Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 407

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (424198) rendue par la Commission
de l’assurance-emploi du Canada le 20 mai 2021
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Katherine Wallocha
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 24 juin 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 25 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-938

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. S. A., le prestataire, ne peut pas recevoir de prestations parentales standards de l’assurance-emploi après les 52 semaines autorisées par la loi.

[2] Par contre, le prestataire peut toucher des prestations parentales prolongées. Son choix de recevoir des prestations parentales standards n’est pas valide parce que la Commission ne lui a pas donné toute l’information nécessaire pour qu’il prenne une décision éclairée sur les prestations auxquelles il avait droit.

Aperçu

[3] Le prestataire a demandé des prestations parentales de l’assurance-emploi le 3 février 2021. Il a précisé que la date de naissance de son enfant était le 21 mars 2020. Il voulait recevoir des prestations parentales standards pendant 17 semaines.

[4] Le 29 avril 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a informé le prestataire que sa demande était approuvée et qu’il toucherait des prestations parentales pendant 6 semaines. Elle n’était pas en mesure de lui accorder les 17 semaines qu’il avait demandées en raison de la date à laquelle il a présenté sa demande. Les prestations parentales standards sont payables au cours des 52 semaines suivant la naissance de l’enfant.

[5] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a déclaré avoir fait une erreur lorsqu’il a demandé des prestations parentales. Il avait mal compris le processus de demande et avait sélectionné la mauvaise option. Il souhaitait remplacer les prestations parentales standards par les prestations parentales prolongées de sorte que les versements correspondent à sa période de congé.

[6] La Commission a maintenu sa décision initiale.

[7] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel. Il a déclaré qu’il ne savait pas qu’il devait demander les prestations prolongées. Il devait s’absenter du travail seulement pendant quatre mois, alors il a cru qu’il devait demander [des prestations] parentales standards. Il dit maintenant comprendre qu’il aurait dû choisir l’option prolongée puisque le congé qu’il a demandé tombait après le premier anniversaire de son enfant et après la fin du délai permis.

Motifs de ma décision

[8] Selon la Commission, la question en litige était que les prestations parentales versées au prestataire se terminaient avant le nombre de semaines qu’il avait demandé. La Commission affirme que la période de 52 semaines au cours de laquelle les prestations parentales standards peuvent être versées avait pris finNote de bas de page 1 , ce qui empêchait tout autre versement.

[9] Cependant, je constate qu’il y a une autre question en litige dans le présent appel. Le prestataire a demandé que ses prestations parentales standards soient remplacées par des prestations prolongées. Il a soulevé cette question et en a fait le fondement de sa demande de révision. La Commission a répondu à la question, présentant des arguments dans ses observations. La décision de révision cerne la question en litige comme étant les « prestations parentales ». Le choix entre les prestations standards et prolongées serait alors une sous-question se rapportant aux prestations parentales.

[10] J’estime avoir la compétence nécessaire pour trancher la question de savoir si le prestataire a choisi les prestations parentales standardsNote de bas de page 2 .

Question que je dois trancher

[11] Il y a deux questions en litige dans le présent appel :

  1. Le prestataire peut-il recevoir des prestations parentales standards après la fin de la période d’admissibilité de 52 semaines?
  2. Le prestataire a-t-il choisi les prestations parentales standards?

Motifs de ma décision

[12] Les prestations parentales sont payables aux prestataires qui veulent prendre soin de leur nouveau-néNote de bas de page 3 .

[13] Lorsqu’on demande des prestations parentales de l’assurance-emploi, il faut choisir entre deux types de prestations parentalesNote de bas de page 4  :

  • les prestations standards – la Commission verse pendant un maximum de 35 semaines des prestations parentales au taux de 55 % de la rémunération hebdomadaire;
  • les prestations prolongées – la Commission verse pendant un maximum de 61 semaines des prestations parentales au taux de 33 % de la rémunération hebdomadaire.

[14] La période d’admissibilité aux prestations parentales standards, durant laquelle les prestations peuvent être versées, commence la semaine de la naissance de l’enfant et se termine 52 semaines plus tardNote de bas de page 5 .

[15] La période d’admissibilité aux prestations parentales prolongées, durant laquelle les prestations peuvent être versées, commence la semaine de la naissance de l’enfant et se termine 78 semaines plus tardNote de bas de page 6 .

[16] Dans la loi, le fait de choisir un type de prestations s’appelle un « choix ». Dès qu’on reçoit un paiement de prestations parentales, il n’est plus possible de modifier son choixNote de bas de page 7 .

Le prestataire peut-il recevoir des prestations parentales standards après la fin de la période d’admissibilité?

[17] Non, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations parentales standards après les 52 semaines permises par la loi.

[18] Le dernier jour de travail du prestataire était le 29 janvier 2021. Il a demandé des prestations parentales le 3 février 2021. La Commission a établi que sa période de prestations commençait le 31 janvier 2021, c’est-à-dire le dimanche de la semaine où son arrêt de rémunération est survenu et où il a demandé des prestationsNote de bas de page 8 .

[19] L’enfant du prestataire est né le 21 mars 2020. Cela signifie que la période d’admissibilité de 52 semaines se termine le 20 mars 2021.

[20] La Commission affirme que le prestataire avait droit à 6 semaines de prestations parentales standards parce que sa période d’admissibilité prenait fin 6 semaines après avoir commencé. L’enfant du prestataire n’a pas été hospitalisé, donc il est impossible de prolonger la période de prestations.

[21] Le prestataire convient qu’il a sélectionné les prestations parentales standards. Il a expliqué que comme il demandait seulement 17 semaines de prestations parentales, il croyait devoir demander les prestations standards. Il comprend maintenant qu’il aurait dû demander [les prestations] prolongées pour qu’elles correspondent à sa période de congé, car celle-ci tombait après le premier anniversaire de son enfant et dépassait la date limite.

[22] Je suis d’accord avec le prestataire et la Commission. La loi est claire à ce sujet. Les personnes qui demandent des prestations parentales standards doivent les demander dans les 52 semaines suivant la date de naissance de l’enfant. En d’autres mots, le prestataire ne peut pas toucher de prestations parentales standards après les 52 semaines permises par la loi.

Le prestataire a-t-il choisi les prestations parentales standards?

[23] Non, je juge selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales prolongées.

[24] La Commission a fait valoir que le choix entre les prestations parentales standards et prolongées est irrévocable dès que des prestations parentales sont versées pour le même enfant. Le prestataire a déjà touché les prestations qu’il avait initialement demandées pour au moins une semaine. La Commission n’avait donc d’autre choix que de refuser sa demande de changer d’option.

[25] Cependant, une décision récente de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a précisé que, même si le Parlement a rendu le choix des prestations parentales irrévocable (impossible à modifier), il n’a pas défini le terme « choix », ni déclaré que le choix fait par les prestataires sur le formulaire de demande doit être définitivement réputé comme leur choix.

[26] D’après la division d’appel, rendre le choix irrévocable a pour but d’empêcher les prestataires de changer d’avis et de réévaluer quel type de prestations serait le plus avantageux si leur situation changeait. Il ne s’agit pas de punir les prestataires pour des erreurs vérifiables ou des malentendus objectivement raisonnables au moment de remplir leur demandeNote de bas de page 9 .

[27] Je ne suis pas tenue de suivre les orientations de la division d’appel, mais dans la présente affaire, je juge qu’elles s’appliquent.

[28] Dans son avis d’appel, le prestataire a mentionné qu’au moment de faire sa demande, il ignorait qu’il devait demander [les prestations] parentales prolongées. Comme il devait s’absenter du travail seulement pendant quatre mois, il a supposé par erreur qu’il s’agissait d’un congé standard. C’est seulement après la fin de ses prestations qu’il a été informé qu’il avait choisi le mauvais type de [prestations]. C’était la première fois qu’il demandait des prestations d’assurance-emploi, et l’autre parent ne prenait aucun congé, alors il pensait qu’il respectait amplement les délais imposés.

[29] Personne ne conteste le fait que le prestataire voulait 17 semaines de prestations parentales. Il a demandé des prestations parentales standards parce que 17 semaines, c’est moins que les 35 semaines habituelles de prestations standards. Il a précisé que la date de son retour au travail était le 31 mai 2021. Le relevé d’emploi indique que la date de rappel prévue est le 30 mai 2021. Je juge que l’intention du prestataire était de s’absenter du travail pendant moins de 35 semaines et qu’il a donc choisi les prestations parentales standards.

[30] Je suis d’accord avec la Commission sur un point : le formulaire de demande expliquait au prestataire le choix entre les prestations parentales standards et prolongées. Cependant, il manquait des renseignements essentiels dans cette explication. Le prestataire n’a pas été informé que la période d’admissibilité aux prestations parentales standards se termine 52 semaines après la semaine de naissance de son enfant. Ainsi, le prestataire n’était pas en mesure de prendre une décision éclairée. Par conséquent, son choix de prestations parentales standards est invalide.

[31] Le prestataire m’a dit que comme il souhaitait avoir moins de 35 semaines, il croyait devoir demander des prestations parentales standards. Par contre, s’il avait su au moment de présenter sa demande qu’il recevrait des prestations parentales pendant seulement 6 semaines, il aurait présenté sa demande plus tôt ou choisi l’option prolongée.

[32] Je reconnais que le prestataire est responsable de comprendre l’option qu’il choisit. Toutefois, la Commission a la responsabilité de veiller à ce que le formulaire de demande fournisse tous les renseignements dont le prestataire a besoin pour prendre une décision éclairée. La Commission a omis des renseignements essentiels dans son formulaire de demande, de sorte que le prestataire a été induit en erreur ou mal informé au sujet des options qui s’offraient à lui. De plus, le prestataire a appris qu’il recevrait uniquement 6 semaines de prestations parentales seulement après avoir reçu les prestations, une fois sa période de prestations terminée.

[33] Comme l’objet général de la Loi sur l’assurance-emploi est d’offrir des prestations aux personnes qui ne travaillent pas, il faut privilégier une interprétation large de ses dispositions. Toute ambiguïté découlant du texte de la Loi doit se résoudre en faveur du prestataireNote de bas de page 10 .

[34] Le prestataire a sélectionné une prestation qu’il n’avait pas l’intention de choisir. Il a agi ainsi parce qu’on ne lui a pas fourni toute l’information dont il avait besoin pour faire un choix délibéré et éclairé. Il ne faut pas punir le prestataire parce qu’il a sélectionné les prestations parentales standards alors que son choix était fondé sur une interprétation raisonnable des renseignements et des instructions figurant dans le formulaire de demande.

[35] Je trouve raisonnable le fait que le prestataire ait compris que comme il voulait moins de 35 semaines de prestations, l’option standard était le seul choix possible. Il a choisi les prestations parentales standards sans savoir que sa période de prestations prendrait fin avant qu’il puisse toucher des prestations pendant le nombre de semaines demandé.

[36] Par conséquent, je juge que le choix du prestataire, qui s’est arrêté sur les prestations parentales standards, était invalide dès le départ parce que le formulaire l’a induit en erreur et l’a amené à faire un choix contraire à ses besoins et à ses désirs.

Conclusion

[37] Les prestations parentales standards ne peuvent être versées au prestataire après le délai de 52 semaines suivant la semaine de la naissance de son enfant. Toutefois, le choix du prestataire, qui s’est arrêté sur les prestations parentales standards, est invalide. Par conséquent, il peut toucher des prestations parentales prolongées s’il le souhaite. Ainsi, [l’appel] est accueilli en partie.

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