Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 496

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (425980) rendue par la Commission
de l’assurance-emploi du Canada le 16 juin 2021
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 11 août 2021
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 16 août 2021
Numéro de dossier : GE-21-1224

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle a droit au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 14 décembre 2020 au 16 février 2021 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. En temps normal, il faut donc que les prestataires poursuivent leur recherche d’emploi.

[4] Selon la Commission, l’appelante n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle s’occupait de son fils. Elle affirme que l’appelante a restreint sa disponibilité en raison d’une obligation familiale. La Commission lui avait versé des prestations pendant huit semaines et, en raison de la déclaration d’inadmissibilité, la Commission a établi un trop-payé de prestations pouvant faire l’objet d’un recouvrement (remboursement).

[5] L’appelante n’est pas d’accord. Elle soutient qu’elle était toujours disponible et disposée à reprendre son emploi. Elle ne pouvait pas le faire parce qu’elle devait s’occuper de son fils. Durant la période en question, le Bureau de santé publique de Toronto a fermé l’école de son fils en raison de la COVID‑19. L’appelante affirme qu’elle n’avait pas d’autre choix que de s’occuper de lui parce qu’elle est mère de famille monoparentale et qu’aucun service de garde n’était disponible pour son fils.

[6] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) qu’elle était disponible pour travailler.

Question en litige

[7] L’appelante était-elle disponible pour travailler?

Analyse

[8] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible selon les deux articles. Elle prétend donc que l’appelante doit remplir les critères des deux articles de loi pour recevoir des prestations.

[9] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas page 2 ».

[10] En deuxième lieu, la Loi prévoit aussi que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas page 3. La jurisprudence donne trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[11] La Commission a établi que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon les deux articles de loi.

[12] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour vérifier si l’appelante était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[13] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de l’appelante étaient habituelles et raisonnablesNote de bas page 5. Normalement, je dois regarder si les démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. D’habitude, cela veut dire qu’il faut que l’appelante ait continué de chercher un emploi convenable.

[14] La Commission affirme que l’appelante n’en a pas fait assez pour tenter de trouver un emploi. Selon elle, l’appelante a limité sa disponibilité en raison d’une obligation familiale ou d’une objection personnelle attribuable à la pandémie de COVID‑19.

[15] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit qu’elle n’avait pas le choix. Le Bureau de santé publique de Toronto a fermé l’école de son fils. Selon son témoignage, elle est une mère de famille monoparentale qui n’a pas le soutien d’un autre parent. Elle ne pouvait pas demander à sa mère de s’occuper de son fils parce que cette dernière a des problèmes de santé et que l’appelante ne voulait pas risquer de l’exposer à la COVID‑19. L’appelante a affirmé qu’elle ne pouvait trouver aucun service de garde parce que les garderies étaient également fermées durant cette période.

[16] L’appelante a déclaré que le problème découle essentiellement de la façon dont la Commission a traité sa demande de prestations.

[17] L’appelante a raconté avoir demandé des prestations d’assurance-emploi en novembre 2020, lorsque son fils de six ans a été exposé à la COVID‑19 et qu’on l’a renvoyé à la maison pour un isolement de 14 jours. De toute évidence, l’appelante était en contact avec son fils et elle n’a eu d’autre choix que de s’occuper de lui et de s’isoler durant la même période. Elle a informé son employeur, qui lui a permis de s’absenter du travail et lui a assuré qu’elle pourrait reprendre son emploi lorsqu’elle en serait capable. Lorsque l’appelante a présenté sa demande initiale de prestations, on lui a dit qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi, mais que comme les nouvelles prestations de [traduction] « relance économique » liées à la COVID‑19 n’avaient pas encore été mises en place, une demande de prestations d’assurance-emploi serait présentée pour elle.

[18] La personne qui représentait la Commission a suggéré à l’appelante de demander des prestations de maladie. L’appelante a dit à la personne de la Commission qu’elle n’était pas malade et que la seule raison pour laquelle elle ne travaillait pas était que son fils ne pouvait pas aller à l’école et qu’elle ne pouvait pas s’arranger autrement. L’appelante a déclaré que la personne qui représentait la Commission lui avait assuré que tout problème serait réglé plus tard. Une personne l’a aidée en entrant ses renseignements à la main pour activer la demande de prestations. L’appelante a confirmé dans son témoignage que sa demande avait été approuvée et qu’elle a reçu l’équivalent d’une semaine de prestations d’assurance-emploi.

[19] Lorsque l’école de son fils a fermé le 18 décembre 2020, l’appelante a recommencé à remplir des déclarations hebdomadaires pour l’assurance-emploi, mais elles ont été refusées. Elle a communiqué avec la Commission et on lui a dit que sa demande de prestations avait été remplacée par une demande de prestations régulières. On lui a suggéré de noter dans ses déclarations hebdomadaires qu’elle était disponible et qu’elle cherchait du travail. Elle a dit à la personne de la Commission qu’elle ne cherchait pas de travail et qu’elle voulait ne voulait pas mal faire. La personne l’a de nouveau informée que tout problème serait corrigé plus tard. Elle a donc présenté ses déclarations hebdomadaires en y précisant qu’elle était disponible pour chercher du travail, comme on lui avait dit de faire, et elle a reçu des prestations.

[20] Faisons un saut dans le temps, jusqu’au 28 mai 2021. L’appelante reçoit une lettre l’informant qu’elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’avait pas pris de dispositions satisfaisantes pour faire garder son enfant. Lorsque l’appelante a téléphoné à la Commission, celle-ci lui a suggéré de communiquer avec l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour obtenir la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants (PCREPA). La personne de la Commission a dit à l’appelante que ses renseignements seraient versés dans une base de données conjointe mise à la disposition de l’ARC.

[21] L’appelante a communiqué avec l’ARC, qui l’a informée que sa demande ne pouvait pas être traitée parce qu’il y avait une demande d’assurance-emploi toujours ouverte à son nom. L’ARC a ajouté que l’appelante n’était pas admissible parce que sa demande tomberait plus de 90 jours après les semaines en question.

[22] L’appelante a demandé une révision et, le 16 juin 2021, la Commission a décidé que l’appelante n’était pas disponible pour travailler et qu’elle n’était donc pas admissible au bénéfice des prestations. Comme elle avait déjà touché des prestations pendant huit semaines, la Commission a établi un trop-payé à rembourser. L’appelante croit qu’elle devrait être admissible au bénéfice de prestations quelconques, qu’il s’agisse de l’assurance-emploi ou de la PCREPA.

[23] Je juge que l’appelante est parfaitement crédible. Son explication des instructions qu’elle a reçues de la part des différentes personnes de la Commission est tout à fait plausible, puisque la Commission devait répondre aux attentes et verser les prestations aux personnes qui en avaient besoin. Je ne perçois aucune tromperie. Son affirmation voulant qu’elle a simplement suivi les instructions des personnes de la Commission parce qu’elle leur faisait confiance correspond à mes attentes.

[24] Je suis convaincu que le personnel de la Commission avait l’intention d’aider l’appelante et croyait que toute erreur ou approbation incohérente de sa part serait corrigée de sorte que l’appelante ne se retrouverait pas avec des prestations à rembourser plus tard.

Qu’est-ce que tout cela signifie?

[25] Ainsi, les efforts déployés par la Commission pour répondre favorablement aux besoins de l’appelante ont mené à l’établissement d’une période de prestations dans le cadre du programme d’assurance-emploi.

[26] Ce n’est que beaucoup plus tard que la Commission a décidé que l’appelante n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Mais comme la demande d’assurance-emploi était toujours en cours et que la Commission a tardé à rendre sa décision, l’appelante n’était pas admissible à la PCREPA.

[27] La Commission cherche maintenant à se faire rembourser les prestations qu’elle a versées à l’appelante, ce qui signifie que l’appelante n’aurait droit à aucune prestation.

Alors, l’appelante est-elle admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi?

[28] Oui.

[29] Je juge que l’appelante n’est pas obligée de satisfaire à la norme des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Je suis convaincu que l’appelante avait un emploi convenable. Elle a obtenu un congé de son emploi chez un grand détaillant pour s’occuper de son fils. Elle avait un emploi qui lui convenait parfaitement et qui l’attendait dès la fin des fermetures et des autres restrictions.

[30] La durée de sa période de chômage est aussi un élément à considérer dans la présente affaire. Il a été jugé raisonnable que quand les prestataires attendent un rappel imminent, il ne faut pas les déclarer inadmissibles aux prestations sur-le-champ en raison d’une recherche d’emploi insuffisanteNote de bas page 6. Même si la fermeture des écoles par le ministère de la Santé n’était accompagnée d’aucune date de fin précise, il était clair que les enfants retourneraient à l’école dès qu’il leur serait possible de le faire en toute sécurité. La réouverture des écoles permettrait à l’appelante de reprendre son poste.

[31] Je suis convaincu que la situation de l’appelante est semblable à un rappel imminent. Son employeur lui avait assuré que son emploi allait être là pour elle dès qu’elle pourrait revenir travailler. Il n’était pas déraisonnable que l’appelante croie que la fermeture de l’école serait de courte durée et qu’elle pourrait reprendre son emploi dès la réouverture des écoles. Il n’y a aucune raison rationnelle qui expliquerait que l’appelante mette en péril un emploi existant dans l’espoir de trouver un autre emploi. Au beau milieu d’une pandémie mondiale, durant laquelle le taux de chômage était élevé partout au Canada et que des mesures de confinement étaient en place, il s’agissait en fait de la meilleure option pour elle et du moyen le plus probable de retourner travaillerNote de bas page 7.

[32] Compte tenu de l’ensemble des circonstances dans lesquelles se trouvait l’appelante et de la nature des restrictions liées à la COVID‑19, je juge que l’appelante n’avait pas besoin de faire des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un autre emploi parce qu’elle avait déjà l’assurance d’un emploi convenable qu’elle reprendrait à la levée des restrictions dues à la COVID‑19.

Capable de travailler et disponible pour travailler

[33] La jurisprudence nomme trois éléments que je dois examiner pour décider si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois choses suivantesNote de bas page 8 :

  1. a) Elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner au travail.

[34] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas page 9.

Désir de retourner au travail

[35] L’appelante a démontré qu’elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.

[36] Elle avait un emploi convenable. Un emploi qui l’attendait. Elle n’a pas été mise à pied ni congédiée parce qu’elle devait s’occuper de son fils. Son employeur a reconnu sa situation, il lui a accordé un congé et il a protégé son poste pour qu’elle puisse le reprendre quand elle le pourrait.

[37] Il est très clair qu’elle a arrêté de travailler parce qu’elle n’avait pas d’autre choix que de rester à la maison pour s’occuper de son fils à cause de la fermeture de l’école par le ministère de la Santé. Elle a déclaré vouloir retourner au travail le plus tôt possible. Et c’est exactement ce qu’elle a fait. Le jour même de la réouverture de l’école de son fils, elle est allée travailler. Je suis convaincu que ses actions montrent son désir de retourner au travail le plus tôt possible étant donné les circonstances.

[38] Je conclus que l’appelante avait un emploi convenable et voulait le reprendre le plus tôt possible.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[39] L’appelante a fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[40] J’ai décrit en détail mes conclusions à ce sujet ci-dessus. L’appelante avait un emploi parfaitement convenable qu’elle pouvait reprendre dès la levée des restrictions liées à la COVID‑19.

[41] Lorsque les prestataires attendent un rappel imminent, il est raisonnable de ne pas les déclarer inadmissibles aux prestations sur-le-champ en raison d’une recherche d’emploi insuffisante. Je suis convaincu que la situation de l’appelante est semblable à un rappel imminent.

[42] Le fait que l’appelante croyait qu’elle pourrait retourner à son emploi dès la réouverture de l’école n’était pas déraisonnable. Comme je l’ai mentionné plus haut, aucune raison rationnelle ne pourrait justifier que l’appelante mette en péril un emploi existant dans l’espoir de trouver un autre emploi. Au beau milieu d’une pandémie mondiale, durant laquelle le taux de chômage était élevé partout au Canada, c’était en fait la meilleure option pour elle et le moyen le plus probable de retourner travaillerNote de bas page 10.

[43] Je conclus que l’appelante n’avait pas besoin de faire des efforts supplémentaires pour trouver un autre emploi convenable parce qu’elle avait déjà l’assurance d’un emploi convenable.

Limitation indue des chances de retourner travailler

[44] L’appelante n’a pas fixé des conditions personnelles qui ont peut-être limité à tort ses chances de retourner travailler.

[45] La Commission affirme que la disponibilité de l’appelante était restreinte en raison d’une obligation familiale ou d’une objection personnelle attribuable à la COVID‑19. Voici ce que la Commission avance dans ses observations :

[traduction]

« Si les personnes déclarent qu’elles auraient été disponibles pour travailler si ce n’était de la COVID‑19 et que rien d’autre ne restreint leur disponibilité, les agentes et les agents peuvent accepter la déclaration comme un fait. Toutefois, ce principe ne s’applique pas aux personnes qui sont indisponibles ou qui ne sont pas autrement disponibles pour accepter un emploi convenable en raison d’une disponibilité restreinte par une obligation familiale ou une objection personnelle attribuable à la pandémie de COVID‑19. »

[46] La déclaration de la Commission précise clairement que si l’appelante avait été disponible si ce n’était de la COVID‑19, elle serait admissible au bénéfice des prestations. La Commission ajoute que, comme elle n’est pas disponible en raison d’une obligation familiale attribuable à COVID‑19, elle n’a pas droit aux prestations.

[47] La Commission n’a présenté aucune référence tirée de la Loi ou du Règlement sur l’assurance-emploi pour appuyer l’inadmissibilité fondée sur une telle notion.

[48] Ce qui me préoccupe ici, c’est que la Commission énumère des éléments concernant la disponibilité selon les circonstances (autrement non disponibles) décrites plus précisément à l’article 18(1)(b) de la Loi sur l’assurance-emploi. Mais elle a invoqué l’article 18(1)(a) de la Loi comme référence législative de l’inadmissibilité.

[49] La question à laquelle il faut répondre est de savoir si l’appelante s’est fixé des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner au travail.

[50] L’appelante affirme qu’elle (je souligne) ne s’est fixé aucune condition qui aurait limité indûment ses chances de retourner travailler. Elle dit n’avoir eu d’autre choix que de s’absenter du travail pour s’occuper de son fils de six ans qui ne pouvait pas aller à l’école en raison d’une fermeture due à la COVID‑19. Elle voulait aller travailler. Le Bureau de santé publique de Toronto a fermé les écoles en réponse à la pandémie de COVID‑19. Il a aussi fermé les garderies dans le but de limiter davantage la propagation du virus.

[51] Les restrictions et les fermetures visaient à ralentir la propagation de la maladie. Faire garder des enfants dans d’autres foyers va tout simplement à l’encontre de la logique ayant entraîné la fermeture des écoles et des garderies. Les parents des enfants ne pouvant pas aller à l’école ou à la garderie ont donc dû faire des pieds et des mains pour trouver des solutions de rechange, qui étaient presque inexistantes, dans l’espoir de continuer à travailler. Si les parents ne pouvaient pas s’arranger autrement, la seule solution possible était de s’absenter du travail pour s’occuper de leurs enfants.

[52] L’appelante est une mère de famille monoparentale qui est responsable d’un enfant de six ans. Elle ne pouvait pas compter sur l’aide d’un autre parent. Les garderies étaient fermées ou seulement ouvertes pour les enfants des personnes dont le travail était jugé essentiel. Elle n’avait pas le choix de cesser de travailler pour s’occuper de son enfant.

[53] Par conséquent, je ne vois aucune différence entre le fait d’être autrement indisponible en raison de la COVID‑19 et le fait d’être autrement indisponible en raison d’une obligation familiale découlant des restrictions imposées en réponse à la COVID‑19.

[54] Je conclus que l’appelante n’a fixé aucune condition personnelle qui aurait limité son retour au travail. De telles conditions lui ont été imposées en raison des restrictions mises en place pour contrôler la propagation de la COVID‑19.

Somme toute, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour travailler?

[55] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments, je juge que l’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais qu’elle ne pouvait pas exercer son emploi convenable pour des raisons indépendantes de sa volonté.

[56] Dans ses observations, la Commission invoque les trois éléments mentionnés dans la décision Faucher pour appuyer sa décision de déclarer l’appelante indisponible et, par conséquent, inadmissible au bénéfice des prestations.

[57] J’ai étudié la décision Faucher. Elle confirme en effet qu’il faut déterminer la disponibilité à l’aide des trois éléments cités. Toutefois, les estimables juges examinaient la décision rendue par le juge-arbitre et ils ont décidé que la conclusion selon laquelle les prestataires n’étaient pas disponibles était fondée sur une application trop étroite des trois éléments. Essentiellement, les juges ont conclu que le juge-arbitre avait rendu la décision en fonction d’un seul élément. Voici la conclusion tirée par les juges :

« Or, il appert, à la lecture des motifs de décision du Conseil arbitral comme du juge-arbitre, que seul le troisième élément a vraiment joué, éclipsant les deux autres, ce qui a conduit à une conclusion qui paraît sans correspondance véritable avec la situation dégagée de l’ensemble des circonstances. » (C’est moi qui souligne.)

[58] Les juges ont fini par conclure ceci :

« Nous ne croyons pas que la conclusion d’indisponibilité puisse se dégager d’une base aussi restreinte, surtout si l’on songe que l’indisponibilité a été déclarée [à] peine un mois après le début de la période de chômage, en plein mois de février alors que le chômage de la plupart des couvreurs ne peut qu’être inévitable. »

[59] Les juges voulaient faire comprendre que la disponibilité n’est pas déterminée en fonction d’un seul facteur à l’exclusion des autres et sans tenir compte de toutes les circonstances. Je vois un parallèle net entre les conclusions des juges dans la décision Faucher et la situation de l’appelante.

[60] Je ne crois pas que la décision de la Commission de déclarer l’appelante indisponible puisse se prendre sur une base aussi restreinte. En particulier, si l’on considère qu’elle a été jugée non disponible pendant seulement deux mois alors qu’elle s’occupait de son fils au beau milieu d’une pandémie mondiale et qu’il était inévitable qu’un grand nombre de personnes seraient incapables de travailler en raison des restrictions imposées dans le but de limiter la propagation du virus causant la COVID‑19.

[61] Ma conclusion est fondée sur l’ensemble des circonstances auxquelles l’appelante devait faire face.

[62] Pour terminer, je me sens obligé de parler de la coordination des prestations entre l’Agence du revenu du Canada et la Commission de l’assurance-emploi du Canada.

[63] Sans l’avoir cherché, l’appelante s’est retrouvée coincée entre deux organisations qui sont responsables de coordonner les prestations d’urgence, mais qui sont également enracinées à l’intérieur de leurs cloisons administratives. L’une dit que l’appelante n’a pas droit aux prestations parce qu’elle n’est pas disponible pour travailler. L’autre dit ne pas pouvoir examiner la demande de l’appelante parce qu’elle a une autre demande en cours chez la première organisation.

[64] Je suis consterné par le manque apparent d’efforts dont ont fait preuve ces organisations pour coordonner des prestations de façon à s’assurer que la population canadienne reçoit l’aide dont elle a besoin. Le Parlement a créé un cadre d’intervention contre la COVID‑19 de façon à s’assurer que les gens qui ont besoin d’aide et qui y sont admissibles peuvent l’obtenir. Les organisations qui administrent le cadre d’intervention ont l’obligation de vérifier l’admissibilité, mais elles ont également l’obligation de faciliter le cheminement des demandes pour veiller à ce que les prestataires admissibles reçoivent des prestations.

[65] Un examen même rapide de la PCREPA amènerait quiconque à conclure que l’appelante y avait droit. Pourquoi la Commission n’a-t-elle pas signalé sa demande et collaboré avec l’ARC pour déterminer la meilleure option dans le cas de l’appelante?

[66] La Commission a dit à l’appelante qu’elle avait versé ses renseignements dans une base de données conjointe à laquelle l’ARC avait accès pour aider à faire avancer son dossier. Mais l’appelant avait déjà mentionné que l’ARC avait refusé sa demande. La Commission n’a rien fait pour tenter de communiquer avec l’ARC et voir quelle serait la meilleure façon de corriger la demande de prestations et de choisir l’option la plus appropriée. Une telle inaction a fini par empêcher l’appelante d’avoir accès aux prestations, même s’il est évident qu’elle y avait droit.

[67] Quelle est la valeur d’une base de données conjointe qui ne facilite pas vraiment la coordination des divers programmes de prestations? Ce ne sont pas les ordinateurs qui règlent les problèmes, ce sont les gens. Ces organisations ont donc la responsabilité de créer les équipes de liaison nécessaires pour régler les problèmes. Il ne suffit pas de simplement verser les renseignements des prestataires dans une base de données et de s’en laver les mains.

[68] Il est tout simplement scandaleux de laisser entendre qu’une mère de famille monoparentale qui est forcée de s’occuper de son enfant de six ans à la maison en raison des restrictions dues à la COVID‑19 n’a pas droit à une forme quelconque de prestations. Je demande à la Commission et à l’ARC de reconnaître qu’elles ont la responsabilité d’aider la population canadienne et de coordonner leurs efforts pour faciliter les demandes légitimes de prestations sans compliquer les choses par des pratiques bureaucratiques qui donnent des résultats étonnamment peu judicieux.

Conclusion

[69] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi pendant la période du 14 décembre 2020 au 16 février 2021. C’est pourquoi je conclus que l’appelante n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Par conséquent, l’appelante a droit aux prestations.

[70] Ainsi, l’appel est accueilli.

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