Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 529

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision (429498) de la Commission de l’assurance-emploi du Canada datée du 3 août 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 septembre 2021
Personne présente à l’audience : Prestataire

Date de la décision : Le 8 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1465

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté sous réserve de modifications. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler pendant qu’elle fait ses études. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 22 février 2021 au 31 mars 2022, parce qu’elle n’est pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, une partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle est disponible pour travailler. La prestataire doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est disponible pour travailler.

[5] La Commission dit que la prestataire n’est pas disponible parce qu’elle est aux études à temps plein.

[6] La prestataire n’est pas d’accord. Elle dit qu’elle peut s’inscrire pour trouver un emploi lié à ses études, mais qu’elle n’a pas de voiture pour se rendre à destination.

Question à considérer en premier

[7] La prestataire affirme ne pas comprendre comment sa demande est passée de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) aux prestations d’assurance-emploi. Elle veut recevoir la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), mais elle affirme que personne ne lui a dit de changer de la PCU à la PCRE. La Commission soutient que la prestataire a établi une période de prestations le 4 octobre 2021 en fonction d’une demande qu’elle a présentée le 7 mai 2020. Elle affirme que sa demande a été établie après la fin de sa prestation canadienne d’urgence.

[8] J’estime avoir la compétence d’instruire l’appel de la prestataire en raison de la décision découlant d’une révision de la Commission et l’avis d’appel de la prestataire. Je n’ai pas le pouvoir de rendre des décisions concernant la PCU et le passage à la PCRE. Pour cette raison, j’aborderai seulement la question de la disponibilité.

Question en litige

[9] La prestataire est-elle disponible pour travailler pendant qu’elle est aux études?

Analyse

[10] Il y a deux articles de loi qui exigent que les parties prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon les deux articles. Cette dernière doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[11] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle a fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas page 2 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[12] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas page 3. La jurisprudence donne trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[13] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’est pas disponible pour travailler selon les deux articles de loi.

[14] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les personnes qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas page 5. C’est ce qu’on appelle la [traduction] « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que nous pouvons supposer qu’une étudiante ou un étudiant n’est pas disponible pour travailler lorsque la preuve montre que la personne est aux études à temps plein.

[15] Je vais commencer par voir si je peux présumer que la prestataire n’est pas disponible pour travailler. Ensuite, je vérifierai si elle est disponible en fonction des deux articles de la loi sur la disponibilité.

Présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[16] La présomption selon laquelle les étudiantes et les étudiants ne sont pas disponibles pour travailler s’applique seulement aux personnes qui étudient à temps plein.

La prestataire ne conteste pas qu’elle est étudiante à temps plein

[17] La prestataire convient qu’elle est étudiante à temps plein, et je ne vois aucune preuve du contraire. J’accepte donc que la prestataire soit aux études à temps plein.

[18] La présomption s’applique à la prestataire.

La prestataire est étudiante à temps plein

[19] La prestataire est étudiante à temps plein. Cependant, la présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est-à-dire, qu’on peut démontrer qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption était réfutée, elle ne s’appliquerait pas.

[20] Il y a deux façons pour la prestataire de réfuter la présomption. Elle peut montrer qu’elle a déjà travaillé à temps plein tout en poursuivant ses étudesNote de bas page 6. Elle peut aussi démontrer qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas page 7.

[21] La prestataire affirme qu’elle essayait de trouver un emploi qu’elle pourrait occuper tout en respectant ses obligations scolaires.

[22] La Commission affirme que la prestataire n’est pas prête à abandonner son cours pour accepter un emploi à temps plein et qu’elle cherche seulement un emploi où elle travaillerait samedi et dimanche matin.

[23] J’estime que la prestataire n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité. Elle a déclaré qu’elle n’a jamais travaillé à temps plein pendant qu’elle faisait ses études.  Elle a également expliqué qu’elle avait de l’expérience en tant qu’assistante dans un bureau médical, mais que le travail dans ce domaine exige huit heures de travail par jour, habituellement pendant la semaine. Elle dit qu’elle ne peut pas faire ce travail pendant ses études. La prestataire affirme pouvoir travailler comme aide-soignante, mais qu’elle a besoin d’une lettre de son école pour le faire. Elle a ajouté qu’elle n’a pas de voiture et qu’elle ne pourrait donc pas faire ce travail non plus.

[24] J’estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler tout en poursuivant ses études à temps plein. Elle a dit qu’en raison de ses études, elle dort environ six heures par nuit seulement. J’en conclus que la prestataire a peu de temps pour travailler en raison du temps qu’elle passe à aller en classe et à faire ses devoirs. Son témoignage selon lequel elle peut uniquement travailler les fins de semaine appuie cette conclusion.

[25] La prestataire n’a pas réfuté la présomption selon laquelle elle n’est pas disponible pour travailler.

La présomption n’est pas réfutée

[26] La Cour d’appel fédérale ne nous a pas encore dit en quoi la présomption et les articles de la loi qui traitent de la disponibilité sont liés les uns aux autres. Comme cela n’est pas clair, je vais continuer d’examiner les articles de la loi qui traitent de la disponibilité, même si j’ai déjà conclu que la prestataire est présumée non disponible.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[27] Le premier article de la loi que je vais examiner dit qu’une partie demanderesse doit prouver qu’elle a fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploiNote de bas page 8.

[28] La loi énonce des critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas page 9. Je dois évaluer si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir cherché un emploi convenable de façon continue.

[29] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas page 10 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • communiquer avec de possibles employeuses ou employeurs;
  • présenter des demandes d’emploi.

[30] La Commission affirme que les démarches de la prestataire n’étaient pas suffisantes pour trouver un emploi. Elle dit qu’elle n’est pas prête à abandonner son cours pour accepter un emploi à temps plein.

[31] La prestataire n’est pas d’accord. Elle dit avoir cherché du travail à temps partiel et occasionnel de façon intermittente.

[32] Dans ses observations, la Commission fait référence à l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle dit qu’au titre de cet article, une partie demanderesse doit faire des efforts raisonnables et habituels pour obtenir un emploi convenable afin de démontrer sa disponibilité.

[33] La Commission a demandé à la prestataire quels emplois elle cherchait et s’ils étaient à temps plein ou à temps partiel. Elle lui a aussi demandé quand elle avait commencé à chercher du travail et si ses efforts avaient été continus. Lorsque la prestataire a répondu à ses questions, la Commission lui a dit qu’elle serait exclue du bénéfice des prestations. Elle lui a dit de les informer si elle élargissait ses efforts de recherche d’emploi pour inclure des heures de jour et de soirée. La Commission n’a pas demandé à la prestataire de prouver sa disponibilité en lui envoyant un dossier de recherche d’emploi détaillé.

[34] J’ai trouvé une décision convaincante de la division d’appel sur les exclusions au titre de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle dit que la Commission peut demander à une partie prestataire de prouver qu’elle a fait des efforts raisonnables et habituels pour trouver un emploi. Elle peut exclure une partie prestataire du bénéfice des prestations si elle ne répond pas à cette demande. Elle doit cependant demander à la partie prestataire de fournir cette preuve et lui dire quel genre de preuve satisferait à ses exigencesNote de bas page 11.

[35] J’estime que la Commission n’a pas demandé à la prestataire de lui fournir son dossier de recherche d’emploi pour prouver sa disponibilité. Pour cette raison, et selon ses observations mises à jour, je ne juge pas qu’elle est inadmissible au titre de cette partie de la loi.

Capacité à travailler et disponibilité à cette fin

[36] Je dois également évaluer si la prestataire est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas page 12. La jurisprudence énonce trois facteurs dont je dois tenir compte pour trancher cette question. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas page 13 :

  1. a) Elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert.
  2. b) Elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui pourraient indûment (en d’autres termes, excessivement) limiter ses chances de retourner au travail.

[37] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas page 14.

Désir de retourner au travail

[38] La prestataire n’a pas démontré qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible.

[39] La prestataire a déclaré ne pas avoir cherché de travail depuis qu’elle a commencé ses cours le 5 octobre 2020. Elle a dit avoir travaillé en août 2021 comme assistante dans un bureau médical, où elle remplaçait quelqu’un qui était en congé. Cependant, elle a aussi affirmé qu’avec le temps qu’elle passe en classe et à faire ses devoirs, cela lui laisse environ six heures par nuit pour dormir.

[40] J’estime qu’il est possible que la prestataire veuille travailler. Par contre, je considère que le fait de ne pas chercher de travail depuis qu’elle a commencé ses études n’est pas la conduite d’une personne qui veut retourner au travail dès qu’un emploi convenable est offert. Je comprends les obstacles au travail dont la prestataire a parlé, et je les analyserai ci-dessous. Cependant, je ne trouve pas suffisant que la prestataire dise qu’elle veut travailler sans prendre des mesures pour démontrer que c’est le cas.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[41] La prestataire n’a fait aucun effort pour trouver un emploi convenable.

[42] Pour tirer une conclusion par rapport à ce deuxième facteur, j’ai examiné la liste des activités de recherche d’emploi susmentionnée. La liste me sert seulement de référenceNote de bas page 15.

[43] J’ai demandé à la prestataire si elle avait fait des efforts pour trouver du travail depuis le 5 octobre 2020. Elle a dit que non. Elle a également dit n’avoir présenté aucune demande d’emploi.

[44] Je remarque que dans son avis d’appel, la prestataire n’a pas parlé de chercher du travail. Elle a seulement parlé de la difficulté de trouver du travail comme assistante dans un bureau médical ou comme aide-soignante. Bien que les notes de la Commission indiquent que la prestataire a dit qu’elle cherchait du travail, j’accepte son témoignage sous serment comme un fait. Je juge que la prestataire n’a fait aucun effort pour trouver un emploi convenable.

Limitation indue des chances de retourner travailler

[45] La prestataire a fixé des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[46] La prestataire affirme que si elle obtient une lettre disant qu’elle étudie pour être infirmière auxiliaire, elle peut travailler comme aide-soignante. Cependant, elle dit qu’il n’y a pas d’emplois d’aide-soignante dans sa région et qu’elle n’a pas de voiture pour faire ce travail ailleurs.

[47] La prestataire dit avoir de l’expérience comme assistante dans un bureau médical. Elle a dit que 90 % de ces emplois exigent du travail en semaine, la plupart du temps huit heures de 9 h à 17 h. En raison de ses heures de cours, elle a affirmé ne pas pouvoir faire ce travail non plus.

[48] J’ai demandé à la prestataire quand elle était disponible pour travailler (heures et jours). Elle a dit pouvoir seulement travailler les fins de semaine. J’estime qu’il s’agit d’une condition personnelle qu’elle s’est fixée parce qu’elle est aux études. Je considère que cela réduit le bassin d’emplois auxquels elle a accès. Bien que cela soit compréhensible, j’estime que cela pourrait limiter indûment ses chances de retourner au travail.

La prestataire était-elle donc capable de travailler et disponible à cette fin?

[49] Selon mes conclusions relatives aux trois facteurs, je conclus que la prestataire n’a pas démontré qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[50] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. Par conséquent, je conclus qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[51] Cela signifie que l’appel est rejeté sous réserve de modifications. La modification est que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations au titre de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi seulement.

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