Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 452

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-297

ENTRE :

D. C.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Mark Leonard
DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 mars 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 7 mars 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire a droit à 45 semaines de prestations régulières de l’assurance-emploi.

Aperçu

[2] Le prestataire a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance-emploi en janvier 2020. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné le nombre d’heures d’emploi assurable du prestataire et le taux régional de chômage au moment où il a fait sa demande initiale et a établi qu’il était admissible à 36 semaines de prestations. Toutefois, en raison du versement d’une indemnité de départ (rémunération présumée) par son employeur, les prestations ont commencé seulement en mai 2020.

[3] La pandémie de la COVID-19 est survenue peu de temps après le dépôt de sa demande initiale. Le prestataire estime qu’en raison des circonstances particulières de la pandémie, il devrait être admissible à 45 semaines de prestations d’assurance-emploi ou plus. Il dit que le programme d’assurance-emploi vise à accorder une aide financière jusqu’à ce qu’une personne au chômage trouve un nouvel emploi. Il dit que l’on devrait tenir compte de l’esprit de la loi pour décider s’il peut recevoir plus de semaines de prestations. Il a ajouté que le gouvernement fédéral a modifié la Loi sur l’assurance-emploi pour augmenter le nombre de semaines de prestations. Il croit que l’objectif des modifications est d’accorder plus de prestations aux personnes touchées par la pandémie et qu’il devrait être admissible à ces prestations supplémentaires.

[4] La Commission dit avoir accordé au prestataire le nombre maximal de semaines de prestations permis par la loi au moment de sa demande initiale. Elle affirme que le prestataire n’est pas admissible à des semaines supplémentaires de prestations en fonction des modifications à la Loi sur l’AE ayant été adoptées.  

Question en litige

Le prestataire a-t-il droit à plus de 36 semaines de prestations?

Analyse

[5] Une partie prestataire est admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle remplit les conditions requises pour les recevoirNote de bas de page 1. La partie prestataire remplit les conditions requises si, à la foisNote de bas de page 2 :

  1. a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;
  2. b) elle a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiqué au tableau qui suitNote de bas de page 3 en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.

[6] Le prestataire a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi quand il a perdu son emploi. La Commission a établi une période de prestations débutant le 12 janvier 2020. À cette date, le prestataire comptait plus de 1 820 heures d’emploi assurable et le taux de chômage de sa région était de 4,1 %. Le prestataire a ainsi eu droit à 36 semaines de prestationsNote de bas de page 4. La Commission affirme qu’il s’agit d’un calcul purement mathématique ne prêtant ni à interprétation ni à un pouvoir discrétionnaire.

[7] Le prestataire soutient que lorsque la pandémie est survenue, les choses ont changé. Il dit que, pour établir ce à quoi il a droit, je devrais respecter l’esprit de la loi et non son libellé. Il affirme que l’objet du programme d’assurance-emploi est de fournir un soutien jusqu’à ce qu’une partie prestataire trouve un nouvel emploi. Puisque la pandémie a fait en sorte qu’il y a une plus faible probabilité de trouver un nouvel emploi, le prestataire estime que ses prestations devraient se poursuivre au-delà de 36 semaines.

[8] Le prestataire ne conteste pas que l’indemnité de départ qu’il a reçue est une rémunération au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Il ne conteste ni ses heures d’emploi assurable ni le taux de chômage au moment où il a présenté sa demande initiale de prestations. Il dit que le calcul présenté par la Commission est conforme au « libellé de la loi ». Il a bien dit que lorsqu’il a finalement commencé à recevoir ses prestations en mai 2020, le taux de chômage est passé de 4,1 % à 10,1 % à cause de la pandémie. Il soutient que le fait d’utiliser cette date le rendrait admissible à 45 semaines de prestations. En se référant au « Tableau des semaines de prestations » de l’Annexe 1, 1 820 heures d’emploi assurable dans une région où le taux de chômage est de 10,1 % donneraient au prestataire 45 semaines de prestations.

[9] Le prestataire a mentionné un cas de jurisprudence provenant des États-UnisNote de bas de page 5. Il soutient que l’affaire appuie le principe selon lequel l’esprit de la loi devrait avoir préséance sur le libellé de la loi. Mon examen du texte de l’affaire mène à une conclusion différente. L’affaire de la Cour suprême des É.-U. a traité de la question du [traduction] « magasinage » par les parties demanderesses d’un tribunal plus susceptible de trancher en leur faveur. La Cour a jugé que la question en litige en était une de pure compétence en ce qui concerne la résidence de la partie intimée. Bien qu’il y ait eu des observations relatives à la notion d’esprit de la loi, le verdict final en est un d’application du libellé de la loi concernant la compétence. Quel que soit le résultat, la jurisprudence des É.-U. n’est pas contraignante au Canada; je ne suis pas convaincu que l’affaire appuie l’argument du prestataire en faveur d’une interprétation généreuse (esprit de la loi) des dispositions de la Loi sur l’AE.

[10] Le prestataire a aussi fourni une référence provenant du site Web du gouvernement du CanadaNote de bas de page 6. Il dit que les modifications aux programmes d’AE énoncées dans le bulletin démontrent que l’intention du gouvernement fédéral est de continuer d’aider les personnes touchées par la pandémie jusqu’à ce qu’elles trouvent un nouvel emploi. Il affirme que ce bulletin indique que les prestataires auront droit à un maximum de 50 semaines de prestations.

[11] J’ai examiné le document de référence et les modifications sous-jacentes à la Loi sur l’AE. Il est évident que le gouvernement fédéral visait à ce que ces modifications entrent en vigueur pour les demandes présentées le 27 septembre 2020 ou après cette date. Puisque la période de prestations du prestataire a commencé avant le 27 septembre 2020, il n’est pas admissible aux dispositions énoncées dans les modifications. De nouvelles dispositions ne peuvent être appliquées de manière rétroactive au-delà de la date précise imposée par la loi. On ne peut non plus les utiliser pour réinterpréter des dispositions antérieures sous prétexte d’appliquer « l’esprit de la loi », particulièrement lorsque les nouvelles dispositions visent une intention explicite.

[12] La Commission estime n’avoir aucun pouvoir discrétionnaire dans ce domaine. Elle dit avoir calculé le nombre maximal de semaines de prestations du prestataire conformément à l’annexe 1Note de bas de page 7 de la Loi sur l’AE en fonction de la période de prestations qu’elle a établie. La Commission affirme que l’article 12(2) de la Loi sur l’AE ne prête pas à interprétation et qu’aucun pouvoir discrétionnaire ne peut être exercé pour accorder un plus grand nombre de semaines de prestations que ce qui est prévu par la loi. Elle dit que ni elle ni moi ne pouvons interpréter le libellé d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 8. Pour l’essentiel, je suis en accord avec la Commission. La manière dont elle a établi la période de prestations du prestataire est là où je suis en désaccord avec la Commission.

Quelle est la période de prestations du prestataire?

[13] La Commission a utilisé la date de la demande initiale du prestataire, à savoir le 12 janvier 2020, pour établir sa période de prestations.

[14] La Loi sur l’AE indique qu’une période de prestations débute selon le casNote de bas de page 9

  1. a) le dimanche de la semaine au cours de laquelle survient l’arrêt de rémunérationNote de bas de page 10;
  2. b) le dimanche de la semaine au cours de laquelle est formulée la demande initiale de prestations, si cette semaine est postérieure à celle de l’arrêt de rémunérationNote de bas de page 11.

[15] La Commission se fonde sur l’article 12(2) de la Loi sur l’AE pour l’établissement de la période de prestations en fonction de la demande initiale. Elle affirme que cette décision est conforme avec la Loi sur l’AENote de bas de page 12. On ne précise nulle part à l’article 12(2) de la Loi sur l’AE que la période de prestations sera établie en fonction de la date de demande initiale. La Loi sur l’AE indique clairement qu’il y a deux dates possibles et que c’est la plus récente des deux qui définit le début de la période de prestations. La Commission n’a fait aucune allusion au moment où l’arrêt de la rémunération proprement dit a eu lieu.

Y a-t-il eu arrêt de la rémunération et quand cela s’est-il produit?

[16] Le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) signale qu’il faut trois élémentsNote de bas de page 13 pour qu’un arrêt de la rémunération survienne :

  • la personne assurée est licenciée ou cesse d’être au service de son employeur;
  • elle se trouve à ne pas travailler pour cet employeur pour une période de sept jours;
  • aucune rémunération ne provient de cet emploi à l’égard de cette période de sept jours.

[17] Le prestataire a cessé d’être au service de son employeur le 10 janvier 2020 et n’a pas travaillé pour une période de plus de sept jours après cette date. Il satisfait à deux des aspects. Il a cependant reçu une rémunération provenant de cet emploi du 12 janvier 2020, et ce jusqu’au 26 mai 2020, sous forme d’indemnité de départ. Le Règlement sur l’AE confirme qu’une indemnité de départ est considérée comme étant une rémunération provenant de cet emploi et que l’on doit la répartir sur les semaines de chômage en fonction de la rémunération hebdomadaire habituelle du prestataire avant de pouvoir lui verser des prestationsNote de bas de page 14.

[18] Ainsi, y a eu arrêt de la rémunération du prestataire seulement quand l’indemnité de départ a été entièrement répartie (épuisée) sur les semaines suivant sa mise à pied. Essentiellement, il avait continué à recevoir une rémunération de son employeur et n’était pas admissible au bénéfice des prestations.  

[19] Il a eu un arrêt de rémunération seulement le 26 mai 2020. Selon l’article 10(1), sa période de rémunération doit être la plus récente des dates suivantes : l’arrêt de la rémunération ou la date de sa demande initiale. Puisqu’il a eu un arrêt de rémunération à une date postérieure à celle de la demande initiale, la date de l’arrêt de rémunération, soit le 26 mai 2020, devient la date en fonction de laquelle on doit établir le début de sa période de prestations.

[20] La Loi sur l’AE définit également la période de référence à partir de laquelle le nombre d’heures d’emploi assurable est calculé. Cette période de référence est définie comme étant la période de 52 semaines qui précède le début d’une période de prestationsNote de bas de page 15. La Loi sur l’AE prévoit aussi une prolongation de la période de référence découlant d’indemnités de départNote de bas de page 16. Cette prolongation du délai équivaut au nombre de semaines sur lesquelles l’indemnité de départ est répartie. Cette disposition a pour unique raison d’être de prolonger la période au cours de laquelle on accumule les heures d’admissibilité avant la mise à pied de l’emploi puisqu’il n’y a pas d’accumulation d’heures pendant les semaines de chômage à l’égard desquelles la rémunération relative au départ est répartie. Elle s’applique lorsque la période de prestations peut seulement être établie quand un arrêt de rémunération se produit enfin parce qu’il y a eu des retards en attendant la répartition totale de la rémunération découlant de cet emploi.

Qu’est-ce que tout cela signifie?

[21] Autrement dit, la date importante est le 26 mai 2020. Il s’agit de la date à laquelle l’arrêt de la rémunération se produit réellement. C’est la première semaine où le prestataire satisfait à l’exigence des sept jours consécutifs sans répartition de rémunération de son emploi pour réunir les trois éléments d’un arrêt de rémunération. Ayant satisfait aux trois éléments d’un arrêt de rémunération, le prestataire remplit maintenant les exigences relatives à l’établissement d’une période de prestations au titre de l’article 10(1) de la Loi sur l’AE. À compter du 26 mai 2020, la date à laquelle le prestataire a passé sept jours consécutifs sans rémunération est le 2 juin 2020. Le dimanche de cette semaine-là est le 31 mai 2020.

[22] J’estime que le 31 mai 2020 correspond à la date d’établissement de la période de prestations du prestataire. Cette date satisfait à l’exigence de l’article 12(1) de la Loi sur l’AE, selon lequel, une fois la période de prestations établie, elles peuvent être versées au prestataire à concurrence des maximums prévus à l’article 12(2). Ainsi, il en résulte également que le calcul du nombre d’heures assurables de la période de référence s’amorce le 31 mai 2020 et que cette date est utilisée pour se reporter au taux de chômage régional.

[23] Le 31 mai 2020, le prestataire comptait plus de 1 820 heures de rémunération assurable et le taux de chômage de sa région était de 10,1 %. En conséquence, il est admissible à 45 semaines de prestations d’AE.

[24] Concernant des semaines supplémentaires de prestations résultant des modifications à la Loi sur l’AE, ces modifications prévoient que la demande doit être présentée après le 27 septembre 2020. J’estime que la présente période de prestations a été établie avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Le prestataire n’a pas droit aux prestations découlant de ces modifications. Il peut recevoir un maximum de 45 semaines de prestations pour cette demande.

Conclusion

[25] L’appel est accueilli. Le prestataire a droit à 45 semaines de prestations régulières de l’assurance-emploi.

 

Date de l’audience :

Le 2 mars 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

D. C., appelant

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