Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – choix de prestations parentales – informations trompeuses – irrévocabilité – article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi

Le prestataire a demandé des prestations parentales de l’assurance-emploi alors que son enfant avait presque 11 mois. Il a choisi des prestations parentales standards. Il a demandé 17 semaines de prestations, mais la Commission lui a dit qu’elle pouvait seulement lui en verser 6. En effet, les prestations parentales standards peuvent seulement être versées au cours de 52 semaines suivant la naissance de l’enfant. Le prestataire a demandé de changer ses prestations pour des prestations parentales prolongées en indiquant qu’il avait fait un erreur lorsqu’il a choisi les prestations parentales standards. La Commission a refusé de le faire. Comme il avait déjà commencé à recevoir des prestations parentales standards, il était trop tard pour changer son choix.

Le prestataire a alors fait appel à la division générale (DG), qui a tranché en sa faveur. Selon elle, le prestataire avait fait un choix raisonnable sur la base des informations et des instructions fournies dans le formulaire de demande. Puisqu’il demandait moins de 35 semaines de prestations, il avait choisi l’option standard, qu’il croyait être la seule option possible dans son cas. La DG a jugé que le formulaire avait induit le prestataire en erreur, en lui faisant faire un choix contraire à ses besoins et à sa volonté. Le formulaire de demande explique la différence entre les prestations parentales standards et prolongées. Toutefois, le prestataire n’a pas été informé du délai pour recevoir les prestations après la naissance de l’enfant. Par conséquent, le prestataire n’a pas pu faire un choix éclairé entre les deux options de prestations. Son choix, soit l’option standard, était invalide (il ne pouvait pas être obligé de l’assumer).

La Commission a demandé la permission d’en appeler de la décision de la DG à la division d’appel (DA). La DA a conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. D’après le jugement de la Cour fédérale dans Karval (2021 CF 295), les prestataires qui s’interrogent sur certains aspects des prestations qu’ils demandent ont le devoir de se renseigner et de poser des questions à la Commission. Cependant, Karval ne s’applique pas dans ce cas-ci. En effet, dans ce jugement, la Cour fédérale a précisément distingué deux groupes : les personnes qui n’ont pas les connaissances nécessaires pour répondre à des questions claires, et celles qui sont induites en erreur par des informations erronées fournies par la Commission. Dans l'affaire qui nous occupe, la DG a conclu que le prestataire avait été induit en erreur par le formulaire de demande de la Commission. Le problème n'avait pas été un manque de connaissances du prestataire pour répondre à des questions claires. Dans Karval, la prestataire avait clairement choisi les prestations prolongées et attendu six mois avant de demander qu’on les remplace par des prestations standards. Les faits de l’affaire qui nous occupe et ceux de l’affaire Karval diffèrent grandement. Le jugement Karval ne s’applique donc pas au cas présent. En ce qui concerne l’article 23(1.2), qui interdit de changer un choix, il convient de noter que la question de savoir si le prestataire a réellement choisi les prestations parentales standards n’est pas la même question que de savoir si ce choix peut être changé. La preuve appuie la décision de la DG. La DA a refusé de permettre à la Commission de faire appel de la décision de la DG.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c SA, 2021 TSS 406

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Partie demanderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie défenderesse : S. A.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 25 juin 2021
dans le dossier GE-21-938

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 18 août 2021
Numéro de dossier : AD-21-235

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le défendeur, S. A., est le prestataire dans la présente affaire. Il a demandé des prestations parentales de l’assurance-emploi le 3 février 2021, alors que son enfant avait près de 11 mois. Il a choisi les prestations parentales standards et a demandé 17 semaines de prestations. Le 29 avril 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a informé le prestataire qu’il pouvait recevoir des prestations parentales pendant seulement 6 semaines parce que les prestations parentales standards sont payables durant la période de 52 semaines suivant la naissance de l’enfant.

[3] Le prestataire a demandé le remplacement de ses prestations par les prestations parentales prolongées, affirmant qu’il avait fait une erreur en choisissant l’option standard. La Commission a refusé la demande du prestataire. Elle a expliqué qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations parentales standards après la période de 52 semaines et qu’il était trop tard pour changer d’option parce que des prestations lui avaient déjà été versées.

[4] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Son appel a été accueilli. La division générale a conclu que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations parentales standards pendant plus de 6 semaines. Elle a également conclu qu’il n’avait pas été informé de la durée de la période d’admissibilité aux prestations parentales standards et n’était donc pas en mesure de prendre une décision éclairée. Elle a conclu que le choix du prestataire, qui s’est arrêté sur les prestations parentales standards, était invalide.

[5] La Commission veut maintenant porter la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit. L’appel de la Commission n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je refuse la permission de faire appel.

Question en litige

[6] Voici les questions en litige :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que le prestataire avait été induit en erreur par le formulaire de demande et qu’elle a annulé le choix du prestataire?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi, qui empêchait le prestataire de changer d’option après avoir commencé à recevoir des prestations parentales?

Analyse

[7] Le critère juridique que la Commission doit remplir pour obtenir la permission de faire appel est de savoir s’il existe un moyen qui permettrait de soutenir que l’appel a une chance de succès. Il s’agit d’un critère peu rigoureuxNote de bas de page 1 .

[8] Pour trancher cette question, je dois décider si la division générale a peut-être commis une ou plusieurs des erreurs pertinentes (ou « moyens d’appel ») énumérées à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Les seuls éléments que je peux examiner sont si la division générale :

  1. a) a mené une procédure équitable;
  2. b) s’est prononcée sur toutes les questions qu’elle devait trancher, sans toutefois décider de celles qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher;
  3. c) a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  4. d) a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaireNote de bas de page 2 .

Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit

[9] Dans sa décision, la division générale a conclu que le prestataire avait l’intention de s’absenter du travail pendant moins de 35 semaines et qu’il a donc choisi les prestations parentales standards dans le formulaire de demande. Elle a également constaté que le formulaire de demande explique la différence entre les prestations parentales standards et prolongées. Toutefois, elle a décidé que le prestataire n’avait pas été informé de la durée de la période d’admissibilité aux prestations parentales et qu’il n’était donc pas en mesure de prendre une décision éclairée. Elle a conclu que le choix des prestations parentales standards était invalide.

La division générale n’a pas omis d’appliquer le principe voulant que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse

[10] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer le principe voulant que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse. Dans sa décision, la division générale aborde le témoignage du prestataire. À l’audience, il a dit que s’il avait su, au moment de faire sa demande, qu’il recevrait des prestations parentales standards pendant seulement 6 semaines, il aurait présenté sa demande plus tôt ou aurait choisi les prestations parentales prolongées. La division générale a reconnu que le prestataire a la responsabilité de comprendre l’option qu’il choisit, mais elle a conclu que la Commission a la responsabilité de veiller à ce que le formulaire de demande fournisse tous les renseignements dont le prestataire a besoin pour prendre une décision éclairée.

[11] Les tribunaux n’ont pas encore examiné la question de savoir si les personnes qui demandent des prestations parentales peuvent échapper aux conséquences d’un choix involontaire ou fait par erreur. Toutefois, les tribunaux ont confirmé que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse que les prestataires peuvent invoquer lors du non-respect d’autres conditions imposées par la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3 . Cela dit, la division générale n’a pas conclu que le prestataire ne connaissait pas la loi et elle ne l’a pas excusé pour une telle raison. Elle a plutôt jugé que le formulaire de demande l’avait induit en erreur ou mal informé au sujet des options offertes.

[12] La division générale a conclu que le choix du prestataire était fondé sur une interprétation raisonnable des renseignements et des instructions figurant dans le formulaire de demandeNote de bas de page 4 . Comme le prestataire demandait moins de 35 semaines de prestations, il a choisi l’option standard, croyant que c’était le seul choix possible. La division générale a conclu que le formulaire de demande avait induit le prestataire en erreur et l’avait amené à faire un choix contraire à ses besoins et à ses désirs.

[13] La Commission invoque la décision rendue récemment par la Cour fédérale dans l’affaire Karval c Canada (Procureur généralNote de bas de page 5 ). Elle reconnaît que les renseignements sur la période de prestations ne figurent pas sur le formulaire de demande, mais elle soutient qu’il ne s’agit pas d’un fondement pour invoquer une erreur de sa part. Selon la décision Karval, les prestataires doivent se renseigner sur les prestations voulues et poser des questions à la Commission si quelque chose n’est pas clair à leurs yeux.

[14] Je juge que la décision Karval ne s’applique pas dans ce cas-ci. Dans l’affaire Karval, la Cour a pris soin de faire la distinction entre les personnes qui n’ont pas les connaissances nécessaires pour répondre à des questions claires et celles qui sont induites en erreur parce qu’elles se fient sur de faux renseignements fournis par la CommissionNote de bas de page 6 .

[15] La division générale a conclu que le prestataire avait été induit en erreur par le formulaire de demande de la CommissionNote de bas de page 7 . Il ne s’agissait pas d’une situation où le prestataire n’avait pas « les connaissances nécessaires pour répondre correctement à des questions qui ne sont pas ambiguësNote de bas de page 8  ». Dans l’affaire Karval, la prestataire a nettement choisi l’option prolongée et a attendu six mois avant de demander un changement pour obtenir les prestations standards. Il y a de grandes différences entre les faits des deux affaires, ce qui signifie que la décision Karval ne s’applique pas à la présente situation.

[16] Je conclus qu’il est impossible de soutenir que la division générale a omis d’appliquer le principe voulant que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse. Elle a conclu que le prestataire avait fait le choix qu’il a fait parce qu’il avait été induit en erreur par le formulaire de demande, et non parce qu’il ne connaissait pas la loi.

Il est impossible de soutenir que la division générale a omis d’appliquer l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi

[17] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi, qui établit que le choix est irrévocable (impossible à modifier) dès que des prestations sont versées.

[18] Au titre de l’article 64(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division générale a le pouvoir de trancher toute question de droit ou de fait pour rendre une décision sur un appel. Ce pouvoir comprend la capacité d’examiner tous les éléments de preuve pour déterminer le choix qui a été fait et vérifier s’il était valide.

[19] La question de savoir si les prestataires ont choisi les prestations parentales standards dès le départ n’est pas la même que la question de savoir si leur choix peut être modifié. Je reconnais que la Commission demande aux prestataires de faire un choix sur le formulaire de demande de prestations et que le choix ne peut plus être modifié dès que la Commission leur verse des prestations parentales. Toutefois, cela ne veut pas dire que la division générale ne peut pas évaluer la preuve pour déterminer le type de prestations que le prestataire a choisi au départ ou pour voir si le choix du prestataire était valide.

[20] La division générale s’est penchée sur l’argument de la Commission selon lequel, dès que des prestations ont été versées au prestataire, le choix des prestations parentales standards est devenu irrévocableNote de bas de page 9 . La division générale a évalué la preuve et conclu que le choix du prestataire, qui s’est arrêté sur les prestations parentales standards, était invalide.

[21] La division d’appel a rendu un certain nombre de décisions dans lesquelles elle a conclu que le véritable choix fait par la personne qui demandait des prestations parentales pouvait différer de la prestation qu’elle avait sélectionnée dans le formulaire de demande. Le choix de la prestation est traité comme étant une preuve du choix des prestataires, sans toutefois en être une preuve concluanteNote de bas de page 10 . La division générale a suivi ce raisonnement. Même si elle n’est pas obligée de suivre les décisions de la division d’appel, elle n’avait aucune raison de s’écarter de ce raisonnement.

[22] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[23] En plus des arguments de la Commission, j’ai examiné le dossier et la décision de la division généraleNote de bas de page 11 .

[24] La preuve appuie la décision de la division générale. Je ne vois aucun élément de preuve que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter. Enfin, la Commission n’a pas soutenu que la division générale avait été injuste de quelque façon que ce soit.

Conclusion

[25] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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