Assurance-emploi (AE)

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Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 502

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (420195) datée du 20
avril 2021 rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 juin 2021
Personne présente à l’audience : A. P., appelante
Date de la décision : Le 9 juin 2021
Numéro de dossier : GE-21-708

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler à compter du 10 mai 2021. Elle est admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi à compter de ce moment.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a décidé que l’appelante est inadmissible aux prestations régulières d’assurance‑emploi à compter du 28 septembre 2020 parce qu’elle suivait une formation qui n’était pas autorisée et qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[4] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, l’appelante doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que l’appelante doit être à la recherche d’un emploi.

[5] L’appelante étudie à temps plein à l’université depuis 2019. Cependant, elle affirme qu’elle est disponible pour travailler malgré sa formation et elle fait valoir qu’elle a déjà travaillé et étudié en même temps. Elle demande de recevoir des prestations à compter du 28 septembre 2020.

[6] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible pour travailler à compter du 28 septembre 2020 parce qu’elle priorise sa formation, qu’elle n’a pas fait des démarches d’emplois soutenues et qu’elle n’avait pas l’intention d’abandonner sa formation si un emploi à temps plein lui était offert.

[7] Je dois déterminer si l’appelante était disponible pour travailler. L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[8] Je dois déterminer si l’appelante était disponible pour travailler au sens de la Loi à compter du 28 septembre 2020 et si elle peut recevoir des prestations d’assurance-emploi à compter de ce moment.

Question en litige

[9] L’appelante était-elle disponible pour travailler à compter du 28 septembre 2020 ?

Analyse

[10] Deux articles de loi exigent que la partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler.

[11] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenable.Note de bas de page 1 La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire, l’appelante, doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sens.Note de bas de page 2

[12] Je vais examiner ces éléments pour décider si l’appelante est disponible pour travailler.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[13] La jurisprudence établit trois éléments à examiner pour déterminer si un prestataire est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 3  :

  • montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  • faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  • démontrer l’absence de conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire qui limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[14] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelante.Note de bas de page 4

Vouloir retourner travailler

[15] L’appelante a démontré un certain désir de retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[16] La Commission affirme que l’appelante n’a pas démontré qu’elle souhaitait occuper un emploi alors qu’elle priorisait sa formation. Elle soutient que, même si l’appelante a mentionné certaines démarches d’emploi qu’elle aurait effectuées, celles-ci ne sont pas sérieuses.

[17] Le 20 octobre 2020, l’appelante a déclaré à la Commission qu’elle avait fait des démarches pour se trouver un emploi, mais que si on lui offrait un emploi, elle ne l’accepterait que si elle pouvait retarder la date où elle débuterait.

[18] Le 12 mars 2021, l’appelante a déclaré à la Commission qu’elle était disponible pour travailler uniquement la fin de semaine et qu’elle comptait reprendre son emploi comme serveuse après la pandémie. Elle déclare alors qu’elle ne cherche pas un emploi à temps plein et qu’elle n’abandonnerait pas sa formation si un emploi à temps plein lui était offert.Note de bas de page 5 Elle mentionne qu’elle habite chez ses parents pendant cette période.

[19] Lors de l’audience, l’appelante a expliqué qu’elle a toujours travaillé pendant qu’elle étudiait autant au Cégep qu’à l’Université. Bien qu’elle déclarait à la Commission le 12 mars 2021 qu’elle comptait réintégrer son emploi chez son employeur après la pandémie, lors de l’audience elle a indiqué qu’il n’en était pas si certain. Pour cette raison, elle a amorcé des démarches d’emploi.

[20] Je retiens des explications de l’appelante qu’elle avait l’intention de réintégrer son emploi chez son employeur dès que la situation sanitaire le permettrait si l’employeur la rappelait, mais, qu’elle a amorcé des démarches pour se trouver un emploi. Cependant, l’appelante a également déclaré initialement à la Commission que si un emploi lui était offert, elle ne l’accepterait que si elle pouvait retarder la date ou elle débuterait cet emploi.

[21] L’appelante a démontré un certain désir de vouloir retourner travailler, en ce sens, je dois maintenant déterminer si elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[22] L’appelante a la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 6

[23] La Commission affirme que l’appelante n’a pas fait de démarches soutenues pour se trouver un emploi convenable et qu’elle n’avait pas l’intention d’accepter cet emploi dès qu’il lui serait offert. Elle fait valoir que l’appelante suivait une formation et qu’elle n’avait pas l’intention de l’abandonner pour se trouver un emploi convenable.

[24] L’appelante a transmis au Tribunal une liste de démarches d’emploi qu’elle aurait effectuée à compter du 28 septembre 2020. Elle mentionne s’être inscrite pour recevoir des alertes d’emploi provenant des sites Internet suivants : Job Illico, Indeed, LinkedIn, le guichet emploi du gouvernement du Canada, la Société des alcools du Québec et la banque d’emplois offerte par l’Université du Québec à Montréal.Note de bas de page 7

[25] Elle a proposé sa candidature sur le site Internet « Je Contribue », pour travailler dans le domaine de la santé.

[26] L’appelante a également proposé sa candidature aux employeurs suivants : X, X et X. Elle a également présenté sa candidature à X pour travailler à temps partiel comme caissière.

[27] La Commission affirme que le fait d’avoir postulé auprès de six employeurs potentiels pendant qu’elle suivait une formation non autorisée n’est pas une démonstration d’une recherche d’emploi active.

[28] Je suis d’accord avec la Commission. Il ne suffit pas d’énumérer des démarches d’emploi, mais il faut avoir l’intention d’occuper les emplois pour lesquels on postule afin de pouvoir recevoir des prestations.

[29] En d’autres mots, un prestataire doit être non seulement à la recherche d’un emploi, mais il doit avoir l’intention d’occuper les emplois qu’il sollicite ou qu’il dit avoir sollicités. La disponibilité d’un prestataire est essentiellement une question de faits et pour avoir le droit de recevoir des prestations, l’appelante a la responsabilité de démontrer qu’elle était disponible pour travailler chaque jour ouvrable de sa période de prestations, non seulement les fins de semaine.Note de bas de page 8

[30] Je conclus que l’appelante a fait certains efforts pour se trouver un emploi convenable. Je ne peux conclure que ces efforts sont significatifs pour la période du 28 septembre 2020 au 9 mai 2021 puisque l’appelante ne m’a pas convaincue qu’elle avait l’intention d’occuper un emploi convenable dès qu’il lui serait offert pendant qu’elle suivait sa formation. Cependant, il en est autrement à compter du 10 mai 2021 alors que la session d’hiver était terminée.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[31] La Commission fait valoir que l’appelante n’a pas réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité alors qu’elle suit un cours de formation à temps plein et qu’elle a déclaré à de nombreuses reprises qu’elle ne cherche pas un emploi à temps plein. Elle soutient que sa première intention n’était pas de se trouver un emploi.

[32] Le 20 octobre 2020, l’appelante a déclaré à la Commission qu’elle suivait une formation à temps plein à l’Université du Québec à Montréal et qu’elle y consacrait plus de 25 heures par semaine. Elle a expliqué que cette formation se terminera en 2022. Elle a alors indiqué qu’elle peut abandonner un cours avec remboursement avant une certaine date limite et qu’elle n’abandonnerait ses cours seulement si elle pouvait retarder la date à laquelle elle commencerait l’emploi.

[33] L’appelante a aussi déclaré à l’agent de la Commission que si un emploi à temps plein lui était offert, elle choisirait de terminer son programme.

[34] Lorsque l’agent de la Commission lui a demandé ce qu’elle ferait si elle avait un conflit d’horaire entre un éventuel emploi et son cours, l’appelante a mentionné qu’elle n’abandonnerait pas sa formation. Lors de l’audience, l’appelante a expliqué qu’elle travaillerait, mais qu’elle participerait à son cours après et qu’elle ajusterait son horaire en conséquence.

[35] Je présume que la formation à laquelle est inscrite l’appelante la rend non disponible pour travailler au sens de la Loi.

[36] Cette présomption de non-disponibilité peut être renversée en fonction de quatre principes se rapportant spécifiquement aux cas de retour aux études.Note de bas de page 9

[37] Ces principes sont les suivantsNote de bas de page 10 :

  • Les exigences de présence au cours ;
  • Le consentement du prestataire à abandonner ses études pour accepter un emploi;
  • Le fait que la prestataire ait déjà travaillé dans le passé à des heures irrégulières;
  • L’existence de « circonstances exceptionnelles » qui permettraient au prestataire de travailler tout en suivant son cours.

[38] Le 12 mars 2021, l’appelante a déclaré à la Commission qu’elle était inscrite à temps plein au baccalauréat en marketing à l’Université du Québec à Montréal et qu’elle consacrait plus de 30 heures par semaine à sa formation incluant les travaux pratiques qu’elle avait à faire.

[39] L’appelante poursuit cette formation depuis 2019. Elle suivait des cours à temps plein du 8 septembre 2020 au 16 décembre 2020 et du 15 janvier 2021 au 15 avril 2021. Cependant, incluant les examens, la session d’hiver se termine le 9 mai 2021.

[40] Lors de l’audience, l’appelante a expliqué avoir déjà étudié à temps plein pendant qu’elle travaillait à temps partiel. Bien qu’elle ait démontré être capable de travailler à des heures irrégulières, il faut qu’elle démontre avoir l’intention de travailler d’abord et ensuite être capable de combiner une formation à temps plein ou à temps partiel.

[41] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas l’intention d’abandonner sa formation. En ce sens, elle a initialement déclaré à la Commission qu’elle était disponible pour travailler à temps plein pendant sa semaine d’examens et une fois la session d’hiver terminée.

[42] Bien que l’appelante ait témoigné qu’elle était disponible pour travailler, il n’en demeure pas moins qu’elle n’avait pas l’intention d’abandonner sa formation pour occuper un emploi.

[43] L’appelante a démontré avoir déjà étudié et travaillé dans le passé à des heures irrégulières. Elle a expliqué qu’elle a déjà étudié à temps plein alors qu’elle travaillait à temps partiel à plusieurs reprises. Cela démontre qu’elle pourrait le faire encore maintenant. Cependant, ce n’est pas seulement être capable de cumuler des études et un emploi qui importe, l’attitude de l’appelante doit démontrer qu’un éventuel emploi est privilégié et qu’elle est disponible pour travailler chaque jour ouvrable de sa période de prestations.

[44] Cela ne veut pas dire que la situation actuelle n’est pas le meilleur choix pour l’appelante, bien au contraire. Cela veut dire que cette situation actuelle n’est pas une de celle qui permet de pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[45] L’appelante suit une formation au baccalauréat à temps plein qui se terminera en 2022. Sa première intention pendant la période concernée est de suivre ses cours. Même si je conçois que l’appelante peut combiner un certain horaire de travail avec un horaire de cours, elle n’a réussi à renverser la présomption de non-disponibilité.

[46] Comme la Commission l’affirme : un prestataire qui suit un cours de formation sans être dirigé par une autorité désignée doit prouver qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de se trouver un emploi convenable, et doit satisfaire aux exigences relatives à la disponibilité au même titre que tout autre prestataire qui souhaite obtenir des prestations ordinaires.

[47] Bien sûr, l’appelante a effectué certaines démarches d’emploi pendant ses deux sessions à l’université, mais le fait d’avoir l’intention d’occuper un emploi seulement à une date qui lui convient mieux pour ses études est un choix qui la limite aussi dans ses possibilités de retourner travailler dès qu’un emploi lui est offert.

[48] L’appelante n’a pas réussi à renverser la présomption selon laquelle une personne suivant un cours de formation, de sa propre initiative, n’est pas disponible à travailler.Note de bas de page 11 L’appelante suivait une formation à temps plein et les faits démontrent que les conditions personnelles créées par la participation à ses cours la limitent dans la possibilité de retourner travailler pendant ses deux sessions à temps plein. Cependant, à compter du 10 mai 2021, ses cours étaient terminés et aucune condition personnelle ne limite alors ses chances de se trouver un emploi convenable à compter de ce moment.

Alors, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour le faire ?

[49] Je dois appliquer les critères permettant de déterminer si l’appelante était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si elle peut recevoir des prestations à compter du 28 septembre 2020.

[50] L’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison de la Covid-19. Bien qu’elle ait pu travailler entre 25 et 30 heures à une certaine période chez cet employeur, elle a témoigné que ce n’est pas ce qui était prévu ni pendant sa dernière semaine de travail ni celle qui suivait. Le 20 octobre 2020, l’appelante déclarait à la Commission que si un emploi à temps plein lui était offert, elle choisirait de terminer sa formation.Note de bas de page 12

[51] J’ai entendu les arguments de l’appelante indiquant que la Commission avait d’abord établi une période de prestations et qu’elle trouve injuste devoir rembourser un trop-payé de prestations qui lui ont d’abord été accordées. Selon les informations concernant la situation propre à chaque prestataire, une période de prestations peut être révisée. La Commission a expliqué que sur un formulaire transmis par l’appelante le 2 janvier 2021, celle-ci a déclaré qu’elle ne faisait aucune démarche d’emploi. Bien que je comprenne la bonne volonté de l’appelante dans cette situation, elle ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi que si elle est admissible à en recevoir.

[52] L’appelante a la responsabilité de faire des démarches d’emploi tout jour ouvrable de sa période de prestations pour pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi. Elle a démontré avoir fait certaines démarches d’emploi, mais elle n’a pas démontré que son intention était d’occuper un de ces emplois si un poste lui était offert et que l’horaire était en conflit avec celui de ses cours. Pendant cette période, l’appelante avait l’intention de poursuivre sa formation à l’université. Je précise également qu’il en est de même pour la période du 20 décembre 2020 au 26 décembre 2020 pendant laquelle l’appelante a déclaré ne consacrer que 10 heures à ses cours. Les démarches d’emploi doivent être faites avec l’intention d’occuper l’emploi sollicité.

[53] Cependant, à compter du 10 mai 2021, il en est autrement parce que l’appelante est disponible pour occuper un emploi et elle peut s’y consacrer à temps plein puisque ses cours sont terminés.

[54] Pour cette raison et selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire à compter du 10 mai 2021.

Conclusion

[55] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la Loi à compter du 10 mai 2021. C’est pourquoi je conclus qu’elle est admissible à recevoir des prestations à compter de ce moment.

[56] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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