Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – semaine de chômage – semaine entière de travail – exception relative aux congés – article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi

La prestataire est préposée aux soins personnels. Elle travaille du lundi au samedi pendant une semaine et le dimanche de la semaine suivante. Elle a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi (AE) lorsqu’elle a cessé de travailler un samedi et qu’elle n’a pas travaillé pendant les huit jours suivants. La Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations d’AE à la prestataire parce qu’elle n’était pas sans emploi pendant les semaines où elle ne travaillait pas. L’employeur et la prestataire ont expliqué que même sans pénurie de travail, la prestataire suivait un horaire de sept jours de travail et sept jours de congé. Elle faisait 56 heures pendant sa période de travail. La prestataire a affirmé que cet horaire était en vigueur depuis des années. La Commission n’a pas modifié sa décision après révision. La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale (GD).

La DG devait décider si la prestataire était considérée, au sens de l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), comme ayant travaillé pendant une semaine entière de travail au cours des semaines où elle était en congé (c’est-à-dire lorsqu’elle ne travaillait pas certains jours de la semaine ou pendant toute la semaine). La DG a constaté que la prestataire ne faisait pas plus d’heures au cours d’une semaine pour compenser le temps où elle ne travaillait pas la semaine suivante parce qu’elle suivait l’horaire établi par son travail. La DG a également constaté que la prestataire n’était pas en congé pendant les semaines où elle n’avait aucun quart de travail à l’horaire. La DG a décidé que la Commission n’avait pas prouvé que la prestataire remplissait les conditions de l’article 11(4) de la Loi sur l’AE. La Commission a fait appel de cette décision à la division d’appel (DA).

La DA a conclu que la DG avait fait une erreur de droit, c’est à-dire qu’elle s’était trompée sur ce que l’article 11(4) de la Loi sur l’AE dit ou signifie et qu’elle avait mal appliqué la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale (CAF). La CAF (en appliquant les décisions Jean, 2015 CAF 242, Merrigan, 2004 CAF 253 et Duguay, A-75-95) a établi que l’on considère les prestataires dont l’horaire comprend des périodes de travail et des périodes de congé (temps passé à ne pas travailler ou à l’extérieur du travail) comme des personnes employés pendant les périodes de congé prévues à leur horaire. Ces problèmes ont donné à la DA la possibilité de rendre la décision que la DG aurait dû rendre. La DA a décidé que la prestataire travaillait régulièrement pendant sept jours consécutifs (56 heures), puis avait droit à sept jours de congé consécutifs. Même sans pénurie de travail, la prestataire ne travaillait pas et n’avait aucun quart de travail à l’horaire pendant les sept jours de congé parce qu’une autre personne travaillait durant cette période pour s’occuper de la même personne. Cet horaire est en vigueur depuis des années. Par conséquent, son emploi à cet endroit était continu. La prestataire n’a pas non plus fait assez d’efforts pour trouver un autre emploi. Les sept jours de congé consécutifs étaient prévus dans le contrat de travail à titre de semaine de congé au sens de l’article 11(4) de la Loi sur l’AE. L’employeur et la prestataire ont accepté la rotation des quarts. Par conséquent, les semaines de congé n’étaient pas des semaines de chômage. La DA a accueilli l’appel de la Commission et a rendu sa propre décision mentionnée ci-dessus.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c PG, 2021 TSS 456

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Angèle Fricker
Partie intimée : P. G.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 2 juin 2021 (GE-21-732)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 août 2021
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 1er septembre 2021
Numéro de dossier : AD-21-218

Sur cette page

Décision

[1] L’appel de la Commission est accueilli.

Aperçu

[2] La prestataire travaille comme préposée aux soins personnels. Elle travaille du lundi au samedi une semaine et le dimanche la semaine suivante. Elle a fait une demande de prestations régulières d’assurance-emploi lorsqu’elle a cessé de travailler un samedi et qu’elle n’a pas travaillé pendant les huit jours suivants. La Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce qu’elle n’était pas en chômage pendant les semaines où elle ne travaillait pas. Après une demande de révision infructueuse, la prestataire a fait appel de la décision de la Commission auprès de la division générale.

[3] La division générale a jugé que la prestataire n’avait pas travaillé d'heures supplémentaires au cours d’une semaine pour compenser le congé de la semaine suivante parce qu’elle travaillait selon l’horaire disponible. Elle a également conclu que la prestataire n’était pas en congé pendant les semaines où elle ne devait pas travailler.

[4] La division générale a conclu que la Commission ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la prestataire satisfaisait aux deux exigences énoncées à l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi pour être réputée avoir travaillé une semaine entière pour les semaines qui tombent en tout ou en partie dans une période de congé.

[5] La division d’appel a accordé à la Commission la permission de faire appel de la décision de la division générale. La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de fait ou de droit dans son interprétation de l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur de fait ou de droit dans son interprétation de l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[7] J’accueille l’appel de la Commission.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que la Commission n’avait pas réussi à prouver que la prestataire avait satisfait aux exigences de l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi pour être réputée avoir travaillé toute la semaine pour les semaines qui tombent en tout ou en partie dans une période de congé?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a établi que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), son mandat lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale. Elle n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui exercé par une cour supérieureNote de bas de page 2.

[11] Par conséquent, à moins que la division générale ait omis d’observer un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que la Commission n’avait pas réussi à prouver que la prestataire avait satisfait aux exigences de l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi pour être réputée avoir travaillé toute la semaine pour les semaines qui tombent en tout ou en partie dans une période de congé?

[12] La division générale devait décider si, selon la loi, la prestataire est réputée avoir travaillé une semaine complète de travail pour les semaines qui tombent en tout ou en partie dans une période de congé.

[13] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas travaillé d'heures supplémentaires au cours d’une semaine pour compenser le congé de la semaine suivante parce qu’elle travaillait selon l’horaire disponible. Elle a également conclu que la prestataire n’était pas en congé pendant les semaines où elle ne devait pas travailler.

[14] La Commission soutient que la division générale n’a pas tenu compte de la déclaration de l’employeur ou de celle de la prestataire confirmant qu’il y avait une entente entre eux selon laquelle elle aurait droit à des congés supplémentaires parce qu’elle travaillait plus d’heures, de jours ou de quarts qu’une personne moyenne occupant un emploi à temps plein.

[15] La Commission soutient en outre que la preuve montre que le travail de la prestataire consiste à fournir des soins à domicile à une personne en particulier, et qu’un autre membre du personnel assume ces fonctions pendant que la prestataire est en congé pendant sept jours. Cela vient appuyer une conclusion selon laquelle la prestataire a droit à une période de congé après avoir travaillé sept jours consécutifs.

[16] La Commission soutient enfin qu’il est de jurisprudence constante qu’une situation où les membres du personnel travaillent par roulement, se relevant l’un l’autre à tour de rôle, comme dans le cas de la prestataire, ne constitue pas du chômage pendant la période sans travail.

[17] Lors d’un entretien, l’employeur a déclaré à la Commission que la prestataire avait demandé son relevé d’emploi. L’employeur a également déclaré qu’il n’y avait pas de pénurie de travail, mais que la prestataire avait un horaire de sept jours de travail suivis de sept jours de congé. Pendant ses sept jours de travail, elle travaillait 56 heuresNote de bas de page 3.

[18] La prestataire a confirmé la déclaration de l’employeur selon laquelle elle avait un horaire de sept jours de travail suivis de sept jours de congé. Elle a aussi ajouté qu’elle travaillait selon cet horaire depuis des annéesNote de bas de page 4.

[19] La division générale a jugé que la Commission n’avait présenté aucun élément de preuve pour appuyer sa position selon laquelle dans la province de la prestataire, le règlement avait établi à 40 heures le nombre normal d’heures de travail dans une semaine. Elle a conclu que, en l’absence de certains éléments de preuve sur lesquels fonder une comparaison, la Commission n’avait pas démontré que la prestataire satisfaisait à la première exigence, selon laquelle elle travaillait plus d’heures, de jours ou de quarts qu’une personne moyenne occupant un emploi à temps plein.

[20] La division générale a également conclu que la Commission n’avait pas démontré que la prestataire satisfaisait à la deuxième exigence, selon laquelle elle a droit à la période de congé prévue dans un contrat d’emploi pour compenser les heures supplémentaires travaillées.

[21] Dans Jean, une affaire récente soulevant les mêmes questions, la Cour d’appel fédérale a déclaré que, bien que le renvoi aux lois provinciales puisse être une indication pertinente pour l’interprétation et l’application de l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi, elle ne voulait pas la considérer comme un critère décisifNote de bas de page 5.

[22] La Cour a souligné qu’il existe une foule de dispositions législatives et réglementaires qui régissent les heures de travail à diverses fins (normes minimales, taux de rémunération, congés obligatoires, etc.) et qui prévoient donc divers systèmes selon la nature des emplois. La Cour a déclaré qu’il ne fallait pas établir une comparaison automatique hors contexte entre ces systèmes et l’exception prévue à l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6.

[23] La Cour a réitéré que l’assurance-emploi est une mesure sociale visant à indemniser les personnes en chômage pour la perte de leur revenu d’emploi et à assurer leur sécurité économique et sociale pendant un certain temps afin de les aider à retourner sur le marché du travail. Par conséquent, au moment de décider si une personne est en congé, il faut respecter l’esprit de la loi et l’objectif poursuivi par le législateurNote de bas de page 7.

[24] Dans l’affaire qui nous occupe, il est clair qu’il y avait une entente entre la prestataire et son employeur selon laquelle elle travaillerait 56 heures pendant sept jours consécutifs et elle serait en congé les sept jours suivants. Bien qu’il n’y ait pas eu de pénurie de travail, la prestataire n’a pas travaillé et n’était pas censée travailler pendant les sept jours de congé parce qu’un autre membre du personnel travaillait pendant cette semaine pour s’occuper de la même personne. L’horaire de rotation de la prestataire s’est poursuivi pendant des années et elle a maintenu son lien avec l’employeur. Elle a également avoué ne pas avoir postulé ailleurs depuis longtempsNote de bas de page 8.

[25] La Cour d’appel fédérale a établi que les parties prestataires dont l’horaire comprend des périodes de travail et de congé sont réputées être employées pendant les périodes de congé qui font partie de cet horaire établiNote de bas de page 9.

[26] Pour ces motifs, j’estime que la division générale a commis une erreur de droit en interprétant l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi, et qu’elle a mal appliqué la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale.

Réparation

[27] Étant donné que les deux parties ont eu la chance de présenter leur cause devant la division générale, je rendrai la décision que celle-ci aurait dû rendreNote de bas de page 10.

[28] Les éléments de preuve incontestés montrent que la prestataire travaillait régulièrement sept jours consécutifs (56 heures) et qu’elle avait ensuite sept jours de congé consécutifs. Même s’il n’y avait pas de pénurie de travail, la prestataire ne travaillait pas et n’était pas censée travailler la semaine suivante parce qu’un autre membre du personnel prenait la relève pour s’occuper de la même personne. Cet horaire est en place depuis des années. Par conséquent, son emploi auprès de son employeur était continu. Elle n’a pas non plus fait suffisamment d’efforts pour trouver un autre emploi.

[29]  J’estime que les sept jours de congé consécutifs étaient prévus dans le contrat d’emploi comme une semaine de congé au sens de l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi. L’employeur et la prestataire ont accepté l’horaire de rotation. Par conséquent, les éléments de preuve devant la division générale montrent que les semaines de congé n’étaient pas des semaines de chômage.

[30] Pour ces motifs, j’accueille l’appel de la Commission.

Conclusion

[31] L’appel de la Commission est accueilli.

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