Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 414

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (422743) datée du 10 mai 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date d’audience : Le 17 juin 2021
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 24 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-874

Sur cette page

Décision

[1] Le prestataire a démontré qu’il est disponible pour travailler. Cela signifie qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

Aperçu

[2] Une personne doit être disponible pour travailler si elle souhaite recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue; une partie prestataire doit démontrer qu’elle cherche un emploi. La Commission a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 21 décembre 2020, parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[3] La Commission affirme que même si le prestataire semble vouloir retourner sur le marché du travail et s’il a fait des démarches pour trouver un emploi, en raison des limitations de son permis d’étude, il a des conditions personnelles qui limitent ses chances de retourner sur le marché du travail, et il n’est donc pas disponibleNote de bas de page 1 .

[4] Le prestataire dit avoir perdu son emploi à cause de la COVID, et qu’en tant qu’étudiant étranger au Canada, il a seulement le droit de travailler 20 heures par semaine. Le prestataire affirme que ce n’est pas lui qui a décidé de limiter ses heures, et que la loi ne dit pas qu’il doit travailler à temps plein pour être considéré comme disponible.

[5] Je dois décider si le prestataire a prouvéNote de bas de page 2 qu’il est disponible pour travailler.

Question en litige

[6] Le prestataire est-il disponible pour travailler?

Analyse

[7] La loi exige qu’une partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travaillerNote de bas de page 3 . Afin de recevoir des prestations d’assurance-emploi, une partie prestataire doit être capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 4 .

[8] En 2010, lorsque la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la question de savoir si une étudiante ou un étudiant était disponible conformément à l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi, elle a déclaré qu’on présuppose que les parties prestataires qui fréquentent l’école à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler.

[9] La Loi sur l’assurance-emploi a récemment été modifiée et les nouvelles dispositions s’appliquent au prestataireNote de bas de page 5 . En lisant les nouvelles dispositions, j’ai constaté que la présupposition d’indisponibilité avait été enlevée. On ne présuppose plus qu’une étudiante ou un étudiant à temps plein n’est pas disponible, mais l’étudiante ou l’étudiant doit prouver sa disponibilité comme toute autre partie prestataire.

[10] Le prestataire doit prouver trois choses pour démontrer qu’il est disponible :

  1. Qu’il désire retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est disponible.
  2. Qu’il exprime ce désir en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. Qu’il ne s’est fixé aucune condition personnelle qui pourrait limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 6 .

[11] Je dois tenir compte de chacun de ces facteurs pour trancher la question de la disponibilitéNote de bas de page 7 , ainsi que de l’attitude et du comportement du prestataireNote de bas de page 8 .

Le prestataire désire-t-il retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est disponible?

[12] J’estime que le prestataire a démontré qu’il désire retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est disponible.

[13] La Commission soutient que le prestataire semble désirer retourner sur le marché du travailNote de bas de page 9 .

[14] J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il travaillerait si ce n’était pas de la COVID, il souhaite retourner travailler et il cherche du travail. J’estime que le fait qu’il travaillait avant, qu’il est sans emploi en raison de la COVID, et qu’il fait des démarches pour retourner travailler démontre qu’il désire retourner sur le marché du travail.

Le prestataire a-t-il fait des démarches pour trouver un emploi convenable?

[15] J’estime que le prestataire fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable.

[16] La Commission soutient que le prestataire semble avoir fait des démarches pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 10 .

[17] Le prestataire a affirmé qu’après avoir perdu son emploi en raison de la COVID, il a commencé à chercher un autre emploi et à envoyer des demandes d’emploi.

[18] Le prestataire dit qu’en raison des mesures de confinement mises en place à cause de la pandémie, très peu d’endroits embauchent, et qu’il est difficile de trouver un emploi. Le prestataire dit avoir postulé pour des centaines d’emplois auprès de nombreux employeurs différents, mais avoir seulement eu trois entretiens et n’avoir jamais été embauché.

[19] J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il a postulé pour de nombreux emplois auprès de divers employeurs depuis qu’il a perdu son emploi. J’estime que son témoignage est bien appuyé par les documents qu’il a envoyés, qui démontrent certaines de ses démarches de recherche d’emploiNote de bas de page 11 .

[20] Je juge que les démarches continues que le prestataire a faites pour trouver un emploi (il s’est inscrit à des banques d’emplois en ligne, a lu des offres d’emploi, a envoyé de nombreuses demandes d’emploi à divers employeurs et a eu des entretiens) étaient suffisantes pour trouver un emploi.

Le prestataire s’est-il fixé des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[21] Je juge que le prestataire ne s’est pas fixé de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[22] La Commission soutient que la disponibilité à travailler du prestataire est limitée en raison des modalités de son permis d’études.

[23] La Commission soutient que le prestataire est limité à 20 heures de travail par semaine pendant une session académique régulière.

[24] La Commission soutient que la décision IK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2017 TSSDAAE 337, même si je n’y suis pas lié, porte sur une situation semblable à celle du prestataire. La Commission soutient que, dans IK le prestataire avait un permis d’études et était limité à 20 heures de travail par semaine, et il a été jugé comme n’étant pas disponible en raison d’une barrière juridique, soit celle d’avoir un permis d’études. La Commission soutient que le prestataire dans IK a été jugé comme s’étant fixé des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail en raison des limites imposées par le permis d’études.

[25] Le prestataire dit suivre une formation de pilote commercial et que la formation est très flexible, car il peut travailler à son propre rythme. Il doit prévoir au moins 10 heures de vol par semaine, mais il peut le faire un jour de la semaine, du lever au coucher du soleilNote de bas de page 12 .

[26] Le prestataire dit qu’il cherche du travail et qu’il pourrait travailler à temps plein en suivant sa formation, mais qu’il ne peut pas travailler à temps plein en raison des conditions de son permis d’étudesNote de bas de page 13 . Le prestataire a déclaré qu’il avait déjà un emploi pendant sa formation, et que cela montre qu’il peut facilement travailler tout en suivant sa formation.

[27] Le prestataire soutient également que le site Web de Service Canada ne mentionne nulle part qu’une personne doit être disponible pour travailler à temps plein pour être considérée comme disponible.

[28] Je reconnais que le prestataire est au Canada parce qu’il a un permis d’études qui le limite à 20 heures de travail par semaine. Je note qu’aucune des parties ne conteste cela.

[29] Je juge aussi que le prestataire a raison de dire que la loi ne précise pas qu’une personne est disponible seulement si elle est à la recherche d’un emploi à temps plein.

[30] Je reconnais que le prestataire a la flexibilité voulue dans sa formation, puisqu’il peut prévoir son temps de vol en tout temps, et n’importe quel jour de la semaine. Je ne vois aucun élément de preuve qui contredit cela et je note que la Commission n’a pas contesté cette affirmation.

[31] J’estime que la formation du prestataire ne limiterait pas indûment ses chances de retourner sur le marché du travail, car la flexibilité dont il dispose pour prévoir ses heures de vol lui permettrait de suivre sa formation tout en ayant un emploi.

[32] Je note que la Commission a raison en ce sens que IK est une décision de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale qui maintient une décision de la division générale dans laquelle il a été conclu qu’un prestataire avec un permis d’études limitant le nombre d’heures qu’il pouvait travailler avait établi des conditions personnelles et n’était donc pas disponible.

[33] Toutefois, je ne suis pas lié par la décision IK et, de plus, je ne la trouve pas convaincante. Je ne suis pas convaincu par IK pour plusieurs raisons.

[34] La première raison est qu’il est clair et évident à la lecture du troisième facteur à prendre en considération pour la disponibilité établi par la CourNote de bas de page 14 , qu’il est question de l’établissement de conditions personnelles par la partie prestataire. Je juge que la limite du permis d’études du prestataire voulant qu’il puisse seulement travailler 20 heures par semaine n’a pas été fixée par le prestataire; il s’agit d’une condition imposée par le gouvernement du Canada. Le prestataire n’avait pas le choix quant à la limite du nombre d’heures de travail hebdomadaires. Par conséquent, je conclus que, comme le prestataire n’a pas choisi de limiter ses heures de travail à 20 heures par semaine, ce n’est pas une condition personnelle qu’il a établie.

[35] Deuxièmement, je ne suis pas d’accord pour dire que la limite de 20 heures de travail par semaine imposée au prestataire par le gouvernement du Canada est une condition personnelle. C’est la loi créée par le gouvernement, ce n’est pas le prestataire qui a créé ou inventé la limite de 20 heures.

[36] Troisièmement, je remarque que dans IK, lorsqu’on fait référence au troisième facteur de disponibilité, on le reformule de différentes façons pour essayer de résoudre la contradiction évidente qui ressort à la lecture simple du troisième facteur et une décision selon laquelle quelque chose qui est imposé à une personne est une condition personnelle établie par celle-ci. Dans IK, les restrictions imposées par le permis d’études sont décrites comme des « […] "conditions personnelles" qui limitaient indûment ses chances de réintégrer le marché du travailNote de bas de page 15  », et on dit que le prestataire « […] faisait face à un empêchement, plus précisément à un obstacle juridique […]Note de bas de page 16  ». Encore une fois, je tiens à souligner qu’une simple lecture du troisième facteur ne fait pas référence à des exigences personnelles ou à des obstacles juridiques, mais à des conditions personnelles établies par la partie prestataire.

[37] Enfin, bien que IK mentionne la décision Canada (Procureur général) c Leblanc, 2010 CAF 60, à l’appui de la conclusion selon laquelle les limites imposées par le gouvernement au prestataire dans cette affaire constituent une condition personnelle, je ne suis pas d’accord que Leblanc appuie cette conclusion dans l’affaire dont je suis saisi, car j’estime que la situation du prestataire est considérablement différente de la situation dans Leblanc.

[38] Dans Leblanc, le prestataire ne pouvait pas travailler parce qu’à la suite d’un incendie, il a cessé de pouvoir se rendre au travail, et l’équipement dont il avait besoin a été détruit. Dans l’affaire qui nous occupe, rien n’empêche le prestataire d’occuper tout emploi qu’il pourrait obtenir; il est en mesure de travailler. Il est parfaitement capable de travailler en respectant la limite de 20 heures par semaine imposée par le gouvernement, n’importe quel jour de la semaine et à n’importe quel moment, car son horaire de cours est extrêmement flexible. Cela est également démontré par le fait qu’il avait un emploi, jusqu’à ce qu’il le perde en raison de la COVID, ce qui montre que le permis d’études ne rend pas le prestataire complètement incapable de travailler contrairement au prestataire dans Leblanc.

[39] En résumé, j’estime que le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[40] J’estime que la limite de 20 heures de travail par semaine imposée au prestataire par son permis d’études n’est pas une condition personnelle qu’il a établie. Je conclus qu’il n’a pas fixé cette limite, que c’est la loi, créée par le gouvernement du Canada, et non une condition personnelle, que le prestataire doit respecter. Il n’avait pas le choix.

[41] En outre, j’estime que sa formation ne constitue pas une condition personnelle qui limiterait indûment les chances du prestataire de retourner sur le marché du travail, car il peut prévoir ses heures de vol requises n’importe quel jour et à n’importe quelle heure. Sa formation n’aurait donc aucune incidence sur sa capacité à occuper un emploi, car l’emploi n’aurait pas à tenir compte de sa formation et il pourrait plutôt faire en sorte que sa formation tienne compte de son emploi.

Le prestataire est-il capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable?

[42] Compte tenu de mes conclusions relatives à chacun des trois facteurs pris ensemble, j’estime que le prestataire a bel et bien démontré qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 17 .

Conclusion

[43] Je conclus que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations. Par conséquent, l’appel est accueilli.

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