Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 377

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (424758) datée du 3 juin 2021 (émise
par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 12 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 24 juillet 2021
Numéro de dossier : GE-21-1037

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] T. N. (le prestataire) n’était pas une personne occupant un autre emploi et ayant travaillé à temps plein du 17 au 30 janvier 2021Note de bas de page 1 .

Aperçu

[3] Alors qu’il recevait des prestations régulières d’assurance-emploi, le prestataire travaillait comme télévendeur et était rémunéré à la commission seulement.  

[4] Les prestations d’assurance-emploi sont seulement versées aux chômeurs. Les prestataires sont considérés comme des chômeurs s’ils ne travaillent pas une semaine entière de travail.

[5] La loi énonce une règle pour établir si les prestataires qui sont des travailleurs indépendants ou qui exploitent une entreprise, ou y travaillent à titre d’associé ou de cointéressé, ou qui occupent un autre emploi dans lequel ils déterminent leurs heures de travail effectuent une semaine entière de travail. Il y a une règle distincte pour déterminer si les employés qui occupent un autre emploi effectuent une semaine entière de travail.   

[6] En ce qui concerne les prestataires qui sont travailleurs indépendants ou qui exploitent une entreprise, ou y travaillent à titre d’associé ou de cointéressé, ou qui occupent un autre emploi dans lequel ils déterminent leurs heures de travail sont réputés avoir effectué une semaine entière de travailNote de bas de page 2 . Ils ne sont donc pas réputés être au chômage et ne peuvent pas recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. Toutefois, cette présomption peut être réfutée si leur participation à ces activités est si limitée qu’une personne ne pourrait pas compter en temps normal sur cet emploi ou l’exploitation de l’entreprise comme principal moyen de subsistanceNote de bas de page 3 . Il y a des éléments précis mentionnés dans le Règlement sur l’assurance-emploi qui doivent être tenus en compte pour décider si le travail ou la participation dans l’entreprise ou l’exploitation de celle-ci est dans une mesure limitéeNote de bas de page 4 .

[7] Pour les prestataires autres que ceux mentionnés précédemment (je les nommerai les prestataires « qui occupent un autre emploi »), une semaine entière de travail est définie comme étant le nombre d’heures, de jours ou de quarts de travail normalement effectués au cours d’une semaine civile par des personnes du même rang, de la même classe ou faisant partie de la même équipe à l’usine, à l’atelier ou en tout autre lieu où ils exercent ou exerçaient un emploiNote de bas de page 5 . Cependant, pour utiliser cette règle, il doit y avoir une relation d’emploi et l’employé ne doit pas déterminer ses propres heures de travail. Sinon, l’autre règle s’applique. 

[8] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire avait un emploi, mais ne déterminait pas ses propres heures de travail.

[9] En comparant les heures que le prestataire a travaillées selon un calendrier où des personnes avaient le même emploi sur les lieux de son travail, la Commission a décidé qu’il n’avait pas travaillé du 17 au 30 janvier 2021. La Commission affirme que le prestataire lui a mentionné qu’il avait travaillé 42 heures pendant ces semaines. La Commission mentionne que c’est plus que les 35 heures travaillées au cours d’une semaine civile par des personnes du même rang, de la même classe ou de la même équipe que le prestataire. Ainsi, la Commission a conclu que le prestataire ne pouvait pas recevoir des prestations d’assurance-emploi pour cette période. Lorsque la Commission a rendu cette décision, le prestataire avait déjà reçu des prestations, ce qui a créé un trop-payé de 757 $.

[10] Le prestataire est en désaccord. Il fait valoir qu’il aurait dû recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il mentionne qu’il était payé à la commission, non à un taux horaire. Il ajoute qu’en tenant compte des pauses, il travaillait un peu moins de 35 heures par semaine. Par conséquent, il déclare qu’il n’effectuait pas des semaines entières de travail.

[11] Je dois d’abord décider si le prestataire était un travailleur indépendant ou un employé pouvant déterminer ses heures de travail lorsqu’il a offert ses services de télémarketing du 17 au 30 janvier 2021. Le cas échéant, la règle des prestataires qui occupent un autre emploi ne s’applique pas pour décider s’il effectuait une semaine entière de travail.

[12] J’ai conclu, pour les raisons mentionnées ci-dessous que le prestataire était soit travailleur indépendant ou un employé pouvant déterminer ses propres heures de travail du 17 au 30 janvier 2021. La Commission n’a donc pas appliqué la règle adéquate pour décider s’il effectuait des semaines entières de travail.

Question que je dois examiner en premier

Le prestataire n’était pas présent à l’audience

[13] Le prestataire n’était pas présent à l’audience. L’audience peut avoir lieu en l’absence du prestataire, si ce dernier a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 6 . J’estime que le prestataire a reçu cet avis puisqu’il a été transmis à l’adresse électronique dont il avait autorisé la Commission à utiliser le 12 juillet 2021. Il n’y a pas d’élément de preuve comme quoi l’avis d’audience a été retourné comme message non-livrable. Le personnel du Tribunal a laissé un message au prestataire avant l’audience pour survoler le processus d’audience, mais le prestataire n’y a pas répondu. J’ai demandé au Tribunal de tenter de communiquer avec le prestataire pendant l’audience pour voir s’il avait eu des difficultés à se connecter à l’audience, mais en vain. Le personnel du Tribunal a laissé un message au prestataire pour lui demander de se connecter à l’audience ou de communiquer avec le Tribunal le plus tôt possible. Le prestataire n’a pas répondu à ce message.   

[14] Ainsi, l’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais sans le prestataire. 

Le Tribunal peut seulement examiner la décision découlant de la révision de la Commission datée du 23 avril 2021Note de bas de page 7  

[15] La Commission a mentionné dans ses observations qu’elle avait rendu une autre décision le 1er juin 2021 en lien avec le prestataire et son trop-payé. La Commission mentionne que le prestataire n’avait pas encore demandé une révision de cette décision, elle ne peut donc pas être examinée dans le cadre du présent appel. La Commission affirme que seules les semaines de prestations du 17 au 30 janvier 2021 ont été révisées.

[16] Le prestataire mentionne dans son avis d’appel que le montant du trop-payé a augmenté à 3 399 $ et que cela porte à confusion.

[17] Je n’ai pas de copie de la décision de la Commission datée du 1er juin 2021 ou de toute autre information connexe avec moi. Pour qu’un prestataire fasse appel d’une décision devant le Tribunal, il doit d’abord avoir demandé une révision de cette décision de la Commission et la Commission doit effectuer une révision de la décision. En effet, le Tribunal a seulement le pouvoir d’examiner les décisions découlant d’une révision de la CommissionNote de bas de page 8 . Je ne peux donc pas examiner ou rendre une décision concernant la décision initiale de la Commission datée du 1er juin 2021. Le prestataire devrait communiquer avec la Commission pour veiller à avoir une copie de toutes les décisions concernant sa demande. Si le prestataire est en désaccord avec l’une des décisions initiales, il devra suivre le processus habituel en demandant d’abord une révision de la décision. Ensuite, s’il n’est pas d’accord avec la décision découlant de la révision, il doit en faire appel devant le Tribunal. La seule décision découlant d’une révision qui a été présentée devant le Tribunal est celle datée du 23 avril 2021 concernant l’inadmissibilité au bénéfice des prestations pour la période du 17 au 30 janvier 2021. Il s’agit donc de la seule décision que je peux examiner dans le cadre de cet appel.

Question en litige

[18] Je dois décider si le prestataire était un travailleur indépendant ou un employé pouvant établir ses propres heures de travail. Sinon, je dois décider, au moyen de la règle des prestataires qui occupent un autre emploi, s’il effectuait des semaines entières de travail du 17 au 30 janvier 2021.  

Analyse

[19] La loi prévoit que vous pouvez recevoir des prestations d’assurance‑emploi pour chaque semaine où vous êtes au chômageNote de bas de page 9 . Une semaine de chômage signifie une semaine pendant laquelle vous n’effectuez pas une semaine entière de travailNote de bas de page 10 .

[20] La loi précise une règle qui définit une « semaine entière de travail » si vous êtes travailleur indépendant ou si vous êtes un employé pouvant établir vos propres heures de travail, et une autre règle si vous êtes une personne qui occupez un autre emploi.

[21] Si vous êtes un travailleur indépendant ou exploitez une entreprise, ou soit à titre d’associé ou de cointéressé, ou vous exercez un autre emploi où vous pouvez déterminer vos heures de travail, vous êtes réputé avoir effectué une semaine entière de travailNote de bas de page 11 . Ainsi, vous n’êtes pas réputé être au chômage et vous ne pouvez pas recevoir des prestations d’assurance-emploi. Toutefois, cette présomption peut être réfutée si votre participation à ces activités est dans une mesure si limitée qu’une personne ne pourrait pas compter en temps normal sur cet emploi ou l’exploitation de l’entreprise comme principal moyen de subsistanceNote de bas de page 12 . Il y a des éléments précis mentionnés dans le Règlement sur l’assurance-emploi qui doivent être tenus en compte pour décider si le travail ou la participation dans l’entreprise ou l’exploitation de celle-ci est de nature limitéeNote de bas de page 13 .

[22] Si vous occupez un autre emploi (c’est-à-dire que vous n’êtes pas un travailleur indépendant et vous n’avez pas un emploi où vous pouvez déterminer vos propres heures de travail), la loi précise qu’une « semaine entière de travail » correspond au nombre d’heures, de jours ou de quarts de travail qu’accomplissent normalement dans une semaine civile les personnes du même rang, de la même classe ou faisant partie de la même équipe à l’usine, à l’atelier ou en tout autre lieu où le prestataire exerce ou exerçait un emploiNote de bas de page 14 .

[23] Je dois d’abord établir de quelle manière le prestataire offrait ses services de télémarketing entre le 17 et le 30 janvier 2021. C’est-à-dire que je dois décider s’il était un travailleur indépendant ou un employé pouvant déterminer ses propres heures de travail pour savoir si la Commission a appliqué la bonne règle juridique afin d’établir si le prestataire effectuait une semaine entière de travail.  

[24] Il revient au prestataire de prouver qu’il n’effectuait pas, à titre de personne qui occupe un autre emploi, des semaines entières de travail du 17 au 30 janvier 2021. Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 15 .

[25] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 24 octobre 2020 et la période des prestations commençait le 18 octobre 2021.  

[26] Le 17 février 2021, le prestataire a produit au téléphone ses déclarations pour la période du 17 au 30 janvier 2021. Il a déclaré pour la semaine du 17 au 23 janvier 2021 avoir travaillé 42 heures et avoir gagné 220 $. Il a déclaré pour la semaine du 24 au 30 janvier 2021 avoir travaillé 42 heures et avoir gagné 265 $. Le prestataire a également fourni le nom de son gestionnaire et son numéro de téléphone, et a déclaré qu’aucun des revenus déclarés ne provenait d’un travail indépendantNote de bas de page 16 .

[27] Le 27 février 2021, la Commission a envoyé au prestataire un avis de dette pour la somme de 757 $, mais aucune lettre de décision initialeNote de bas de page 17 .

[28] Le prestataire a rempli une demande de révision de la décision le 15 avril 2021, après avoir reçu l’avis de dette. Le prestataire a déclaré avoir été informé qu’il avait travaillé plus de 35 heures et que ces heures comptaient encore pour du travail. Il a mentionné qu’il ne recevait pas de salaire horaire. Il a ajouté qu’il avait, par exemple, été rémunéré juste 20 $ au cours de sa dernière semaine de travail. Il a déclaré qu’il était payé à la commission seulementNote de bas de page 18 .  

[29] Le prestataire a également mentionné à l’agent de révision de la décision de la Commission qu’il contestait le fait qu’il recevait un salaire horaire. Il a confirmé avoir travaillé 42 heures pendant la semaine du 17 au 23 janvier 2021 et avoir été payé 220 $ et 42 heures pendant la semaine du 24 au 30 janvier 2021 et avoir été payé 265 $.

[30] L’agent de révision de la décision de la Commission a mentionné que le prestataire avait également confirmé que son emploi était un contrat pour services (travail indépendant) et cet élément a aussi été confirmé avec le gestionnaire du prestataireNote de bas de page 19 .

[31] La Commission a décidé, à la lumière de cette information, que le prestataire était réputé effectuer des semaines entières de travail et n’était pas au chômage du 17 au 30 janvier 2021 parce que le nombre d’heures qu’il travaillait chaque semaine (42) était supérieur au nombre d’heures habituellement travaillées par les employés du même rang, de la même classe ou de la même équipe que l’on considère comme des employés à temps plein (35 heures et plus)Note de bas de page 20 .

[32] Il n’y a pas d’information dans le dossier de l’employeur concernant l’horaire des employés du même rang, de la même classe ou de la même équipe que le prestataire suivrait au cours d’une semaine civile ou sur ce qui est considéré comme des heures à temps plein pour ces employés. On ne sait pas exactement d’où provient l’information de la Commission selon laquelle 35 heures par semaine correspondaient à un travail à temps plein . La Commission n’a pas indiqué d’où provenait ce chiffre.

[33] Le prestataire affirme que dans son avis d’appel, il est mentionné qu’il travaillait 36 heures chaque semaine. Il affirme avoir travaillé six heures par jour, six jours par semaine. Il mentionne que s’il avait tenu compte des pauses pendant ses jours de travail, il aurait travaillé moins de 35 heures par semaine. Il mentionne qu’il prenait une heure en pause dîner et qu’il allait courir une demi-heure pendant la journée.

[34] La Commission mentionne que même si le prestataire déclare dans son avis d’appel avoir travaillé seulement 36 heures chaque semaine en soustrayant les pauses qu’il a prises, ce qui totalise moins de 35 heures de travail par semaine, plus d’une fois le prestataire a déclaré avoir travaillé 42 heures pendant les semaines dont il est question. Il a d’abord déclaré cette information dans ses rapports du 17 février 2021Note de bas de page 21 et ensuite dans le cadre de sa demande de révision de la décision le 23 avril 2021Note de bas de page 22 . La Commission mentionne que les deux premières déclarations du prestataire concernant ses heures de travail sont plus crédibles que la déclaration faite dans le cadre de cet appel. La Commission affirme qu’en règle générale, une déclaration spontanée devant la personne offre une meilleure compréhension des incidences de cette déclaration sur les prestations, elle sera privilégiée à une déclaration faite lorsque la personne a pris connaissance de la raison du refus aux prestations.

[35] Il n’y a pas beaucoup de preuves dans le dossier au sujet de la nature de la relation dans le cadre de laquelle le prestataire offrait ses services de télémarketing. Toutefois, j’estime, selon la preuve fournie, que le prestataire a offert ses services de télémarketing soit comme travailleur indépendant, soit comme employé pouvant déterminer ses propres heures de travail. 

[36] Le prestataire et son employeur ont tous deux confirmé que le prestataire avait été embauché comme travailleur indépendant dans le cadre d’un contrat pour servicesNote de bas de page 23 . Habituellement, le terme contrat « de services » s’entend de toute relation d’emploi où un contrat « pour services » désigne un cas où la personne offre des services comme entreprise ou individu travaillant à son propre compteNote de bas de page 24 . Le fait que l’employeur et le prestataire désignaient sa situation comme étant celle d’un travailleur « autonome » laisse également entendre que la nature de la relation était l’une où le prestataire pouvait déterminer en quelque sorte son horaire et son travail. La façon dont les parties définissent la relation comme telle n’est pas déterminante, mais il s’agit d’un facteur à tenir en compte.

[37] De plus, le prestataire était rémunéré seulement à la commission. Il s’agit également d’un facteur déterminant, puisqu’il peut y avoir des relations d’emploi où l’employeur détermine l’horaire, mais que la rémunération de l’employé comprend des commissions. Toutefois, le fait que les commissions composaient la rémunération en entier suggère qu’il ne s’agissait pas d’une relation d’emploi habituelle.

[38] Il est vrai que le prestataire a mentionné dans son rapport que les revenus déclarés ne provenaient pas d’un emploi indépendant. Cependant, j’accorde peu d’importance à cette déclaration puisqu’il n’y a pas de catégorie dans le rapport du prestataire pour une embauche ou une relation avec un entrepreneur indépendant où l’employé détermine ses propres heures de travailNote de bas de page 25 .

[39] Il n’y a pas de preuve comme quoi le prestataire avait un horaire officiel ou fixe, ou qu’il devait travailler un nombre d’heures précises pendant la semaine. L’avis d’appel du prestataire laisse également entendre qu’il avait la capacité de déterminer ses propres heures de travail. Par exemple, il a déclaré aller courir une demi-heure chaque jour. L’employeur n’a fourni aucune information à la Commission concernant les heures pouvant être considérées à temps plein pour les employés en ce qui concerne le cas du prestataire. De plus, la Commission n’a pas fourni d’information sur la manière dont elle avait obtenu le chiffre des 35 heures par semaine.  

[40] Ainsi, en tenant compte de l’ensemble de la preuve, je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire était travailleur indépendant ou dans une relation d’emploi où il déterminait ses propres heures de travail. Il n’y a pas suffisamment d’information au dossier pour décider de la catégorie dont il fait partie. Toutefois, je suis convaincue que le prestataire n’était pas dans une situation d’emploi où l’employeur déterminait ses heures de travail.  

[41] La Commission s’est fondée sur l’article 31(1) du Règlement sur l’assurance-emploi qui ne s’applique pas aux travailleurs indépendants ou aux employés qui déterminent leurs propres heures de travail. Puisque le prestataire était travailleur indépendant ou employé dans une situation où il déterminait ses propres heures de travail, cette disposition ne s’applique pas à lui.

[42] Le prestataire a donc démontré qu’il n’est pas une personne qui occupe un autre emploi effectuant une semaine entière de travail parce qu’il est travailleur indépendant ou qu’il a un emploi où il détermine ses propres heures de travail.

[43] Il n’est donc pas nécessaire que je décide si le prestataire a travaillé plus que le nombre d’heures, de jours ou de quarts normalement effectués au cours d’une semaine civile par des personnes du même rang, de la même classe ou faisant partie de la même équipe à son travail.

Conclusion

[44] Je conclus que le prestataire n’était pas une personne qui occupait un autre emploi effectuant des semaines entières de travail du 17 au 30 janvier 2021. Pour cette raison, l’inadmissibilité est donc renversée.  

[45] Ainsi, l’appel est accueilli.

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire a démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand elle l’a fait. La prestataire était fondée à quitter son emploi parce que le départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE).

Aperçu

[3] La prestataire touchait des prestations régulières d’AE. Pendant qu’elle touchait des prestations, elle a commencé un emploi dans une entreprise de nettoyage le 6 avril 2021. La prestataire a quitté son emploi le 10 avril 2021. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de la prestataire pour quitter son emploi. Elle a conclu que cette dernière a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi, et elle était donc dans l’impossibilité de lui verser des prestations à partir du 4 avril 2021.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de démissionner.

[5] La prestataire affirme que son employeur n’a pas respecté sa part de l’entente de lui offrir du transport de chez elle vers le milieu de travail et vice-versa, ce qui constituait une condition d’acceptation de l’emploi. Elle a aussi dit que l’employeur ne suivait pas les lois de santé publique sur le port du masque pendant la pandémie, ce qui mettait sa santé et celle de sa famille à risque. La prestataire affirme qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de démissionner parce qu’elle ne voulait pas utiliser les transports publics en raison des risques pour la santé, et qu’elle ne pouvait pas se permettre les frais pour d’autres types de transport puisqu’elle ne gagnait que 16 $ l’heure. Elle affirme par ailleurs qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de démissionner en raison du risque pour la santé que représentait le refus de l’employeur de respecter les lois sur le port du masque.

[6] La Commission affirme que la prestataire a démissionné après quatre jours et qu’elle n’a pas tenté de résoudre tous les problèmes avec son employeur. Elle n’a pas non plus exploré d’autres solutions raisonnables qui existaient. Elle dit que la prestataire aurait pu parler de ses préoccupations concernant la sécurité avec son employeur. Aussi, la prestataire est d’accord sur le fait que son directeur lui avait dit qu’il examinait la possibilité de la faire travailler à domicile. La Commission affirme que la prestataire n’avait pas l’urgent besoin de quitter son emploi en raison des problèmes de transport et qu’elle aurait donc pu explorer cette solution raisonnable.

Question en litige

[7] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour trancher la question, je dois d’abord me pencher sur la question du départ volontaire de la prestataire. Je dois ensuite décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Question que je dois examiner en premier

Partie potentiellement mise en cause

[9] Le Tribunal a établi que l’employeur du prestataire pouvait être mis en cause dans l’appel. Il a envoyé une lettre à l’employeur pour lui demander s’il souhaitait être mis en cause. Pour être mis en cause, l’employeur doit montrer qu’il a un intérêt direct dans la décisionNote de bas de page 1 . L’employeur n’a pas répondu à la lettre du Tribunal. Puisqu’il n’y a rien dans le dossier d’appel qui m’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas le mettre en cause dans le présent appel.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que la prestataire a quitté volontairement son emploi

[10] J’accepte que la prestataire a volontairement quitté son emploi. La prestataire admet avoir quitté son emploi le 10 avril 2021. Je ne vois aucun élément de preuve venant contredire ceci.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi

[11] Les parties ne s’entendent pas le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait.

[12] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2 . Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[13] La loi explique le sens de « justification ». La loi prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de démissionner au moment de le faire. Elle indique qu’il faut examiner toutes les circonstancesNote de bas de page 3 .

[14] La prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule solution raisonnable était de quitter son emploiNote de bas de page 4 .

[15] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand la prestataire a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 5 .

[16] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent à la prestataire, celle-ci devra démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 6 .

Circonstances au moment de la démission de la prestataire

[17] La prestataire affirme qu’elle a quitté son emploi parce que l’employeur n’avait pas respecté l’entente de lui offrir le transport pour aller au travail et en revenir. La prestataire affirme que deux des circonstances énoncées dans la loi s’appliquent à son cas. Plus précisément, elle affirme que l’employeur avait des pratiques contraires aux lois de santé publiqueNote de bas de page 7 et que les conditions de travail représentaient un danger pour sa santé et sa sécuritéNote de bas de page 8 . Elle dit que c’est parce que l’employeur ne respectait pas les lois de santé publique relatives à la pandémie concernant le port du masque. 

[18] La prestataire a déclaré qu’elle avait eu une entrevue avec le directeur de l’employeur, dans le bureau de l’entreprise de nettoyage, le 2 avril 2021. Le directeur voulait l’embaucher immédiatement puisqu’elle avait de l’expérience en nettoyage. La prestataire a affirmé qu’elle ne possédait pas de voiture et qu’elle ne voulait pas utiliser les transports publics en raison de la pandémie. Elle a dit qu’il aurait fallu qu’elle prenne deux autobus pour se rendre au bureau de l’employeur. Elle s’inquiétait de contracter la COVID-19 dans les transports publics. La prestataire affirme qu’elle avait été honnête avec le directeur à ce sujet. Elle lui a dit qu’elle n’avait pas d’auto, et que la seule façon qu’elle pourrait accepter l’emploi, c’était si l’employeur fournissait le transport vers le lieu de travail et pour rentrer chez elle. La prestataire affirme que le directeur voulait vraiment l’embaucher et qu’il lui a dit qu’il était [traduction] « absolument » d’accord avec ça. Il lui a dit que d’habitude, les employés se rencontraient au bureau, mais qu’il pourrait prendre des arrangements pour que la personne qui conduisait la voiture de l’entreprise l’embarque chez elle et qu’il la dépose après le travail. Il a dit que ce ne serait pas un problème. 

[19] La prestataire a expliqué que le directeur ne portait pas de marque au moment de l’entrevue qui se tenait dans un petit bureau. Elle a souligné que cela était pendant la période de confinement et que les masques devaient alors être portés au travail. La prestataire a dit qu’elle était enthousiaste d’être embauchée, mais qu’elle n’a pas pensé au fait que le directeur ne portait pas de masque avant d’être rentrée chez elle. 

[20] Elle a aussi affirmé qu’elle a commencé à travailler le 6 avril 2021. La superviseure est venue la chercher chez elle le matin. Il y avait deux autres employés dans la voiture. Ils faisaient leur quart de travail puis la superviseure les conduisait jusqu’au bureau de l’employeur. La prestataire a rempli les papiers avec le directeur à la fin de son quart de travail et encore là, il ne portait pas de masque. Elle se souvient que dans son contrat de travail, on spécifiait que l’équipement de protection individuelle était soit fourni, soit requis. La prestataire ne se souvient pas d’avoir eu une discussion au sujet des protocoles entourant la COVID-19. Il n’y a eu aucune formation sur la sécurité. 

[21] La prestataire affirme qu’elle n’a pas reçu de copie du contrat de travail, mais que celui-ci ne faisait pas mention de l’entente verbale avec le directeur concernant le transport vers le travail et vers son domicile. Après avoir rempli les papiers, le directeur a demandé à la prestataire comment elle allait rentrer chez elle. Un peu mal à l’aise, elle l’a regardé et lui a répondu qu’elle devrait probablement prendre un « Uber ». Il l’a dirigée vers la route principale. La prestataire affirme qu’elle a dépensé 20 $ pour rentrer chez elle. Elle pensait que c’était un cas unique.

[22] La prestataire a dit que le matin suivant, on l’a embarquée chez elle le matin, mais qu’on ne l’a pas ramenée à la maison après le travail. Une collègue l’a vue marcher le long de la route principale du bureau et l’a déposée chez elle. Cette collègue lui a offert de la reconduire au travail et à la maison pour 55 à 60 $ par semaine. La prestataire lui a demandé si elle accepterait de le faire pour 40 $. La collègue a toutefois refusé. La prestataire a dit qu’elle ne pouvait pas se permettre de dépenser 50 à 60 $ par semaine puisque, même si [sic] le salaire était de 16 $ l’heure. Elle a expliqué qu’elle n’était payée que pour le temps pendant lequel était dans la maison où elle faisait le nettoyage. Elle a dit qu’une journée, elle n’a pas commencé avant 13 h.

[23] La prestataire a dit que le deuxième jour, après que l’employeur eut fait les arrangements pour son transport, elle a envoyé un texto au directeur qui disait à peu près ce qui suit : [traduction] « On ne m’a pas ramenée à la maison. C’est un peu malaisant, car tout le monde se rend là et chacun part de son côté. Nous nous étions entendus qu’on me prendrait à la maison et qu’on m’y ramènerait. »  La prestataire a dit que le directeur lui avait répondu que la superviseure lui en parlerait le lendemain. Toutefois, la prestataire a affirmé que personne ne lui a parlé du transport le jour suivant. Le jour suivant, toutefois, une collègue l’a déposée chez elle et le jour d’après, puisqu’elle avait accepté de travailler plus tard si on la reconduisait chez elle par la suite, la superviseure l’a déposée chez elle.

[24] La prestataire a dit que le samedi 10 avril, elle a texté le directeur et lui a dit que ça ne fonctionnait pas, puisqu’on ne la reconduisait pas chez elle. Il lui a répondu qu’il était désolé d’entendre ça et qu’il aurait aimé la garder au sein de l’équipe. Il a dit que la propriétaire trouvait qu’elle était excellente pour faire le nettoyage. Il lui a demandé s’il y a quelque chose que l’employeur pouvait faire mieux et qu’il pouvait examiner la possibilité de la reconduire chez elle. La prestataire a affirmé qu’elle ne le croyait plus, parce qu’il n’avait pas tenu sa promesse. Il avait eu le temps de faire des arrangements pour le transport et ne l’avait pas fait. Il avait promis d’aborder cette question avant, mais n’avait rien fait. Elle affirme qu’elle avait été claire dès le départ qu’elle n’accepterait le travail que si on lui offrait le transport vers le travail et vers chez elle.

[25] La prestataire affirme qu’en plus de la question du transport, elle avait aussi des préoccupations concernant le risque pour sa santé et celle de sa famille puisque l’employeur ne suivait pas les règles de santé publique entourant le port du masque pendant la pandémie. Elle a affirmé qu’elle et son mari visitaient son beau-père, un aîné qui avait des problèmes de santé et qui vivait seul. Elle ne voulait pas se mettre à risque ni mettre à risque sa famille en faisant ce travail. La prestataire a dit que le directeur n’avait pas porté de masque alors qu’elle était avec lui au bureau à deux reprises. Elle a affirmé que lorsqu’on la reconduisait aux différents emplacements où il fallait faire le nettoyage, la superviseure portait son masque, mais les deux autres collègues enlevaient régulièrement leur masque. La superviseure ne disait rien. Ils mangeaient aussi dans l’auto, sans porter le masque. À une occasion, alors que la propriétaire de l’entreprise de nettoyage la conduisait d’un site de nettoyage à l’autre, cette dernière ne portait pas de masque et a dit que le port du masque était [traduction] « optionnel ». La prestataire a mentionné que sur l’un des sites de nettoyage où elle devait travailler, une autre équipe de nettoyage de la même entreprise était sur place et certains des membres de cette équipe ne portaient pas de masque. La prestataire a dit qu’elle n’a jamais soulevé la question du port du masque à l’employeur parce qu’elle se disait qu’ils étaient au courant. C’était après tout exigé selon les règles de santé publique et elle n’est pas du type à engager des confrontations. La prestataire a affirmé que les manquements de l’employeur en ce qui concerne les règles sur le port du masque mettaient à risque sa santé et celle des membres de sa famille.

[26] Le directeur de l’employeur a dit à la Commission qu’ils étaient tous bien au fait des protocoles de santé et de sécurité au travail pendant la pandémie de COVID-19. Le directeur a dit que la prestataire lui a parlé le 11 avril 2021 et lui a expliqué qu’elle quittait son emploi en raison des problèmes liés au transport. Elle lui a dit que son conjoint utilisait la voiture pour aller travailler et qu’ils ne pouvaient pas se permettre d’en acheter une autre. Le directeur a dit à la Commission que la prestataire avait déjà exprimé des préoccupations quant au transport vers chez elle après ses quarts de travail. Il a dit que l’employeur avait un véhicule d’entreprise qui servait à transporter les employés d’un site de travail à l’autre. Les employés se rencontrent au bureau de l’employeur. À la fin du quart de travail, le véhicule est utilisé pour ramener les employés au bureau de l’employeur. Le directeur a dit que la prestataire avait fait des arrangements avec une collègue pour qu’elle l’embarque le matin et qu’elle la dépose le soir après le travail, mais que celle-ci voulait 50 $ par semaine pour transporter la prestataire. La prestataire ne voulait pas payer cette somme et elle a donc quitté son emploi. Le directeur a dit que puisque la prestataire avait exprimé ses préoccupations quant à son transport pour rentrer chez elle après le travail, il lui avait offert d’examiner la possibilité de la déposer après les quarts de travail, mais qu’elle avait répondu qu’elle ne reviendrait pas travailler.

Question du transport

[27] J’estime que l’une des circonstances de la démission de la prestataire était que l’employeur n’avait pas respecté l’entente de lui fournir du transport vers le lieu de travail et vers chez elle.

[28] Bien que l’employeur reconnaisse que la prestataire avait exprimé des préoccupations au sujet du transport, il n’a pas reconnu avoir pris avec elle l’entente de fournir le transport. Toutefois, j’estime crédible la preuve de la prestataire, selon laquelle il y avait eu une telle entente. Elle a présenté sa preuve sous serment. Elle était directe et répondait ouvertement aux questions. De plus, la preuve de la prestataire était cohérence avec l’information qu’elle a donnée à la Commission. Je préfère donc sa preuve à celle de l’employeur, qui n’a pas été présentée sous serment et qui n’a pas été mise à l’épreuve.

Pratiques de l’employeur contraires à la loiNote de bas de page 9 et conditions de travail posant un danger pour la santé de la prestataireNote de bas de page 10

[29] J’estime aussi qu’une des circonstances de la démission de la prestataire est le fait que l’employeur ne respectait pas la loi, car il ne suivait pas les règles de santé publique entourant le port du masque. Une autre circonstance de la démission de la prestataire était le fait que la santé de la prestataire était en danger en raison du fait que l’employeur ne suivait pas ces règles.

[30] Le directeur a dit à la Commission qu’il connaissait bien les protocoles de santé et de sécurité. Toutefois, il n’y a aucune preuve indiquant que la Commission lui ait posé des questions ou qu’il ait fourni des informations à la Commission précisément sur le port du masque par les employés lorsque la loi l’exigeait. Le fait que le directeur était au courant des protocoles de sécurité ne signifie pas qu’il les respectait. La preuve directe de la prestataire indique que le directeur n’a pas porté le masque à deux reprises dans un milieu fermé, qu’elle devait être en voiture avec d’autres employés qui retiraient parfois leur masque, et qu’elle mangeait dans cette voiture sans porter le masque. Aussi, à une occasion, la propriétaire ne portait pas le masque alors qu’elle la conduisait à un site de nettoyage et a déclaré que le port du masque était « optionnel ». De plus, la prestataire a travaillé à un autre endroit où elle a observé d’autres employés du même employeur qui ne portaient pas le masque. Aucun de ces éléments de preuve directs n’a été précisément contredit par la preuve de l’employeur. Comme je l’ai déjà indiqué, j’estime que la preuve de la prestataire est crédible et je l’accepte.

[31] La prestataire n’a pas fourni de copie des lois de santé publique que l’employeur aurait enfreintes. Toutefois, tout le monde sait que les lois sur le port du masque sont en vigueur en Ontario depuis un certain temps. La prestataire n’est pas représentée et je ne m’attends pas à ce qu’elle soit en mesure de citer les passages pertinents de la loi en question. Je peux déduire qu’elle fait référence aux règlements de santé publique de l’Ontario concernant le port du masqueNote de bas de page 11 . Bien que le port du masque soit requis à l’intérieur en Ontario, au lieu et au moment où la prestataire était embauchée, il existe des exceptions. Par exemple, le port du masque n’est pas requis lorsqu’une personne travaille dans un endroit qui permet une distanciation physique d’au moins deux mètresNote de bas de page 12 .

[32] Je ne suis pas convaincue que la loi a été enfreinte pendant l’entrevue de la prestataire ou quand elle signait ses papiers puisque la prestataire n’a fourni aucune preuve m’indiquant à quelle distance elle se trouve du directeur à ce moment-là. Je suis toutefois convaincue que la loi a été enfreinte pendant les déplacements en voiture avec la propriétaire, alors que celle-ci ne portait pas de masque et aussi lorsque la prestataire était en voiture avec ses collègues et que ceux-ci retiraient leur masque. Il n’est pas possible de pratiquer la distanciation physique dans une voitureNote de bas de page 13 .

[33] Je conclus aussi que les conditions de travail de la prestataire posaient un danger pour sa santé en raison du fait que l’employeur ne respectait pas la loi sur le port du masque. La loi sur le port du masque a été mise en place pour protéger la santé du public et je peux donc inférer qu’une infraction de cette loi peut représenter un danger pour la santé de la prestataire.

[34] Je dois maintenant établir si la prestataire n’avait aucun autre choix raisonnable que de démissionner.

Aucune autre solution raisonnable

[35] La Commission affirme que la loi exige que la prestataire aborde ses préoccupations au sujet de la sécurité auprès de l’employeur, mais qu’elle ne l’a pas fait. La prestataire a indiqué qu’elle n’était pas du genre à vouloir confronter qui que ce soit, et qu’elle pensait qu’ils devaient savoir comment agir et que c’est pourquoi ils n’en ont pas discuté. La Commission souligne qu’une discussion n’est pas forcément une confrontation. La prestataire a indiqué qu’elle avait texté l’employeur au sujet de ses préoccupations entourant le transport. À ce titre, il aurait aussi été raisonnable qu’elle lui envoie un message pour lui faire part de ses préoccupations au sujet de la COVID-19.

[36] La Commission affirme également que la prestataire est d’accord que le directeur lui a dit qu’il allait regarder comment la reconduire à la maison après le travail. La Commission affirme que la prestataire n’avait pas l’urgent besoin de quitter son emploi en raison des problèmes de transport et qu’elle aurait donc pu explorer cette solution raisonnable.

[37] La prestataire affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable parce que l’employeur ne respectait pas les lois de santé publique entourant le port du masque. Elle dit que continuer à travailler pour un employeur qui ne respectait pas la loi et qui mettait sa santé et la santé de sa famille à risque n’était pas une solution raisonnable. La prestataire affirme qu’elle n’a rien dit à l’employeur au sujet du port du masque parce qu’elle croyait qu’en pleine pandémie, l’entreprise aurait été au courant des règles de santé publique.

[38] Elle affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable en ce qui concerne le transport, parce qu’elle ne voulait pas utiliser les transports publics, craignant pour sa sécurité. La prestataire dit qu’elle est pleinement vaccinée et qu’elle peut désormais utiliser les transports publics, mais qu’elle ne se sentait pas à l’aise de le faire à ce moment-là. Elle précise qu’elle ne pouvait pas se permettre de payer pour Uber chaque jour alors qu’elle n’était payée que 16 $ l’heure et que ses heures de travail étaient variables. Elle dit qu’elle a tenté de trouver une solution. Elle a essayé de négocier avec une collègue afin qu’elle accepte de lui offrir le transport pour moins de 55 $ par semaine, mais celle-ci a refusé. La prestataire affirme que bien qu’il soit vrai que le directeur a offert d’essayer d’organiser le transport pour elle après avoir reçu le message de démission de la prestataire, elle ne le croyait plus parce qu’il n’avait pas, à ce point-là, honoré son engagement de fournir le transport. Par ailleurs, après le message texte envoyé à son deuxième jour de travail, qui indiquait qu’on ne lui avait pas fourni le transport comme prévu, il a dit que la superviseure allait lui en parler, mais cela ne s’est pas produit et le transport n’a pas été offert.

[39] Si la seule question avait été la seule question, j’aurais été du même avis que la Commission que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de démissionner. Il est vrai que l’employeur n’a pas respecté son entente initiale et qu’il n’a pas fait de suivi après le message de la prestataire lui rappelant cette entente. Toutefois, en réponse à ce message qui l’informait que la prestataire démissionnait, le directeur a demandé s’il y a quelque chose qu’ils pouvaient mieux faire et qu’il allait examiner la possibilité de la ramener chez elle après le travail. Bien que la prestataire n’avait pas confiance dans la promesse du directeur à ce point-là, elle n’avait travaillé que quatre jours. J’estime qu’une solution raisonnable aurait été d’au moins donner à cet emploi une chance pour un peu plus longtemps pour voir si le directeur allait trouver une solution pour la question du transport. 

[40] Toutefois, ce n’était pas la seule circonstance du départ de la prestataire. Il y avait aussi comme circonstance le fait que l’employeur enfreignait les lois de santé publique entourant le port du masque et le danger pour la santé de la prestataire.

[41] Je suis d’accord avec la Commission que la loi indique qu’il incombe à la prestataire de discuter des conditions de travail avec l’employeur afin d’explorer la possibilité que la nature des conditions de travail soit modifiée en réponse aux préoccupations soulevéesNote de bas de page 14 . La prestataire ne l’a pas fait. Toutefois, il y avait dans les circonstances de la prestataire davantage qu’un milieu de travail qui posait un risque à sa sécurité. L’employeur enfreignait aussi les lois de santé publique. Le directeur de l’employeur a dit à la Commission qu’il était bien au courant des protocoles relatifs à la COVID-19. Ainsi, je conclus que le fait que la prestataire n’a pas soulevé cette question auprès de l’employeur n’est pas pertinent, compte tenu du fait que l’employeur a affirmé qu’il était déjà au courant des règles en place.

[42] En tout cas, je ne pense pas que soulever cette question auprès de l’employeur était une solution raisonnable pour la prestataire, puisque la propriétaire était d’avis que le port du masque, tel qu’exigé dans les lois de santé publique, était « optionnel ». Il me semble évident que l’employeur ne mettait pas en application les règles sur le port du masque. La superviseure qui conduisait la prestataire et les deux autres collègues ne disait rien lorsque ces personnes retiraient leur masque. La prestataire a vu d’autres personnes, sur un autre site de travail, qui travaillaient sans masque. Il ne s’agit pas d’une situation où l’employeur n’était pas au courant des règles en place. Le directeur affirme qu’il était bien au courant des protocoles relatifs à la COVID-19. Il s’agit plutôt d’une situation où l’employeur a choisi de ne pas suivre les règles. Si la prestataire avait soulevé ses préoccupations auprès de la propriétaire, il est peu probable que celle-ci aurait commencé à exiger de ses employés qu’ils respectent les lois sur le port du masque alors qu’elle ne portait pas le masque elle-même en voiture et qu’elle affirmait que cette loi était « optionnelle ». Il n’était pas raisonnable pour la prestataire de continuer à travailler dans un tel environnement qui posait un risque pour sa santé, alors que l’employeur enfreignait sciemment les lois de santé publique.

[43] Compte tenu des circonstances qui existaient quand la prestataire a quitté son emploi, la prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi, pour les raisons mentionnées précédemment.

[44] Cela signifie que la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[45] Je conclus que la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

[46] L’appel est donc accueilli.

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