Assurance-emploi (AE)

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Citation : AN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 525

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (416546) datée du 22
février 2021 rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charline Bourque
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 avril 2021
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 avril 2021
Numéro de dossier : GE-21-428

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Décision

[1] L’appel est rejeté sur la question de la répartition de la rémunération. L’appel est accueilli sur la question des fausses déclarations. L’appelante n’a pas sciemment fait de déclarations fausses ou trompeuses.

Aperçu

[2] La Commission a déterminé que l’appelante avait reçu une rémunération de la part de son employeur alors qu’elle a réclamé des prestations d’assurance-emploi. Elle a donc réparti ces montants. De plus, elle a imposé une pénalité non monétaire, considérant que l’appelant a fait des déclarations fausses ou trompeuses en ne déclarant pas cette rémunération.

[3] L’appelante est en accord avec la rémunération reçue de l’employeur et la répartition effectuée par la Commission. Elle ne conteste donc pas la question de la répartition de la rémunération. Néanmoins, elle est en désaccord avec le fait qu’elle a fait de fausses déclarations. Elle indique avoir été victime de fraude de la part de son ex-conjoint et qu’elle ignorait que ce dernier avait réclamé des prestations d’assurance-emploi en son nom.

Question que je dois examiner en premier

[4] L’appelante a confirmé en début d’audience qu’elle ne porte pas la question de la rémunération en appel. L’appelante a confirmé être en accord avec cette décision et indiqué qu’elle souhaite seulement porter en appel la question des fausses déclarations. Par conséquent, mon analyse ne portera que sur la question des fausses déclarations, seule question portée en appel par l’appelante dans ce dossier.

Question en litige

[5] La Commission pouvait-elle imposer une pénalité à l’appelante ?

Analyse

Question en litige : La Commission pouvait-elle imposer une pénalité à l’appelante ?

[6] Lorsque la Commission prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a, à l’occasion d’une demande de prestations, fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse, elle peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actesNote de bas de page 1.

[7] Néanmoins, la Commission ne peut infliger des pénalités plus de trente-six mois après la date de perpétration de l’acte délictueuxNote de bas de page 2.

[8] La Commission peut, en guise de pénalité donner un avertissement (aussi appelé une pénalité non monétaire) à la personne qui a perpétré un acte délictueuxNote de bas de page 3.

[9] Dans tous les cas, la Commission a le fardeau de démontrer que le prestataire a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses. Puis, le prestataire doit expliquer pourquoi ces déclarations ont été faitesNote de bas de page 4.

[10] Dans le cas présent, la Commission a imposé une pénalité non monétaire à titre de lettre d’avertissement puisque les actes délictueux ont eu lieu après le délai de 36 moisNote de bas de page 5. Ainsi, pour déterminer si la Commission pouvait imposer une pénalité à l’appelante, je dois répondre aux questions suivantes :

  1. La Commission a-t-elle démontré que l’appelante a fait des déclarations fausses ou trompeuses ?
  2. Si oui, ces déclarations ont-elles été faites sciemment ?
  3. Si oui, la Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en déterminant le montant de la pénalité à être imposée ?
  4. Sinon, quelle doit être la pénalité imposée ?
La Commission a-t-elle démontré que l’appelante a fait des déclarations fausses ou trompeuses ?

[11] Je suis d’avis que la Commission a démontré que l’appelante a fait des déclarations fausses ou trompeuses.

[12] Le fardeau de la preuve, qui repose sur la Commission, consiste à établir, selon une prépondérance des probabilités (c’est-à-dire qu’il est plus probable qu’improbable), qui n'est pas hors de tout doute raisonnable, que le prestataire a fait une fausse déclaration ou représentation sachant que celle-ci était fausse ou trompeuseNote de bas de page 6.

[13] La Commission soutient qu’elle a démontré que l’appelante a fait de fausses déclarations lorsqu’elle a omis de déclarer sa rémunération à titre de salaire provenant de l’employeur Agence du Revenu du Québec pour la période du 21 août 2016 au 22 octobre 2016.

[14] Je constate que l’employeur a confirmé la rémunération payée à l’appelante pour la période du 21 août 2016 au 22 octobre 2016.

[15] L’appelante a aussi confirmé être en accord avec les montants reçus de son employeur ainsi qu’avec la répartition de la rémunération effectuée par la Commission. L’appelante ne remet pas en question cette répartition.

[16] Ainsi, je suis d’avis que la Commission a démontré que l’appelante n’a pas déclaré la rémunération reçue de son employeur pendant les périodes en litige et que des déclarations fausses ou trompeuses ont été faites.

[17] Par conséquent, je dois me pencher sur la question à savoir si ces déclarations fausses ou trompeuses ont été faites sciemment.

L’appelante a-t-elle fait ces déclarations fausses ou trompeuses sciemment ?

[18] Un prestataire ne doit pas seulement faire une déclaration fausse ou trompeuse. Celle-ci doit aussi avoir été faite sciemment. Il faut donc, sur une balance des probabilités (c’est-à-dire, qu’il soit plus probable qu’improbable), qu’un prestataire ait une connaissance du fait qu’il faisait une déclaration fausse ou trompeuseNote de bas de page 7.

[19] Pour déterminer si un prestataire avait une connaissance subjective du fait qu’il faisait une déclaration fausse ou trompeuse, je peux toutefois tenir compte du bon sens et de facteurs objectifs.

[20] Ainsi, lorsqu’un « prestataire prétend ignorer un fait connu du monde entier, le juge des faits peut à bon droit refuser de le croire et conclure qu’il connaissait bel et bien ce fait bien qu’il le nie. Le fait que le prestataire ignore une évidence peut donc mener à une inférence légitime selon laquelle il ment. Le critère appliqué n’est pas objectif pour autant, mais il permet de tenir compte d’éléments objectifs pour trancher la question de la connaissance subjective. Si, en définitive, le juge des faits est d’avis que le prestataire ne savait effectivement pas que sa déclaration était fausse, l’irrégularité visée par le paragraphe [38 (1)] n’a pas été commise. »Note de bas de page 8

[21] La Commission considère que l’appelante a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses comme elle est responsable de son code d’accès unique pour la présentation des déclarations du prestataire. En ayant partagé avec l’ex-conjoint l’accès à son ordinateur où ses mots de passe sont enregistrés, elle a donné la possibilité à celui-ci d’utiliser le code d’accès et d’encaisser les prestations d’assurance-emploi. Bien qu’elle ignorait les actes de l’ex-conjoint, elle demeure la détentrice du compte bancaire où ont été effectués les versements et devait donc raisonnablement savoir qu’il y avait des dépôts provenant des prestations d’assurance-emploi, ainsi que leur retrait par l’ex-conjoint.

[22] De plus, la Commission est d’avis que l’appelante ne l’a pas contacté pour l’aviser de l’usurpation d’identité à partir du moment où elle a pris connaissance de la situation. Elle indique ne pas avoir présenté de plainte à la police, l’ex-conjoint ayant adressé des menaces de mort à son endroit. De plus, la Commission considère que le rapport d’accident signalé le 4 mars 2021 au Service de police de la Ville de Québec n’est pas la preuve de ses démarches auprès du Service de police pour l’usurpation d’identité, puisque le document fait référence à un rapport d’accident et non un rapport d’événement.

[23] L’appelante est en désaccord avec la position de la Commission. Elle indique qu’elle a été victime de fraude de la part de son ex-conjoint qui avait aussi proféré des menaces à son encontre. Elle indique avoir déposé plainte à la police après avoir pris connaissance de la décision de la Commission en février 2021. Enfin, elle ajoute que l’endos du document du Service de police fait référence à un événement et non seulement à un accident tel que le soutenait la Commission. 

[24] L’appelante ne considère pas avoir sciemment fait de fausses déclarations. Elle n’a pas volontairement donné son code d’accès, mais a prêté son ordinateur où certains mots de passe étaient enregistrés. Elle indique qu’elle a déménagé plusieurs fois par crainte de son ex-conjoint et que bien que son compte bancaire soit demeuré ouvert, elle ne l’a pas utilisé en ayant ouvert un autre dans la ville où elle est déménagée. Elle ne savait donc pas que des dépôts de l’assurance-emploi avaient été faits. Elle n’a pas réclamé d’autres prestations par la suite.

[25] Je constate que la Commission considère les explications de l’appelante comme étant crédiblesNote de bas de page 9. Je trouve néanmoins contradictoire que tout en acceptant son témoignage, la Commission remette en doute le fait que l’appelante ait déposé une plainte au Service de police à ce sujet alors que l’appelante soutient le contraire.

[26] Ainsi, en acceptant le témoignage de l’appelante, même sans que l’appelante ait déposé une plainte à la police pour usurpation d’identité, je suis d’avis que je ne peux conclure que l’appelante a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse.

[27] L’appelante a volontairement prêté son ordinateur à son ex-conjoint. Néanmoins, je suis d’avis que se faisant, elle ne pouvait pas nécessairement se douter que celui-ci ferait des déclarations fausses ou trompeuses en son nom. Je ne peux conclure qu’elle avait connaissance du fait que son ex-conjoint a fait une déclaration fausse ou trompeuse en son nom ou qu’elle faisait elle-même ou avait connaissance de faire une déclaration fausse ou trompeuseNote de bas de page 10.

[28] Par conséquent, je suis d’avis que, sur une balance des probabilités, l’appelante n’a pas sciemment fait des déclarations fausses ou trompeusesNote de bas de page 11.

[29] Ainsi, je suis d’avis qu’aucune pénalité ou pénalité monétaire ne doit être imposée à l’appelante. Enfin, comme l’appelante n’a pas sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses, je n’ai pas à poursuivre mon analyse sur les questions restantes.

[30] L’appel est accueilli sur cette question. La Commission ne peut imposer de pénalité comme l’appelante n’a pas sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli en partie. L’appel est rejeté sur la question de la répartition de la rémunération. L’appel est accueilli sur la question des fausses déclarations (pénalité).

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