Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – répartition de la rémunération – paiement en règlement – justice naturelle

Selon la loi, la Commission doit décider si les sommes reçues constituent une « rémunération », c’est-à-dire de l’argent que le prestataire a reçu dans le cadre de son emploi, même s’il l’a reçu dans le cadre d’un règlement après avoir cessé de travailler pour son employeur. Si les sommes reçues sont une rémunération, la Commission doit les déduire des prestations d’assurance-emploi (AE) que le prestataire devait recevoir. La Commission effectue ce calcul pour chaque semaine jusqu’à ce qu’il ne reste plus un sou de la rémunération. Autrement dit, durant la période où le prestataire a droit aux prestations, il doit d’abord épuiser toute sa rémunération avant de pouvoir toucher des prestations d’AE. C’est ce qu’on appelle la « répartition de la rémunération ».
Le prestataire a cessé de travailler pour son employeur en 2013. Plusieurs années plus tard, son ancien employeur lui a versé 148 000 $ à la suite d’une plainte de congédiement injustifié. La Commission a décidé qu’une partie du paiement versé dans le cadre du règlement, soit 73 210 $, constituait une « rémunération » au sens de la loi. Elle a réparti la rémunération à compter de la semaine où le prestataire a cessé de travailler parce qu’elle a conclu que l’employeur avait versé l’argent au prestataire puisqu’il avait perdu son emploi.
La division générale (DG) a conclu que la majorité de l’argent que le prestataire a reçu de son employeur était une rémunération qu’il fallait répartir, y compris les sommes versées pour l’assurance-maladie et l’assurance dentaire. Elle a cependant conclu que le remboursement des frais juridiques ne constituait pas une rémunération.
La division d’appel (DA) a accueilli l’appel du prestataire en partie. Autrement dit, elle était d’accord avec certains des arguments présentés par le prestataire. Devant la DG, le prestataire et la Commission ne s’entendaient pas sur la répartition des sommes versées pour l’assurance-maladie et l’assurance dentaire et sur la question de savoir si le remboursement des frais juridiques constituait une rémunération. La DG a conclu que le paiement versé dans le cadre du règlement comprenait une somme de 23 283 $ pour les frais juridiques. Elle a conclu que ce montant couvrait toutes les dépenses juridiques du prestataire et que, par conséquent, cet argent ne pouvait être considéré comme une rémunération. Lorsqu’elle a décidé si les sommes versées pour l’assurance-maladie et l’assurance dentaire constituaient une rémunération au sens de la loi, la DG a écarté les observations présentées tardivement par la Commission. La DG a tout de même examiné les observations tardives pour décider que les nouveaux renseignements qu’elles contenaient ne changeraient rien à sa décision. Dès qu’elle a examiné les observations présentées en retard par la Commission, la DG avait l’obligation de donner au prestataire la possibilité d’y répondre avant de rendre une décision au sujet de la répartition. Les observations tardives de la Commission répondent aux observations du prestataire sur la question 7 du questionnaire. Une portion des observations tardives de la Commission figure également dans la décision de la DG.

Le prestataire a droit à une procédure équitable, ce qui comprend le droit de connaître les allégations avancées contre lui et la possibilité d’y répondre. Ce droit est d’une importance si profonde qu’il ne doit y avoir pas même l’apparence d’un préjudice envers le droit des prestataires de présenter des arguments complets à la DG. Le simple fait de soupçonner qu’un prestataire s’est vu refuser ce droit justifie en soi une ordonnance renvoyant l’affaire à la DG. La DA a accueilli l’appel du prestataire. Comme le prestataire n’a pas eu l’occasion de répondre aux dernières observations de la Commission, la DA a renvoyé le dossier à la DG seulement pour qu’elle décide si les sommes versées pour l’assurance-maladie et l’assurance dentaire constituent une rémunération et, si c’est le cas, comment il faut les répartir.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : EO c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 447

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : E. O.
Représentante ou représentant : G. O.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Susan Prud’Homme

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 15 mars 2021 (GE-20-2204)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d'audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 25 août 2021
Numéro de dossier : AD-21-109

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. Le dossier est renvoyé à la division générale uniquement pour réexaminer si le paiement qui remplace les soins médicaux et dentaires est une rémunération et, dans l’affirmative, pour établir la façon de répartir cette rémunération.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire) a cessé de travailler pour son employeur en 2013. Plusieurs années plus tard, il a reçu un paiement de règlement de 148 000 $ de son ancien employeur à la suite d’une réclamation pour congédiement injustifié. L’intimée (Commission de l’assurance-emploi du Canada) a conclu que la somme de 73 210 $ était une « rémunération » au titre de la loi. La Commission a réparti la rémunération à partir de la semaine où le prestataire a cessé de travailler parce qu’elle a conclu que l’employeur lui avait versé de l’argent en raison de sa cessation d’emploi.

[3] La division générale a conclu que la plupart de l’argent que le prestataire avait reçu de son employeur était une rémunération qui devait être répartie à partir de la cessation d’emploi, y compris le paiement qui remplace les soins médicaux et dentaires. Toutefois, elle a conclu que le paiement pour les frais juridiques n’était pas une rémunération. La division générale a aussi conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir d’ordonner une réparation parce que le prestataire n’était pas satisfait de la façon dont la Commission avait géré son dossier.

[4] La division d’appel a accordé au prestataire la permission de faire appel. Le prestataire soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle a commis une erreur de droit et qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] J’accueille l’appel du prestataire en partie. Le dossier est renvoyé à la division générale uniquement pour réexaminer si le paiement qui remplace les soins médicaux et dentaires est une rémunération et, dans l’affirmative, pour établir la façon de répartir cette rémunération.

Questions préliminaires

[6] À la demande du prestataire, j’ai annulé l’audience qui devait avoir lieu le 17 août 2021 et je rends la présente décision en me fondant sur les observations écrites des parties.

Questions en litige

[7] Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée lorsqu’elle a décidé de ne pas tenir une conférence de règlement?

[8] Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour annuler le trop-payé du prestataire?

[9] Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur en n’accordant pas au prestataire une réparation fondée sur la façon dont la Commission a géré son dossier?

[10] Question en litige no 4 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si le prestataire était admissible à des prestations d’assurance-emploi supplémentaires?

[11] Question en litige no 5 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle parce qu’elle n’a pas transmis au prestataire une copie des observations finales de la Commission qu’elle a reçues après la date limite, même si elle ne les a pas acceptées?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[12] La Cour d’appel fédérale a jugé que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social,son mandat lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[13] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[14] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée lorsqu’elle a décidé de ne pas tenir une conférence de règlement?

[15] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[16] Le prestataire soutient que la division générale a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée lorsqu’elle a décidé de ne pas tenir une conférence de règlement. Il fait valoir que la division générale ne pouvait pas refuser catégoriquement d’inviter la Commission à une conférence de règlement ni spéculer sur l’issue de l’affaire.

[17] Compte tenu des allégations et des demandes du prestataire ainsi que de la ferme position de la Commission, la division générale a conclu qu’un règlement entre les parties était très peu probable et qu’il valait mieux instruire l’affaire sur le fond.

[18] Dans les circonstances, une conférence de règlement était vouée à l’échec. Je n’estime pas que la division générale a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée lorsqu’elle a décidé de ne pas tenir une conférence de règlement.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour annuler le trop-payé du prestataire?

[19] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[20] La division générale a jugé que seule la Commission avait le pouvoir discrétionnaire d’annuler un trop-payé.

[21] Il est bien établi que seule la Cour fédérale, à la suite d’une décision rendue par la Commission, a compétence pour instruire un appel sur la question d’annulationNote de bas de page 3. Une partie prestataire ne peut demander la révision d’une décision rendue par la Commission dans une affaire de défalcation et, par conséquent, ne peut faire appel d’une telle décision à la division généraleNote de bas de page 4.

[22] Si le prestataire veut demander une défalcation de sa dette, il doit présenter une demande officielle à la Commission afin qu’une décision soit rendue à ce sujet. Si le prestataire n’est pas satisfait de la décision, il peut faire appel à la Cour fédérale.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur en n’accordant pas au prestataire une réparation fondée sur la façon dont la Commission a géré son dossier?

[23] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[24] La division générale a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir d’accorder au prestataire les réparations demandées.

[25] Je note que la plupart des déclarations du prestataire portent sur son mécontentement concernant le service à la clientèle qu’il a reçu de la Commission.

[26] Le prestataire affirme haut et fort que le mauvais service qu’il a reçu lui a causé de graves problèmes, y compris de grandes difficultés financières et une détresse mentale. Il fait valoir qu’il n’a pas pu obtenir ses fonds de règlement pendant plus d’un an en raison du retard injustifié, de la malhonnêteté et de l’incompétence de la Commission.

[27] Malheureusement pour le prestataire, la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que le Tribunal de la sécurité sociale n’avait pas compétence pour ordonner une indemnisation ou une réparation pour tout dommage causé au prestataire. Il est bien établi que ce genre de question doit être débattue dans un autre forumNote de bas de page 5.

Question en litige no 4 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si le prestataire était admissible à des prestations d’assurance-emploi supplémentaires?

[28] Ce moyen d’appel est sans fondement.

[29] La division générale a conclu à juste titre que sans une décision découlant d’une révision, elle ne pouvait pas décider si le prestataire devait recevoir des prestations d’assurance-emploi supplémentaires. Une partie prestataire peut uniquement faire appel à la division générale à la suite d’une décision découlant d’une révision rendue par la CommissionNote de bas de page 6.

[30] Je prends note du fait que la Commission s’engage à examiner si le prestataire est en mesure de demander d’autres prestations après qu’une décision définitive a été rendue concernant la répartition de son montant de règlement.

Question en litige no 5 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle parce qu’elle n’a pas transmis au prestataire une copie des observations finales de la Commission qu’elle a reçues après la date limite, même si elle ne les a pas acceptées?

[31] Pour répondre à cette question, je dois clarifier les questions présentées à la division générale concernant la répartition de la rémunération.

[32] À la division générale, les deux parties ont convenu que les sommes d’argent suivantes que le prestataire a reçues ne sont pas une rémunération :

  • Dommages-intérêts généraux pour détresse émotive : 67 000 $
  • Coûts liés aux débours : 1 267 $

[33] Les parties ont aussi convenu que les sommes d’argent suivantes sont une rémunération :

  • Indemnité de congés payés : 41,54 $
  • Indemnité de préavis : 3 461,54 $
  • Trois mois d’indemnité de préavis : 45 000 $
  • Trois mois d’indemnité compensatrice de congés payés et de jours flexibles : 5 200 $

[34] Par conséquent, les seules questions présentées à la division générale concernant la répartition de la rémunération portaient sur le paiement qui remplace les soins médicaux et dentaires et le paiement destiné à couvrir les frais juridiques.

[35] La division générale a conclu que le paiement pour les frais juridiques issu de l’entente de règlement s’élevait à 23 283 $. Elle a conclu que cette somme couvrait tous les frais juridiques du prestataire et que l’argent versé à cette fin ne pouvait pas être une rémunération.

[36] La division générale devait ensuite décider si le paiement qui remplace les soins médicaux et dentaires était une rémunération au titre de la loi.

[37] Je remarque que la division générale a instruit l’appel au moyen de questions et réponses. À la question no 7, elle a demandé au prestataire d’expliquer pourquoi il pensait que l’imposition d’une somme d’argent devait avoir une incidence sur le fait qu’il s’agisse d’une rémunération aux fins des prestations d’assurance-emploi.

[38] Le prestataire a expliqué en détail pourquoi il estime que le paiement qui remplace les soins médicaux et dentaires n’est pas une rémunérationNote de bas de page 7.

[39] Après que le prestataire a répondu aux questions de la division générale et après le délai imparti pour fournir une réponse, la Commission a envoyé des observations non sollicitées à la division généraleNote de bas de page 8. La division générale a décidé de ne pas les accepter.

[40] Toutefois, je remarque que la division générale a lu et soupesé les observations de la Commission parce qu’elle a conclu que celles-ci auraient pu avoir été déposées avant l’audience, selon les informations qui figuraient déjà dans l’avis d’appel du prestataire. La division générale a aussi décidé que les nouveaux renseignements ne changeraient pas sa décision.

[41] J’estime qu’à partir du moment où la division générale a lu et évalué les observations non sollicitées de la Commission, elle avait l’obligation de donner au prestataire l’occasion d’y répondre. Ceci est d’autant plus vrai que les observations non sollicitées répondent aux observations du prestataire au sujet de la question no 7 du questionnaire. J’estime aussi que la décision de la division générale reflète une partie des observations non sollicitéesNote de bas de page 9.

[42] Le concept de « justice naturelle » englobe le droit d’une partie prestataire à une audience équitable. Une procédure équitable suppose un préavis suffisant de la tenue de l’audience, l’occasion de se faire entendre, le droit de connaître les faits reprochés à la personne et la possibilité de répondre à ces allégations.

[43] Ce droit est si fondamental qu’il ne doit même pas sembler y avoir eu entrave au droit de toute partie prestataire de présenter intégralement son point de vue devant la division générale. La loi exige non seulement que la justice soit rendue, mais aussi qu’elle le soit de façon claire et manifeste. Si l’on soupçonne simplement qu’une partie prestataire s’est fait refuser ce droit, il faut ordonner que la question soit renvoyée à la division générale.

[44] Je suis d’avis que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle parce qu’elle n’a pas transmis au prestataire une copie des observations finales de la Commission et qu’elle ne lui a pas offert la possibilité d’y répondre avant de rendre sa décision.

Réparation

[45] Étant donné que le prestataire n’a pas eu l’occasion de répondre aux observations finales de la Commission, je n’ai d’autre choix que de renvoyer l’affaire à la division générale uniquement pour réexaminer si le paiement qui remplace les soins médicaux et dentaires est une rémunération et, dans l’affirmative, pour établir la façon de répartir cette rémunération.

Conclusion

[46] L’appel est accueilli en partie. Le dossier est renvoyé à la division générale uniquement pour réexaminer si le paiement qui remplace les soins médicaux et dentaires est une rémunération et, dans l’affirmative, pour établir la façon de répartir cette rémunération.

[47] Je prends note du fait que la Commission s’engage à examiner si le prestataire est en mesure de demander d’autres prestations après qu’une décision définitive a été rendue concernant la répartition de son montant de règlement.

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