote de bas de page 7 .
  • La Commission a intégré de nouveaux éléments de preuve à ses observations, dont des captures d’écran de son site WebNote de bas de page 8 .

[19] Aucun de ces renseignements ne correspond à l’exception à la règle générale interdisant d’examiner de nouveaux éléments de preuve, alors je n’en ai pas tenu compte.

[20] La Commission a soutenu que je devrais tenir compte de ses nouveaux éléments de preuve parce qu’ils fournissent uniquement des renseignements généraux, mais je ne suis pas d’accord.

[21] Depuis qu’elle a constaté le problème, la prestataire a constamment soutenu que le formulaire de demande de prestations de maternité et de prestations parentales de la Commission n’est pas clairNote de bas de page 9 . Toutefois, la Commission n’a jamais déposé quoi que ce soit démontrant que la prestataire avait accès à de l’information qui aurait pu lui fournir des précisions.

[22] À présent, la Commission soutient que ce nouvel élément de preuve devrait être examiné pour les raisons suivantesNote de bas de page 10 :

  • Les captures d’écran visent à conceptualiser le processus de demande.
  • Elles donnent au Tribunal une image plus complète de l’information sur les prestations de maternité et les prestations parentales à laquelle la prestataire aurait pu accéder avant de remplir son formulaire de demande.
  • La capture d’écran de Mon dossier Service Canada montre à quelle information la prestataire aurait pu accéder après avoir rempli sa demande. Elle est aussi pertinente à la question de savoir si la prestataire a commis une erreur en choisissant de recevoir des prestations parentales prolongées.

[23] Il ne s’agit pas de renseignements généraux. Cet élément de preuve est pertinent à un des principaux arguments de la prestataire. Il s’agit d’un élément de preuve concernant ce que la prestataire savait ou aurait pu savoir. Cela porte aussi à croire que la prestataire a été négligente en ne prenant pas du tout connaissance de cette information.

[24] Je me questionne aussi sur la fiabilité des nouveaux éléments de preuve de la Commission. Les sites Web changent. Pourtant, je ne sais pas quand ces captures d’écran ont été prises ou s’il s’agit de l’information exacte qui était disponible à la prestataire au moment qui nous concerne.

[25] Par exemple, l’information dans la capture d’écran de Mon dossier Service Canada n’est pas celle de la prestataireNote de bas de page 11 . Cette capture d’écran semble avoir été prise en mars 2021. La prestataire a présenté sa demande de prestations en septembre 2020.

[26] Finalement, la Commission aurait pu facilement fournir cette information à la division générale, mais elle a choisi de ne pas le faire.

[27] Pour toutes ces raisons, je n’ai pas tenu compte des nouveaux éléments de preuve déposés dans le cadre du présent appel.

La division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire

[28] Au moment de demander des prestations parentales, la prestataire devait choisir entre l’option standard et prolongéeNote de bas de page 12 . Elle ne pouvait pas changer d’option après avoir reçu des prestations parentales de la CommissionNote de bas de page 13 .

[29] La prestataire a choisi l’option prolongée dans sa demande de prestations d’AE. Elle a sélectionné « 52 » en réponse à la question « Combien de semaines souhaitez-vous demander? ». Cette réponse correspond à l’option prolongée, car l’option standard n’offre pas plus de 35 semaines de prestations.

[30] La division générale a jugé que la prestataire avait fait ces choix intentionnellement. Même si elle s’est trompée, elle croyait que c’était ce qu’elle devait faire pour demander de recevoir des prestations d’AE pendant un an.

[31] Quoi qu’il en soit, la division générale a estimé que la prestataire avait, en fait, choisi l’option standard.

[32] Pour en arriver à ce résultat, la division générale s’est appuyée sur un élément de preuve selon lequel la prestataire avait l’intention de prendre un congé d’un an. L’option standard correspondait donc mieux à ses intentions et était l’option la plus logique du point de vue financier.

[33] La division générale s’est aussi appuyée sur la décision de la division d’appel dans l’affaire Commission de l’assurance-emploi c TBNote de bas de page 14 . Toutefois, les contradictions flagrantes dans le formulaire de TB signifiaient qu’il ne révélait aucun choix clair entre l’option standard et prolongée. Le Tribunal a donc dû examiner tous les éléments de preuve et décider quelle option il était plus probable que TB ait choisie. Autrement dit, les faits de la présente affaire sont assez différents de ceux dans TB.

[34] Dans ce cas-ci, il était abusif pour la division générale de conclure que la prestataire avait choisi l’option standard. Cette conclusion ignore les réponses claires et délibérées que la prestataire a fournies à la Commission dans son formulaire de demande.

[35] Bref, le rôle de la Commission était d’interpréter l’information que la prestataire a fournie dans son formulaire de demande. Il n’était pas de lire dans les pensées de la prestataire.

[36] Même si la prestataire a choisi l’option prolongée dans son formulaire de demande, il est tout de même possible que le Tribunal décide que son choix n’était pas valide. Une des façons de le faire est de démontrer qu’elle a fondé son choix sur de l’information trompeuse de la Commission. Pour les raisons ci-dessous, j’estime que c’est ce qui s’est produit dans la présente affaire.

Je vais corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[37] À l’audience devant moi, les deux parties ont soutenu que, si la division générale avait commis une erreur, je devrais rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas de page 15.

[38] Je suis d’accord. Cela signifie que je peux décider si le choix de l’option prolongée de la prestataire est valide.

Le choix de la prestataire n’est pas valide parce qu’elle l’a fondé sur de l’information trompeuse de la Commission

[39] J’utilise habituellement une approche en deux étapes pour trancher des affaires comme celle-ci :

  1. a) Quelle option la personne a-t-elle choisie dans son formulaire de demande? Le choix de la personne doit être clairNote de bas de page 16 . Autrement, le Tribunal doit examiner toutes les circonstances et décider quelle option il est plus probable que la personne ait choisie.
  2. b) Le choix de la personne était-il valide? Dans plusieurs cas, le Tribunal a jugé que le choix de la personne n’était pas valide parce qu’il était fondé sur de l’information trompeuse de la CommissionNote de bas de page 17 . Dans ces cas, les personnes doivent faire un choix de nouveau.

[40] Dans la présente affaire, la prestataire a choisi l’option prolongée de façon claire et intentionnelle. Il n’y a aucune contradiction flagrante dans son formulaire de demande. Toutes les réponses qu’elle a fournies à la Commission sont conformes à l’option prolongée.

[41] Toutefois, le choix de la prestataire a-t-il été fait de façon valide?

[42] La prestataire a toujours su qu’elle voulait avoir 52 semaines de prestations d’AE au total. Par contre, la Commission affirme qu’elle a demandé 67 semaines de prestations : 15 semaines de prestations de maternité, suivies de 52 semaines de prestations parentales prolongées (versées à un taux moins élevé).

[43] Pourquoi y a-t-il une différence? Parce que la prestataire a démontré qu’elle s’était appuyée sur de l’information trompeuse de la Commission. Plus précisément, la prestataire a fondé ses réponses sur le formulaire de demande de la Commission, dans lequel il manquait de l’information essentielle et opportune. Par conséquent, le choix de la prestataire entre l’option standard et l’option prolongée n’était pas valide.

[44] La prestataire affirme que deux sections en particulier du formulaire de demande sont trompeuses. Pour commencer, on lui a demandé de choisir entre deux optionsNote de bas de page 18  :

Option standard :

  • Le taux de prestations est de 55 % de votre rémunération hebdomadaire assurable jusqu’à concurrence d’un montant maximal.
  • Jusqu’à 35 semaines de prestations payables à un parent.
  • Si les prestations parentales sont partagées, jusqu’à un total combiné de 40 semaines de prestations payables si l’enfant est né ou a été confié en vue de son adoption.

Option prolongée :

  • Le taux de prestations est de 33 % de votre rémunération hebdomadaire assurable jusqu’à concurrence d’un montant maximal.
  • Jusqu’à 61 semaines de prestations payables à un parent.
  • Si les prestations parentales sont partagées, jusqu’à un total combiné de 69 semaines payables si l’enfant est né ou a été confié en vue de son adoption.

[45] Cela a amené la prestataire à croire que l’option standard n’était pas suffisante, car elle voulait recevoir des prestations pendant un an, ce qui est plus que 35 semaines.

[46] La prestataire a ensuite répondu à la question : « Combien de semaines souhaitez-vous demander? Note de bas de page 19  ». Elle a répondu « 52 ».

[47] Selon la prestataire, il était tout simplement logique qu’elle choisisse l’option prolongée à la première question pour qu’elle puisse demander 52 semaines en réponse à la deuxième.

[48] La Commission dit que ces questions concernaient uniquement les prestations parentales de la prestataire et que son formulaire de demande est clair lorsqu’on le lit dans son intégralité.

[49] La prestataire n’est pas d’accord. Elle soutient que le formulaire doit être plus clair étant donné que les parents le remplissent souvent à un moment de leur vie où ils sont particulièrement vulnérables : juste avant ou après la naissance de leur enfant. Elle dit aussi que la majorité des dossiers que le Tribunal traite en lien avec cette question contredisent l’affirmation de la Commission selon laquelle son formulaire de demande est clair.

[50] Après avoir examiné les questions dans le formulaire de la Commission, je peux facilement comprendre pourquoi la prestataire a rempli le formulaire comme elle l’a fait.

[51] Ces questions ont induit en erreur la prestataire parce qu’elles n’ont jamais expliqué de façon claire la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales. Par exemple :

  • En répondant à ces questions, on ne lui a jamais dit d’ignorer les 15 semaines de prestations de maternité qu’elle recevrait.
  • La première question n’explique pas que les prestations de maternité sont versées à un taux plus élevé (55 %). Cela aurait pu aider la prestataire à comprendre que ses prestations diminueraient si elle choisissait l’option prolongée.

[52] Pour cet argument, la Commission s’appuie sur deux sections du formulaire de demande. Premièrement, la question « Combien de semaines souhaitez-vous demander? » figure sous la rubrique « Renseignements sur les prestations parentales ». Deuxièmement, la question suivante, qui figure avant dans le formulaire de demande sous la rubrique « Renseignements sur les prestations de maternité » :

Souhaitez-vous toucher des prestations parentales immédiatement après avoir reçu des prestations de maternité?

Oui, je veux toucher des prestations parentales immédiatement après avoir reçu des prestations de maternité.

O Non, je veux seulement toucher jusqu’à 15 semaines de prestations de maternité.

[53] Selon la Commission, ces sections du formulaire auraient dû indiquer à la prestataire que les questions pertinentes concernaient uniquement ses prestations parentales.

[54] Je ne suis pas d’accord. Ces sections du formulaire de demande ne sont pas terriblement éclairantes. En fait, la Commission ne les a jamais mentionnées dans ses observations à la division générale.

[55] Plutôt que de fournir de l’information importante aux parties demanderesses lorsqu’elles en ont besoin, le formulaire de demande les laisse faire des inférences et deviner ce qui pourrait être important plus tard dans le processus de demande.

[56] Je ne vois pas comment ces sections du formulaire de demande signalent à une personne qu’elle devrait soustraire 15 semaines de la durée totale de son congé avant de répondre aux questions de la Commission.

[57] La Commission se tourne également vers la décision de la Cour fédérale intitulée Karval c Canada (Procureur général) pour appuyer sa positionNote de bas de page 20 .

[58] En particulier, la Commission soutient que, comme dans Karval, la prestataire ne comprenait pas très bien lorsqu’elle a rempli son formulaire de demande, et qu’elle ne voyait pas vraiment la différence entre les options standard et prolongée. Selon Karval, les parties demanderesses doivent s’informer au sujet des prestations qu’elles demandent et poser des questions à la Commission s’il y a quelque chose qu’elles ne comprennent pas.

[59] La Commission souligne aussi comment le juge dans Karval a conclu que le formulaire de demande était clair. Elle soutient aussi que je dois suivre la décision de la Cour fédérale dans Karval.

[60] Les faits de la présente affaire sont très différents de ceux dans Karval. La décision dans Karval s’applique donc à la présente affaire de façon très limitée.

[61] Il est important de noter que Mme Karval a choisi l’option prolongée parce qu’elle était incertaine de sa date de retour au travailNote de bas de page 21 . Puis, après avoir reçu des prestations parentales prolongées pendant six mois, elle a décidé qu’elle préférerait l’option standard. Toutefois, la loi l’interdit explicitement.

[62] Dans Karval, la Cour a pris soin de faire une distinction entre les personnes qui n’ont pas l’information nécessaire pour répondre à des questions claires et celles qui sont induites en erreur parce qu’elles se sont fiées sur de l’information erronée fournie par la CommissionNote de bas de page 22 .

[63] Dans l’affaire qui nous occupe, le formulaire a induit la prestataire en erreur : le manque d’information importante et opportune a empêché la prestataire de fournir à la Commission des réponses exactes.

[64] Je ne peux pas non plus convenir que le juge dans Karval faisait des déclarations contraignantes concernant la clarté du formulaire de demande. La décision Karval confirme simplement que la division d’appel a raisonnablement rejeté la demande de permission d’en appeler dans cette affaire. Ainsi, je ne suis pas tenu de suivre ce que le juge a aussi dit dans Karval au sujet du formulaire de demande concernant les prestations parentales et les prestations de maternitéNote de bas de page 23 .

[65] Enfin, la Commission a soulevé de nouveaux arguments à l’audience devant la division d’appelNote de bas de page 24 . Elle a soutenu que ni la Commission ni le Tribunal n’a le pouvoir de modifier le choix de la prestataire après que des prestations parentales lui sont versées. En résumé, la prestataire a fait son choix en cochant la case à côté de l’option prolongée dans son formulaire de demande. C’est la seule chose qui importe.

[66] La Commission a aussi soutenu que la prestataire devait faire un choix entre l’option standard et l’option prolongée dans le cadre de sa demande et que ni la Commission ni le Tribunal ne pouvait remettre son choix en question. De plus, la loi interdit au Tribunal de modifier le choix de la prestataire, que ce soit directement ou indirectement, une fois que la Commission commence à verser des prestations parentales à la prestataireNote de bas de page 25 . Enfin, la Commission a mis l’accent sur sa capacité à décider comment une demande de prestations doit être faite et à partir de quel formulaireNote de bas de page 26 .

[67] Je ne suis pas d’accord avec ces arguments pour les raisons suivantes :

  • La loi ne précise pas comment le choix d’une personne doit être fait ou qu’il doit toujours être établi en fonction d’un seul crochet dans un formulaire de demande.
  • La Commission interprète chaque formulaire de demande afin d’évaluer le choix de la partie demanderesse et de décider du taux des prestations qui lui seront versées. La Commission rend ces décisions, de manière implicite ou explicite, chaque fois qu’elle verse des prestations à une partie demanderesseNote de bas de page 27 .
  • La prestataire a-t-elle fait un choix clair? Son choix était-il valide? Voilà des questions de droit et de fait que le Tribunal a le pouvoir de trancherNote de bas de page 28 .
  • Les tribunaux ont reconnu qu’un redressement pouvait être offert lorsque la Commission induit une partie demanderesse en erreurNote de bas de page 29 .
  • Le Tribunal ne modifie pas le choix de la prestataire après qu’elle a commencé à recevoir des prestations. Il évalue plutôt si son choix était valide depuis le départ. S’il ne l’était pas, la prestataire doit faire son choix de nouveau. Le Tribunal ne fait pas le choix pour elle.
  • La Commission met l’accent sur le fait que toute demande doit être faite à l’aide d’un formulaire qu’elle fournit ou approuveNote de bas de page 30 . Toutefois, la même partie de la loi dit aussi que les demandes doivent être remplies conformément aux directives de la Commission. C’est ce que la prestataire a fait, mais les directives de la Commission l’ont induite en erreur à un point tel qu’elle a cru qu’elle avait rempli le formulaire correctement et en fonction de son intention de prendre un congé d’un an.
  • Le fait que la prestataire devait choisir entre l’option standard et l’option prolongée dans le cadre de sa demande ne change rien à la capacité du Tribunal d’évaluer si son choix était valide.

[68] Il est important de noter que le Tribunal tranche chaque affaire en se fondant sur ses faits. La loi interdit de façon claire aux parties demanderesses de passer d’une option à l’autre lorsque leur situation change. Toutefois, un redressement est offert aux parties demanderesses qui, comme la prestataire, peuvent démontrer que la Commission les a induites en erreur dans le cadre du processus de demande.

Conclusion

[69] La division générale a fondé sa décision sur une grave erreur liée aux faits de l’affaire. Cette erreur me permet d’intervenir et de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[70] Même si je ne suis pas d’accord avec une partie du raisonnement de la division générale, je suis arrivé au même résultat en utilisant une approche différente. La prestataire a démontré que le formulaire de demande de la Commission l’avait induite en erreur et amenée à répondre aux questions incorrectement. Par conséquent, le choix de la prestataire entre l’option standard et l’option prolongée n’est pas valide et j’annule donc la décision de la Commission de verser des prestations parentales prolongées à la prestataire.

[71] Alors, pour compléter sa demande, la prestataire doit choisir entre les prestations parentales standards et prolongées. J’estime que, selon son appel et l’information au dossier, elle choisit l’option standard.

[72] Compte tenu des circonstances, je rejette l’appel de la Commission.

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