Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – permis d’études – disponibilité pour travailler – volonté de travailler – article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi

La Commission a décidé que le permis d’études du prestataire limitait ses chances de retourner sur le marché du travail et sa capacité à travailler. Jugeant que le prestataire n’était pas disponible pour travailler, la Commission a conclu qu’il était « inadmissible » et qu’il ne pouvait donc pas recevoir des prestations d’assurance-emploi à partir du 21 décembre 2020. Le prestataire lui a demandé de réviser sa décision, mais la Commission n’a pas changé d’avis.

Le prestataire a fait appel devant la division générale (DG), qui a rendu une décision en sa faveur. La DG a conclu que le prestataire n’essayait pas de nuire à ses chances de retourner sur le marché du travail. Selon elle, le prestataire était capable de travailler tout en respectant la limite de 20 heures de travail par semaine, imposée par son permis d’études. De plus, la limite de 20 heures avait été établie par le gouvernement. La DG a décidé que le prestataire était disponible pour travailler et incapable de trouver un emploi convenable, conformément à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Elle a accueilli son appel.

La Commission a fait appel devant la division d’appel (DA), qui a tranché en sa faveur. La DG avait commis une erreur de droit (c’est-à-dire qu’elle avait mal compris ou mal appliqué la loi) en concluant que le prestataire était disponible pour travailler conformément à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE. Cette erreur a permis à la DA d’intervenir et de rendre sa propre décision. Il est sans importance que la limite de 20 heures de travail par semaine soit un choix du gouvernement dont le prestataire n’est pas responsable. Conformément au jugement de la Cour d’appel fédérale dans Leblanc (2010 CAF 60), la limite de 20 heures de travail hebdomadaire imposée par le permis d’études du prestataire entravait clairement son libre choix de travailler plus de 20 heures. Même s’il voulait travailler davantage, cette limite l’en empêchait. Par conséquent, le prestataire n’était pas disponible pour travailler et incapable de trouver un emploi convenable au sens de la Loi sur l’AE. La DA a accueilli l’appel de la Commission et a rendu sa propre décision, pour les raisons ci-dessus.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c KJ, 2021 TSS 413

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Rachel Paquette
Partie intimée : K. J.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 24 juin 2021,
dossier no GE-21-874

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 17 août 2021
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimé
Date de la décision : Le 20 août 2021
Numéro de dossier : AD-21-236

Décision

[1] L’appel de la Commission est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante (la Commission) a conclu que le permis d’études de l’intimé (le prestataire) comprenait des limites de travail qui limitaient ses chances de retourner sur le marché du travail. Elle a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 21 décembre 2020, parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[3] Après une demande de révision infructueuse, le prestataire a fait appel de la décision de la Commission auprès de la division générale.

[4] La division générale a décidé que le prestataire n’avait pas établi des conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Elle a conclu que la limite de 20 heures imposée au prestataire par son permis d’études ne constituait pas une condition personnelle, mais bien l’application d’une loi fédérale.

[5] La division générale a conclu que le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais qu’il était incapable de trouver un emploi convenable conformément à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] La division d’appel a accordé à la Commission la permission de faire appel de la décision de la division générale. La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[7] Je dois décider si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire était disponible pour travailler conformément à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[8] J’accueille l’appel de la Commission.

Question en litige

[9] La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire était disponible pour travailler conformément à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi même s’il ne pouvait pas travailler plus de 20 heures par semaine en raison des limites imposées par son permis d’études?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[10] La Cour d’appel fédérale a décidé que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, son mandat lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1 .

[11] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale. Elle n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui exercé par une cour supérieureNote de bas de page 2 .

[12] Par conséquent, à moins que la division générale ait omis d’observer un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire était disponible pour travailler conformément à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi même s’il ne pouvait pas travailler plus de 20 heures par semaine en raison des limites imposées par son permis d’études?

[13] Pour être considérée comme disponible pour travailler, une personne doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3 .

[14] La disponibilité doit être évaluée en analysant trois facteurs :

  1. le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. l’expression de ce désir par des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. l’établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 4 .

[15] De plus, la disponibilité est évaluée pour chaque jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel la partie prestataire peut prouver qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 5 .

[16] La disponibilité doit être démontrée pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrable et ne peut être limitée à des heures irrégulières découlant d’un horaire de cours qui limite considérablement la disponibilitéNote de bas de page 6 .

[17] La preuve non contestée montre que le prestataire ne pouvait pas travailler plus de 20 heures par semaine en raison des limites imposées par son permis d’études.

[18] Lorsqu’elle a examiné les trois facteurs ensemble, la division générale a conclu que le prestataire n’avait pas établi de conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Elle a conclu que la limite de 20 heures imposée au prestataire par son permis d’études n’était pas une condition personnelle, mais bien l’application d’une loi fédérale.

[19] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant incorrectement la jurisprudence, plus précisément le troisième facteur du critère juridique confirmé dans Faucher, au motif que la condition limitant le prestataire à travailler 20 heures par semaine n’était pas une restriction volontaire établie par le prestataireNote de bas de page 7 .

[20] En examinant le troisième facteur, la division générale a jugé que le prestataire n’avait pas établi de conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail, pour les raisons suivantes :

  1. Le troisième facteur du critère de Faucher porte sur l’établissement de conditions personnelles par une partie prestataire.
  2. La limite de 20 heures de travail imposée par le gouvernement du Canada n’était pas le choix du prestataire et n’était pas une condition personnelle qu’il a imposée.
  3. La situation du prestataire est différente de celle dans Leblanc parce qu’il est capable de travailler en respectant la limite de 20 heures par semaine imposée par le gouvernement.Note de bas de page 8

[21] Pour les raisons qui suivent, et avec tout le respect que je lui dois, je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en ignorant la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale.

[22] Dans l’affaire Leblanc, une décision rendue par la Cour d’appel fédérale à la suite de l’affaire Faucher, le prestataire a été incapable de travailler pendant deux semaines à cause d’un incendie qui a détruit sa maison et tous ses biens, y compris ses vêtements et ses bottes de travail. Même si M. Leblanc voulait tout de même aller travailler, il n’a pas pu le faire parce qu’il n’avait pas les vêtements appropriés et il ne pouvait pas se rendre à son lieu de travail, qui était à une certaine distance de sa maison.

[23] La Cour a établi que, pour décider si une personne est disponible pour travailler, il faut vérifier si cette personne est aux prises avec des obstacles qui minent sa volonté de travailler. La Cour a précisé qu’un obstacle signifie toute contrainte dont la nature prive une personne de son libre choix. Elle a également souligné que le versement des prestations dépend de la disponibilité d’une personne et non de la justification de son indisponibilitéNote de bas de page 9 .

[24] La Cour a conclu que, malgré son désir de travailler, M. Leblanc n’était pas disponible au sens de la Loi sur l’assurance-emploi en raison des obstacles qui l’empêchaient d’aller travailler.

[25] Je note que M. Leblanc voulait aller travailler. La limite n’était pas son choix et ce n’était pas une condition personnelle qu’il imposait. Il faisait plutôt face à des obstacles qui minaient sa volonté de travailler et le privaient de son libre choix.

[26] Dans un entretien daté du 14 avril 2021, le prestataire a confirmé qu’il était disposé à travailler à temps plein, mais qu’il ne pouvait pas le faire en raison des conditions de son permis d’étudesNote de bas de page 10 . La restriction imposée par le permis du prestataire qui le limitait à travailler 20 heures par semaine était clairement un obstacle qui minait sa volonté de travailler chaque jour ouvrable, et qui le privait de son libre choix.

[27] Pour ces raisons, je juge que la division générale a commis une erreur en ignorant la jurisprudence et en concluant que le prestataire était disponible pour travailler conformément à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi.

Réparation

[28] Puisque la preuve n’est pas contestée et que les deux parties ont eu l’occasion de présenter leur cause à la division générale, je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 11 .

[29] J’estime que le prestataire n’était pas disponible et incapable d’obtenir un emploi convenable chaque jour ouvrable d’une période de prestations parce qu’il faisait face à un obstacle qui le privait de son libre choix et qui minait sa volonté de travailler. Les restrictions de son permis d’études limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[30] Lors de l’audience d’appel, le prestataire a fait valoir qu’il a cotisé au régime d’AE pendant toute sa période d’emploi et qu’il est injuste que la Commission tente maintenant de lui refuser des prestations.

[31] Même si je suis sensible à la situation du prestataire, le programme d’AE est un régime d’assurance et, comme les autres régimes d’assurance, les parties prestataires doivent satisfaire aux conditions du régime pour obtenir des prestations. Dans la présente affaire, le prestataire ne remplit pas ces conditions, alors il n’a pas droit à des prestations.

[32] Pour les raisons mentionnées ci-dessus, j’accueille l’appel de la Commission.

Conclusion

[33] L’appel de la Commission est accueilli.

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