Assurance-emploi (AE)

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Citation : AR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 559

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. R.
Représentante : C. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (427260) datée du 26 juillet 2021 rendue par la Commission de l’assuranceemploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 15 septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : A. R., appelant
C. R., représentante de l’appelant
R. R., observateur
Date de la décision : Le 17 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1476

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Je conclus que la demande de prestations déposée par l’appelant peut être considérée comme ayant été présentée le 27 septembre 2020.

Aperçu

[3] L’appelant a présenté une demande de prestations le 29 décembre 2020 alors qu’il avait cessé d’occuper son emploi le 12 mars 2020. Le 9 février 2021, il a demandé à la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) de considérer rétroactivement sa demande au 27 septembre 2020.

[4] Le 26 juillet 2021, la Commission a conclu que l’appelant n’avait pas un motif valable justifiant son retard à déposer sa demande entre le 27 septembre 2020 et le 29 décembre 2020.

[5] L’appelant soutient essentiellement qu’en raison de la pandémie, il a éprouvé des difficultés à contacter la Commission autant par téléphone que par Internet et que, pour cette raison, il n’a pu amorcer sa demande adéquatement en l’absence d’un code qui était exigé pour les étapes subséquentes. Je dois déterminer si la demande de prestations de l’appelant doit être considérée comme ayant été présentée le 27 septembre 2020.

Question en litige

[6] L’appelant avait-il une explication raisonnable à fournir justifiant son retard ?

Analyse

L’appelant avait-il une explication raisonnable à fournir justifiant son retard ?

[7] Une période de prestations peut être établie à une date antérieure lorsque deux conditions sont remplies : le demandeur de prestations remplit les conditions requises pour l’admissibilité aux prestations à cette date antérieure et il a, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[8] Les conditions requises pour l’admissibilité de l’appelant ne sont pas contestées et je constate qu’une période de prestations a été établie sa faveur au 27 décembre 2020.

[9] Afin de pouvoir considérer sa demande de façon rétroactive, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable pour justifier son retard durant toute la période écoulée.Note de bas de page 1 Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[10] De plus, l’appelant doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente aurait agi si elle avait été placée dans une situation semblable.Note de bas de page 2 Autrement dit, l’appelant doit démontrer qu’il a agi aussi raisonnablement et aussi prudemment que n’importe quelle autre personne placée dans une situation semblable.

[11] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la Loi lui imposait.Note de bas de page 3 Cela veut dire qu’il doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer de ses droits et de ses responsabilités dès que possible. Si l’appelant ne l’a pas fait, il doit alors démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêché.Note de bas de page 4

[12] L’appelant doit démontrer un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande pendant toute la période du retard.Note de bas de page 5 Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande soit considérée au jour où il a présenté sa demande. Par conséquent, la période de retard s’échelonne du 27 septembre 2020 au 29 décembre 2020.

[13] L’appelant précise avoir cessé d’occuper son emploi en mars 2020 en raison de la pandémie du Covid-19. Il a bénéficié d’une prestation d’urgence jusqu’à la fin du mois de septembre 2020. Il a réussi à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi le 29 décembre 2020 alors que, depuis le mois d’octobre 2020, il tentait de régulariser son dossier.

[14] L’appelant a d’abord déclaré à la Commission avoir tardé à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi parce qu’il pensait qu’elle allait être créée automatiquement une fois les versements de la prestation canadienne d’urgence terminés. Il a alors expliqué qu’il n’est pas très familier avec la manière de procéder.

[15] Lors de l’audience, par la voix de sa représentante, il a expliqué avoir recherché de l’information sur Internet concernant la transition de ses prestations d’urgence vers des prestations d’assurance-emploi à compter du mois de septembre 2020. Il produit un document provenant d’un site Internet du gouvernement du Canada sur lequel il est indiqué que si un prestataire se trouve dans la situation mentionnée, il n’a d’autres actions à poser pour la transition de son dossier de la PCU à l’AE. Il démontre qu’il était placé dans cette situation lors de la transition de ce programme vers celui de l’assurance-emploi.Note de bas de page 6

[16] Il explique que les directives ont changé en peu de temps à cette période. Cependant, il s’est aperçu dès le début du mois d’octobre 2020, soit dès le prochain versement supposé, que la transition n’avait pas été effectuée. D’autres directives en ligne lui indiquaient alors d’activer son dossier. Il explique avoir tenté de le faire en ligne dès le mois d’octobre 2020, mais comme il n’avait pas le code permettant de passer aux autres étapes, il n’a pu compléter cette action.

[17] Il explique avoir tenté à de nombreuses reprises de parler à un agent pendant cette période, mais que c’était impossible. Son père a également tenté de joindre la Commission pour l’aider, sans succès. Il précise même avoir attendu « au bout de la ligne » jusqu’à ce qu’un agent répondre et que finalement la ligne a coupé.

[18] Lors de l’audience, il a également précisé qu’après avoir tenté à de nombreuses occasions de rejoindre un agent de la Commission par téléphone, il a réussi en décembre 2020 et il a obtenu un code. Cependant, il affirme que le service qui lui a été offert était médiocre, que l’agent ne l’aurait pas aidé et qu’il aurait considéré d’emblée qu’il était fautif d’avoir présenté sa demande en retard en ne considérant pas ses essais.

[19] L’appelant explique qu’il travaille avec de la machinerie lourde et, même s’il a obtenu des permissions spéciales de son employeur pour régler son dossier avec la Commission sur les lieux du travail, il ne se trouvait pas dans des conditions idéales lorsqu’il a finalement pu interagir avec un agent. Il affirme que la Commission n’a pas voulu l’aider alors que cette situation due à la pandémie est exceptionnelle.

[20] En ce sens, l’appelant fait valoir que le discours politique est différent du discours administratif alors qu’il n’a pas obtenu de souplesse pour obtenir des prestations. Selon lui, il y avait une confusion interne à la Commission qui affecte sa crédibilité. Il trouve décevant l’argumentation produite par la Commission, donnant l’impression qu’on s’acharne à démontrer qu’il est fautif alors qu’il a plutôt tenté, aidé par ses parents, de joindre la Commission plusieurs fois.

[21] Enfin, il fait valoir que la Commission a transmis son dossier au Tribunal, mais qu’elle a omis d’inclure des échanges ayant eu lieu en août 2021 entre son député et un agent de la Commission. L’appelant fait valoir par cet argument que, devant l’insuccès de ses démarches, il a tenté un autre moyen. Il affirme également qu’un autre entretien est absent du dossier transmis par la Commission alors qu’un agent lui aurait « fermé la ligne au nez ».

[22] L’appelant fait donc valoir que, même si la Commission perçoit qu’il a été inactif dans ses démarches parce qu’il n’a pas réussi à parler à un agent avant le mois de décembre 2020, cette perception est erronée et ne prend pas en considération toutes les tentatives effectuées pour finalement réussir à obtenir un code lui permettant d’activer sa demande.

[23] La représentante de l’appelant fait même valoir que les organismes gouvernementaux devraient fournir des accommodements aux personnes souffrant d’un trouble du déficit d’attention en leur offrant un délai supplémentaire pour présenter leurs demandes. L’appelant vit avec ce trouble, mais dans son cas, il a eu la chance d’obtenir le soutien de ses parents. Elle indique également, suivant une décision qu’elle a produite, que la Commission n’a pas considéré que la sœur de l’appelant est décédée.

[24] La Commission soutient que l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait placée dans la même situation puisqu’il n’a pas communiqué avec elle pour s’informer de ses droits. Elle fait valoir que l’appelant a attendu près d’un mois pour tenter de s’informer auprès de la Commission et qu’il aurait pu tenter de joindre la Commission par d’autres moyens disponibles, comme Internet.

[25] Je dois évaluer si l’appelant avait, pendant toute la période de retard à présenter sa demande de prestations, un motif valable pour ne pas avoir présenté sa demande entre le 27 septembre 2020 et le 29 décembre 2020. L’appelant doit démontrer qu’il aurait agi comme l’aurait fait une personne raisonnable placée dans la même situation pour s’acquitter de ses obligations et faire valoir ses droits aux termes de la Loi.Note de bas de page 7

[26] D’abord, même si l’appelant ne connaissait pas la manière de procéder pour demander des prestations et qu’il n’en avait pas l’expérience, comme la Commission le fait valoir, la bonne foi et l’ignorance de la Loi ne constituent pas en elles-mêmes un motif valable pour justifier le retard à déposer une demande. Ce motif pourrait être valable si l’appelant est en mesure de démontrer qu’il a agi comme toute autre personne raisonnable l’aurait fait dans les mêmes circonstances pour s’acquitter de ses obligations et faire valoir ses droits.Note de bas de page 8

[27] Cependant, dans ce cas-ci, au-delà des difficultés dues au fait que l’appelant ne connaissait pas la manière de procéder, il a également éprouvé de la difficulté à joindre la Commission. Il a expliqué que les délais d’attente au téléphone étaient longs et qu’il a tenté à de nombreuses reprises, autant par Internet que par téléphone, de régulariser son dossier. Ses tentatives sont demeurées vaines jusqu’en décembre 2020.

[28] D’emblée, j’estime que des circonstances exceptionnelles dues à la pandémie du Covid-19 doivent être considérées et qu’elles concordent avec la période du retard de l’appelant à présenter sa demande. Pendant cette période, une transition entre la prestation canadienne d’urgence et les prestations d’assurance-emploi devait être effectuée par les prestataires.

[29] L’appelant croyait qu’il y avait un lien entre les deux programmes de prestations et qu’il n’avait pas à faire une demande de prestations d’assurance-emploi. Comme il l’a démontré, le site Internet du gouvernement du Canada mentionne spécifiquement ce lien. Cependant, dès le mois d’octobre 2020, il a tenté de nombreuses fois de contacter la Commission. Je suis d’avis qu’il faut considérer certains impacts administratifs dus à la pandémie du Covid-19; pour n’en citer que quelques-uns : les agents travaillaient essentiellement de la maison et le système semblait surchargé. Ainsi, il est plus que probable que des circonstances exceptionnelles ont empêché l’appelant de présenter sa demande au 27 septembre 2020.

[30] Cette période exceptionnelle concorde avec de nombreux changements pour les prestataires qui devaient effectuer une transition d’un programme à l’autre et il faut considérer les difficultés d’accès pour obtenir des informations ou même un code permettant d’effectuer toutes les étapes requises pour présenter une demande.

[31] Bien que la Commission fasse valoir que l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait placée dans la même situation et qu’il aurait pu tenter de la joindre par d’autres moyens, je suis d’avis que l’appelant a raisonnablement fait ce qu’il pouvait. Non seulement il a démontré avoir tenté de joindre la Commission autant par téléphone que par Internet, mais ses parents, présents lors de l’audience, ont démontré l’avoir soutenu tout au long du processus et ils ont également été incapables de joindre la Commission pendant cette période.

[32] L’appelant a la responsabilité de s’informer de ses droits et de ses obligations auprès de la Commission et j’estime qu’il est plus probable qu’improbable qu’il ait éprouvé des difficultés pour parler à un agent de la Commission pendant cette période, malgré les nombreuses tentatives qu’il mentionne avoir faites.

[33] J’estime que l’appelant a démontré avoir agi comme une personne raisonnable l’aurait fait placée dans les mêmes circonstances; il a tenté à plusieurs reprises de contacter la Commission.

Conclusion

[34] Je conclus que l’appelant avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations entre le 27 septembre 2020 et le 29 décembre 2020.

[35] L’appel est accueilli.

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