Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 390

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale - section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision issue de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (423747) datée
du 14 mai 2021 (émise par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 juin 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 23 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-877

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Cela signifie que M. A., la prestataire, n’est pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi durant la période de congé du 21 décembre 2020 au 1er janvier 2021.

Aperçu

[2] La prestataire travaillait comme enseignante suppléante à long terme lorsqu’elle a demandé des prestations d’assurance-emploi pendant le congé des fêtes. Après le congé, elle a repris le même poste qu’elle occupait avant les fêtes. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a d’abord versé des prestations d’assurance-emploi à la prestataire pour les deux semaines pendant lesquelles elle était en congé. Puis, étant donné que la prestataire travaillait dans l’enseignement, la Commission a jugé qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi durant le congé des fêtes 2020 et la semaine de relâche 2021. La prestataire doit maintenant rembourser un trop-payé de prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Elle affirme qu’elle travaillait à titre d’enseignante suppléante occasionnelle et que la personne qu’elle remplaçait pouvait reprendre son poste à tout moment. Le contrat de la prestataire n’était pas continu, et elle n’était pas rémunérée durant le congé des fêtes.

Question en litige

[4] Le contrat d’enseignement de la prestataire avait-il pris fin quand la prestataire a voulu recevoir des prestations d’assurance-emploi?

Ce que je dois d’abord examiner

[5] À l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle contestait l’inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi pour la période du 21 décembre 2020 au 1er janvier 2021. Elle ne le faisait pas pour la période du 12 avril 2021 au 16 avril 2021. À la lumière des déclarations de la prestataire à l’audience, ma décision se limitera à la décision de la Commission de ne pas verser des prestations d’assurance-emploi à la prestataire durant le congé des fêtes 2020.

Analyse

[6] Il ne fait aucun doute que la prestataire était employée à titre d’enseignante. Elle a déclaré qu’elle était enseignante, et le relevé d’emploi émis par son employeur indiquait qu’elle occupait le poste d’enseignante suppléante à long terme à l’élémentaire. Je ne constate aucune preuve contestant cela, et j’accepte que la prestataire travaille dans l’enseignement et qu’elle soit enseignante au sens du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE).

[7] En règle générale, le personnel enseignantNote de bas de page 1 ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi durant les périodes de congé qui surviennent au cours de l’annéeNote de bas de page 2. Les périodes de congé sont les périodes durant lesquelles, chaque année, la plupart des personnes qui enseignent ne travaillent pasNote de bas de page 3. Elles comprennent entre autres les vacances d’été et la semaine de relâcheNote de bas de page 4. Même si les enseignantes et enseignants ne travaillent pas durant les périodes de congé, on ne les considère pas comme étant au chômageNote de bas de page 5. Le fait de ne pas travailler n’est pas comme être au chômageNote de bas de page 6.

[8] Il y a quelques exceptions à cette règle généraleNote de bas de page 7. L’une d’elles prévoit que les parties prestataires dont le contrat d’enseignementNote de bas de page 8 a pris fin sont admissibles aux prestationsNote de bas de page 9. Une autre exception précise que les parties prestataires qui exercent un emploi sur une base occasionnelle ou de suppléance sont admissibles au bénéfice des prestationsNote de bas de page 10. Les parties prestataires qui travaillent dans l’enseignement peuvent recevoir des prestations à partir d’un autre emploi. Dans le présent appel, la prestataire doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbableNote de bas de page 11 que l’une ou l’autre des exceptions s’applique à elleNote de bas de page 12.

Résiliation du contrat

[9] Je ne peux pas me contenter de regarder les dates de début et de fin d’un contrat pour décider si le contrat d’enseignement de la prestataire a pris finNote de bas de page 13. Le fait que la prestataire n’était pas rémunérée durant la période en question n’est pas suffisant selon moi pour conclure que le contrat avait pris finNote de bas de page 14. Je dois tenir compte de toutes les circonstances entourant l’emploi de la prestataire, notamment les suivantes : la durée de la période de congé; les usages et pratiques du domaine d’enseignement; le versement d’une rémunération pendant la période de congé; les conditions du contrat de travail écrit, s’il y en a un; la méthode à laquelle recourt l’employeur pour rappeler la prestataire; le relevé d’emploi; toute reconnaissance de départ de la part de l’employeur; et l’arrangement conclu entre la prestataire et l’employeur et la conduite respective de chacun.

[10] La prestataire doit démontrer qu’il y a eu une rupture claire dans la continuité de son emploiNote de bas de page 15. Il faut une véritable rupture de la relation entre l’employeur et la prestataireNote de bas de page 16.

[11] La prestataire a dit que la confusion entourant son emploi de septembre 2020 a commencé par la demande de prestations d’assurance-emploi qu’elle a présentée en juin 2020. En juin 2020, la prestataire était en congé prolongé d’un plus grand conseil scolaire et était enseignante suppléante au sein d’un conseil scolaire régional. On lui a offert de retourner au plus grand conseil scolaire en septembre 2020. Elle n’avait pas encore accepté l’offre lorsqu’elle a présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi en juin 2020. La prestataire attendait de voir si le conseil scolaire régional lui offrirait un poste en septembre 2020. Le conseil scolaire régional lui a effectivement offert le poste d’enseignante suppléante à long terme à compter de septembre 2020, et la prestataire l’a accepté.

[12] Je ne crois pas que l’offre d’emploi du plus grand conseil scolaire est pertinente pour trancher la question dont je suis saisie. La question que je dois trancher porte sur la demande de prestations d’assurance-emploi de la prestataire pour la période du 21 décembre 2020 au 1er janvier 2021. Cette période tombe après le retour de la prestataire au travail en septembre 2020 au sein du plus petit conseil régional. C’est le type d’emploi au sein du conseil régional ou le fait de savoir s’il y a eu une rupture dans l’emploi de la prestataire pendant le congé des fêtes qui est pertinent.

[13] Je ne crois pas non plus que le fait que la prestataire ait accepté un contrat permanent de 60 % le 6 janvier 2021 est déterminant pour la question dont je suis saisie. La prestataire a déclaré qu’on l’avait encouragée à postuler pour des postes alors qu’elle travaillait à titre d’enseignante suppléante à long terme. Elle a dit qu’elle a repris son poste d’enseignante suppléante à long terme après le congé des fêtes. Le 6 janvier 2021, elle a postulé pour un poste permanent à temps partiel. Elle a obtenu le poste en question, et on lui a proposé d’entrer en fonction le 13 janvier 2021. Le dernier jour de travail de la prestataire à titre d’enseignante suppléante à long terme était le 12 janvier 2021. La prestataire a commencé son nouveau contrat permanent de 60 % le 13 janvier 2021. Comme je l’ai mentionné précédemment, la question que je dois trancher est celle de savoir si la prestataire est admissible aux prestations pour la période du 21 décembre 2020 au 1er janvier 2021. L’offre et l’acceptation du contrat permanent de 60 % sont survenues après la période pour laquelle la prestataire demande des prestations d’assurance-emploi. Cela signifie que le poste de 60 % n’existait pas lorsqu’elle a cessé de travailler le 18 décembre 2020. Il ne peut donc pas être considéré comme un contrat continu à partir de cette date.

[14] La prestataire a été embauchée à titre d’enseignante suppléante à long terme en septembre 2020 pour remplacer une personne en congé. Selon les modalités de la convention collective liée à l’emploi, toute affectation d’enseignement de plus de 11 jours consécutifs devient un poste de suppléance à long terme. La date de fin de l’emploi de la prestataire était inconnue ou [traduction] « ne devait pas dépasser le dernier jour de l’année scolaire ». À titre d’enseignante suppléante à long terme, on lui a attribué un numéro d’ancienneté. Si un poste de suppléance à long terme devenait disponible, sa candidature serait envisagée. Lorsque la prestataire a accepté le contrat permanent de 60 %, son nom a été placé sur une autre liste d’ancienneté et on lui a attribué un nouveau numéro. La prestataire ne pouvait pas dire ce qu’il adviendrait de ses cotisations au régime de retraite si elle avait achevé son contrat de suppléance à long terme et n’avait pas accepté le contrat permanent de 60 %. Pendant le congé des fêtes, la prestataire a dit qu’elle faisait toujours partie du régime d’assurance collective. Le relevé d’emploi émis par l’employeur indiquait que le dernier jour de travail de la prestataire était le 18 décembre 2020 et que sa date prévue de rappel était le 4 janvier 2021. Le relevé d’emploi a été émis en raison d’un manque de travail et de la période où les contrats prennent généralement fin. La prestataire a déclaré qu’elle n’a pas reçu d’avis de mise à pied lorsqu’elle a cessé de travailler le 18 décembre 2020.

[15] J’estime qu’il n’y a pas eu de rupture claire dans l’emploi de la prestataire le 18 décembre 2020. Il est vrai que la prestataire n’a pas été rémunérée durant le congé des fêtes. Toutefois, cela n’est pas déterminant pour la question. La prestataire a été embauchée pour remplacer une personne qui était en congé. La date de fin de son emploi était inconnue ou ne devait pas dépasser le dernier jour de l’année scolaire. Le dernier jour d’école était quelque temps en juin, après le congé des fêtes. L’employeur a précisé sur le relevé d’emploi que la prestataire serait rappelée au travail le 4 janvier 2021. Ce jour-là, la prestataire a repris le même poste d’enseignante suppléante à long terme qu’elle occupait avant le congé. Elle n’a pas cessé de cotiser au régime d’assurance collective durant le congé des fêtes. La preuve démontre qu’il n’y a pas eu de rupture dans l’emploi de la prestataire le 18 décembre 2020. Par conséquent, je conclus que l’exception ne s’applique pas à la situation de la prestataire.

Enseignement occasionnel ou de suppléance

[16] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a interprété l’enseignement occasionnel ou de suppléance comme signifiant que l’emploi en enseignement durant la période de référence doive avoir été « principalement ou entièrement » exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance pour que l’exception s’appliqueNote de bas de page 17. Même si les décisions de la division d’appel n’ont pas force exécutoire sur moi, je suis d’accord avec cette interprétation et je l’appliquerai à la situation de la prestataire.

[17] Lorsqu’il s’agit de décider si la prestataire exerçait son emploi d’enseignante sur une base occasionnelle ou de suppléance, il faut tenir compte de la nature de l’emploi lui-même plutôt que du statut de la prestataire au sein du conseil scolaire. Le fait qu’une personne exerce un rôle d’enseignement continu et prédéterminé n’équivaut pas à un emploi d’enseignement exercé sur une base occasionnelle ou de suppléanceNote de bas de page 18.

[18] La prestataire a déclaré que vers la fin juillet et le début août, elle a accepté un poste de suppléance à long terme au sein du conseil scolaire régional à partir de septembre 2020. Elle a conservé ce poste jusqu’à ce qu’elle accepte un poste contractuel de 60 % au sein du même conseil scolaire. Selon les modalités de la convention collective de la prestataire, un poste contractuel est un poste permanent. La prestataire dit qu’à titre d’enseignante suppléante à long terme, elle remplaçait une personne qui occupait un poste contractuel et permanent. Cette personne était en congé, mais elle pouvait reprendre le travail à tout moment. La prestataire faisait des journées de travail complètes du lundi au vendredi. Elle a dit qu’elle n’avait pas été rémunérée durant le congé des fêtes. Si elle avait conservé son poste d’enseignante suppléante à long terme, elle n’aurait pas non plus été rémunérée durant la semaine de relâche ni les vacances d’été.

[19] La prestataire a soutenu que le poste de suppléance à long terme n’est pas permanent. Il s’agit plutôt d’un poste occasionnel ou de suppléance. Si la personne qu’elle remplaçait reprenait son poste, la prestataire recevrait un préavis d’une journée avant d’être démise de ses fonctions. La prestataire affirme donc qu’elle était une enseignante suppléante et occasionnelle qui satisfait à une dispense à la règle selon laquelle le personnel enseignant ne peut pas être rémunéré durant une période de congé.

[20] La prestataire a déclaré qu’elle avait été embauchée à titre d’enseignante suppléante à long terme et qu’elle faisait des journées de travail complètes du lundi au vendredi. Elle remplaçait une personne en congé. Il est vrai que son poste de suppléance à long terme pouvait prendre fin avec un préavis d’une journée si la personne qu’elle remplaçait reprenait le travail. Toutefois, le fait que la date de fin du poste de suppléance à long terme n’ait pas été précisée ne change rien au fait que l’emploi de la prestataire était suffisamment régulier, continu et prédéterminé. Je conclus donc que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était employée sur une base occasionnelle ou de suppléance. Par conséquent, la prestataire n’a pas prouvé qu’elle satisfait aux conditions de cette exception.

Heures d’emploi dans une profession autre que l’enseignement

[21] La prestataire a confirmé qu’elle n’exerçait pas d’emploi dans une profession autre que l’enseignement. Je ne vois aucun élément de preuve qui contredise cela. Par conséquent, la prestataire n’a pas prouvé qu’elle satisfait aux conditions de cette exception.

Autres questions

[22] La prestataire a soutenu que l’inadmissibilité rétroactive aux prestations d’assurance-emploi ne devrait pas s’appliquer et qu’elle ne devrait pas avoir à rembourser les prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues. Elle a dit que lorsqu’elle a demandé des prestations d’assurance-emploi en juin 2020, sa demande a été convertie en prestations d’assurance-emploi d’urgence (PAEU). Une personne de Service Canada lui a dit de continuer à remplir des déclarations jusqu’à ce qu’elle obtienne un emploi à temps plein. La prestataire a dit qu’elle a bien rempli le questionnaire sur l’enseignement. Même si l’inadmissibilité liée à l’enseignement n’a pas été ajoutée à son dossier lorsque ses prestations d’assurance-emploi ont été converties en PAEU, puis en prestations régulières d’assurance-emploi, la prestataire ne devrait pas avoir à rembourser ses prestations.

[23] La prestataire a déclaré que le remboursement des prestations d’assurance-emploi causait des difficultés financières à toute sa famille. Elle a comparé la demande de remboursement des prestations d’assurance-emploi de la Commission à une demande de remboursement d’une part de gâteau mangée. La prestataire estime que d’attendre quatre mois pour demander le remboursement des prestations d’assurance-emploi était trop long.

[24] La Cour d’appel fédérale a déclaré que la Commission n’a pas le pouvoir de modifier la loi, alors toute interprétation qu’elle en fait n’a pas, en soi, force de loiNote de bas de page 19. Autrement dit, même lorsque la Commission fournit des renseignements erronés, ce qui compte est ce qui est écrit dans la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’AE, et le fait de savoir si la situation de la partie prestataire est conforme à ces dispositions.

[25] La loi limite la durée pendant laquelle la Commission peut revenir en arrière pour examiner une demande de prestations d’assurance-emploi. En règle générale, la Commission peut examiner une demande jusqu’à 36 mois après le versement des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 20. Lorsque la Commission estime qu’il y a peut-être eu une fausse déclaration ayant entraîné le versement de prestations d’assurance-emploi (ce qui n’est pas le cas ici), la Commission peut examiner une demande après 72 moisNote de bas de page 21. Le dossier d’appel montre que la Commission a communiqué avec la prestataire le 22 avril 2021 pour discuter de la demande de décembre 2020. Cela signifie que la Commission a agi dans le délai prévu par la loi en ce qui a trait à l’examen d’une demande.

[26] Je suis sensible à la situation de la prestataire. Toutefois, je n’ai pas le pouvoir de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire, aussi tentant que cela puisse l’être dans certains cas (comme celui-ci)Note de bas de page 22. Je dois suivre la loi et rendre des décisions fondées sur les dispositions législatives pertinentes ainsi que sur les précédents établis par les tribunaux.

[27] La présente décision n’empêche en rien la prestataire de demander à la Commission d’annuler la dette attribuable au trop-payé. Si la prestataire n’est pas satisfaite de la réponse de la Commission, elle peut faire appel à la Cour d’appel fédérale.

Conclusion

[28] Comme il a été mentionné précédemment, il existe trois exceptions prévues dans le Règlement sur l’AE qui permettent au personnel enseignant de toucher des prestations d’assurance-emploi durant les périodes de congé. La situation de la prestataire n’est pas visée par ces trois exceptions. Par conséquent, je conclus que la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi durant la période de congé.

[29] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.