Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 462

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : B. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Josée Lachance

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 26 mai 2021 (GE-21-636)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 31 août 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Personne représentant la partie intimée
Date de la décision : Le 3 septembre 2021
Numéro de dossier : AD-21-217

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant (le prestataire) a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi. L’intimée (la Commission) a par la suite mené une enquête sur la demande. Elle a établi que le prestataire avait reçu un salaire de son ancien employeur. La Commission a réparti ce salaire sur les semaines pendant lesquelles il a effectué les services.

[3] La Commission a également établi que le prestataire avait sciemment fourni de l’information fausse ou trompeuse lorsqu’il a dit qu’il n’avait pas reçu de rémunération et qu’il n’avait pas travaillé. Elle lui a donc imposé une pénalité non pécuniaire. Le prestataire a demandé une révision de la décision de la Commission, mais celle-ci a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a fait appel de la décision découlant d’une révision de la Commission à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la Commission avait jusqu’à 72 mois pour réexaminer la demande. Elle a conclu que le prestataire avait reçu un salaire de son ancien employeur et que ce salaire était une rémunération qui devait être répartie sur les semaines pendant lesquelles les services avaient été effectués. La division générale a également conclu que le prestataire avait sciemment fourni à la Commission de l’information fausse ou trompeuse qui justifiait l’imposition d’une pénalité non pécuniaire.

[5] Je dois décider si la division générale a commis des erreurs dans son interprétation des articles 38 et 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. Je dois également décider si elle a commis une erreur dans son interprétation des articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[6] Je rejette l’appel du prestataire.

Questions en litige

[7] Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la Commission pouvait prolonger à 72 mois la période pour réexaminer la demande du prestataire?

[8] Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les sommes reçues par le prestataire constituaient une rémunération et qu’elles avaient été correctement réparties?

[9] Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait sciemment fourni de l’information fausse ou trompeuse qui justifiait une pénalité non pécuniaire?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[10] La Cour d’appel fédérale a établi que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, son mandat lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas page 1.

[11] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale. Elle n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui exercé par une cour supérieureNote de bas page 2.

[12] Par conséquent, à moins que la division générale ait omis d’observer un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la Commission pouvait prolonger à 72 mois la période pour réexaminer la demande du prestataire?

[13] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en accordant à la Commission un délai de 72 mois pour réexaminer sa demande. Il fait valoir que la Commission n’avait pas le droit de réexaminer sa demande parce qu’elle se trouvait à l’extérieur de la période de 36 mois suivant le versement des prestations.

[14] La preuve montre que le prestataire a reçu des prestations entre juillet et septembre 2017. La Commission a commencé son réexamen de la demande en septembre 2018. Le prestataire a rencontré un agent en octobre 2018. Toutefois, la Commission a seulement publié sa décision initiale et son avis de dette en février 2021, un peu plus de trois ans et demi après le versement des prestations.

[15] Pour que la Commission puisse prolonger à 72 mois la période au cours de laquelle elle peut réexaminer une demande, elle n’a pas à établir que la partie prestataire a effectivement fait des déclarations fausses ou trompeuses. Elle doit plutôt démontrer qu’elle pourrait raisonnablement considérer que la partie prestataire a fait une déclaration fausse ou trompeuse relativement à sa demande de prestationsNote de bas page 3.

[16] Je conclus que la division générale ne s’est pas demandée si la Commission pouvait raisonnablement croire que le prestataire avait fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande. La division générale semble avoir tenu compte de la preuve présentée à l’audience pour décider si la Commission pouvait prolonger la période à 72 moisNote de bas page 4. Cela constitue une erreur de droit.

[17] Je conclus que, même si la division générale a commis une erreur, il n’y a aucune raison de modifier sa conclusion quant à savoir si la Commission pourrait prolonger la période à 72 moisNote de bas page 5.

[18] Dans les circonstances de cette affaire, la Commission pouvait-elle raisonnablement croire que le prestataire avait fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse?

[19] La Commission a découvert une divergence entre les renseignements figurant dans les dossiers du prestataire concernant sa rémunération et les renseignements reçus de l’employeur. Le prestataire n’a déclaré aucune rémunération pour la période du 2 juillet 2017 au 10 septembre 2017. L’employeur a déclaré que le prestataire avait reçu un salaire de 4 963,96 $ au cours de la même période. La Commission a demandé au prestataire d’expliquer la divergence.

[20] Dans sa réponse à la Commission, le prestataire a déclaré qu’une agence l’avait envoyé dans une épicerie pour acquérir de l’expérience au cours de cette période, et qu’ils avaient par la suite décidé de lui envoyer des chèques. Il a déclaré avoir donné tous les chèques à des gens qui l’avaient aidé à payer ses dépenses personnelles pendant une période difficile.

[21] À la lumière de ces éléments de preuve, je conclus que lorsque la Commission a décidé de réexaminer la demande, elle pouvait raisonnablement considérer que le prestataire avait fait une déclaration ou une déclaration fausse ou trompeuse afin de prolonger la période de réexamen de la demande de prestations du prestataire à 72 mois.

[22] Je conclus que la Commission pourrait prolonger la période à 72 mois pour réexaminer la demande du prestataire.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les sommes reçues par le prestataire constituaient une rémunération et qu’elles avaient été correctement réparties?

[23] Ce motif d’appel est sans fondement.

[24] La division générale devait décider si les montants reçus par le prestataire constituaient une rémunération et, le cas échéant, si la Commission les avait répartis correctement.

[25] La division générale a conclu que, puisque le prestataire fournissait des services à l’employeur, les sommes ont été versées en échange du travail qu’il a effectué entre le 2 juillet 2017 et le 10 septembre 2017. Par conséquent, la somme devait être répartie sur les semaines durant lesquelles le travail a été effectué.

[26] Le prestataire a déclaré avoir commencé son stage en faisant la livraison dans une épicerie de juillet 2017 à août 2017. L’agence percevait de l’argent auprès d’eux, déduisait leur commission, puis envoyait les chèques au prestataire après un long délai. Il a donné les chèques à des gens à qui il avait emprunté de l’argent pendant une période difficile. Il ne s’attendait pas à recevoir un salaire en tant que débutantNote de bas page 6.

[27] Devant la division générale, le prestataire a soutenu que l’argent n’était pas une rémunération qu’il avait reçue parce qu’il n’avait pas encaissé les chèques que l’agence lui avait remis. Il a déclaré que lorsqu’il avait reçu les chèques, il les avait remis directement à des gens qui l’avaient aidé pendant qu’il n’avait aucun revenu. Le prestataire a également soutenu que l’argent n’était pas une rémunération parce qu’il avait compris qu’il travaillait pour l’employeur sur une base volontaire afin d’acquérir de l’expérience pour son cours de conduite.

[28] Le relevé d’emploi (RE) du prestataire montre que, pour la période du 3 juillet au 15 septembre 2017, il a reçu la somme de 4 963,96 $Note de bas page 7. Dans une lettre à la Commission datée du 9 octobre 2018, le prestataire a admis avoir travaillé en juillet et en août 2017, effectuant des livraisons, et avoir reçu la somme de 4 963,96 $ de l’agenceNote de bas page 8. Le prestataire a également déclaré la somme comme un revenu d’emploi dans sa déclaration de revenus de 2017Note de bas page 9.

[29] Même si le prestataire ne s’attendait pas à recevoir un salaire, la preuve prépondérante montre qu’il a reçu un salaire pour ses services. Il a également déclaré la somme comme un revenu d’emploi dans sa déclaration de revenus de 2017.

[30] De plus, ce qu’une partie prestataire décide de faire avec l’argent qu’elle reçoit d’un employeur est sans importance aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi. La somme demeure une rémunération aux fins du calcul des prestations et doit être répartieNote de bas page 10.

[31] La Commission a-t-elle réparti la rémunération du prestataire correctement?

[32] Selon la loi, la rémunération payable à une partie prestataire au titre d’un contrat de travail pour la prestation de services doit être répartie sur la période au cours de laquelle les services ont été rendusNote de bas page 11. La Commission a réparti la rémunération du prestataire conformément aux semaines mentionnées dans le RE.

[33] La division générale a conclu, à partir de la preuve, que la Commission avait correctement réparti les montants sur les semaines durant lesquelles le prestataire avait fourni les services.

[34] Le fardeau de la preuve pour contester l’information de l’employeur sur la paye revient au prestataire. Les allégations qui visent à jeter un doute ne suffisent pasNote de bas page 12. Il ne suffit donc pas qu’une partie prestataire mette en doute la véracité de la preuve de l’employeur. Elle doit présenter une preuve contraire devant la division générale, ce que le prestataire n’a pas fait.

[35] Compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait, la division générale ne pouvait tout simplement pas en arriver à une conclusion différente de celle à laquelle elle est arrivée.

[36] Je ne vois aucune raison d’intervenir sur la question de la répartition de la rémunération.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait sciemment fourni de l’information fausse ou trompeuse qui justifiait une pénalité non pécuniaire?

[37] La division générale devait décider si le prestataire avait sciemment fourni de l’information fausse ou trompeuse dans ses déclarations et, dans l’affirmative, si la Commission avait eu raison de lui imposer une pénalité non pécuniaire.

[38] La seule exigence pour que le législateur impose une pénalité est qu’une déclaration fausse ou trompeuse ait été faite sciemment, c’est-à-dire en toute connaissance de cause. Par conséquent, l’absence de l’intention de fraude n’est pas pertinente.

[39] Le dossier montre que le prestataire a répondu « non » aux questions suivantes :

  • Avez-vous travaillé ou touché un salaire pendant la période visée par cette déclaration? Ceci inclut un travail pour lequel vous serez payé plus tard, du travail non rémunéré ou du travail à votre compte.
  • Y a-t-il d’autres sommes que vous n’avez pas précédemment déclarées, que vous avez touchées ou que vous recevrez relativement à la période visée par la déclaration?

[40] Devant la division générale, le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas sciemment fourni de l’information fausse ou trompeuse, parce qu’il ne croyait pas être rémunéré pour ses services. Il a obtenu une rémunération beaucoup plus tard. Le prestataire a ajouté qu’il faisait affaire avec l’agence pour acquérir de l’expérience et non pour être payé.

La division générale n’a pas trouvé les explications du prestataire crédibles. Elle a jugé que les questions posées par la Commission étaient claires et simples. La première question porte sur le travail non rémunéré et la deuxième, sur l’argent que le prestataire recevra pour la période visée par la déclaration.

[41] La division générale n’a pas cru que le prestataire avait quitté l’école pour travailler sans être rémunéré. De plus, même si le prestataire ne s’attendait pas à recevoir de salaire, il savait qu’il travaillait pendant qu’il recevait des prestations. C’est seulement lorsque la Commission a communiqué avec lui qu’il s’est excusé de ne pas avoir signalé sa situation à temps.

[42] J’estime que la division générale a correctement énoncé le critère juridique pertinent. Elle a appliqué ce critère aux faits soulevés par le prestataire et a examiné si, compte tenu de toutes les circonstances, le prestataire avait fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses. Elle a également énoncé le critère approprié pour décider si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée en imposant une pénalité non pécuniaire.

[43] Je ne vois aucune raison d’intervenir sur la question de la pénalité.

Conclusion

[44] L’appel est rejeté.

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