Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 385

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. L.
Représentante : Colleen Evans
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (410703) datée du
11 janvier 2021 (rendue par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 juin 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentants de l’appelant
Date de la décision : Le 15 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-253

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a démontré que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Autrement dit, il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi. Cela signifie que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE)Note de bas de page 1.

Aperçu

[2] Le prestataire a perdu son emploi le 8 octobre 2020. Son employeur affirme qu’il a été impliqué dans des actes de violence en milieu de travail qui enfreignent la politique contre la violence. La Commission a examiné l’information portée à sa connaissance et a initialement décidé que le prestataire n’avait pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission a commencé à verser des prestations régulières d’AE au prestataire à compter du 4 octobre 2020.

[3] La Commission a avisé l’employeur de sa décision. L’employeur a demandé une révision et a fourni un vidéo et des documents à la Commission. La Commission a procédé à une révision et elle a modifié sa décision. Elle a jugé que l’employeur avait prouvé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission a imposé une exclusion rétroactive. Cela fait en sorte que le prestataire a maintenant un trop-payé de prestations d’AE de 6 213 $.

[4] Le prestataire porte en appel la décision découlant d’une révision au Tribunal de la sécurité sociale. Il affirme ne pas avoir eu l’occasion de contester le récit des événements fourni par l’employeur. Comme il a un trouble d’apprentissage, il ne peut pas comprendre les formulaires ou les processus. Il affirme que l’employeur a demandé une révision de mauvaise foi en raison de ses antécédents avec Worksafe BC.  

Question sur laquelle je dois d’abord me pencher

Personne pouvant être mise en cause

[5] Le Tribunal a déterminé que l’ancien employeur du prestataire était une personne pouvant être mise en cause dans le cadre du présent appel. Le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur lui demandant s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il souhaitait être mis en cause. L’employeur a répondu que son entreprise avait un intérêt dans l’appel.

[6] J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme mis en cause à l’appel. Rien dans le dossier n’indique que ma décision dans le présent appel aura une incidence sur les droits juridiques de l’employeur ou lui imposera des obligations légales supplémentairesNote de bas de page 2. Le fait d’être intéressé ou préoccupé par l’effet d’une décision diffère du fait d’avoir un intérêt directNote de bas de page 3. Par conséquent, l’employeur n’est pas partie au présent appel.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] Je juge que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a été impliqué dans une altercation physique avec un collègue de travail. Cela contrevient à la politique sur la non-discrimination et le respect en milieu de travail de l’employeur. Cette altercation physique est survenue le 8 octobre 2020, alors que le prestataire s’affairait à ses tâches.

[10] Le prestataire admet volontiers qu’il a poussé son collègue en mettant sa main sur sa visière et en le poussant. Il dit que son collègue l’a provoqué et qu’il a réagi sans penser. Il dit qu’il ne se rappelle pas la date exacte de l’altercation, mais qu’il se souvient que son employeur lui a dit de rentrer chez lui et d’attendre qu’on l’appelle vendredi. Il dit qu’il a su dès qu’on lui a dit de rentrer chez lui qu’on le congédiait. Son superviseur l’a appelé le lendemain et lui a dit qu’il avait été congédié.

[11] La Commission affirme que l’employeur lui a dit qu’ils avaient congédié le prestataire parce qu’il avait eu une altercation physique avec un collègue, comme le montre leur vidéo de surveillanceNote de bas de page 4. L’employeur a également dit qu’ils avaient une politique de tolérance zéro à l’égard de la violence en milieu de travailNote de bas de page 5.

[12] Je n’accepte pas l’affirmation du prestataire selon laquelle, si son altercation physique est jugée être une inconduite, ce n’est pas la raison de son congédiement. Je reconnais que le prestataire a eu des évaluations de rendement positives et qu’il n’a pas de dossier disciplinaire antérieur. Toutefois, cela ne change rien au fait qu’il a perdu son emploi le 8 octobre 2020 parce qu’il a été impliqué dans une altercation physique au travail, et que cela enfreint la politique de non-discrimination et de respect en milieu de travail de son employeur.

[13] Le prestataire soutient que l’employeur l’a congédié en raison de ses demandes à la Commission des accidents du travail (CAT) de juillet 2020Note de bas de page 6. Il dit qu’il a été absent du travail pendant deux semaines en raison de ses blessures, et qu’il a fait un retour au travail progressif à la fin d’août 2020. Il affirme que la CAT a effectué une évaluation des risques sur place le 29 septembre 2020, et qu’il a atteint le seuil pour recevoir une indemnisation à long terme de la CAT le 5 octobre 2020.

[14] Le prestataire suppose qu’en raison de sa demande d’indemnisation à la CAT, il était plus facile pour l’employeur de le congédier. Il suppose qu’en le congédiant, l’employeur s’est dit qu’il n’aurait plus à offrir des mesures d’adaptation au prestataire ou à composer avec sa productivité réduite, et qu’il serait moins susceptible de donner suite à sa demande d’indemnisation à la CAT une fois parti du lieu de travail. Il soutient que l’employeur l’a congédié après qu’ils ont adopté une attitude hostile et antagoniste à son égard en omettant d’assurer une supervision adéquate dans l’usine et de lui offrir des mesures d’adaptation pour tenir compte de ses blessures, et en faisant appel de ses demandes à la CAT et à l’assurance-emploi (AE). Je ne suis pas d’accord.   

[15] Je juge que les éléments de preuve présentés ci-dessous appuient la conclusion selon laquelle le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a été impliqué dans une altercation physique avec un collègue de travail le 8 octobre 2020, ce qui constitue une violation de la politique sur la non-discrimination et le respect en milieu de travail de l’employeur. Le requérant admet volontiers que l’altercation physique n’est pas liée à ses demandes à la CAT. Il admet également que l’employeur l’a renvoyé à la maison le jour de l’incident. Le prestataire affirme que lorsque son superviseur l’a renvoyé chez lui, il a compris par son ton de voix qu’il était congédié. Cela est conforme à la politique de l’employeur et à la tolérance zéro à l’égard de la violence en milieu de travail. Je dois maintenant décider si le comportement du prestataire est une inconduiteNote de bas de page 7.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[16] Oui. J’estime que la raison du congédiement du prestataire est une inconduite selon la loi. Mes motifs sont exposés ci-dessous.

[17] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 8. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 9. Il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire de conclure qu’elle voulait faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 10.

[18] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher d’exécuter ses fonctions et qu’il y avait une possibilité réelle qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 11.

[19] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 12.

[20] Je juge que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Cela s’explique par le fait que la preuve vidéo montre clairement que le prestataire est allé vers son collègue pour continuer de discuter avec lui, plutôt que de quitter l’aire de travail et de signaler ses actions à son superviseur. Le prestataire a fait le choix conscient de continuer à travailler avec son collègue, ce qui a entraîné une altercation physique pendant les heures de travail. Le fait que le prestataire a poussé sur la visière de son collègue avec suffisamment de force pour que sa tête aille par en arrière et qu’il perde pied constitue une attaque physique et de la violence en milieu de travail. Il s’agit d’une violation manifeste de la politique sur la non-discrimination et le respect en milieu de travail de l’employeur, ce qui constitue une inconduite.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a commis un acte agressif inutile en poussant son collègue au visage pour le faire reculer. Ils disent que le prestataire savait ou aurait dû savoir que ses gestes constituaient un acte de violence. La Commission affirme que le prestataire a reconnu, à trois occasions distinctes, qu’il était au courant de la politique de l’employeur sur la violence en milieu de travailNote de bas de page 13.

[22] La Commission reconnaît que le prestataire s’est sans aucun doute senti frustré, contrarié et fâché en raison des actions de son collègue. Toutefois, cela n’exonère pas le prestataire de ses actesNote de bas de page 14. Je suis d’accord.

[23] La Commission présente la preuve documentaire et vidéo suivante à l’appui de sa décision selon laquelle les actes du prestataire constituent une inconduite. 

  • La politique sur la non-discrimination et le respect en milieu de travail de l’employeurNote de bas de page 15
  • Trois exemplaires de l’attestation de conformité à la politique d’éthique organisationnelle de l’employeurNote de bas de page 16
  • La vidéo de surveillance de l’employeur montrant la bagarre (l’altercation physique) entre le prestataire et son collègue (cela se produit pendant qu’ils s’acquittent de leurs fonctions au travail)
  • Une copie des notes de l’entrevue d’enquête de l’employeur.

[24] La politique de l’employeur sur le respect en milieu de travail définit le harcèlementNote de bas de page 17, la violenceNote de bas de page 18 et les agressions physiquesNote de bas de page 19. Elle dit qu’aucune violation ne sera toléréeNote de bas de page 20. Elle stipule également que les employés doivent signaler tout comportement suspect ou de harcèlementNote de bas de page 21. Le gestionnaire déterminera ensuite les ressources à utiliser pour enquêter, rédiger un rapport et effectuer un suiviNote de bas de page 22. Lorsqu’une enquête révèle qu’il y a eu violation du respect en milieu de travail, les mesures correctives peuvent aller d’un avertissement verbal au congédiement, selon la gravité de l’incidentNote de bas de page 23.

[25] Chaque copie de l’attestation de conformité à la politique d’éthique organisationnelle de l’employeur indique que l’employé qui signe le document reconnaît avoir reçu la formation sur la politique d’éthique de l’employeur et l’énoncé de politique sur le respect en milieu de travail. Il reconnaît également que l’employé a été informé des attentes de l’entreprise; il a accepté de respecter ces politiques et de ne poser aucun geste qui irait à l’encontre de la politique d’éthique ou de la politique sur le respect en milieu de travail. Le prestataire a signé ces attestations le 24 janvier 2019, le 26 février et le 30 septembre.      

[26] La vidéo de l’incident montre quatre travailleurs dans la zone de travail. Le prestataire m’a dit qu’il portait une chemise noire, que son collègue impliqué dans l’altercation portait une chemise bleue, que l’ami du prestataire portait une chemise blanche et que le quatrième travailleur portait une chemise grise. Tous les travailleurs portaient une visière munie d’un respirateur.

[27] La vidéo montre le prestataire et son collègue travaillant à environ 25 pieds l’un de l’autre, à différents postes de travail. Le collègue se rend au prestataire, enlève quelque chose de sa main et le jette par terre. Il se dirige ensuite vers une boîte, la fait tomber par terre et retourne à son poste de travail. Le prestataire va voir son ami avec la chemise blanche, et lève sa visière pour parler pendant qu’ils se rendent à la boîte. Son ami prend la boîte et le prestataire se penche pour ramasser ses outils.

[28] Le prestataire continue de marcher vers son collègue. Il soulève sa visière, se penche vers son collègue et dit quelque chose. Le prestataire se tient droit, saisit une boîte qui se trouve dans un plateau devant son collègue et la soulève. Le collègue met sa main sur la boîte pour la remettre en place. Le prestataire se retourne et commence à s’éloigner. Il s’arrête ensuite à une dizaine de pieds de son collègue, revient sur ses pas, lève un peu la main droite et marche vers son collègue. Le prestataire lève sa visière de la main droite pendant qu’il parle. Il se penche plus près de son collègue. Pendant que le prestataire continue de parler, le collègue tape sur le côté gauche du casque de protection du prestataire avec sa main droite, et pousse sa tête. Pendant qu’ils continuent de parler, le collègue pousse le bras droit du prestataire avec sa main gauche, ce qui amène le prestataire à reculer et à ajuster sa position.

[29] Les deux continuent de parler et le collègue tape de nouveau sur le côté gauche du casque de protection du prestataire. Le prestataire répond immédiatement en mettant sa main droite directement sur la visière de son collègue de travail avec suffisamment de force pour que la tête de celui-ci aille assez loin vers l’arrière pour qu’il perde pied. Le collègue saute et reprend sa position pendant que le prestataire recule. Il court vers le prestataire et le pousse en mettant sa main gauche sur son dos et sa main droite sur son casque de protection, ce qui fait tomber le casque de la tête du prestataire. En même temps, le prestataire repousse son collègue avec sa main droite.

[30] Le prestataire marche ensuite vers son collègue et ils continuent de se disputer. Le collègue saisit l’avant-bras droit du prestataire avec sa main gauche, et celui-ci se libère en frappant l’avant-bras droit de son collègue avec ses outils (qu’il tient dans sa main gauche). Ils continuent de parler pendant que le collègue pointe son index gauche vers le prestataire. Le prestataire frappe le doigt de son collègue avec ses outils (toujours dans sa main gauche), retourne à son poste de travail, jette ses outils par terre et quitte la zone de travail. Le collègue reste immobile et ne suit pas le prestataire. La vidéo se termine.    

[31] Le prestataire a dit qu’il a ensuite quitté son poste de travail pour signaler l’incident à son superviseur. Il dit que son superviseur lui a seulement parlé pendant environ quatre minutes avant de lui dire de rentrer chez lui et d’y rester jusqu’à ce qu’ils l’appellent vendredi. Le prestataire fait des déclarations contradictoires quant à savoir s’il a tenté de communiquer avec une personne représentant son syndicat. Au départ, il a dit qu’il n’avait pas essayé de communiquer avec son syndicat parce qu’il n’avait pas leur numéro de téléphone. Il a ensuite dit qu’il avait le numéro et qu’il avait laissé un message au sujet de l’incident, mais que personne n’avait rendu son appel.

[32] Le prestataire soutient qu’il n’y a pas eu inconduite parce que ses gestes n’étaient pas délibérés, intentionnels, ou si insouciants que l’on pourrait penser qu’ils étaient intentionnels. Il affirme qu’il n’aurait pas pu prévoir que ses gestes entraîneraient son congédiement parce qu’il a un trouble d’apprentissage et qu’il ne peut lire au-delà d’un niveau de 6e année. Il dit aussi faire de l’anxiété. Il affirme que son implication dans l’altercation était une réaction automatique aux [traduction] « nombreux gestes provocateurs et incendiaires posés par son collègue ».

[33] Selon la loi, le prestataire n’a pas besoin d’avoir une intention coupable ou l’intention de faire quelque chose de mal pour que son comportement constitue une inconduite au titre de la loiNote de bas de page 24. Le prestataire affirme qu’il n’aurait pas signalé l’incident à son superviseur s’il avait su qu’il serait congédié. Il dit avoir seulement approché son collègue pour tenter de résoudre le problème. Il admet s’être fâché et avoir saisi la boîte devant son collègue pour prouver un point. Il dit qu’il le regrette.

[34] Au cours de l’audience, le prestataire m’a dit qu’il était au courant de la politique de l’employeur sur le respect en milieu de travail. Même s’il dit avoir de la difficulté à lire et ne pas avoir vraiment compris la politique écrite, il admet que l’employeur la lui a expliquée. Après plus de précisions, il dit que l’employeur a [traduction] « essayé » de lui expliquer la politique. Le prestataire a précisé que c’était une question de [traduction] « bon sens », car « il est logique de ne pas simplement frapper quelqu’un ». Il dit qu’il ne méritait pas d’être congédié parce que [traduction] « ce n’était pas [lui] qui avait commencé ».

[35] J’ai demandé au prestataire pourquoi il n’était pas parti signaler l’incident à son superviseur avant que la situation ne dégénère et qu’il pousse son collègue en mettant la main sur sa visière. Le prestataire a répondu qu’il voulait régler la situation lui-même. Il ne voulait mettre personne dans le pétrin. Il dit aussi qu’il s’est senti attaqué et admet qu’il s’est fâché.

[36] Lors de l’examen de la loi relative à l’inconduite, j’ai donné au prestataire et aux personnes le représentant l’occasion de présenter des observations sur les définitions suivantes de « l’insouciance ». Le dictionnaire Oxford dit qu’être insouciant signifie agir sans se soucier des conséquences de ses actions, ou sans y penserNote de bas de page 25. Le Black’s Law Dictionary définit l’insouciance comme un terme qui signifie être négligent et indifférent au bien-être d’autruiNote de bas de page 26.

[37] Les représentants n’ont pas contesté ces définitions. Ils ont plutôt soutenu qu’il y a des degrés d’insouciance qui permettent à l’employeur d’offrir des recours différents. Ils présument que l’employeur n’a pas mené une enquête adéquate ou complète. Ils disent que l’employeur aurait dû avoir une discussion plus approfondie avec le prestataire, après avoir reçu le rapport initial de l’incident. Ils affirment que le congédiement n’était pas la seule option dans cette affaire. L’employeur aurait pu suspendre le prestataire plutôt que le congédier. 

[38] La loi dit que je dois tenir compte de la conduite du prestataire pour déterminer s’il est exclu du bénéfice des prestations d’AE, et non de la conduite de l’employeurNote de bas de page 27. Cela dit, je reconnais que le prestataire soutient que l’employeur n’a pas mené une enquête en bonne et due forme, compte tenu de l’expérience des représentants relative aux enquêtes. Ils font remarquer que la Commission affirme que les notes d’enquête de l’employeur sont illisibles comme preuve d’une enquête inadéquateNote de bas de page 28. Je ne suis pas d’accord parce que le fait que les notes soient illisibles ne prouve pas que l’employeur n’a pas mené une enquête en bonne et due forme.

[39] J’accepte que les notes de l’employeur prouvent qu’il a documenté l’incident et parlé au prestataire impliqué. Bien que l’écriture puisse être difficile à lire pour certains, je suis capable de lire plusieurs mots dans ce document. Dans le haut des notes de l’employeur, on trouve la date du 8 octobre 2020 et [traduction] « Entrevue de [prénom et nom de famille du prestataire] ». Je remarque qu’il est aussi écrit [traduction] « [nom du collègue] - J’ai démissionné » à la cinquième ligne à droite. J’estime que ces notes appuient la déclaration de l’employeur à la Commission selon laquelle il a mené une enquête et que l’autre employé a démissionnéNote de bas de page 29.

[40] Je conviens que la politique sur la non-discrimination et le respect en milieu de travail de l’employeur prévoit que lorsqu’une infraction est commise en milieu de travail, les mesures correctives peuvent aller d’un avertissement verbal au congédiement, selon la gravité de l’incidentNote de bas de page 30. Cette politique soutient en outre que l’employeur a une tolérance zéro à l’égard de la violence en milieu de travail lorsqu’elle stipule que le milieu de travail sera exempt de toute forme de harcèlement, de discrimination, d’intimidation ou de violenceNote de bas de page 31. Compte tenu de la gravité de l’altercation physique dans le présent cas, l’employeur a jugé que la réparation devait être le congédiement.

[41] Je n’accepte pas l’affirmation du prestataire selon laquelle des collègues plus haut placés auraient dû intervenir avant que l’incident ne dégénère en une altercation physique. C’était plutôt au prestataire de [traduction] « se mettre hors de danger et de communiquer avec un superviseur ou un gestionnaireNote de bas de page 32 ». Le prestataire affirme que son superviseur ne travaillait pas dans son secteur au moment de l’altercation. Cela signifie que le superviseur n’aurait pas vu l’altercation au moment où elle s’est produite.  

[42] La loi prévoit que des facteurs comme de bons dossiers de rendement, l’absence de mesures disciplinaires antérieures, le fait d’avoir été provoqué ou d’avoir agi spontanément ne sont pas pertinents pour établir s’il y a eu inconduiteNote de bas de page 33. Bien que la vidéo montre clairement que c’est le collègue du prestataire qui est à l’origine de l’altercation, elle montre aussi que le prestataire a eu deux occasions de partir avant que la situation ne dégénère en violence physique.

[43] Après un examen attentif de la preuve dont je dispose, je conclus que le comportement du prestataire était conscient, délibéré et si insouciant qu’il était volontaire. Le prestataire s’est dirigé intentionnellement vers son collègue pour poursuivre l’interaction, au lieu de quitter la zone de travail et de signaler le comportement de son collègue à son superviseur, dès que son collègue a amorcé l’interaction en retirant l’outil de la main du prestataire. Le prestataire a eu une deuxième occasion de s’éloigner et de signaler l’incident peu après avoir fait basculer la boîte au poste de travail de son collègue et s’être éloigné, mais il a choisi de marcher vers son collègue et de continuer de lui parler jusqu’à ce que cela se transforme en altercation physique. Ces actions constituent une violation directe de la politique sur la non-discrimination et le respect en milieu de travail de l’employeur. Le prestataire a confirmé avoir reçu une formation sur cette politique. Le prestataire admet qu’il a décidé de ne pas s’en aller parce qu’il était en colère, qu’il s’est senti attaqué et qu’il voulait régler la situation.

[44] Le prestataire admet avoir perdu son emploi immédiatement après avoir été impliqué dans une altercation physique avec son collègue au travail. Bien qu’il affirme pouvoir seulement lire à un niveau de 6e année, il admet que l’employeur a [traduction] « essayé » de lui expliquer leur politique sur la non-discrimination et le respect en milieu de travail, et qu’il a signé trois attestations indiquant qu’il comprenait cette politique. Il m’a aussi dit qu’il n’avait pas posé de questions sur la politique et qu’il n’avait pas dit à l’employeur qu’il ne comprenait pas. Il a plutôt dit qu’il savait qu’il était logique de ne pas simplement frapper quelqu’un. Par conséquent, j’estime que le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite du 8 octobre 2020 entraînerait son congédiement.

Le prestataire a-t-il donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[45] Oui. Selon mes conclusions ci-dessus, je juge que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Autres questions

[46] La loi prévoit que la Commission peut réviser une demande de prestations dans les 36 mois suivant le versement des prestations d’AENote de bas de page 34.

[47] Une partie prestataire est tenue (responsable) de rembourser les prestations d’AE auxquelles elle n’a pas droitNote de bas de page 35

[48] Je ne suis pas d’accord pour dire que les renseignements dont la Commission a tenu compte au moment d’accueillir la demande de prestations d’AE pour la première fois étaient les mêmes pendant le processus de révision. La Commission a rendu sa décision initiale de verser des prestations d’AE au prestataire en se fondant sur des déclarations contradictoires du prestataire et de l’employeur.

[49] Le prestataire a d’abord dit à la Commission qu’il avait agi en légitime défense, poussant son collègue à le sortir de son espace, et qu’il ne l’avait pas frappéNote de bas de page 36. L’employeur a dit à la Commission qu’ils avaient congédié le prestataire parce qu’il avait causé une altercation physique, qu’il avait frappé son collègue au visage et qu’ils avaient une tolérance zéro pour la violence en milieu de travailNote de bas de page 37. Il semble que, sans preuve documentaire à l’appui d’une version plutôt que de l’autre, la Commission a accordé le bénéfice du doute au prestataire lorsqu’elle a initialement accueilli sa demande d’AENote de bas de page 38.

[50] L’employeur a été informé de la décision de la Commission de verser des prestations d’AE au prestataire. En réponse, ils ont présenté une demande de révision avec une preuve documentaire et une vidéo de l’altercation. Après avoir examiné ces éléments de preuve, la Commission a jugé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite, comme il est précisé ci-dessus.

[51] La Commission a révisé les demandes et rendu sa décision découlant d’une révision le 11 janvier 2021, trois mois après avoir versé les prestations d’AE au prestataire. Cela a été fait dans les délais prescritsNote de bas de page 39. La Commission a imposé une exclusion rétroactive, qui a entraîné un trop-payé de prestations d’AE s’élevant à 6 213 $. 

[52] Je suis sensible à la situation du prestataire. Je comprends qu’il aurait préféré que la décision découlant de la révision de la Commission n’entraîne pas un trop-payé de prestations d’AE.

[53] Je note que rien dans ma décision n’empêche le prestataire de communiquer directement avec la Commission pour lui demander si elle peut réduire ou annuler cette dette. S’il n’est pas satisfait de la réponse de la Commission, il peut faire appel à la Cour fédérale du CanadaNote de bas de page 40.

Conclusion

[54] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE à compter du 4 octobre 2020.

[55] Cela signifie que je rejette l’appel.

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